Tant de chiens de Boris Quercia.
Asphalte, novembre 2015, 208 pages, 21 €, ISBN 978-2-918767-55-8. Perro muerto (2017) est traduit de l’espagnol (Chili) par Isabel Siklodi.
Genres : littérature chilienne, roman policier.
Boris Quercia naît le né 31 août 1967 à Santiago au Chili. Il étudie le théâtre à la prestigieuse Université du Chili et fonde le Teatro Provisorio. Il est comédien, réalisateur, scénariste, producteur et… romancier. Il est surtout connu pour la série policière Santiago Quiñones (3 tomes entre 2014 et 2016). Tant de chiens, le 2e tome, reçoit le Grand prix de littérature policière 2016.
Une maison de San Luis à Quilicura (aire urbaine de Santiago). Santiago Quiñones et Heraldo Jiménez se font tirer dessus aux pistolets mitrailleurs par des narcos. Jiménez est blessé, au moins deux fois, et Quiñones ne peut pas faire grand-chose d’autant plus que « les types du gang lâchent les chiens. Des rottweilers, des diables noirs qui bavent et grognent férocement. » (p. 7-8).
Quiñones est à l’enterrement de son collègue ; il ne veut pas rentrer chez lui, ça ne va plus avec Marina… Il se rend à Nouvelle Lumière parce que Jiménez en était membre et y rencontre Yesenia Casales, qu’il a connue lorsqu’elle était enfant. Sait-elle qu’il est devenu policier ? Elle lui dit « J’ai besoin de tuer quelqu’un. » (p. 18) et elle lui explique pourquoi (effectivement, je comprends…). « Tuer n’est pas facile, même si on est prêt à le faire, ni gratuit, même si on le croit. La douche du matin ne sera jamais suffisante pour nous sortir de la tête les fantômes qui ont grandi pendant la nuit dans nos cauchemars. Mais il y a des gens qui méritent la mort et il faut bien que quelqu’un s’en occupe, même si personne ne veut. » (p. 26).
Mais Quiñones n’a pas pu tuer l’homme, au contraire c’est lui qui a été blessé… « Si tu es un chien de narco, tu es là pour sauter au cou du premier flic qui entrouvre la porte ; si tu es un chien de flic, tu es à l’aéroport pour trouver de la came. Personne n’en a rien à foutre, un jour tu respires, le lendemain tu crèves. Remuer la queue ou utiliser un téléphone portable, ce n’est pas très différent. Je me sens comme un chien blessé qui lèche ses plaies. […] Quelle connerie, d’être un homme et de vivre comme un chien ! » (p. 48).
Les chapitres sont courts et ce polar est un vrai page turner. C’est que Quiñones est dans un sacré merdier et qu’il est surveillé par des agents pas commodes des Affaires internes de Valparaíso d’où venait Jiménez. Participait-il à un trafic de drogues comme ils le disent ou enquêtait-il contre un commissaire véreux et pédophile ?
Pas joyeuse, la vie en Amérique latine… Je dis ça parce que, pour le Mois du polar et le Mois Amérique latine, je viens de lire Électre à La Havane de Leonardo Padura qui était plus violent et plus sombre. Tant de chiens est peut-être plus philosophique mais tout aussi sordide. L’auteur montre que ceux qui ne peuvent pas se défendre (les pauvres, les enfants, etc.) sont bousillés dans leur âme ou dans leur chair et que ceux qui ont le pouvoir s’en sortent (presque) toujours.
L’auteur parle plusieurs fois des Mapuches, « Peuple de la Terre », peuple autochtone du Chili (et d’Argentine aussi) devenu minorité ethnique (4 % de la population selon le recensement officiel de 2022, source Wikipédia), de leurs conditions de vie et de leur niveau d’étude inférieurs aux Chiliens modernes. C’est pourquoi je mets aussi cette lecture dans Lire (sur) les minorités ethniques.
Quant à Santiago Quiñones, c’est un homme malmené par la vie (père parti lorsqu’il était enfant, alcool, drogues, problèmes de couple) et donc un peu paumé mais je l’ai trouvé attachant et intègre dans son travail de policier. Avec un brin d’humour (je pense que vous avez remarqué le jeu de mots dans le titre) et un minimum d’espoir (un gentil chien, un beau lever de soleil…), l’auteur délivre des événements affreux tout en captivant ses lecteurs. Et la traduction de ce roman noir est, à mon avis, une réussite.
Mon passage préféré. « Il faudrait une bonne pluie qui puisse nettoyer toute cette merde, me dit le marchand de journaux en me donnant un paquet de cigarettes, je lui dis oui pendant que je l’ouvre et j’allume une clope. Il ne sait pas qu’aucune pluie ne pourra jamais nettoyer toute cette merde, même s’il pleuvait comme pendant le Déluge. » (p. 157).
Une faute, page 134, « On la stabilisée » au lieu de On l’a stabilisée.
Encore une belle découverte pour moi qui découvre cet auteur et j’espère pouvoir lire le 1er tome de la série, Les rues de Santiago (Asphalte, 2015) et le 3e tome, La légende de Santiago (Asphalte, 2018).
Cette lecture entre aussi dans ABC illimité (lettre Q pour nom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case 14, le nom d’un animal dans le titre), Challenge lecture 2023 (catégorie 21, un livre d’un auteur qu’on n’a jamais lu, 3e billet), Petit Bac 2023 (catégorie Animal pour Chiens), Polar et thriller 2022-2023, Tour du monde en 80 livres (Chili) et Un genre par mois (que de drames pour ce challenge en février !).