Boys Run The Riot 2 de Keito Gaku

Boys Run The Riot 2 de Keito Gaku.

Akata, collection Medium, mai 2022, 224 pages, 8,05 €, ISBN 978-2-38212-263-3. Boys Run the Riot Vol. 2 ボーイズ・ラン・ザ・ライオット (2020) est traduit du japonais par Blanche Delaborde.

Genres : manga, seinen.

Keito Gaku 学慶人 est un mangaka transgenre. Boys Run The Riot est sa première série manga et aucune autre info n’est disponible sur internet. Cependant, il peut être suivi sur son Instagram et son Twitter.

Quel plaisir de retrouver Ryo, Sato et Itsuka (voir Boys Run The Riot 1 de Keito Gaku). Par contre leur premier tee-shirt ne s’est pour l’instant vendu qu’en trois exemplaires… Pour créer un deuxième design et une deuxième série de tee-shirt, ils décident chacun de trouver un petit boulot.

Ryo trouve un poste dans un restaurant et fait la connaissance de Mizuki Momose (qu’on peut voir sur la couverture à ses côtés) et qui, selon Ryo, « est carrément insupportable » mais qui est étudiante en art et qui l’accepte tel qu’il est. Il y a aussi Shimada, fan de moto, et Koike, leurs collègues, euh… un peu lourds…

Un jour, Sato emmène Ryo et Itsuka chez Tsubasa, youtubeur surnommé Wing (un million d’abonnés, passage à la télévision) qui va devenir leur premier collaborateur extérieur. Et Ryo va de surprise en surprise ! « Comment tu veux que les autres te comprennent si tu te caches ? ».

D’ailleurs, choc à la fin du tome, mais deux pages pour annoncer le tome 3 et un bonus de 4 pages avec des explications sur le genre et la traduction ; hâte de lire le tome 3 !

Un plaisir cette série tant au niveau des dessins que des dialogues et de l’humour. Une série à mettre entre toutes les mains (ados, adultes) !

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Noukette) et les challenges BD 2023 et Jeunesse & young adult #12.

Une suite d’événements de Mikhaïl Chevelev

Une suite d’événements de Mikhaïl Chevelev.

Gallimard, collection Du monde entier, janvier 2021, 176 pages, 18 €, ISBN 978-2-07017-848-3. Posledovatel’ nost sobytï (2015) est traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs.

Genres : littérature russe, premier roman.

Mikhaïl Chevelev naît en 1959 en Russie (alors Union Soviétique). Il étudie à l’Institut des langues étrangères de Moscou et devient traducteur et interprète puis il devient reporter et participe (auteur et éditeur) au magazine satirique Samizdat. Il est maintenant journaliste indépendant et romancier. Après avoir lu son 2e roman, Le numéro un, je ne pouvais que me tourner vers cette Suite d’événements.

Pavel et Tania s’apprêtent à écouter les informations au journal de vingt heures. « ‘… des inconnus… L’église de l’Épiphanie de Nikolskoe, un village de la région de Moscou… les otage… il y a des enfants… n’ont pas énoncé leurs exigences… Ils veulent des pourparlers avec des intermédiaires…’ Seigneur Dieu… ça fait huit ans que rien de tel ne s’était produit… depuis Beslan… Et puis j’entends mon nom. Et un autre nom qui m’est familier. » (p. 12).

1996. Une délégation de journalistes du journal Courrier de Moscou et de l’émission télévisée Regard est envoyée en Tchétchénie pour la fin de la guerre. Tout se passe à peu près bien et des prisonniers russes peuvent même rentrer avec eux, Sergueï et deux Oleg, Vadim étant gardé un peu plus longtemps. « Dix-sept postes de contrôle plus tard et autant de bouteilles de vodka achetées dans les petits bazars installés au bord des routes pour payer notre passage, nous arrivons le soir à Makhatchkala » (p. 34).

2015. Vadim et son groupe ont pris en otage plus de cent personnes dans l’église du village de Nikolskoe et il ne veut parler qu’à Evgueni Stepine et Pavel Volodine. Évidemment les deux journalistes sont recherchés par l’armée. Est-ce qu’ils connaissent Vadim Pétrocitch Sereguine ? Bien sûr, c’est eux qui l’ont fait libérer en 1996 mais ils ne l’ont pas revu depuis une quinzaine d’années…

En fait Vadim a trahi la Russie, il s’est converti à l’islam et il est du côté des Tchétchènes. C’est sans espoir, il n’hésitera pas à faire tout sauter et à tuer les cent adultes et les douze enfants prisonniers dans l’église. « Tu as perdu la boule, Vadim » (p. 81). Mais la revendication de Vadim et de son groupe est simple. « Nous exigeons que le président de la Fédération de Russie passe à la télévision et demande pardon pour les deux guerres : la guerre en Tchétchénie et la guerre en Ukraine. Après ça, tous les otages seront libérés. Sinon ils seront tués. – Mais tu comprends bien qu’il n’ira jamais prononcé une telle phrase à la télé ? » (p. 95). Je rappelle que la guerre en Ukraine (Crimée et Donbass) a démarré en février 2014 et, au-delà de la Crimée et du Donbass en février 2022.

J’ai bien aimé les traits d’humour et les dialogues sans détour. « Avec vous autres, c’est toujours pareil, je ne savais rien, je n’ai rien vu et d’ailleurs j’étais contre… Et résultat, le cimetière est plein… » (p. 148). Mikhaïl Chevelev est journaliste, dissident, et il a écrit dans ce premier roman ce qu’il ne pouvait pas écrire dans ses papiers (on ne dit plus article, on dit papier). La nouvelles Russie est-elle vraiment une démocratie ? La liberté d’expression existe-t-elle ou la censure est-elle toujours omniprésente ? Quid des guerres et des milliers (millions ?) de morts depuis le début du XXIe siècle ? Les deux guerres mondiales du XXe siècle et la faillite du communisme n’ont-elles pas servi de leçons ? Pourquoi toujours tant de violences, de corruptions et d’horreurs ? Qui est responsable, le pouvoir en place et ses sbires, ceux qui ont élu ce pouvoir, ceux qui ne disent rien et qui laissent faire, ceux qui s’en lavent les mains et s’enrichissent ? Et qu’est-ce qui pousse au terrorisme ?

