La guérilla des animaux de Camille Brunel

La guérilla des animaux de Camille Brunel.

Alma, août 2018, 280 pages, 18 €, ISBN 978-2-36279-285-4.

Genres : littérature française, roman, science-fiction.

Camille Brunel naît en 1986 à Châlons sur Marne (devenue Châlons en Champagne). Il étudie la Littérature comparée à la Sorbonne (2006-2009) puis devient professeur de Lettres modernes en lycée (2009-2016). Il est critique cinéma, journaliste (il écrit pour Usbek & Rica) et écrivain. Il milite pour la cause animale. La guérilla des animaux – que j’ai très envie de lire depuis sa parution – est son premier roman. J’avais lu une de ses nouvelles : Et si Laïka était revenue vivante de son voyage dans l’espace. Son nouveau roman est Les métamorphoses (Alma, août 2020) que j’ai très envie de lire aussi.

Isaac Obermann, un jeune Français, passe la nuit dans la jungle, dans le Parc national de Ranthambore, lorsque des braconniers tuent une tigresse enceinte. Isaac, caché dans un banian, hésite… « Cela dura quatre minutes, puis il perfora le thorax de la chasseuse en un premier coup de feu qui excita les chauves-souris. Le temps que le second chasseur comprenne ce qui venait de se passer, il était touché aussi ; que le troisième comprenne ce qui venait de se passer et saisisse son fusil, son corps s’effondrait sur celui du tigre ; que le plus jeune saisisse son fusil et repère Isaac, ce dernier le tenait en joue et lui ordonnait, en anglais, de s’immobiliser. » (p. 16-17).

De retour à Paris, Isaac développe ses idées sur la cause animale, il est convaincu que les animaux méritent de vivre sans être tués, mais personne ne le comprend (ou tout le monde s’en fiche) alors il part à Ucluelet sur l’île de Vancouver. Là, il rencontre les dauphins, les baleines et les orques. « La rencontre des baleines était un spectacle parfait : le plus beau possible. » (p. 33). Mais la catastrophe de Fukushima a envoyé des milliers de tonnes de déchets et de l’eau radioactive…

Et l’amer constat d’un capitaine de bateau de Sea Shepherd, « Ne répète à personne ce que je vais te dire, mais écoute-le bien : la vie sauvage n’est pas en train de s’éteindre, elle est éteinte. […] Cette vie sauvage constitue désormais l’exception. On ne se bat plus pour la restaurer – pour ça il faudrait des siècles, et des forces telles qu’elles ne sauraient dépendre de notre piètre désir de bipèdes – mais pour en retarder l’extinction. » (p. 39). Quelle tristesse.

Je comprends pourquoi comment Isaac est devenu un activiste ! « […] il ne restera plus que de l’humain. Pas forcément du petit, mais certainement du laid. Du triste. De l’expliqué, du fabriqué. Du plastique, du béton et les propriétés. » (p. 57). « On a trop longtemps considéré que les crimes contre l’humanité ne visaient que les humains, alors que les massacres de loups, de bovins, de baleines, constituent des crimes contre l’humanité aussi […]. » (p. 93). Lors d’une conférence à la Sorbonne, Isaac dit que puisque les humains mangent des animaux morts, ce sont des charognards. « Ce n’était plus très drôle. Le regard des étudiants était devenu aussi opaque que celui des statues de Socrate, Richelieu et Descartes qui ornaient les niches de l’amphithéâtre. » (p. 109). Il ne mâche pas ses mots lors d’une autre conférence à Brasilia : « L’époque dura longtemps où l’on craignait que l’humanité disparaisse. Pour être honnête, j’ai désormais peur que l’humanité ne disparaisse pas, et qu’elle se contente de continuer dans ces conditions-là. » (p. 120). Peut-être qu’il en faut des agitateurs dans son genre pour jeter des pavés dans la mare, pour déstabiliser les pensées, adulés par certains, décriés par d’autres, mais sans qui les idées n’avancent pas (comme les droits et l’égalité des animaux).

Après Brasilia, Isaac continue de voyager, avec Yumiko Ivanovitch, la prof qui l’avait invité. Vietnam, Chine, Kirghizistan, Hongrie, Sibérie, Afrique, ils vont partout où les animaux ont besoin d’être défendus, libérés, et n’hésitent pas à mettre le feu et à tuer des humains (collectionneurs, chasseurs, braconniers…). Ils vont mener la guérilla des animaux. « On libérait tout ce qui bougeait. On tuait les chasseurs, parfois la tête dans le piège à loups, gare aux éclaboussures. » (p. 175).

Le lecteur est emporté dans un maelstrom de violence mais pour la bonne cause selon Yumiko et Isaac, devenus des Bonnie & Clide de la cause animale mais c’est sûrement trop tard. « Il n’y a plus d’éléphants, Isaac. » (p. 195). Parfois la parole est donnée aux animaux, une baleine, un éléphant, et ces passages sont très émouvants.

Si l’histoire d’Isaac débute à notre époque, elle continue dans le futur (8 milliards d’habitants sur Terre puis 9 milliards, séisme qui détruit le barrage des Trois-Gorges en Chine, épidémie d’Ebola qui décime 8 millions de personnes depuis 2020, disparition de la banquise, guerre de l’eau entre autres). « […] dans une situation aussi sombre que la nôtre, il faut des extrémistes pour reprendre espoir. » (Timmy, la nouvelle génération, vers 2045, p. 257).

Un premier roman, énorme, militant, activiste même, qui secoue bien le cocotier (attention de ne pas vous prendre une noix de coco sur la tronche !), d’une logique implacable et d’une grande violence. En le lisant, j’ai parfois pensé à Les liens du sang d’Errol Henrot et à À la ligne de Joseph Ponthus (deux romans sur le monde des abattoirs et de l’industrie agro-alimentaire), et même à Cadavre exquis d’Agustina Bazterrica, et bien sûr à Ivoire de Niels Labuzan et à Éloquence de la sardine de Bill François.

Est-ce qu’un jour une « Déclaration Universelle des Droits de l’Animal » (p. 200) existera ? Est-ce que les abattoirs et les laboratoires utilisant des animaux seront fermés ? Est-ce que des Casques Bleus iront de part le monde empêcher que des animaux soient tués ? En tout cas, un jour il faudra peut-être choisir son camp…

Pour les challenges Animaux du monde #3, Challenge du confinement (case SF) et Littérature de l’imaginaire #8. Et n’oubliez pas de visiter Mon avent littéraire 2020 pour le jour n° 18.

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