Haïkus des quatre saisons avec des estampes de Hokusai

Haïkus des quatre saisons avec des estampes de Hokusai.

Seuil, octobre 2010, 128 pages, 19,90 €, ISBN 978-2-02102-293-3. Haïkus traduits du japonais par Roger Munier.

Genres : littérature japonaise, poésie, classique.

Différents auteurs très connus comme Bashô, Buson, Issa, Shiki (plusieurs haïkus de chacun) et moins connus comme Chiyo-ni, Chora, Gonsui, Hashin, Kikaku, Kitô, Koyû-ni, Kubonta, Moritake, Onitsura, Saikaku, Senkaku, Shara, Taigi, Yayû, Yûsui (un ou deux haïkus de chacun).

Que dire sur ce recueil de poésie en dehors du fait que, bien sûr, il est magnifique tant au niveau des haïkus qu’au niveau des estampes. Je vais donc parler un peu du haïku et des haijin, des estampes et de Hokusai puis donner mes quatre haïkus préférés (un par saison). Hier, j’ai publié une photo qui montre un extrait de ce recueil.

Le haïku. Le haïku 俳句 est un poème japonais court se composant obligatoirement de : 1. 17 mores (syllabes pour les Occidentaux) disposées d’une certaine façon (5/7/5), 2. un kigo (un mot de saison) et 3. un kireji (une césure). Le haïku est très codifié et s’il ne comporte pas de saison ou pas de césure, ce n’est pas un haïku, c’est un muki. Ou un senryu qui parle des faiblesses humaines de façon cynique (*). Le mot haïku est créé en 1891 par Masaoka Shiki (qui fait partie des auteurs de ce recueil). Car au XVIe siècle, les Japonais utilisaient haïkaï-renga ou renga (au moins deux strophes). Et le mot hokku désigne la première strophe d’un renga. Shiki a donc contracté haïkaï et hokku pour créer haïku. Pour conclure, le haïku parle de ce qu’a vu ou ressenti son auteur durant une saison (par exemple des cerisiers en fleurs symbolisent le printemps). (*) J’ai rencontré des gens qui disent écrire des haïkus mais qui n’y parlent que de leurs problèmes personnels et existentiels, ils ont bien du mal à comprendre que ce ne sont pas des haïkus… Ces gens regardant uniquement en eux et n’observant pas du tout la Nature et les saisons !

Les haijin. Les auteurs de haïkus sont des haijin 俳人 (ou haïkistes pour les Occidentaux). Les premiers haijin vivaient au XVIe siècle : Sôkan Yamazaki (1465-1553) dit Sôkan n’est pas présent dans ce recueil mais Arakida Moritake (1473-1549) dit Moritake y est. Les haijin les plus connus sont Bashô Matsuo (1644-1694) dit Bashô, Buson Yosa (1716-1783) dit Buson dont j’ai déjà publié 66 haiku, Issa Kobayashi (1763-1828) dit Issa et Masaoka Shiki (1867-1902) dit Shiki qui représentent les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles apportant chacun des évolutions. Quatre siècles sont donc représentés dans ce recueil. À noter que le célèbre romancier et nouvelliste Natsume Sôseki (1867-1916) dit Sôseki a écrit des haïkus après sa rencontre avec Masaoka Shiki en 1887.

Les estampes japonaises. L’ukiyo-e (浮世絵) signifiant « image du monde flottant » est une technique artistique japonaise de peinture (e) gravée sur bois créée à l’époque d’Edo (1603-1868). Sont représentés des paysages naturels (incluant les animaux) et des lieux célèbres mais aussi des personnes réelles comme des acteurs du théâtre kabuki, des lutteurs de sumô… et des femmes, des femmes belles (bijin), des courtisanes (oiran), parfois dans des scènes érotiques (« maisons vertes », Yoshiwara le quartier des plaisirs…), et aussi des créatures fantastiques comme les yôkai (fantôme, esprit, démon). Les ukiyo-e peuvent aussi être des illustrations de calendrier (egoyomi) et de cartes de vœux privées luxueuses (surimono).

Hokusai. Parmi les artistes d’estampes japonaises les plus célèbres, il y a Kitagawa Utamaro (c. 1753-1806) dit Utamaro, spécialiste des portraits (okubi-e qui signifie « image de grosse tête »), Utagawa Hiroshige (1797-1858) dit Hiroshige, spécialiste des estampes de la ville d’Edo et du Mont Fuji et Katsushika Hokusai (1760-1849) dit Hokusai et surnommé le « Vieux fou de dessin » spécialement connu pour ses vues du Mont Fuji et pour sa Grande vague de Kanagawa. Mais les estampes de ce recueil ne se limitent pas au Fuji et à la vague, elles montrent des paysages (des arbres, des fleurs, des points d’eau, des montagnes…), des animaux, des personnages (à l’intérieur ou à l’extérieur) et même des objets. Né à Edo (l’ancien nom de Tôkyô), Hokusai a vécu pratiquement toute sa vie à Asakusa (quartier que j’aime beaucoup) mais il a voyagé en particulier à Kyôto et a eu une carrière de 70 ans (durant laquelle il a régulièrement changé de nom d’artiste). Ses œuvres sont visibles dans deux musées : le Hokusai-kan à Obuse dans la préfecture de Nagano (depuis 1976) et le Sumida Hokusai Bijutsukan (Musée Sumida Hokusai) à Tôkyô (depuis 2016). À noter que sa fille cadette, Katsushika Ôi (c. 1800–c. 1866), est devenue peintre et est connue grâce à une série de manga Sarusuberi de Hinako Sugiura (3 tomes, 1983-1987) et un très beau film d’animation Sarusuberi Miss Hokusai réalisé par Keiichi Hara (2015).

