Erectus de Xavier Müller

Erectus de Xavier Müller.

XO, novembre 2018, 440 pages, 19,90 €, ISBN 978-2-84563-617-0.

Genres : littérature française, thriller, science-fiction.

Xavier Müller naît le 3 octobre 1973 en France. Il est Docteur en Physique, journaliste scientifique et romancier. Il me semblait bien que cet auteur me disait quelque chose ! J’ai lu il y a bientôt 10 ans son premier roman, Dans la peau d’un autre, un thriller à la fois scientifique et science-fiction (comme Erectus).

Province de Mpumalanga, Afrique du Sud, 13 juin. Petrus-Jacobus Willems, le gardien, et sa chienne boerbel Chaka entendent l’alarme. Les scientifiques fuient et il est chargé de fermer le laboratoire. « Contentez-vous de tout fermer et barrez-vous. » (p. 14). Mais, avant de partir, le gardien vole un singe capucin et un chimpanzé mord Chaka…

Pretoria, Afrique du Sud, 10 juillet. La virologue Cathy Crabbe et son assistant, Mike Jones, analysent des cellules d’éléphanteau du Wildlife Center du Parc Kruger. L’éléphanteau est-il malade, serait-ce « une variante du virus Ebola » (p. 27) ? En tout cas l’agent pathogène provoque des métamorphoses, non seulement sur l’éléphanteau mais aussi sur Kanzi, un gibbon du laboratoire. Cathy rédige donc une déclaration de maladie inédite et donne le nom de virus Kruger.

Que je déteste les tests sur les animaux ! Ils mènent à la catastrophe… Mais j’ai bien aimé comprendre tout ce qui se met en place dans un tel cas de contamination, tout ce qui se déclenche jusqu’à l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et surtout le choix des membres d’une équipe restreinte, les risques encourus comme « le risque de contamination, le risque écologique, le risque sanitaire » (p. 91).

Faut-il accepter la « règle implicitement admise : la loi de Dollo. En substance cette loi pose que l’évolution est un phénomène à sens unique. Une flèche pointée vers le futur. Pour vous donner un exemple concret, les serpents ne récupéreront jamais les pattes de leurs ancêtres lézards. Ou bien ce serait au prix de millions d’années d’adaptation à un nouvel environnement… L’idée d’une possible régression des espèces serait… comment vous dire… » (Nicolas Barenski, directeur du Museum d’histoire naturelle de Paris, p. 40) ou penser que l’éléphanteau et le gibbon aient pu être transformés par un virus « en un genre de cousin[s] de [leur] version ancestrale. » (p. 39).

En tout cas, s’il y a une scientifique qui défend la théorie de la régression, de l’évolution à contre-sens, c’est la Française Anna Meunier, trentenaire, paléontologue marginalisée par ses confrères et pourtant « Brillante, maligne, réalise. » (p. 41). Mais elle travaille sur des fouilles à Kaimana en Nouvelle-Guinée. Anna abandonne le fossile complet de l’archéoptéryx qu’elle vient de découvrir avec ses étudiants pour suivre Lucas Carvalho, biologiste de l’OMS, en Afrique du Sud.

Le responsable du Wildlife Center du Parc Kruger, Dany Abiker, présente l’éléphanteau, surnommé Quatre-Défenses par son petit-fils, Kyle, aux deux scientifiques. L’éléphanteau est devenu un gomphotherium (un de ses lointains ancêtres). Dany Abiker a construit un enclos dans lequel vivent une girafe et son girafon devenus des giraffokeryx qui « vivaient il y a trente millions d’années » (p. 76), quatre gomphotheriums adultes et un dinohippus, l’ancêtre du zèbre. « […] le virus qui avait contaminé ces animaux provoquait bien une régression évolutive semblable à celle subie par son dinosaure à plumes en Nouvelle-Guinée. Cela expliquait l’anomalie chronologique. Restait à prouver la récurrence du phénomène. Le virus avait frappé dix millions d’années auparavant et aujourd’hui. À deux reprises, donc. Au moins deux… » (p. 77). Mais « il y a un détail qui cloche. […] Le zèbre a régressé de vingt-cinq millions d’années, environ. Le gomphotherium aussi. Mon fossile de dix et les fleurs d’acacia de cent trente ! […] ces bonds paraissent aléatoires. Cela peut frapper une large palette d’espèces sur un delta de plusieurs millions d’années. […] Nous devons stopper ce virus avant qu’il n’infecte la planète. » (p. 83).

