La leçon du mal de Yûsuke Kishi

La leçon du mal de Yûsuke Kishi.

Belfond, août 2022, 544 pages, 24 €, ISBN 978-2-71449-461-0. 悪の教典 Aku no kyôten (2010) est traduit du japonais par Diane Durocher.

J’ai reçu ce roman par la poste alors merci à Lecteurs.com et à Belfond.

Genres : littérature japonaise, thriller.

Yûsuke Kishi 貴志 祐介 naît le 3 janvier 1959 à Ôsaka au Japon. Il étudie l’économie à l’université de Kyôto et travaille des années dans une compagnie d’assurances-vie avant de se lancer dans l’écriture de romans. Il est membre de l’Association japonaise d’auteurs de romans policiers et de la Honkaku Mystery Writers Club of Japan. Il est parmi les meilleures ventes d’auteurs japonais et plusieurs de ses œuvres ont été adaptées. Le roman Aku no kyôten a été adapté en manga seinen (adultes) entre 2012 et 2015 (9 tomes), en drama de 4 épisodes supervisés par Takashi Miike et servant d’introduction au film réalisé en 2012 par Takashi Miike (genre thriller et slasher, sous-genre du film d’horreur).

Seiji Hasumi, 32 ans, professeur d’anglais au lycée privé Shinkô Gakuin à Machida, fait des rêves bizarres… Les lycéens jouent une pièce de théâtre, il leur tire dessus car ils sont mauvais puis vole dans les airs pour retrouver sa maison. Il est réveillé à 5 heures du matin par deux gros corbeaux qu’il a surnommés « Hugin et Munin, à l’instar des corbeaux messagers du dieu Odin dans la mythologie nordique. » (p. 11).

Le matin, il fait son jogging, croise son voisin, Yamazaki (qui est aussi son propriétaire et dont le chien, Momo, l’a pris en grippe) puis prend une douche et se rend au lycée dans sa vieille voiture pour retrouver sa classe principale, la 1ère 4, avec des adolescents à problème (absentéisme, harcèlement, vols, violences…). « Ce sont des problèmes sensibles, je suis en train d’en parler avec les élèves concernés afin d’obtenir plus d’informations. » (p. 16).

Bref, Hasumi est le prof idéal, apprécié par le directeur, les professeurs et les lycéens parce qu’il écoute et sait résoudre les problèmes. Mais, Reika Katagiri, avec son intuition pointue, n’est pas dupe, elle est certaine que ce professeur cache quelque chose, comme son dernier instituteur d’école primaire… Seulement elle ne peut pas en parler, personne ne la croirait, même pas sa meilleure amie, Fûko Onodera. « Elle ne s’attirerait pas seulement des plaisanteries, mais carrément les foudres, et non seulement de son amie, mais de toute la classe (ceux du groupe de conversation anglaise en tête). Les filles en particulier étaient toutes de ferventes admiratrices de Hasumi. Au départ, elle-même avait considéré le professeur Seiji Hasumi d’un bon œil. Il était toujours de bonne humeur, débordait d’énergie et se souciait de ses élèves. Le prof parfait, en somme. Jusqu’à ce qu’il intègre l’équipe de surveillance, et se mette à régler les problèmes les uns après les autres avec une facilité déconcertante. Un doute terrible avait commencé à la tenailler. Cet homme serait-il capable de détecter les mensonges ? […] Elle avait compris que le prof possédait, comme elle, la faculté de discerner le vrai du faux. Pour autant, elle pressentait qu’ils étaient radicalement différents l’un de l’autre, même si au départ elle n’arrivait pas à l’expliquer. Elle s’était mise à cogiter sérieusement, jusqu’à ce qu’une idée particulièrement dérangeante lui vienne. Hasumi et elle n’étaient-ils pas, tout simplement, le contraire l’un de l’autre ? Les personnes capables de lire dans le cœur de leurs semblables étaient elles-mêmes à fleur de peau. Cette sensibilité leur permettait d’imaginer ce que l’autre ressentait. Hasumi était différent. Il était étranger à l’empathie. Il reconnaissait le mensonge parce qu’il était lui-même un menteur aguerri, et si son jugement ne vacillait pas, c’est qu’il voyait le monde dépourvu de la moindre compassion. » (p. 61-62).

Hasumi a tout le monde à l’œil, il tient des dossiers et des tableaux sur son ordinateur personnel qu’il met à jour à chaque nouvelle information récupérée en écoutant ou en questionnant. « Le lycée Shinkô Machida représentait pour Hasumi un vaste plateau de jeu d’échecs où chaque prof, chaque élève s’apparentait à une pièce. Il fallait sans arrêt manœuvrer pour que tout ce petit monde se déplace dans la direction souhaitée. » (p. 88).

Et je ne vous en dis pas plus pour ne pas divulgâcher mais, si vous avez lu la 4e de couv’ ou si vous avez vu le film de Takashi Miike, vous savez déjà un peu. Et sachez que quelques élèves comme Reika et Keisuke se posent des questions et enquêtent. En tout cas, un roman et un professeur machiavéliques ! Un ? Peut-être deux ! Tout une histoire et des stratagèmes qui font extrêmement froid dans le dos… Avec un style incisif extraordinaire. Si vous voulez découvrir la société japonaise et vous faire peur, je vous conseille vivement ce roman noir glaçant ! « Quelle jouissance, lorsque différentes pièces d’un puzzle s’assemblaient à la perfection ! Ces derniers temps, tout se déroulait selon ses plans. » (p. 317). Oserais-je dire quelle jouissance la lecture de ce roman ?!

Elles l’ont lu : Alex, Violette, d’autres ?