Le roman est construit avec un compte à rebours de la prise d’otages, les rencontres entre Pavel et Vadim, et des flashbacks mettant en scène l’un ou l’autre des deux hommes ou les deux puisqu’ils se sont déjà rencontrés par le passé. Il y a une espèce d’imbrication, les deux hommes sont liés qu’ils le veulent ou non, et l’auteur montre sûrement que les Russes et leurs anciens voisins soviétiques sont également liés… même si parfois c’est de façon radicale.

Dans la postface, Ludmila Oulitskaïa, autrice russe, parle « du terrorisme individuel et du terrorisme d’État au XXIe siècle » (p. 167) et questionne les lecteurs : où se trouve la justice ? « le mal engendre le mal » (p. 168), c’est une escalade, ne sommes-nous pas tous responsables ?

Elle l’a lu : Alex de Mot-à-mots, d’autres ?

Une lecture pour le Mois Europe de l’Est que je mets aussi dans ABC illimité (lettre U pour titre), Challenge lecture 2023 (catégorie 28, un livre sans happy end, 2e billet), Polar et thriller 2022-2023 et Mois du polar (parce que c’est un roman plutôt suspense et thriller même s’il n’y a pas d’enquête policière), Tour du monde en 80 livres (Russie) et Voisins Voisines 2023 (Russie).

Les exportés de Sonia Devillers

Les exportés de Sonia Devillers.

Flammarion, août 2022, 280 pages, 19 €, ISBN 978-2-0802-8320-7.

Genres : littérature franco-roumaine, essai, Histoire.

Sonia Devillers naît le 31 janvier 1975 aux Lilas en Seine Saint Denis. Son père est l’architecte urbaniste Christian Devillers, sa mère Roumaine (exportée en France avec ses parents, sa sœur et sa grand-mère) est aussi architecte. Elle étudie les Lettres puis la philosophie à la Sorbonne et devient journaliste (au journal Le Figaro et à la radio principalement à France Inter).

Voici comment débute le récit : « Ils n’ont pas fui, on les a laissés partir. » (p. 9). Harry et Gabriela Deleanu, leurs deux filles et une grand-mère ont quitté leur pays, la Roumanie, et sont arrivés à Paris le 19 décembre 1961 (2300 km de trajet) alors que « De ce pays en pleine guerre froide, nul ne pouvait sortir. Les habitants étaient retenus prisonniers. » (p. 9). Alors comment cette famille a-t-elle pu sortir ? C’est ce que raconte l’autrice parce que les Deleanu étaient ses grands-parents maternels et qu’une de leurs filles était sa mère (14 ans en 1961) et l’autre sa tante (16 ans en 1961).

L’autrice raconte sa grand-mère, « l’âge d’or des années 30 à Bucarest , [… sa] jeunesse étincelante […] sa famille remarquable, sa ville pimpante, Bucarest dite le ‘petit Paris des Balkans’ dans l’entre-deux-guerres. » (p. 23-24), l’antisémitisme politique et la diabolisation du juif, la montée du fascisme à la fin des années 1930, la Seconde guerre mondiale au côté de l’Allemagne, purification ethnique, retournement opportuniste… « La Roumanie fut le premier bras armé des nazis, à l’Est, et leur alliée la plus zélée. » (p. 53). Et puis, le silence de tous les côtés, les non-dits, le « si on n’en parle pas, c’est que ça n’existe pas. » (p. 64) et « Du passé faisons table rase. […] plus de nom juif, plus de juif. Et inversement. » (p. 72).

Dans ce récit, qui je le redis n’est pas un roman, mais un récit familial et historique, il y a des choses terribles et choquantes (l’arrachement, l’exil, la souffrance…) même pour ceux qui ont déjà lu des récits sur la Seconde guerre mondiale, sur la Shoah, entre autres. Des informations inédites aussi. Je ne savais pas pour Eugène Ionesco (dont j’aime le théâtre), pour Emil Cioran (dont j’ai lu par le passé quelques textes que j’ai appréciés) et pour Mircea Eliade… Après la guerre, c’est pire, communisation et soviétisation, nouvelle classe dirigeante et nouvelle élite, parti tout puissant et propagande, et aussi « La nation enterrait son passé antisémite, les juifs enterraient leurs souffrances. L’un n’allait pas sans l’autre. » (p. 85).

Après la guerre, et après la création de l’État d’Israël (qui s’était tourné vers les États-Unis et non l’Union Soviétique), Staline ne voulant pas être accusé d’antisémitisme créa le cosmopolitisme, « cosmopolites sans racine […] intellectuels juifs dits ‘apatrides’, des juifs ‘errants’, sans attaches, donc perpétuellement soupçonnés d’ ‘antipatriotisme’ ou de ‘traîtrise à la patrie’ » (p. 106), c’est bizarre, malgré tout ce que j’ai déjà lu et tous les documentaires que j’ai vus, je n’avais jamais entendu parler de ça ou alors le terme ‘cosmopolitisme’ était abordé avec un autre mot. Je n’avais également jamais entendu parler de Matatias Carp (1904-1953) ou alors j’ai oublié (son Cartea neagră, le livre noir de la destruction des Juifs de Roumanie, 1940-1944 est pourtant paru chez Denoël en 2009).

Un passage que j’aime beaucoup. « Dans le journal intime de Mihail Sebastian, on trouve ce passage magnifique : ‘Nous autres, juifs, nous sommes au fond d’un optimisme enfantin, absurde, quelquefois inconscient. (C’est peut-être ce qui nous aide à vivre.) En pleine catastrophe, nous espérons encore. Ça ira bien, répétons-nous par dérision, mais en fait nous croyons vraiment que ça ira bien. » (p. 111).