Voilà, j’espère que ce billet vous a plu, vous a donné envie de lire ces haïkus et, avant de vous donner mes quatre haïkus préférés (un par saison donc, mais ils peuvent changer au gré de mes relectures et de mon humeur), je voulais vous dire que les Japonais sont fiers d’avoir quatre saisons et ont du mal à croire qu’en Europe aussi il y a quatre saisons (peut-être qu’au Japon, les saisons sont plus « marquées » qu’ici).

Printemps : Rien d’autre aujourd’hui / que d’aller dans le printemps / rien de plus (Buson).

Été : Montagnes au loin / où la chaleur du jour / s’en est allée (Onitsura).

Automne : De temps à autre / les nuages accordent une pause / à ceux qui contemplent la lune (Bashô).

Hiver : Les chiens poliment / laissent passage / dans le sentier de neige (Issa).

Pour le Mois au Japon et 2021, cette année sera classique, Challenge lecture 2021 (catégorie 55, un recueil de poèmes), Hanami Book Challenge pour le menu 1, Au temps des traditions, pour le sous-menu 4, fête traditionnelle, nature, écologie (chaque changement de saison est une fête au Japon et aussi bien les haïkus que les estampes font ici honneur à la Nature), Petit Bac 2021 (catégorie Météo, les saisons étant acceptées).

21 réflexions sur “Haïkus des quatre saisons avec des estampes de Hokusai

  1. Voilà un recueil que j’adorerais feuilleter et lire. L’extrait que tu montres renforce mon envie. J’ai découvert les haïkus de Bashô tout récemment dans le film d’animation « Mes voisins les Yamada » d’Isao Takahata. Merci pour ta belle présentation. 🙂

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  2. Je ne suis pas une grande lectrice de haïkus, mais cela viendra j’en suis sûre, à force de m’imprégner de la culture et de l’état d’esprit japonais, si tant est que cela soit vraiment possible pour une occidentale comme moi. On m’a d’ailleurs offert un livre sous forme de haïkus, j’espère ne pas l’avoir oublié dans mes valises comme je suis partie rapidement au début du mois au Japon.

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    • J’espère que tu retrouveras ce livre (mais, tu es allée au Japon en début de mois, malgré la pandémie ?) et que les haïkus te plairont 🙂 Les haïkus me font rêver surtout lorsqu’ils sont illustrés, c’est pour moi une pure forme de poésie 🙂

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  3. J’ai fait un atelier Haiku et j’ai trouvé ça difficile. Je m’étais acheté un livre et je pourrais peut-être en parler si je le finis… En revanche, ton livre a l’air magnifique avec des poèmes et des estampes… 🙂

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    • Eh bien, il y a des règles à respecter donc, oui, ça peut paraître difficile, surtout lorsqu’on écrit chez soi, je veux dire à l’intérieur, car les haijins sortent et observent puis rédigent la poésie 😉

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  4. Magnifique! Je trouve aux haïkus un air de mélancolie qui me plaît beaucoup ❤

    Je dois recevoir un album avec des haïkus de Bashô – comme j'ai hâte!

    PS: tu m'as noté en commentaire que c'était ta 26e participation, mais je n'en ai relevé "que" 25 – gloups- peux-tu me dire celle que j'ai ratée? Merci!

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    • Merci Blandine, je comprends cette mélancolie, en partie parce que ces haïkus ont tous été écrits entre le XVe et le XVIIIe siècles, plus le dépaysement… J’espère que les haïkus de Bashô te plairont, mais il n’y a pas de raison, je suis sûre qu’ils te plairont, bonnes lectures 🙂
      Attends, pour le nombre de billets, je vais vérifier, effectivement, il manque le n° 24, voici les « vrais » liens :
      24. Aux jeunes gens de Piotr Kropotkine (1881, Russie)

      Aux jeunes gens de Piotr Kropotkine


      25. La remontrance du tigre – Histoires excentriques du Pavillon du Jade de Park Ji-won (Decrescenzo, 2017, Corée, nouvelles du XVIIIe siècle)

      La remontrance du tigre de Park Ji-won


      26. Haïkus des quatre saisons avec des estampes de Hokusai (Seuil, 2010, Japon)

      Haïkus des quatre saisons avec des estampes de Hokusai


      C’est peut-être un oubli de ma part, désolée 🙂

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