Pour ABC illimité (lettre K pour nom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 5, un livre d’horreur, 2e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 21, un livre reçu, 2e billet), Polar et thriller 2022-2023.

Un petit clin d’œil à La complainte de Mackie de l’Opéra de quat’sous que sifflote continuellement Hasumi.

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Nous, les Allemands d’Alexander Starritt

Nous, les Allemands d’Alexander Starritt.

Belfond, août 2022, 208 pages, 20 €, ISBN 978-2-71449-566-2. We Germans (2020) est traduit de l’anglais par Diane Meur.

Genres : littérature germano-écossaise, roman.

Alexander Starritt naît en 1985 de mère allemande et de père écossais. Il grandit en Écosse puis étudie à l’université d’Oxford en Angleterre où il vit actuellement. Il est journaliste (Daily Mail, Guardian, Newsweek, Times Literary Supplement principalement), romancier : son premier roman (non traduit en français) The Beast paraît en 2017, traducteur (Late Fame d’Arthur Schnitzler et A Chess Story de Stefan Zweig) et entrepreneur (il est un des fondateurs de la plateforme apolitical, site en anglais).

Lorsque Callum a posé des questions sur l’Allemagne et la guerre à son grand-père, celui-ci a été un peu en colère parce que les gens de sa génération n’en parle pas et parce qu’il ne se souvenait de pas grand-chose « à part quelques formules que l’on peut énoncer en prenant le café » (p. 10). Mais Meissner, veuf et n’ayant plus rien à perdre, se rappelle peu à peu et recontacte son petit-fils pour raconter, « j’ai beaucoup de temps, beaucoup de tranquillité, et rien à faire. Et, une fois mise en branle par tes questions, voilà que, lentement et poussivement d’abord, la mémoire a commencé à me revenir. » (p. 11). Le roman étant dédicacé « à la mémoire de mes grands parents bien aimés, Walter et Katharina Pretzsch » (p. 7), on se doute que l’auteur s’est inspiré (du moins un peu) de ses grands-parents maternels.

Le récit alterne entre la lettre que Meissner rédige à son petit-fils dans laquelle il raconte ce dont il se souvient et les pensées de Callum Emslie, « C’est vrai que j’avais posé à Opa des questions qui manquaient franchement de tact, lors de ce séjour. » (p. 15), « Pas une seule fois lorsque je l’ai revu après cette conversation, il n’a mentionné la longue lettre qu’il était en train d’écrire. J’imagine qu’au bout d’un moment, il l’a terminée et rangée dans un tiroir : à sa mort, mon oncle l’a trouvée parmi ses affaires, adressée à moi. » (p. 16).

Dès le début, je ressens la solennité et l’émotion de ce roman et je sais qu’il va me plaire. « […] mon grand-père a été enrôlé dans la Wehrmacht en 1940 au sortir du lycée, il a participé à l’invasion de l’Union soviétique en 1941, il a servie dans l’artillerie sur le front de l’Est pendant quatre ans puis, fait prisonnier en 1945 dans ce qui est aujourd’hui l’Autriche, il a été envoyé dans un camp de détention russe au nord-est de la mer Noire, où il est resté jusqu’en 1948. » (p. 17).

Alors que les Allemands avaient gagné en six semaines contre la France, ils pensaient faire de même en Russie, leur armée était tellement « trop perfectionnée, dotée de stratèges trop subtils pour être sérieusement mise en difficulté » (p. 19) ; Meissner avait même apporté ses manuels de chimie pour ne pas prendre de retard dans ses études (il voulait devenir un grand scientifique). « Mais envahir la Russie, c’était comme déclarer la guerre à la mer ; elle nous a tout simplement avalés. » (p. 19) et, en 1944, ce fut la débandade et le retour tragique, sans supérieurs, sans véhicules, sans matériels, en cherchant à rester en vie et à se ravitailler, « prendre des choses à des gens qui ne veulent pas les donner, telle est bien la réalité de la guerre. » (p. 34). Meissner, et sûrement d’autres de ses camarades, ressentent cette honte de prendre (des vies, de la nourriture…) pour rester en vie, de se sentir « coupable d’une chose qui ne dépendait pas de vous. » (p. 35).

C’est que, même si Meissner n’était pas nazi et si Callum adorait son grand-père, il est bien conscient que « il s’est battu pour les nazis. Il a porté l’uniforme, il a tué des gens. Il a accompli les actes dont il parle ici. » (p. 40-41). Et Meissner se demande pourquoi un pays riche comme l’Allemagne est allé envahir des pays pauvres qui avaient « tant de misère, tant d’indigence » (p. 41), « les gens n’ont rien du tout, ici. » (p. 42), « À l’Est, il n’y avait que la campagne de belle. » (p. 42). Opération Barbarossa, trois millions de soldats allemands envoyés à l’Est… « certains sont restés vivants jusqu’au bout. » (p. 49).

Un roman d’une grande force, sincère et émouvant. Meissner raconte la propagande, l’épuisement, la faim, les ignominies, la naïveté (pas que chez les jeunes soldats), les barouds d’honneur (inutiles), les suicides (individuels ou collectifs)… « En commençant ma lettre, c’est vrai, je t’ai dit que je n’allais pas te raconter des atrocités. Mais ces choses-là ont une force de gravité à elles. Elles exercent leur attraction sur le fil de vos pensées. Maintenant nous y voilà. » (p. 62-63). « Les gens s’imaginent toujours que dans ce genre de situation ils n’auraient pas perdu leur humanité, eux. » (p. 64, sûrement ma phrase préférée).