Quant aux moqueries de certains collègues scientifiques sur le « virus des cavernes » (p. 34), je me demandais s’il y avait des cavernes au Parc Kruger, eh bien la réponse est simple : « Nulle part vous ne trouverez de cavité souterraine dans la région. » (Dany Abiker, p. 113). Il faut croire que certains scientifiques malgré leur intelligence scientifique sont stupides…

Je précise que ce roman est paru en novembre 2018 soit deux ans et un trimestre avant la pandémie du coronavirus mais ce virus Kruger (de fiction ?) qui se transmet, non seulement aux animaux et aux végétaux mais aussi aux humains, nous questionne sur d’autres virus comme le sida, Ebola, la grippe aviaire et bien sûr les coronavirus découverts plus récemment. « Nous ignorons tout ou presque des mécanismes biologiques de la régression. Nous présumons juste qu’elle est causée par le réveil de gènes silencieux qui peuplent notre génome. » (p. 172).

Les personnages oscillent entre leur vie professionnelle intense (et indispensable pour l’humanité) et leur vie privée. Par exemple, Anna Meunier a un amoureux, Yann Lebel, chercheur océanographique qui va d’ailleurs se retrouver face à un pakicetus, l’ancêtre de la baleine, et Stephen Gordon, le patron de Lucas Carvalho à Genève, s’occupe de Lauryn, sa fille devenue mutique depuis que sa maman est morte. Cela les fait paraître plus humains, plus proches du lecteur.

J’ai dévoré ce roman, en deux fois, et j’ai pris moins de notes la deuxième fois mais j’ai tout de même noté deux extraits. Le premier au sujet du laboratoire Futurabio qui crée des produits à partir de la Nature donc sensés être bons et sains (et bio en plus). « […] deux hypothèses. La première partait du postulat que Futurabio avait découvert le virus dans le parc Kruger et construit un labo pour l’étudier en 2011. Leur erreur aurait alors été d’embaucher comme agent de sécurité un trafiquant d’animaux sauvages qui avait exporté le virus. La seconde hypothèse supposait que Futurabio était la source même du problème. Ses chercheurs auraient créé le Kruger, ou modifié un virus préexistant, et, intentionnellement ou non, l’auraient laissé s’échapper dans la nature. Dans les deux scénarios, leur responsabilité était engagée […]. » (p. 228-229).

Le deuxième concerne la gestion russe du virus après qu’il ait contaminé des humains. « Donc l’humanité s’apprête à vivre terrée à l’intérieur de ses frontières pendant les mois à venir, l’économie est en train de s’effondrer, et tout ce que propose l’OMS, si je vous suis bien, c’est : ‘Il nous faut plus de lits pour accueillir les malades infectés !’ Et ensuite monsieur Gordon, que ferez-vous de ces… erectus ? » (Andreï Akoulov, responsable russe au siège de l’OMS à New York, p. 266).

Je ne suis pas surprise de voir que tout est plausible, tout est possible, et que le monde est en train de vivre ça depuis un peu plus d’un an avec un autre virus et, que la contamination soit « naturelle » ou créée par des scientifiques, qu’elle apparaisse sur un continent ou sur un autre, elle a vite fait le tour du monde pour devenir une pandémie. L’auteur met dans ce roman de la science (pour nous faire réfléchir) et de la fiction (pour nous divertir) et livre un très bon roman cauchemardesque. On sait tous maintenant qu’un virus dans la vraie vie peut être lui aussi cauchemardesque mais laissez-vous quand même tenter par Erectus !

Il existe un mini-site consacré à Erectus et un deuxième tome, Erectus – L’armée de Darwin, paru en février 2021, que je veux lire absolument.

Pour les challenges À la découverte de l’Afrique, Animaux du monde #3, Challenge lecture 2021 (catégorie 39, un livre dont le titre est dans une langue étrangère, Erectus étant du latin), Littérature de l’imaginaire #9, Petit Bac 2021 (catégorie Être humain avec Erectus pour Homo Erectus), Polar et thriller 2020-2021 et Printemps de l’Imaginaire Francophone (un auteur à découvrir absolument avec Dans la peau d’un autre ou avec Erectus).

27 réflexions sur “Erectus de Xavier Müller

  1. J’ai lu ce roman pendant le premier confinement ce qui a rajouté une dimension psychologique encore plus exacerbée pour ma part.
    J’ai beaucoup aimé cette lecture malgré un final assez prévisible. J’ai vu qu’une suite était sortie mais je ne suis vraiment pas certain qu’elle soit nécessaire.

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    • Ah, j’ai déjà lu cette autrice mais pas son dernier roman, de quoi parle-t-il exactement ? Ah, je l’ai trouvé sur ton blog, L’enfant de la prochaine aurore, effectivement je l’ai vu passer, je le lirai peut-être 🙂

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        • J’ai vu le résumé et quelques avis (partagés), je le lirai si je le vois à la bibliothèque. C’est vrai que j’ai adoré La servante écarlate mais je n’ai pas encore lu Les testaments (il est très demandé à la bibliothèque, j’attends mon tour).

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