« Je ne sais pas très précisément ce que c’est qu’être juif, ce que ça me fait d’être juif. C’est une évidence, si l’on veut, mais une évidence médiocre, qui ne me rattache à rien. Ce n’est pas un signe d’appartenance, ce n’est pas lié à une croyance, à une religion, à une pratique, à un folklore, à une langue. Ce serait plutôt un silence, une question, une mise en question, un flottement, une inquiétude. Une certitude inquiète derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable : celle d’avoir été désigné comme juif, et parce que juif victime, de ne devoir la vie qu’au hasard et à l’exil. », très belle citation de Georges Perec (p. 258-259).

Cet essai se compose de 4 parties, les juifs, les communistes, les cochons, les apatrides, contenant des chapitres courts ce qui permet aux lecteurs de respirer, de reprendre leur souffle. Parce que c’est un import-export affligeant qui se joue dans les années 1950-60… et je ne vous dis pas sur la barbarie envers les chevaux (chapitre ‘Le cheval à abattre’, p. 191-196). C’est que l’autrice, journaliste, ne s’embarrasse pas pour dire la vérité crue, dérangeante et le mutisme de ses grands-parents maternels. J’ai plusieurs fois eu les larmes aux yeux et j’espère que ma note de lecture et les extraits vous donneront envie de lire cet essai instructif et déchirant qui m’a été conseillé par une lectrice lors d’un café littéraire.

Elle l’a lu : Nicole de Mots pour mots, d’autres ?

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 16, un livre qui m’a énervée ou révoltée, oui ce livre m’a révoltée par ce que des humains ayant du pouvoir peuvent faire à d’autres humains – et à des animaux aussi, les humains étant des mammifères), Challenge lecture 2023 (catégorie 25, un livre sur le thème de la seconde guerre mondiale, même si le livre va plus loin il commence avec le traitement des Juifs durant la seconde guerre mondiale), Mois Europe de l’Est (Roumanie) et Tour du monde en 80 livres (l’autrice est Française mais raconte le parcours de ses grands-parents et de sa mère, Roumains « exportés », des années 1930 aux années 1980, donc je mets ce livre pour la Roumanie).

Pelote dans la fumée 1 de Miroslav Sekulic-Struja

Pelote dans la fumée 1 – L’été / L’automne de Miroslav Sekulic-Struja.

Actes Sud BD, décembre 2013, 128 pages, 24 €, ISBN 978-2-330-01286-1. Traduit du croate par Aleksandar Grujicic.

Genres : bande dessinée croate, Histoire.

Miroslav Sekulic-Struja naît le 30 août 1976 à Rijeka en Croatie. Il est peintre et auteur dessinateur de bandes dessinée, lauréat (3e prix) du concours jeunes talents du festival d’Angoulême avec L’homme qui acheta un sourire. Après Pelote dans la fumée (le tome 1 reçoit le Prix BD de Montreuil en 2015), sa nouvelle BD, Petar et Liza, paraît chez Actes Sud BD en février 2022 et apparaît dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2023.

Sur le site de l’éditeur : « Premier volume d’un diptyque. Ces deux premières saisons croates content la vie affreuse, sale et méchante des enfants dans un orphelinat pendant la guerre. Magnifié par le dessin de Miroslav Sekulic. » Le tome 2, L’hiver / Le printemps, paraît en février 2016 chez Actes Sud BD et une intégrale paraît en février 2023 chez Actes Sud BD (240 pages, 38 €).

L’été, sur une plage croate. Et sur cette plage, un garçon. « Le garçon s’appelle Ibro, mais comme il est toujours renfermé dans son monde compliqué et impénétrable… ceux qui le connaissent l’appellent… Pelote ! »

Pelote et Sandale sont frère et sœur et vivent dans le même orphelinat. Pelote est ami avec Bourdon qui a supporté les brimades avant de devenir baraqué et « le défenseur des faibles. Un vrai géant, un héros… ». Sandale est amie avec Clara qui est tout le temps rabrouée par « l’éducatrice, la Perce-oreille ». Quant à l’éducateur, les enfants le surnomment le Marteau « à cause des coups terribles qu’il nous assène sur la tête » mais, parfois, il défend les enfants contre des brutes épaisses.

Dans cette ville industrielle et industrieuse, le terrain de jeux, à part la cour de l’orphelinat, c’est la déchetterie voisine parce que la plage, c’est pour les touristes qui ont de l’argent à dépenser (dans cette déchetterie, on voit beaucoup d’objets jetés, même des voitures, donc tout le monde n’est pas pauvre dans cette ville). Mais parfois certains enfants travaillent pour les voisins… sans recevoir de revenu évidemment…

L’automne arrive avec ses pluies froides et un nouvel arrivant, Michel, qui devient le nouveau souffre-douleur. Et aussi, le père de Pelote et Sandale qui vient leur rendre visite. Mais que peut faire un alcoolique pauvre pour ses enfants… ? Les pauvres ne peuvent que « imaginer une meilleure vie, ne serait-ce que dans les chansons ». Quelles tristes vies… « En réalité, la ville entière pleura ces jours-là… ces mois-là… ces années-là ».

Mon passage préféré. « Et les rêves ? Les rêves entraient alors par les fenêtres aux carreaux cassés, accompagnés du clair de la lune et de l’odeur des pains de la boulangerie voisine et se mettaient à tournoyer autour de leurs têtes et le grognement dans leurs ventres ne partait qu’avec les premières sirènes des bateaux du matin. »

J’ai vu une erreur, les pages ne sont pas numérotés mais c’est lorsqu’il parle de la sœur aînée, Miranda : « Fine, voir invisible », c’est voire. Et dans l’extrait ci-dessus, c’est « leur ventre » parce que chacun n’a qu’un ventre et leur est déjà un adjectif possessif pluriel.