L’Est… « La guerre à l’Est n’était pas comme les autres. Rien à voir avec les combats qui ont eu lieu en France, en Italie ou en Afrique du Nord. On dit parfois que la guerre à l’Est, avec sa cruauté, le génocide, c’était comme l’enfer ou comme l’apocalypse. Ça, je l’ai ressenti. Mais ce qu’on entend par là, en fait, c’est seulement qu’elle excédait toute comparaison possible. » (p. 83). « Aujourd’hui, je pense qu’aucune guerre n’est bonne. Mais, comparée à l’Est, la guerre de l’Ouest donnait et donne encore l’impression d’avoir été une campagne relativement propre, à laquelle on aurait pu être fier d’avoir participé, si ça n’avait été au service des nazis. » (p. 85). « Mais nous, les Allemands, nous savons dans notre chair – et les Polonais, les Ukraininens, les Juifs et les Russes le savent aussi – que la guerre à l’Est était la seule vraie : nue, impitoyable, affranchie de toute loi, exempte de toute compassion, une pure affaire de haine et d’annihilation. Sur huit soldats allemands tués, sept l’ont été à l’Est. Et, à l’échelle des pertes russes, on peut à peine dire que les puissances occidentales ont fait la guerre. » (p. 86). Je ne pense pas que Meissner veule minimiser ce qui s’est passé à l’Ouest, il est conscient des pertes, des exactions commises, mais il donne son ressenti par rapport à ce qu’il a vécu et aussi par rapport aux chiffres. Ses phrases sont vraiment intenses et donnent à réfléchir. À l’Ouest, « Les lois de la guerre, ce paradoxe raffiné, y avaient encore cours. Des atrocités y étaient commises aussi, mais c’était une violation des règles, et non leur pure et simple abolition. Là-bas, les armées vaincus étaient autorisées à négocier les termes de leur reddition ; les prisonniers recevaient des rations américaines, fumaient des cigarettes américaines, et attendaient de rentrer chez eux. » (p. 86), c’est sûr que les prisonniers allemands n’étaient pas du tout traités de la même façon à l’Est qu’à l’Ouest (et les prisonniers soviétiques non plus d’ailleurs).

Meissner utilise très régulièrement dans sa lettre « nous, les Allemands » qui donne son titre au roman, c’est qu’il y avait une sorte de fierté, un courage et une unité dans le peuple allemand (de même chez les Russes mais différemment). Mais il veut dire aussi que ‘nous, les Allemands, nous n’étions pas tous des nazis’. J’ai apprécié l’honnêteté de Meissner, « Je n’ai pas vu les camps de la mort. Je n’ai entendu parler du Zyklon B et des fours crématoires qu’après la fin de la guerre. Mais je savais que lorsqu’on déportait les habitants d’un ghetto, c’était pour les envoyer se faire tuer. » (p. 88), c’est sûr que les gradés, les décideurs n’allaient pas parler de ce projet aux jeunes recrues de 18-19 ans envoyées sur les fronts ukrainien et russe… Mais, il reconnaît « la culpabilité collective. Je ne vois aucune faille dans ce concept […]. Même à distance, vous vous rendiez coupable, dans une plus ou moins grande mesure. » (p. 90), responsables sûrement mais peut-on être coupables (collectivement) de ce que l’on n’a pas fait, pas vu, pas su… Meissner n’arrive pas à se sentir coupable de ça mais il éprouve « une honte inextricable » (p. 90) et « La honte ne s’expie pas ; elle est une dette impossible à acquitter. » (p. 91). « Chacun de nous se dit : Ce n’est pas moi qui ai fondé le parti nazi ; je n’ai déclaré la guerre à personne, moi, je n’ai envoyé personne dans les camps. Mais nous l’avons fait. » (p. 161). Le bien, le mal…, il y a « des questions à laisser aux prêtres et aux philosophes. » (p. 199).

Callum, quant à lui, est très honnête aussi, « À l’époque où, gamin, je grandissais en Écosse, avec une vision purement hollywoodienne de ce qu’étaient les nazis et de ce qu’ils avaient fait, la germanité se bornait pour moi à de longues vacances d’été chez mes grands-parents. [dans] un village du sud-ouest agricole de l’Allemagne, au climat doux et aux odeurs de vache. » (p. 92) où Meissner, Opa (grand-père), tenait une pharmacie. Callum explique pourquoi il a interrogé son grand-père sur la guerre et sa réflexion est très instructive (elle es différente de celle d’un jeune qui serait né et aurait grandi en Allemagne).

J’ai bien aimé Ferdinand (Ferdy), le poney que les survivants de la troupe de Meissner ont récupéré, « imperturbable » (p. 61), docile et « parfaitement indifférent à notre morosité croissante. » (p. 128). Et sur la couverture, ce loup comme pour dire que l’homme est un loup pour l’homme.

Nous, les Allemands est un livre bouleversant, d’une grande honnêteté, d’une grande maturité, sans jugement hâtif, qui apprend des choses à son lecteur : il parle bien sûr des nazis et quelque peu des officiers mais surtout des jeunes soldats, retirés à leur vie simple, familiale et estudiantine (pour Meissner), de ce qu’ils ont vécu, subi, pensé, regretté et de ce qu’ils ont vécu ensuite, le retour pour certains, les camps pour d’autres, pour Meissner le camp puis le retour puis l’amour avec Oma (grand-mère de Callum), ainsi il pouvait encore y avoir de l’amour et de la tendresse dans leurs vies cassées. J’ai lu ce roman comme en écho de la guerre en Ukraine… (bientôt un an). Peut-être mon dernier coup de cœur de l’année, en tout cas une lecture indispensable.

Ils l’ont lu : Eve-Yeshé, Matatoune, d’autres ?

