Psychiko de Paul Nirvanas

Psychiko de Paul Nirvanas.

Mirobole, janvier 2016, 214 pages, 19,50 €, ISBN 979-10-92145-502. Psychiko Ψυχικό (1928) est traduit du grec par Loïc Marcou.

Genres : littérature grecque, roman policier.

Paul Nirvanas est le pseudonyme de Petros K. Apostolidis (1866-1937), écrivain, journaliste, scénariste et membre de l’Académie d’Athènes.

Années 1910. Psychiko est un quartier d’Athènes, un quartier calme et plutôt bourgeois, mais ce matin d’août, des ouvriers ont trouvé le corps d’une jeune femme en partie dissimulé par des pierres. Comme elle n’a pas été violée, la police pense à un crime passionnel. Les journalistes et les lecteurs sont fascinés par cette première affaire de meurtre dans la capitale grecque ! Mais, plusieurs jours après, la police n’a rien découvert de nouveau et les journaux passent à autre chose. « Une affaire chasse l’autre, monsieur Nikos : celle de Psychiko, c’est déjà du passé ! » (p. 16). Mais Michalis, le groom de l’hôtel Le Paradis, pense que le coupable est Nikos Molochanthis, le client de la chambre 14.

Nikos, jeune homme orphelin, fantasque et généreux, dilapide joyeusement la fortune paternelle, a abandonné ses études de médecine, se nourrit de films policiers et de romans populaires. « Il avait progressivement perdu toute notion de la réalité et vivait plus par le truchement des fictions cinématographiques et par le biais des romans d’épouvante, qui constituaient sa lecture ordinaire, que le monde réel des hommes. » (p. 25). Par ennui, il décide alors de devenir le coupable ! « En voilà une riche idée ! Si on ne découvre pas le vrai coupable, je pourrais fort bien… » (p. 26). Or il n’était même pas à Athènes au moment du meurtre ! Il était en excursion à Chalcis, sur l’île d’Eubée, avec son meilleur ami, Stéphanos. Mais peu importe, Nikos a une imagination débordante, un goût certain pour l’aventure et pour le risque ! Quand il regrettera cette décision folle, il sera trop tard… « La liberté n’était plus qu’un lointain souvenir. » (p. 88-89).

Heureusement, Lina Aréani, une jeune fille de bonne famille, indépendante (et gothique !), a un plan avec ses amies pour disculper Nikos. « Notre but est de faire en sorte, avec les moyens qui sont les nôtres, que Molochanthis soit innocenté et, si cet objectif se révèle irréalisable, de faciliter son évasion. (p. 107). Mais tout n’est pas aussi simple… surtout quand les journalistes font leurs choux gras de cette étonnante affaire. « Si un de mes proches m’avait dit quelle folie j’allais faire, jamais je n’aurais commis cet acte insensé. Le destin m’a joué un sale tour ! » (p. 163). Ou plutôt Nikos s’est mis tout seul, comme un grand, dans de sales draps et, même s’il est devenu célèbre… comment va-t-il s’en sortir maintenant ?

Dans la postface, très instructive, le traducteur, Loïc Marcou, établit une petite histoire du roman policier et explique son arrivée en Grèce. « […] le roman policier est un genre inconnu en Grèce. Dans un pays encore rural et n’ayant pas connu la révolution industrielle, où la criminalité, anémique, se limite surtout au crime d’honneur […]. » (p. 212-213).

Psychiko fut publié en feuilleton dans la presse en 1928 et ce fut une révolution littéraire ! Spécialiste de la philosophie nietzschéenne (« l’art de l’illusion »), l’auteur fait de nombreuses références aux théories du philosophe allemand : surhomme, rêve de reconnaissance, volonté de puissance. Il fait aussi plusieurs clins d’œil à la littérature anglaise : Thomas de Quincey et Oscar Wilde pour qui le crime imaginaire est une œuvre d’Art ! (j’ai appris ça dans le mooc Oscar Wilde). Psychiko est aussi, et surtout, une satire de la société grecque de ce début de XXe siècle, avec déjà la presse à sensation, le public (lectorat) fasciné et un « héroïsme » à tout prix.

C’est le premier roman policier grec ! Un très grand roman tout court, qui aura bientôt 100 ans. Un roman policier atypique puisqu’il n’y a finalement pas de véritable enquête de police, et Nikos Molochanthis est un « drôle » d’anti-héros qui relève sûrement plus de la psychiatrie, ainsi que ses admiratrices… ! Quel immense plaisir de lire ce roman érudit, amusant (mélodramatique), au charme désuet, au propos à la fois ancien (début du XXe siècle) et tellement moderne (100 ans après, rien n’a changé, au contraire, et la télé-réalité existait presque déjà !).

J’ai lu ce roman en juin pour le présenter dans Un mois, un éditeur et j’ai perdu ma note de lecture !!! Je l’ai retrouvée dans un cahier à spirales : normalement j’arrache ma page de brouillon et je la glisse dans le livre pour l’écrire au propre un peu plus tard mais là, je devais rendre le livre à la bibliothèque car il était dans les coups de cœur pour l’été et j’ai oublié mon brouillon… C’est donc avec du retard que je publie cette chronique de lecture mais comme il n’y a pas eu d’éditeur pour juillet et août, je pense que ça va passer, n’est-ce pas Sandrine ?

Je le mets dans les challenges Classiques, Défi Premier roman, Polar et thriller et bien sûr Une année en Grèce et aussi Voisins Voisines (Grèce).

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