Mais les dessins, les détails, les regards et les couleurs, c’est énorme, à la fois brutal et poétique, je dirais même surréaliste (beaucoup de dessins sont en pleine page) ; quant au récit il est tellement empli de désespoir et d’empathie pour les personnages, des gosses plus ou moins orphelins, des adultes paumés, violents, impuissants face à la vie et à la misère, et puis en toile de fond, quelques illustrations de guerre (avions, bateaux…). L’auteur parle de violence, de sexualité, de drogue, d’homophobie… Et, de temps en, temps, un peu de joie avec un cirque ou une troupe de théâtre qui passent. Alors, art naïf ou art brut ? Et l’auteur s’est-il inspiré, du moins en partie, de son enfance en Croatie ? J’espère que non ; en tout cas, j’ai lu qu’il dessinait depuis tout jeune, dès l’âge de 4 ans si je me rappelle bien. Pelote dans la fumée (c’est parce que son père fumait comme un pompier en plus de boire, et l’éducateur de l’orphelinat aussi, entre autres) est digne des textes de Dickens, Dostoïevski, Hugo, Zola pour ne citer qu’eux. J’espère lire le tome 2, Hiver / Printemps et même d’autres titres de Miroslav Sekulic-Struja.

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Moka) et les challenges ABC illimité (lettre), BD 2023, Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 2, une BD, 6e billet), Challenge lecture 2023 (catégorie 60, une BD), Mois Europe de l’Est et Tour du monde en 80 jours (Croatie).

Le numéro un de Mikhaïl Chevelev

Le numéro un de Mikhaïl Chevelev.

Gallimard, collection Du monde entier, janvier 2023, 176 pages, 18 €, ISBN 978-2-07296-860-0. Ot Pervogo Litsa (2018) est traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs.

Genres : littérature russe, roman, thriller.

Mikhaïl Chevelev naît en 1959 en Russie (alors Union Soviétique). Il étudie à l’Institut des langues étrangères de Moscou et devient traducteur et interprète puis il devient reporter et participe (auteur et éditeur) au magazine satirique Samizdat. Il est maintenant journaliste indépendant et romancier. Du même auteur : Une suite d’événements (Gallimard, 2021).

Volodia aurait mieux fait de faire comme d’habitude et de ne pas répondre à ce numéro inconnu… Marina Stoudionova et Volodia travaillaient ensemble il y a 20 ans et, après tout ce temps, elle l’appelle pour lui parler de David Kapovitch… David est un Américain en visite à Moscou mais sa mère, immigrée aux États-Unis, est Russe et David recherche son père… Aïe, Volodia, le narrateur, aurait vraiment dû ne pas répondre… « Oui, bonjour. Oui, oui, Marina m’a déjà tout raconté, mais je n’ai aucun parent proche. Quant à la ressemblance, ça arrive, après tout on descend tous du même singe. […] Non… Rien du tout. Je n’ai jamais entendu ce nom. Ravi d’avoir fait votre connaissance… Bonne chance pour vos recherches. » (p. 11). Ben, voyons !

Flashback. 1984, Volodia, étudiant, fête ses 25 ans. À cette époque, le marché noir battait son plein, « Bref, on a comme qui dirait fondé une petite entreprise. Chacun apportant sa contribution. Moi mon ticket périmé, Valery sa comptable, Liocha son argent et Ilya son rôle d’intermédiaire. » (p. 14). Donc Vladimir Lvotitch (surnommé Volodia) va vendre les cinq pneus au marché noir mais il est arrêté par deux « agents du département de lutte contre le détournement de la propriété socialiste » (p. 16) qui se montrent incorruptibles !

Mais lorsqu’il va régler l’amende, il est contacté par le KGB. « Voyez-vous, Volodia… Vous permettez que je vous appelle par votre petit nom ? Vous m’avez fait très bonne impression, si, si. Vous êtes un jeune homme cultivé, bien élevé, qui a de l’avenir. Et selon moi, le fait que nous nous soyons rencontrés précisément en ce lieu relève simplement d’un malheureux concours de circonstances. Nous aurions pu nous croiser au cours d’une soirée et devenir amis, pas vrai ? » (p. 21).

J’adore ! Je sais que je vais beaucoup aimer ce roman. Peut-être même que ce sera un coup de cœur !

Les chapitres alternent entre Vladimir Lvovitch et David Kapovitch. Bon, je pense que vous avez deviné, du moins en partie. Et toute ressemblance avec des personnes existant… Enfin, c’est vous qui voyez !

« Car, mazette, j’ai affaire à la liste des plus grosses fortunes de Forbes, plus la liste des cinq cents plus grosses entreprises russes, plus les vieux amis d’Arkadi. Les uns partent, il y a de nouveaux arrivants, qui disparaissent à leur tour, tandis que les autres reviennent, et ça continue pendant des années. » (p. 81).

En lisant ce roman, fiction parodique, vous saurez tout « sur la corruption. Détournements de fonds et dessous-de-table, fausses factures et blanchiment » (p. 128) avec une économie russe « née du chaos des années 1990 » (p. 128). « Ce sont des sous-fifres, dit mon père. Il me faut le numéro un. » (p. 137).

Bon, eh bien, oui, coup de cœur et hâte de lire son premier roman, Une suite d’événements (que j’ai emprunté à la bibliothèque). Le numéro un est un genre de thriller politique engagé mais pas que. Le style est génial, fluide, rapide (on sent le mouvement), avec des rebondissements, un côté dramatique mais un autre côté humoristique. En un mot (ou plutôt en deux) : à lire !

Ils (elles en fait) l’ont lu : Canetille, Céciloule – Pamolico, Totalybrune, d’autres ?

Une lecture pour le Mois Europe de l’Est que je mets aussi dans ABC illimité (lettre M pour prénom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 1, un livre sorti en 2023), Challenge lecture 2023 (catégorie 20, un livre sorti en 2023), Polar et thriller 2022-2023 et Mois du polar (qui continue en mars), Tour du monde en 80 livres (Russie) et Voisins Voisines 2023 (Russie).

Des pensées pour Violette de Charlotte Bousquet

Des pensées pour Violette de Charlotte Bousquet.

Scrineo, collection Faune, octobre 2022, 192 pages, ISBN 978-2-38167-161-1.

Genres : littérature française, littérature jeunesse.