Pour Les feuilles allemandes (après avoir lu 3 titres classiques, je voulais terminer ce mois avec un roman récent), Petit Bac 2022 (catégorie Ponctuation pour la virgule), Un genre par mois (en novembre, c’est du contemporain), Voisins Voisines (Écosse mais d’origine allemande) et ABC illimité (lettre N pour le titre).

Helene Fischer avec Atemlos durch die Nacht dont l’auteur parle page 136, de la country allemande. Pas du tout dans mes goûts musicaux mais pour les curieux… lol

 

L’énigme de la porte Rashomon de I.J. Parker

L’énigme de la porte Rashomon – Une enquête de Sugawara Akitata de I.J. Parker.

Belfond, février 2007, 456 pages, épuisé, ISBN 978-2-71444-224-6. En poche chez 10/18, avril 2008, 512 pages, épuisé, ISBN 978-2-26404-637-6. Rashomon Gate (2002) est traduit de l’américain par Mélanie Blanc-Jouveaux.

Genres : littérature états-unienne, roman policier, sur le Japon.

I.J. Parker naît en 1936 à Munich en Allemagne. Elle étudie d’abord à l’Université de Munich puis se rend aux États-Unis où elle passe une maîtrise à l’Université du Texas (1962) et un doctorat à l’Université du Nouveau-Mexique (1971). Elle épouse Anthony R. Parker et devient Américaine. Elle enseigne les langues étrangères à l’Université Norfolk de Virginie puis se consacre à l’écriture. Puisqu’elle est spécialiste de l’histoire et de la culture japonaises, elle crée l’enquêteur Akitada Sugarawa en 1997 dans la nouvelle Instruments of Murder publiée dans Alfred Hitchcock’s Mystery Magazine (Prix Shamus). L’énigme de la porte de Rashomon paraît en 2002, suivront L’énigme du paravent des enfers (2003), L’énigme du dragon-tempête (2005, qui serait en fait le tome 1), L’énigme de la flèche noire (2006), L’énigme du second prince (2007), Le sabre du condamné (2009) et 14 autres titres (2010-2019) non traduits en français. Plus d’infos sur son site officiel.

Kyôto, XIe siècle. Orphelin de père, Sugiwara Akitada, 30 ans, est clerc de justice confirmé au ministère de la Justice où il s’ennuie. Il vit avec sa mère, ses deux jeunes sœurs et ses deux serviteurs : Seimei, 60 ans, le vieux serviteur de la famille Sugiwara, devenu scribe et intendant est son secrétaire particulier, et Tora, 20 ans, est son jeune serviteur touche à tout.

Alors qu’un corps décapité a été retrouvé à la porte Rashomon, Hirata, l’ancien professeur de Droit d’Akitada, lui demande de résoudre une énigme de chantage. Voici donc Akitada qui retourne à l’université mais en tant que maître de conférences. Akitada est proche de ce professeur chez qui il a vécu et il est attiré par sa fille unique, Tamako, 22 ans.

Voilà pour les personnages principaux et il y aura bien sûr les autres professeurs et les étudiants de l’université.

« Quoiqu’elle fût une simple couverture destinée à faciliter ses allées et venues dans l’enceinte de l’université, sa mission d’enseignement avait pris des proportions inquiétantes, car Akitada jugeait impossible de duper des jeunes gens brillants s’il ne se montrait pas à la hauteur de sa tâche. » (p. 38).

Akitada découvre une université différente de celle qu’il a fréquentée des années auparavant. Moins de subventions, pauvreté, mauvaise nourriture malgré les efforts du cuisinier, étudiants obligés de travailler, dissensions entre professeurs… « Les professeurs sont-ils toujours aussi hostiles les uns envers les autres, ou bien toutes ces chamailleries sont-elles dues à ce qui s’est passé au printemps dernier ? » (p. 99).

De plus, depuis la mort de son grand-père, le jeune seigneur Minamoto Sadamu, 11 ans, a été laissé ici par un certain seigneur Sakanoue mais celui-ci « s’était débarrassé du garçon au plus vite, sans même respecter un délai convenable » (p. 83) d’autant plus qu’il a épousé la sœur (15 ans) et quitté le domaine seigneurial…

Alors que tout le monde se rend à la fête du printemps, Akitada trouve dans le parc une jeune fille assassinée, celle-là même qui prenait un cours de luth avec le professeur Sato. Le capitaine de police Kobe mène l’enquête mais n’a pas les mêmes idées qu’Akitada. Un étudiant est arrêté, Nagai Hiroshi, surnommé Lapin. Puis, après la fête de Kamo, c’est le professeur Oe qui est retrouvé égorgé. « Rashomon connaissait des temps difficiles. À présent, rarement gardée, elle était devenue le repaire des vagabonds, des voleurs en tout genre et des rebuts des provinces. La nuit, comme les gens ordinaires évitaient soigneusement l’endroit, il était le refuge idéal des criminels. » (p. 307-308).

Akitada va résoudre quatre meurtres, celui du prince Yoakira, le grand-père du jeune Sadamu, un de ses élèves, celui d’Omaki, la jeune fille qui étudiait le luth, celui du professeur Oe et celui du professeur Hirata. Pour cela il va être aidé par Seimei (tout ce qui est administratif) et par Tora (sur le terrain). C’est parfois un peu long mais I.J. Parker maîtrise bien ses connaissances sur le Japon féodal du XIe siècle et le lecteur apprend beaucoup de choses.

