Notes sur le chagrin de Chimamanda Ngozi Adichie

Notes sur le chagrin de Chimamanda Ngozi Adichie.

Gallimard, collection Hors-série littérature, septembre 2021, 112 pages, 9,90 €, ISBN 978-2-07294-392-8. Notes on Grief (2021) est traduit de l’anglais (Nigeria) par Mona de Pracontal.

Genres : littérature nigériane, témoignage.

Chimamanda Ngozi Adichie naît le 15 septembre 1977 à Enugu (sud-est du Nigeria) mais elle grandit à Nsukka où son père est professeur de statistiques à l’université. Elle étudie la pharmacologie au Nigeria puis part, à 19 ans, étudier la communication et les sciences politiques à l’université Drexel de Philadelphie (Pennsylvanie, États-Unis) puis à l’Eastern Connecticut State University afin de se rapprocher de sa sœur qui exerçe la médecine (Mansfield, Connecticut). Elle commence à écrire de la poésie, du théâtre, des nouvelles puis des romans et reçoit plusieurs prix littéraires. Ses romans sont Purple Hibiscus (2003), Half of a Yellow Sun (2006) et Americanah (2013). Plus d’infos sur son site officiel.

« In memoriam James Nwoye Adichie 1932-2020 » (p. 9).

2020, confinement dans le monde. La famille Adachie garde le contact grâce aux réunions Zoom sur les téléphones. Les parents se connectent « avec parfois de la friture et de l’écho, depuis Aba, la ville d’origine ancestrale de notre famille, dans le sud-est du Nigeria » (p. 11), deux des enfants se connectent depuis Lagos et trois autres depuis les États-Unis. 7 juin, la famille est réunie par Zoom, le père est fatigué mais il est en bonne santé. 10 juin, le père est mort à l’âge de 88 ans.

L’autrice, 42 ans, mère d’une fillette de 4 ans, vit aux États-Unis et elle est en état de choc. « Le chagrin est un enseignement cruel. On apprend combien le processus du deuil peut être brutal, combien il peut être lourd de colère. » (p. 15). Elle raconte la souffrance vécue dans son cœur et dans son corps, les sensations désagréables. « Ma colère m’effraie, ma peur m’effraie, et quelque part là-dedans il y a de la honte, aussi – pourquoi tant de rage et de frayeur en moi ? » (p. 22), c’est qu’elle ne supporte pas les messages de condoléances qui ne le réconfortent pas du tout. Il y a aussi la culpabilité de n’avoir pas été présente, d’être à l’autre bout du monde et de ne pouvoir se rendre au Nigeria car tous les aéroports sont fermés. Et pourtant parfois, avec son frère Okey resté au pays, elle rit « mais le rire est comme une braise qui ne tarde pas à flamber de douleur. » (p. 39).

Qu’est-ce que le chagrin, comment en parler… « Le chagrin n’est pas vaporeux ; il a du corps, il est oppressant, c’est chose opaque. » (p. 41). Et les souvenirs qui affluent, intenses, tendres, drôles, douloureux… Nigérian de l’ethnie igbo, le père, James donc, était le premier professeur universitaire de statistiques du pays, il était intelligent mais simple, il n’était pas cupide, pas matérialiste, il était ouvert d’esprit et avait le sens du devoir, « il négociait, transigeait, prenait des décisions, posait des règles, maintenait l’unité de la famille. » (p. 64-65). C’était assurément un homme bien et intègre et la façon dont Chimamanda Ngozi Adichie en parle me touche. Malheureusement, à cause du covid, son corps est placé en chambre mortuaire et les obsèques sont sans cesse repoussées…

Une paragraphe qui m’interpelle. « Cet homme n’est pas un bon professeur, a-t-il dit, pas parce qu’il ne savait pas résoudre le problème, mais parce qu’il n’a pas dit qu’il ne savait pas. Est-ce pour cela que je suis devenue quelqu’un qui a assez confiance en soi pour dire ‘je ne sais pas’ quand je ne sais pas ? Mon père m’a appris qu’on n’a jamais fini d’apprendre. » (p. 52). Sur cette dernière phrase, je suis totalement d’accord mais pour ce qui est dit avant, je me demande bien, moi qui ne me sens pas confiante pourquoi je sais dire ‘je ne sais pas’.

C’est la première fois que le lisais cette autrice nigériane-américaine mais dont j’avais déjà entendu parler. Notes sur le chagrin est une lecture à la fois belle et éprouvante parce qu’elle émeut profondément et met le lecteur face à la mort d’un proche sur fond de pandémie. Et comme tout le monde a vécu cette pandémie, tout le monde est concerné même ceux qui n’ont pas perdu directement un être aimé. L’amour de Chimamanda Ngozi Adichie pour son père, les souvenirs et la rage d’être si loin à ce moment précis sont bouleversants. Elle fait aimer ce père, cet homme, ce professeur que le lecteur ne connaît pas mais qu’il gardera assurément dans un coin de sa mémoire.

Je lirai d’autres titres de Chimamanda Ngozi Adichie. En avez-vous un à me conseiller ?

Pour À la découverte de l’Afrique, Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 28, un témoignage ou une autobiographie, 3e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 30, un livre dont le titre comporte un sentiment) et Tour du monde en 80 livres (Nigeria).

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8 réflexions sur “Notes sur le chagrin de Chimamanda Ngozi Adichie

  1. nathaliesci dit :

    Je n’ai encore rien lu de cette autrice. Je note, je ne pense pas avoir grand-chose dans ma pal en littérature nigériane !

    J’aime

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