Charlotte Bousquet naît le 9 janvier 1973 en France. Elle étudie la philosophie et soutient une thèse sur les mondes imaginaires, Les mondes imaginaires et le déplacement du réel : un questionnement de l’être humain, à la Sorbonne en 2002. Mais elle est aussi romancière, Zaïna et le fils du vent (1999), Le défi de Zaïna (2001), la trilogie Cœur d’Amarantha (2004-2006), la trilogie L’archipel des Numinées (2009-2011), la série La peau des rêves (4 tomes, 2011-2013), etc. Elle est également nouvelliste, essayiste, scénariste de bandes dessinées et éditrice (CDS-éditions). Littérature pour adultes, pour la jeunesse, de l’imaginaire, elle a plusieurs cordes à son arc et reçoit de nombreux prix littéraires. J’ai très envie de lire Le dernier ours paru en 2012 et qui se situe au Groenland an 2037. Plus d’infos sur son blog (pas mis à jour).

Adagio est un chat tigré aux yeux verts ; il est heureux avec son humaine, Violette, une ancienne pianiste mais un jour Violette n’est plus là, elle est à l’hôpital, dans le coma…

Pauline, la petite-fille de Violette, était dans le désert du Sahara, un voyage qu’elle a fait seule car son ami d’enfance Younès est mort trois mois avant leur départ. Alors elle ne veut pas perdre sa mamie Violette dont elle est proche depuis toujours. « Et Adagio ? Comment il va ? – Adag… Oh mon Dieu ! Ça fait quatre jours qu’il est seul, le pauvre. Dans la panique, je n’ai même pas pensé à le nourrir. Il doit être affamé ! Je… – Je m’en occupe, décide Pauline. Le temps de poser mon sac, et je fonce chez mamie. » (p. 19).

Les chapitres alternent entre Adagio, Pauline, 20 ans, et Kirian, 17 ans (les petits-enfants de Violette). Pauline voudrait voyager dans le monde entier et Kirian dessine et aime la musique (il cite le groupe Tool p. 37). En tout cas, ils ne renoncent pas à leur grand-mère bien-aimée et feront tout pour qu’elle revienne ! En attendant, ils essaient de récupérer Adagio pour qu’il ne soit plus seul avec sa peine. « Entre l’accident de mamie Violette, l’hystérie de Julie [c’est la femme de ménage et elle n’aime pas Adagio], le SAMU qui débarque et la solitude, le pauvre n’a rien dû comprendre. » (p. 47).

Et puis, il y a Élias, le médecin, qui accepte Adagio. « Il va tenter l’expérience. À titre exceptionnel, le chat tigré sera admis, aux heures de visite, dans la chambre de son humaine. » (p. 68).

C’est non seulement un roman très touchant mais aussi une véritable ronron-thérapie. L’autrice aborde avec sensibilité les thèmes du coma, des soins palliatifs, de la présence de la famille et surtout de l’animal auprès de la personne qui en a besoin, et bien sûr de l’amour. Un livre lu après avoir vu la note de lecture de Sharon.

Pour Challenge lecture 2023 (catégorie 48, un roman de moins de 200 pages), Jeunesse & young adult #12, Petit Bac 2023 (catégorie Prénom pour Violette) et Un genre par mois (en mars, jeunesse, young adult).

Rooster Fighter – Coq de baston 2 de Shu Sakuratani

Rooster Fighter – Coq de baston 2 de Shu Sakuratani.

Mangetsu, collection Shônen, juillet 2022, 192 pages, 7,90 €, ISBN 978-2-38281-086-6. Rooster Fighter volume 2 (2021) オンドリの戦闘機 ニワトリ・ファイター (Niwatori Fighter) est traduit du japonais par Alexandre Fournier.

Genres : manga, shônen, science-fiction, fantastique, horreur.15

Shu Sakuratani 桜谷シュウ naît… eh bien quelque part au Japon (aucune info) et il est mangaka. Son premier manga T-Dragon (ヒーローズコミックス 10 tomes entre 2015 et 2019) n’est pas traduit en français. Plus d’infos (et plein de dessins de coqs) sur son compte twitter et son instagram.

Keiji, le coq aux supers pouvoirs, continue son combat contre les kijûs, « Cocori-K-O ! », talonné par la poussinette amoureuse de lui. Mais comment une énorme limace peut-elle être immortelle ? « Impossible… J’ai pourtant tué les autres en visant leur tête ou leur cœur… Il a forcément un point faible. »

Les scènes de combat sont spectaculaires et il y a beaucoup d’humour : qu’est-ce qui est le plus dangereux, un kijû ou… Elizabeth jalouse ?!!! Combat redoutable !

Malheureusement, les kijûs étaient auparavant rouges ou bleus et n’étaient pas très intelligents mais Elizabeth a remarqué que des kijûs mutants de toutes les couleurs arrivaient, « Ils possèdent des émotions et une intelligence proches de celles des humains… ainsi que leur propre caractère » (p. 78).

Keiji n’est plus seul, la poussinette (finalement nommée Piyoko) et Elizabeth seront sûrement utiles pour lutter contre ces kijûs mutants et contre l’immense kijû blanc. Mais en attendant, besoin de se rétablir et de se reposer alors un bon bain aux sources chaudes, ça vous dit ?

Après la lecture du tome 1, j’avais hâte de lire la suite mais j’ai dû attendre que les tomes arrivent (à la médiathèque). Un tome 2 très énergique, avec des dessins toujours très beaux et un ton humoristique – au milieu de toute cette horreur – qui me plaît bien. L’auteur continue de montrer la nature humaine et la possibilité que nous soyons des monstres au fond de nous sans même le savoir ou plutôt sans vouloir se l’avouer.

J’aime beaucoup Keiji mais Piyoko est peut-être mon personnage préféré (tellement mignonne). Je ne vais pas attendre trop longtemps pour retrouver le trio de choc puisque j’ai les tomes 3 et 4, ouf !

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Fanny), BD 2023 et Challenge lecture 2023 (catégorie 7, un livre qui fait rire), Contes et légendes #5, Jeunesse & young adult #12, Littérature de l’imaginaire #11, Petit Bac 2023 (catégorie Animal pour Rooster / Coq) et Un genre par mois (en mars, young adult).