Deux bémols. Les Japonais utilisent le nom de famille alors que l’autrice utilise leur prénom (c’est pourquoi j’ai utilisé également les prénoms dans ma note de lecture) et qu’elle écrit avec une mentalité plus américaine que japonaise. J’ai été surprise que ce tome, annoncé comme un premier tome, soit en fait le deuxième puisqu’il y a plusieurs références aux événements qui se sont précédemment déroulés dans L’énigme du dragon-tempête.

Mais les personnages et les descriptions sont agréables donc à découvrir pour ceux qui aiment les romans historiques policiers et le Japon ! Malheureusement les autres titres sont majoritairement épuisés chez Belfond et il n’y a que trois titres encore disponibles chez 10/18

Lu durant la Semaine à mille pages pour Un mois au Japon, je mets ce roman dans Hanami Book Challenge (menu 1, Au temps des traditions, sous-menu 1, Pour la gloire de l’empereur), Petit Bac 2021 (catégorie Lieu pour la célèbre Porte Rashomon) et Polar et thriller 2020-2021.

Volia Volnaïa de Victor Remizov

Volia Volnaïa de Victor Remizov.

Belfond, janvier 2017, 464 pages, 21 €, ISBN 978-2-71446-894-9. воля вольная (Volya Volnaya, 2014) est traduit du russe par Luba Jurgensen.

Genres : littérature russe, roman.

Victor Remizov (Виктор Ремизов) naît en 1958 à Saratov (à l’époque Union soviétique). Il étudie les langues à Moscou puis travaille comme géomètre, journaliste et professeur avant de se lancer dans l’écriture avec Volia Volnaïa, son premier roman paru en 2014, et Devouchki paru en 2016.

Après avoir lu Devouchki de Victor Remizov, son deuxième roman, j’ai eu très envie de lire Volia Volnaïa, le premier roman.

Août. Guennadi Milioukine dit Guenka, 43 ans, est à la pêche sur la rivière Ioukhta (apparemment près de la mer d’Okhotsk) avec son fils aîné Mikhaïl dit Michka. « Une mine d’or, cette rivière. » (p. 11).

En hiver, c’est la chasse à la zibeline dans la taïga ; Guenka emmène son vieux chien, Tchinguiz, et sa jeune chienne, Aïka. Il respecte les règles et se sent récompensé.

Ilya Jebrovski, riche Moscovite de 48 ans, vient chasser en hiver. « La solitude dans la taïga est une drogue accrocheuse. Celui qui y a goûté, s’il vaut quelque chose, ne peut plus s’en passer et, s’il y renonce contre son gré, il en souffre comme une perte irréparable. Bien sûr, c’était un caprice de citadin, mais une fois seul au milieu de la forêt, il se sentait bien comme nulle part ailleurs. » (p. 62).

Mais la pêche et la chasse sont interdites ; les policiers ferment les yeux contre 20 % mais, parfois, ils saisissent les marchandises ce qui met en colère les habitants. « C’était prévisible, non ? À partir de là, soit ils nous coffrent jusqu’au dernier, soit on doit travailler pour eux. Tout ça a a été manigancé exprès. » (p. 121).

La liberté est donc menacée… « En cela, tous les gars du coin se ressemblaient : ils voulaient une vie libre. Même au prix d’un pouvoir inique. Or un pouvoir inique corrompt même la liberté. » (p. 138).

S’ensuit une chasse à l’homme (les chasseurs, les pêcheurs, le Moscovite, un étudiant, un chanteur… et les policiers zélés) dans la Nature immense de Sibérie sous la neige ; c’est très beau et il y a beaucoup d’animaux, des chiens, des saumons, des coqs de bruyère, des gelinottes, des zibelines, quelques loups et ours. Mais le roman va beaucoup plus loin qu’un récit pastoral. « C’est une longue histoire, poursuivit Ilya. On nous a volé notre rêve, on l’a remplacé par du fric ! Et surtout… le peuple n’a rien contre. On lui jette des miettes de la table des maîtres, il est ravi ! » (p. 196).

Ainsi, quoique totalement différent de Devouchki qui était urbain, Volia Volnaïa (qui signifie Libre Liberté) traite du pouvoir en place, de l’argent, de l’âme russe et des « petites » gens, les mêmes que ceux dont Dostoïevski ou Tolstoï racontaient les vies mais transposés à notre époque. Finalement rien n’a changé en 200 ans… à part un peu de technologie alors que tradition et modernité s’affrontent.

J’avoue que j’ai été parfois perdue avec tous ces personnages (ils sont listés sur une double page en début de roman, plus de quarante tout de même !) mais je me suis laissée porter par ce beau roman, immense comme la taïga. Un mélange de roman naturaliste et de western russe ! Et un premier roman en plus, chapeau ! Lu en août (oui, je sais, j’ai du retard dans la publication de mes notes de lectures), il m’a apporté un grand bol d’évasion et un voyage depuis mon canapé !

Pour les challenges Animaux du monde #3 et Voisins Voisines 2020 (Russie). Et n’oubliez pas de visiter Mon avent littéraire 2020 pour le jour n° 4.

Devouchki de Victor Remizov

Devouchki de Victor Remizov.

Belfond, janvier 2019, 400 pages, 21 €, ISBN 978-2-71447-855-9. Искушение Iskushenie (2016) est traduit du russe par Jean-Baptiste Godon.

Genres : littérature russe, roman contemporain.

Victor Remizov (Виктор Ремизов) naît en 1958 à Saratov (à l’époque Union soviétique). Il étudie les langues à Moscou puis travaille comme géomètre, journaliste et professeur avant de se lancer dans l’écriture avec Volia Volnaïa, son premier roman paru en 2014, et Devouchki paru en 2016.

Beloretchensk est une petite ville de Sibérie avec des maisons en bois, la steppe et deux larges rivières, l’Angara et la Belaïa de la taïga. Parmi les « environ dix-neuf mille habitants » (p. 8), Katia, 20 ans, et sa cousine, Nastia, 24 ans. Katia aimerait étudier la médecine à l’Institut de médecine de Moscou et gagner assez d’argent pour payer l’opération de son père. Elle accepte donc de suivre Nastia à la capitale. Avec la bénédiction de ses parents : « Pars d’ici, Katia, nous sommes pire que des bêtes ! Et tu deviendras comme nous… » (la mère, Irina, p. 26). « Pars, Katia, c’est mieux, tu suivras des cours particuliers et tu entreras à l’université l’année prochaine. On se débrouillera avec ta mère. » (le père, Jora, surnommé Gueorgui, p. 27).

Mais Katia et Nastia, qui ne connaissent pas Moscou, errent dans la ville, dorment où elles peuvent, rencontrent des étrangers qui abusent d’elles et tournent mal…

Un jour, Katia est repérée par un célèbre photographe et elle est embauchée par Andreï Ivanovitch, patron du restaurant géorgien Mukuzani, pour devenir l’égérie de leur campagne publicitaire. « Elle était agile, gracieuse : une jeune fille de qualité. » (p. 141).

Katia et Nastia ont chacune un caractère différent et donc un comportement différent. Katia est douce, intelligente, rêveuse ; elle veut étudier et aspire à être honnête. Nastia et rustre, tête brûlée, vulgaire et peine à trouver du travail ; elle devient jalouse de Katia et ce n’est pas la morale qui l’étouffe ! « Je suis choquée par Moscou : c’est la merde, ici. Que des culs noirs, quel bazar ! Tu te rends compte… et l’autre qui voulait que je me marie avec lui. » (Nastia, p. 87, elle parle de Sapar, un jeune Tadjik qui les a aidées). En dehors de faire partie de la même famille, elle n’ont qu’un point en commun, c’est qu’elles sont belles toutes les deux. Mais Nastia est prête à vendre le pucelage de Katia à un ami de Mourad (un caïd) contre de l’argent, et tant pis s’il faut mettre une pilule dans son coca et si elle se fait violer ! Charmant… J’ai détesté le comportement de Nastia. En même temps, les deux cousines aux tempéraments si différents sont sûrement représentatives des jeunes femmes russes !? Si j’ai bien compris, Devouchki signifie jeunes femmes.

La Russie actuelle n’est pas montrée sous son meilleure jour : pauvreté, chômage, combines foireuses, racisme (envers les ressortissants des anciennes républiques soviétiques)… Le frère de Katia, joueur invétéré, est en prison et les harcèle elle et leur mère pour recevoir de l’argent… Tout ça n’est pas glorieux et je suis sûre que certains Russes sont nostalgiques du communisme !

J’ai bien aimé le passage où Alexei (amoureux de Katia), en stage à Londres, rencontre Jack Stoneby, un jeune Écossais qui vient de publier un premier roman en lice pour le Booker Prize. Ils parlent littérature : « Dostoïevski parlait de son expérience, de ses sensations. Il était joueur, comme chacun sait, et a écrit un roman… » (p. 250). Je venais justement de lire Le joueur de Fiodor Dostoïevski !

Coup de cœur ❤ J’avais réservé à la bibliothèque le premier roman de Victor Remizov, Volia Volnaïa, et je vous parle tout bientôt.

Je vois que la Russie fait partie des pays du challenge Voisins Voisines 2020.

Tony Takitani de Haruki Murakami

Tony Takitani de Haruki Murakami.

Belfond, décembre 2005, 56 pages, ISBN 2-7144-4238-2. トニー滝谷 Tony Takitani (1996) est traduit du japonais par Corinne Atlan.

Genres : littérature japonaise, nouvelle.

Haruki Murakami 村上 春樹 naît le 12 janvier 1949 à Kyôto. Romancier, nouvelliste, essayiste, entre autres, il reçoit de nombreux prix littéraires. Je ne cite pas toutes ses œuvres, ce serait trop long, mais vous pouvez les trouver sur Internet. Ce que j’aime chez lui, ce sont les descriptions, l’étrange, l’irruption du fantastique dans le quotidien.

Ayant quitté Tôkyô pour Shanghai, Shozaburo Takitani n’a pas participé à la guerre, il joue du jazz au trombone mais arrêté par la police chinoise, il doit retourner au Japon en 1946. Peu importe que ses parents soient morts et que son frère soit porté disparu en Birmanie, tout ce qu’il sait faire, c’est jouer du jazz. « Comme il ne savait rien faire d’autre que jouer de la musique, il reprit contact avec quelques amis d’autrefois et ils partirent en tournée dans les bases américaines. » (p. 10). En 1947, il se marie avec une cousine éloignée et en 1948, Tony vient au monde et se retrouve orphelin de mère. Solitaire (son père est souvent en tournée) et passionné par le dessin, il étudie naturellement aux Beaux-Arts et devient illustrateur. « Des couvertures de magazines automobiles aux dessins publicitaires, il acceptait toutes les commandes tant qu’il s’agissait de reproduire des mécanismes. » (p. 18-19). Sa vie change le jour où il fait la connaissance d’une jeune femme, qu’il épouse, et tout irait parfaitement bien si elle ne dépensait pas trop d’argent à s’acheter des vêtements ! « Elle perdait presque le contrôle d’elle-même à la vue de la moindre nouveauté. » (p. 30).

Cette nouvelle touchante sur la solitude est parue dans le recueil Phantom of Lexington en 1996. Ce petit livre est un livre promotionnel paru pour l’adaptation au cinéma par Jun Ichikawa (bande annonce ci-dessous).