Epsil∞n n° 19 (janvier 2023)

Epsil∞n n° 19 (janvier 2023).

Epsil∞n, édité par Unique Héritage Média (UHM), 100 pages, janvier 2023, 5,90 € (augmentation de 1 €).

Un numéro toujours passionnant et parfaitement illustré avec 95 scientifiques du monde entier interrogés.

Au sommaire, Club Epsil∞n (courriers des lecteurs), les rubriques Fil d’actus (plusieurs sujets abordés de façon courte), En images (la patte d’un gecko en microscopie, un cœur de lave en Islande, la comète Leonard, entre autres), Atlas (les sources du réchauffement, ça fait pourtant froid dans le dos…), Contre-pied (la dyslexie est aussi une force), Analyse (comment sauver la forêt française), C’est dans l’air (messages secrets décodés, interdire les manipulations de virus en laboratoire), Big data (chaque toile d’araignée a ses atouts), pas de Labyrinthe ce mois-ci.

L’enquête, « FIV, le grand malaise » (p. 20-27), des sur-risques pour certaines maladies… « C’est vrai, il sont infimes. Mais il y a quelque chose. On ne peut pas faire comme s’il n’y avait rien. » (p. 23).

Tableau trouvé sur internet

Le dossier, « L’hypothèse Médée, comment la vie peut s’autodétruire »(p. 40-53). Une hypothèse surprenante et un dossier lui aussi surprenant ! Il y a bien eu de la vie sur Mars mais elle s’est autodétruite en « détraquant le système climatique de sa planète, elle a provoqué un refroidissement global qui l’a rapidement anéantie. » (p. 46). « Le plus difficile pour une vie ne serait pas d’apparaître, mais de réussir à se maintenir sur une planète… sans s’autodétruire en déséquilibrant le climat qui l’abrite. » (Charley Lineweaver, p. 51).

Photo trouvée sur internet

Puis diverses rubriques : Paternité, elle change le cerveau des hommes, ou « la cognition de la paternité (p. 54-57). Le triomphe des corbeaux, la seule autre espèce qui a conquis le monde grâce à son intelligence (p. 58-63), je ne déteste pas les corvus (grands corbeaux, corbeaux freux et corneilles) au contraire je les trouve fascinants (et il y a des corbeaux freux et des corneilles près de chez moi et ils sont partout dans le monde sauf dans le tout Grand Nord et bizarrement l’Amérique du Sud) et ils sont très intelligents à tel point qu’ils sont surnommés les « primates à plumes » (p. 61). Slow tech, voici les nouveaux ordinateurs ! (p. 64-69), des « ordinateurs alternatifs [qui]font sourire » (p. 65), imaginez des ordinateurs en papier ou en tissu, entre autres (écologiques voire recyclables !), je ne m’attendais pas à ça ! Chimie 2.0, la révolution IA (p. 70-77), « L’intelligence artificielle est aujourd’hui capable de prédire la forme, la dynamique et les réactions de n’importe quelle molécule » (p. 73), j’imagine les avancées chimiques et médicales que cela sous-entend, « énergie propre, meilleurs médicaments, matériaux intelligents, chimie verte, etc. » (p. 76). Toutankhamon, l’icône se fissure (p. 78-84), « l’image de Toutankhamon a commencé à changer » (p. 82) et qui est Ankh-Khépérourê Néfernéferouaton « reine régnante » ?

Et à la fin, le cahier Pop’Sciences qui apporte humour et originalité tout en restant scientifique : les merles femelles chantent aussi bien que les merles mâles, dans la baie de Jarvis au sud de Sydney les pieuvres se battent en se lançant des coquillages !, les rats sont ambidextres mais se grattent les yeux avec la patte droite, des micro-villages qui flottent, du chocolat conçu par une IA, entre autres.

Je le répète, Epsil∞n est un excellent magazine, toujours sérieux, abondamment illustré, abordable pour tous les lecteurs même les moins fondus de sciences (et qui apporte des rectificatifs en cas d’erreurs). Je commence enfin à lire les numéros de 2023, bientôt je n’aurai plus de retard. Vous aimez les sciences ou vous êtes curieux de découvrir les sciences de façon agréable et à petit prix ? Lisez Epsil∞n ! Vous pouvez toujours consulter les sources sur epsiloon.com/sources.

Les liens vers les précédents numéros (2021-2022) sont visibles sur le billet du numéro de décembre 2022.

Histoires bizarroïdes d’Olga Tokarczuk

Histoires bizarroïdes d’Olga Tokarczuk.

Noir sur blanc, octobre 2020, 192 pages, 19 €, ISBN 978-2-88250-657-3. Opowiadania bizarne (2018) est traduit du polonais par Maryla Laurent.

Genres : littérature polonaise, nouvelles, fantastique, science-fiction.

Olga Tokarczuk naît le 29 janvier 1962 à Sulechów (voïvodie de Lubusz) en Pologne. Elle étudie la psychologie à l’université de Varsovie et travaille bénévolement avec des personnes souffrant de troubles mentaux puis elle devient psychothérapeute à Wałbrzych (voïvodie de Basse-Silésie, près de la frontière tchèque). Mais en 1997, elle se consacre à l’écriture et contribue à la revue littéraire britannique Granta. Elle reçoit de nombreux prix littéraires et le prix Nobel de littérature 2018. Plusieurs de ses romans et nouvelles sont traduits en français et édités chez Robert Laffont ou chez Noir sur blanc. Plus d’infos sur son site officiel (en polonais).

Le passager – Lors d’un voyage en avion, la narratrice écoute un passager de plus de 60 ans raconter ses terreurs nocturnes durant l’enfance. « La cause de ses effrois nocturnes étaient inexprimable, il ne savait pas trouver les mots pour les raconter. » (p. 8).

Les enfants verts – Printemps 1656. « William Davisson, médecin de Sa Majesté Jean II Casimir, Roi de Pologne » (p. 11) ignore tout de la Pologne lorsque cet Écossais accepte « les charges de premier médecin du Roi de Pologne et de surintendant du Jardin des Plantes de Leurs Majestés. » (p. 11). Malheureusement l’hiver est très long, très froid, et le pays est attaqué à la fois par les Suédois à l’Ouest et les Russes à l’Est… Il se prend de passion pour l’étude de la plique (kołtun en polonais). Pendant un voyage avec le roi, Davisson rencontre deux enfants avec les cheveux et le visage verts, des « enfants verts » (p. 18).

Les bocaux – Après la mort de sa mère, un homme, la cinquantaine, cherche « … il ne savait quoi d’ailleurs » (p. 37). Comme il ne trouve rien d’intéressant, il décide « de descendre à la cave. Il n’y était pas allé depuis des lustres alors qu’elle, sa mère, y séjournait fréquemment, ce qui, pourtant, ne l’avait jamais intrigué. » (p. 38). Bizarrement, « la cave était incroyablement bien tenue. » (p. 38) et il est surpris d’y trouver de si nombreux bocaux. Mais certains sont très anciens et leur contenu est… peu reluisant.

Les coutures – Veuf, monsieur B. dort mal depuis qu’il a sorti d’un tiroir un collier de sa défunte épouse et que, « le cordon usé s’était rompu laissant se disperser les perles éteintes au sol. » (p. 43). C’est à ce moment-là qu’il se rend compte aussi que ses chaussettes ont toutes une couture « sur toute leur longueur, des orteils jusqu’à l’élastique en passant par la plante des pieds. » (p. 43). Au magasin, les chaussettes ont aussi cette couture… Les chaussettes seraient-elles « devenues différentes de ce qu’elles avaient toujours été » (p. 45) ? Mais il n’y a pas que les chaussettes ! « Il n’était pas fou, tout de même » (p. 48).

La visite – « Débranche-moi ! Maintenant » (p. 53), supplie Léna. C’est l’histoire de quatre femmes issues de l’homogenèse qui vivent ensemble (Alma, Léna, Fania et la narratrice) et qui ont un fils de trois ans, Chalim. Chacune fait ce qu’elle a à faire ; la narratrice, elle, est autrice et dessinatrice ; elle fait vivre la famille. Mais, aujourd’hui, leur « nouveau voisin doit passer prendre un café avant midi. Un étranger dans la maison. » (p. 55).

Une histoire vraie – Dans une gare, en descendant de l’escalator, une femme tombe. Personne ne s’arrête sauf un professeur. Cela ne lui porte pas chance… Et en dit long sur la société dans laquelle il (on) vit.

Le cœur – Chaque hiver, monsieur et madame M. partent en Asie ou la vie est moins chère. Mais, au retour, monsieur M. a « l’air fatigué et même malade. » (p. 79). L’hiver suivant, le cœur de monsieur M. allant au plus mal, le couple part en Chine pour la greffe d’un nouveau cœur. Mais « Il ne se sentait pas bien, il avait des vertiges et ne cessait d’écouter battre son nouveau cœur. Il lui semblait que les battements étaient différents, poussifs, un peu comme si monsieur M. était en train de courir, de fuir. » (p. 81).

Le Transfugium – Une femme part rendre visite à sa sœur aînée, Renata, au Transfugium. Elle est accueillie par le Dr Choï. Renata a demandé une transfugation et elle doit « terminer les formalités » (p. 98) mais elle n’y comprend rien (et, à vrai dire, moi non plus).

La montagne de Tous-les-Saints – Zurich, sous la neige en mai. La narratrice, psychologue, âgée et malade, est là pour une mission : « soumettre un groupe d’adolescents à un test » (p. 114). Elle va travailler avec Victor et Dany ; le programme prévoit « l’analyse de l’influence du capital social sur l’évolution de l’individu (dit-il), et/ou l’interférence de l’éventail des variables du milieu social sur les futurs succès professionnels (dit-elle) » (p. 120) sur des enfants adoptés. Pendant son temps libre, elle passe son temps avec les bonnes sœurs âgées. Cette histoire est plus mystérieuse et mystique.

Le calendrier des fêtes humaines – Ilon le Masseur est un excellent masseur, un raikone, le masseur attitré de Monokikos. Mais il ne pourra pas transmettre son art et son don à un fils car, veuf, il n’a qu’une fille de seize ans, Oresta. « Il s’inquiétait pour son avenir et, s’il savait parfaitement qu’elle ne pourrait pas prendre sa suite, il lui enseignait tout de même son art. » (p. 148). Dans la première partie, le lecteur a l’impression que cette histoire se déroule dans l’Antiquité mais la deuxième partie vient contredire cette idée.

Pour cette lecture commune consacrée à Olga Tokarczuk, dans le cadre du Mois Europe de l’Est, j’ai privilégié ce recueil de nouvelles, pensant qu’il serait plus abordable (facile et rapide à lire) qu’un gros roman mais je suis un peu dans l’expectative… Je n’ai vu aucune histoire qui sortait du lot, que ce soit dans le passé, le présent, le futur, et ce, même si l’autrice traite de nombreux thèmes. Et, justement, c’est peut-être trop hétéroclite pour attirer l’attention, la mienne en tout cas, ou alors ce n’était pas le bon moment pour lire ces dix nouvelles…

Mais, bien que mon avis général soit mitigé, le style est quand même agréable et les histoires toutes différentes ont tout de même un intérêt littéraire et philosophique. L’autrice parle aussi bien de l’Histoire humaine que des relations avec le monde qui nous entoure, de la relation (ou la non-relation) avec l’environnement et les animaux, de la solitude, de l’âpreté de la vie, de choses qui nous dépassent, etc. Le tout de manière assez froide et sombre mais toujours avec intelligence et avec une imagination immense. Ainsi, je vais voir quels titres proposent les autres participants à la LC pour noter celui (ou ceux) qui m’attirera (m’attireront) le plus afin de le(s) lire mais plus tard car j’ai déjà énormément de livres en ce moment.