Pour Un mois au Japon et, ça faisait longtemps, pour La bonne nouvelle du lundi.

PS : par le passé, Haruki Murakami… Articles archivés : L’éléphant s’évapore de Haruki MURAKAMI (2008), Audiolib 1Q84 – Livre 1 avril-juin de Haruki Murakami (2013) et Challenge Haruki Murakami avec Aude (2014).

Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique de Balli Kaur Jaswal

Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique de Balli Kaur Jaswal.

Belfond, collection Le Cercle, mai 2018, 352 pages, 21 €, ISBN 978-2-7144-7575-6. Erotic Stories for Punjabi Widows (2017) est traduit de l’anglais (Singapour) par Guillaume-Jean Milan.

Genres : littérature singapourienne, littérature indienne.

Balli Kaur Jaswal naît à Singapour et grandit « entre le Japon, la Russie, les États-Unis et l’Europe ». Elle étudie l’écriture créative ; ses deux premiers romans, Inheritance (2013) et Sugarbread (2016), ne sont pas traduits en français. Plus d’infos sur https://ballijaswal.com/.

Jeune Indienne Pendjabie moderne et libre vivant à Londres, Nikki est horrifiée de voir sa sœur, Mindi, se proposer pour un mariage arrangé. Mais, alors que Mindi est optimiste pour son avenir, la vie de Nikki n’est pas au mieux, elle travaille dans un bar, elle vit seule… « Quel avenir y avait-il pour une jeune femme de vingt-deux ans avec la moitié d’une licence en droit ? Dans la situation économique actuelle (et sans doute n’importe quelle autre) : aucun. » (p. 13). La pression familiale et même des voisins est forte… « […] la sensation d’être coupée en deux. À la fois britannique et indienne. » (p. 19).

En allant déposer la petite annonce pour Mindi à Southall sur le panneau d’affichage du temple, Nikki lit une autre annonce : « Cours d’écriture : inscrivez-vous maintenant ! ». Kulwinder Kaur, seule femme au conseil de la communauté, embauche Nikki pour donner les cours aux femmes inscrites, pour la plupart des veuves. Lors du premier cours, Nikki se rend compte que les femmes ne savent pas écrire mais sont friandes de récits érotiques ! « Elle avait été engagée pour enseigner l’anglais, certes, mais n’avait-elle pas aussi signé pour aider ces femmes à gagner en indépendance ? Si les veuves voulaient raconter des histoires érotiques, de quel droit les censurer ? » (p. 83). Un soir, Nikki fume une cigarette et fait la connaissance de Jason Singh Bhamra. « Américain. Et Pendjabi. Et Sikh évidemment. » (p. 84). L’atelier d’écriture devient de plus en plus populaire mais qui dit plus de participantes dit plus de papotages à l’extérieur et plus de danger d’être découvertes par les Frères et les bien-pensants de la communauté.

Une visite au temple, une petite annonce, des rencontres et la vie de Nikki est bouleversée ! Un roman délicieusement érotique, avec des femmes incroyables (dans une société traditionnelle toujours patriarcale), des veuves qui vont tout faire voltiger autour d’elles et de leurs histoires, réelles ou fantasmées ! Un « club » un peu comme l’Inde, coloré, enlevé, épicé même, vraiment drôle et j’ai lu qu’il va être adapté au cinéma. Ce roman, c’est un peu de girl power (il parle de féminisme, d’émancipation, de liberté et aussi de crimes d’honneur) et de love power (les histoires des veuves sont en italique) mais jamais vulgaire et jamais mièvre. Un succès mérité car le lecteur passe un super moment de lecture, apprend beaucoup de choses, s’interroge et… a très envie de manger indien (mais attention, vous ne regarderez plus certains légumes, carottes, courgettes, concombres… de la même façon !) 😉

Je note que, lors de leur arrivée dans un autre pays « pour vivre mieux », ici l’Angleterre, certains Indiens veulent vivre au milieu des Anglais, comme les Anglais, mais, avec l’éducation des enfants, la nostalgie du pays d’origine ou d’autres raisons plus prosaïques comme pouvoir acheter facilement des ingrédients pour cuisiner, beaucoup vont vivre dans un quartier indien, ici Southall, pour se sentir entourés, rassurés, ce qui crée du communautarisme et donne malheureusement une certaine autorité aux intégristes de la pensée, de la morale et du comportement…

Un passage que je veux retenir. « Je déteste ça. Le regret littéraire. On tombe sur un livre et puis on se dit, je le prendrai plus tard. Ensuite on regrette et impossible de le trouver nulle part. Ça devient une obsession. » (p. 136).

Une excellente lecture pour le Challenge de l’été, Raconte-moi l’Asie (l’auteur est une Indienne de Singapour) et Feel good (même si ce roman est plus que ça).

Dans la ville des veuves intrépides de James Cañón

Dans la ville des veuves intrépides de James Cañón.

Belfond, collection Littérature étrangère, mars 2008, 380 pages, 23 €, ISBN 978-2-7144-4348-9. Tales from the town of widows (2007) est traduit de l’américain par Robert Davreu.

Genres : littérature colombienne, premier roman.

James Cañón naît à Ibagué en Colombie en 1968. Si ce roman est traduit de l’américain et pas de l’espagnol, c’est parce que l’auteur a d’abord étudié à l’université de Bogotá avant d’aller étudier à New York (il est diplômé de l’université de Columbia) où il vit toujours. Plus d’informations sur son site officiel en anglais.