Pour ABC illimité (lettre T pour nom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 22, un recueil de nouvelles, 2e billet), Challenge lecture 2023 (catégorie 17, un livre avec des voyages dans le temps, ici pas de voyages avec une machine à voyager dans le temps mais avec une machine littéraire qui emmène le lecteur, au fil des histoires, dans le passé, le présent et le futur), Littérature de l’imaginaire #11, Tour du monde en 80 livres et Voisins Voisines (Pologne).

Epsil∞n n° 18 (décembre 2022)

Epsil∞n n° 18 (décembre 2022).

Epsil∞n, édité par Unique Héritage Média (UHM), 100 pages, décembre 2022, 4,90 €.

Un numéro toujours passionnant et parfaitement illustré avec 116 scientifiques du monde entier interrogés. « Toujours, toujours tenir notre position d’observateur. C’est particulièrement périlleux face à un sujet aussi clivant que le nucléaire. » (début de l’édito, p. 3).

Au sommaire, Club Epsil∞n (courriers des lecteurs), les rubriques Fil d’actus (plusieurs sujets abordés de façon courte), En images (magnifiques photos des Piliers de la Création par James-Webb p. 14-45, d’un nid d’embryons de rainettes arboricoles au Costa Rica p. 16 et des dunes barkhanes sur Mars p. 18-19), Analyse (covid, bientôt la fin ?, ne nous réjouissons pas trop vite !), Atlas (les lacs virent au marron, une planisphère peu réjouissante « seuls un tiers d’entre eux sont encore bleus », p. 24) Contre-pied (« en fait, les jeux vidéo rendent plus intelligent », mais c’est génial dit la fille qui joue aux jeux vidéo depuis plus de 30 ans !), Labyrinthe (le casse-tête de la viande), C’est dans l’air (l’humain dans l’espace, tuer les loups ?), Big data (« il y a 20 millions de milliards de fourmis sur Terre », ouah, je sais qu’elles sont indispensables mais ça fout les jetons !).

Le dossier spécial, « Nucléaire, enquête sur un retour en grâce » (p. 34-53). «Le retour en force. La renaissance. La revanche » (p. 36)… « Cet enthousiasme croissant n’en fait pas pour autant une énergie comme les autres. » (p. 37). Quand je pense que j’ai milité contre le nucléaire dans les années 80 et surtout après Tchernobyl… Je comprends qu’il faut sortir des énergies carbonées mais j’ai du mal à croire que le nucléaire soit une « énergie verte » (label accordé par l’Union européenne en juillet 2022), surtout avec les vieilles centrales et les déchets radioactifs, et même après avoir lu Le monde sans fin de Jancovici et Blain (dont je me rends compte que la note de lecture n’est pas sur le blog… mais où est-elle ?). Mais assurément un dossier instructif et complet.

Puis diverses rubriques : Stupéfiants, médecine psychédélique, « Toutes ces drogues illicites figurent aujourd’hui dans des dizaines d’essais cliniques visant à traiter aussi bien les maladies de l’âme – dépression sévère, stress post-traumatique, anxiété, troubles addictifs ou obsessionnels – que certains maux de la chair comme les douleurs chroniques ou les migraines. » (p. 56). Rencontre, les espèces fantômes, « Plus de 99 % de toutes les espèces qui ont vécu sur cette planète sont aujourd’hui éteintes : ce fait est encore souvent ignoré dans les études sur l’évolution. » (p. 61), je n’avais jamais entendu parler de LUCA (Last Universal Common Ancestor). Étoiles étranges, elles défient la physique, incroyable ces 9 étoiles (à neutrons, nuages d’étoiles, magnétar, étoiles bosoniques), « L’étoile à neutrons est la dernière substance avant le trou noir. » (p. 71). Le loft story de la maison connectée ou la première expérience domotique. Anthropocène la décision, nous sommes dans l’holocène (période interglaciaire) depuis douze mille ans, nous entrons dans l’anthropocène (l’époque de l’humain, depuis 1952 ?), que la « meilleure carotte » gagne… ! Des articles passionnants.

Image publiée p. 90

Et à la fin, le cahier Pop’Sciences qui apporte humour et originalité tout en restant scientifique : un astéroïde entre Vénus et le soleil, le chou frisé et les fœtus, le ragoût préhistorique, le dingo d’Australie n’est pas un chien, Buildrones et Scandrones, Solar Botanic Trees, gratte-ciel épi, entre autres.

Je le répète, Epsil∞n est un excellent magazine, toujours sérieux, abondamment illustré, abordable pour tous les lecteurs même les moins fondus de sciences (et qui apporte des rectificatifs en cas d’erreurs). Avec ce numéro de décembre, j’ai réduit mon retard et il me reste les 3 premiers numéros de 2023 à lire. Vous aimez les sciences ou vous êtes curieux de découvrir les sciences de façon agréable et à petit prix ? Lisez Epsil∞n ! Vous pouvez toujours consulter les sources sur epsiloon.com/sources.

C’est rare que je vois des fautes dans le magazine mais j’en ai vu une page 19 « [il] à même » pas d’accent sur a puisque c’est le verbe avoir, une page 26 et page 62 (la même) « peu de chose » où il manque le s à choses (eh oui, même si c’est peu c’est quand même plusieurs choses).

Les précédents numéros : Epsil∞n n° 1 (juillet 2021), Epsil∞n n° 2 (août 2021), Epsil∞n n° 3 (septembre 2021), Epsil∞n n° 4 (octobre 2021), Epsil∞n n° 5 (novembre 2021), Epsil∞n n° 6 (décembre 2021), Epsil∞n n° 7 (janvier 2022), Epsil∞n n° 8 (février 2022), Epsil∞n n° 9 (mars 2022), Epsil∞n n° 10 (avril 2022), Epsil∞n n° 11 (mai 2022), Epsil∞n n° 12 (juin 2022), Epsil∞n n° 13 (juillet 2022), Epsil∞n n° 14 (août 2022), Epsil∞n n° 15 (septembre 2022), Epsil∞n n° 16 (octobre 2022) et Epsil∞n n° 17 (novembre 2022).