Dimanche 15 novembre 1992, des guérilleros font étape dans le village isolé de Mariquita : ils embarquent tout ce qui est de sexe masculin et tuent froidement ceux qui refusent de les suivre. Ne restent que trois hommes, le padre Rafael, un adolescent de 13 ans que sa mère a déguisé en fille, un jeune homosexuel qui travaillait dans le village voisin et quelques enfants de moins de 12 ans. Mais les hommes sont toujours présents à la fois dans le cœur des mères, épouses, sœurs et célibataires (pensées, souvenirs, désir de leur retour) et dans le roman grâce aux courts témoignages de guérilleros ou de militaires insérés entre chaque chapitre.

Les femmes ne supportant plus d’être seules, elles décident qu’il faut mettre des enfants au monde. Mais après une tentative de procréation infructueuse (avec le padre devenu très lubrique) et après avoir failli mourir de faim, les femmes perdent leurs repères et vivent dans le chaos. Rosalba, la veuve du brigadier, proclamée maire, en instaure de nouveaux : agriculture et économie, homosexualité féminine organisée, collectivisme obligatoire et nouvel ordre social. Mais certaines femmes sombrent dans la folie après la perte de la notion du temps et de leur féminité (leurs menstruations ont disparu).

Un roman très original : il est rare qu’un homme traite d’un sujet aussi féminin, aussi intime. En plus de façon à la fois réaliste et surréaliste (typique de la littérature sud-américaine en fait). J’avais pris beaucoup de plaisir à lire ce roman que j’avais beaucoup conseillé autour de moi, malheureusement James Cañón – qui a reçu le Henfiel Prize for Excellence in Fiction en 2001 pour des nouvelles publiées dans des revues littéraires et plusieurs prix pour ce premier roman en particulier aux États-Unis et en France – n’a depuis écrit que des essais.

Mais comme Dans la ville des veuves intrépides est paru en France il y a dix ans, je voulais le remettre au goût du jour pour le Défi littéraire de Madame lit (le mois de juillet est consacré à la littérature colombienne).

L’éléphant s’évapore de Haruki MURAKAMI – 4

[Article archivé]

L’éléphant s’évapore est un recueil de nouvelles de Haruki Murakami paru aux éditions Belfond en 2008 (421 pages, ISBN 978-2-7144-4372-4). Traduit de Zô no shômetsu (japonais) par Corinne Atlan.

Genres : littérature japonaise, nouvelles.

Nouvelle extraite du recueil « Kenshinton no yûrei » (Éditions Bungei-shunjû, 1996)

Le monstre vert = Midori no kedamono – Après que son mari soit parti travailler, une femme voit un animal vert sortir des racines d’un arbre et faire irruption dans la maison pour l’agresser. Réalité ou hallucination due à la solitude ?

Nouvelle extraite du recueil « TV pîpulu » (Éditions Bungei-shunjû, 1990)

TV people = TV pîpulu – Que feriez-vous si des installateurs venaient chez vous un dimanche pour installer une télévision que vous n’avez pas demandée et qui en plus ne fonctionne pas ? C’est ce qui arrive à ce brave homme, non seulement chez lui mais aussi sur son lieu de travail. Qui sont ces hommes de TV people et surtout pourquoi son épouse a-t-elle disparu ?

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L’éléphant s’évapore de Haruki MURAKAMI – 3

[Article archivé]

L’éléphant s’évapore est un recueil de nouvelles de Haruki Murakami paru aux éditions Belfond en 2008 (421 pages, ISBN 978-2-7144-4372-4). Traduit de Zô no shômetsu (japonais) par Corinne Atlan.

Genres : littérature japonaise, nouvelles.

Nouvelles extraites du volume 8 du recueil « Murakami Haruki zen haku hin » (Kôdansha)

La seconde attaque de boulangerie = Panya saishû geki – N’ayant pas trouvé de boulangerie comme à l’époque où ils étaient jeunes mariés, le narrateur et son épouse, pris de fringale, braquent un Mac Do. Les temps changent…

L’éléphant s’évapore = Zô no shômetsu – Alors qu’il lit le journal en prenant son petit-déjeuner, le narrateur apprend que l’éléphant du zoo a disparu de son enclos. Or l’éléphant et son gardien (Noboru Watanabe, encore ce nom !) se sont tout bonnement « évaporés » et il est le dernier à les avoir vus depuis le point de vue sur la colline. Voici comment vont se rencontrer une journaliste et un chargé de publicité pour un fabricant de matériaux électriques !

Family affair = Famiri-afea – Le narrateur n’aime pas le fiancé de sa sœur (Noboru Watanabe, tiens, comme le chat de L’oiseau à ressort et Les femmes du mardi !) mais lorsqu’il répare l’ampli de la stéréo, il déclare que « c’est bien d’avoir au moins un type comme ça dans une famille ». L’amour tient à peu de choses…

La chute de l’Empire romain, la révolte indienne de 1881, l’invasion de la Pologne par Hitler et le monde des vents violents = Rômatoikoku no hôkai, 1881 indian hôki, Hittorâ no Porando shinnyû soshite kyôfûsekai – Tous les dimanches depuis 22 ans, un homme note dans son journal intime sa semaine en s’aidant de pense-bêtes mnémotechniques rédigés en semaine ce qui donne une histoire incroyable.

L’oiseau à ressort et les femmes du mardi = Nejimaki-dori to kayôbi no onnatachi – Le narrateur, un avocat au chômage depuis qu’il a donné sa démission, sort chercher le chat (nommé Noboru Watanabe) de son épouse, pour échapper à une femme qui le harcèle au téléphone.

Sommeil = Nemuri – Une femme ayant perdu le sommeil, délaisse son mari et son fils. Elle prend l’habitude de lire et de relire Anna Karénine et de sortir la nuit en voiture, ce qui ne lui portera pas chance.

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