Journal des frères Goncourt

Journal ou Mémoires de la vie littéraire des frères Goncourt.

Rédigé de 1851 à 1895 mais n’est publié qu’en 1887. Publication en 3 tomes chez Bouquins.

Genres : littérature française, journal intime, classique.

L’aîné, Edmond Louis Antoine Huot de Goncourt naît le 26 mai 1822 à Nancy dans la Meurthe. Il meurt le 16 juillet 1896 à Draveil en Seine et Oise (d’une embolie pulmonaire fulgurante) et, durant l’inhumation à laquelle assistent les hommes politiques de l’époque (Clemenceau, Poincaré, entre autres) Émile Zola fait une oraison funèbre. Le cadet, Jules Huot de Goncourt naît le 17 décembre 1830 à Paris. Il meurt le 20 juin 1870 à Paris (d’une paralysie due à la syphilis). Les deux frères sont enterrés au cimetière de Montmartre.

Jules commence le Journal et après sa mort, Edmond le continue. Les deux frères publient ensemble Histoire de la société française pendant la Révolution (1854), Portraits intimes du XVIIIe siècle (1857), Histoire de Marie-Antoinette (1858), L’art du XVIIIe siècle (1859-1870), Charles Demailly (1860), Sœur Philomène (1861), Renée Mauperin (1864), Germinie Lacerteux (1865), Idées et sensations (1866), Manette Salomon (1867), Madame Gervaisais (1869), puis Edmond publie seul La fille Élisa (1877), La Du Barry (1878), La duchesse de Châteauroux et ses sœurs (1879), Les frères Zemganno (1879), La maison d’un artiste (1881), La Saint-Hubert (d’après sa correspondance et ses papiers de famille, 1882), Chérie (1884), La femme au XVIIIe siècle (1887) et Madame de Pompadour (1888), des œuvres appartenant au courant du naturalisme (et, remarquez, beaucoup d’histoires de femmes).

Edmond et Jules de Goncourt photographiés par Nadar

Les deux frères étudient au lycée Condorcet et ont de nombreux amis écrivains ou artistes (Théodore de Banville, Maurice Barrès, Alphonse et Léon Daudet, Gustave Flaubert, Paul Gavarni, Gustave Geffroy, Roger Marx, Guy de Maupassant, Octave Mirbeau, Auguste Rodin, Ivan Tourgueniev, Émile Zola, entre autres, source Wikipédia). Le dimanche, ils animent un salon littéraire Le Grenier. Ils sont célèbres pour la création du Prix Goncourt mais celui-ci est créé par le testament d’Edmond de Goncourt en 1892. Ainsi la Société littéraire des Goncourt, dite Académie Goncourt, est officiellement fondée en 1902 et le premier prix Goncourt est proclamé le 21 décembre 1903.

Le Journal que j’ai lu en numérique commence en décembre 1851.

2 décembre 1851. Rue Saint-Georges, tôt le matin. « Mais qu’est-ce qu’un coup d’État, qu’est-ce qu’un changement de gouvernement pour des gens qui, le même jour, doivent publier leur premier roman. Or, par une malechance ironique, c’était notre cas. » Quelle malchance, effectivement ! « Votre roman… un roman… la France se fiche pas mal des romans aujourd’hui, mes gaillards ! » (leur cousin Blamont). Comble de malchance, « Et dans la rue, de suite nos yeux aux affiches, car égoïstement nous l’avouons, — parmi tout ce papier fraîchement placardé, annonçant la nouvelle troupe, son répertoire, ses exercices, les chefs d’emploi, et la nouvelle adresse du directeur passé de l’Élysée aux Tuileries — nous cherchions la nôtre d’affiche, l’affiche qui devait annoncer à Paris la publication d’En 18, et apprendre à la France et au monde les noms de deux hommes de lettres de plus : Edmond et Jules de Goncourt. L’affiche manquait aux murs. » Gloups !

15 décembre 1851. « — Jules, Jules… un article de Janin dans les Débats ! C’est Edmond qui, de son lit, me crie la bonne et inattendue nouvelle. Oui, tout un feuilleton du lundi parlant de nous à propos de tout et de tout à propos de nous, et pendant douze colonnes, battant et brouillant le compte rendu de notre livre avec le compte rendu de la Dinde truffée, de M. Varin, et des Crapauds immortels, de MM. Clairville et Dumanoir : un feuilleton où Janin nous fouettait avec de l’ironie, nous pardonnait avec de l’estime et de la critique sérieuse ; un feuilleton présentant au public notre jeunesse avec un serrement de main et l’excuse bienveillante de ses témérités. » Ah, voici le début de la célébrité ! Même si ce n’est pas l’idéal…

21 décembre 1851. Après une visite à Janin, les frères Goncourt sont introduits chez madame Allan, une actrice qui vit rue Mogador. Et puis la course folle pour rencontrer le « directeur du Théâtre-Français, auquel nous sommes parfaitement inconnus », aller chez Lireux, chez Brindeau, puis de nouveau au Théâtre-Français, tout ça pour être lus et joués au théâtre.

23 décembre 1851. « Ce n’est pas gentil, ça ! »

Fin janvier 1852. « L’Éclair, Revue hebdomadaire de la Littérature, des Théâtres et des Arts, a paru le 12 janvier. », leur journal, enfin ! Mais, dans les locaux du journal, ils passent leur temps « à attendre l’abonnement, le public, les collaborateurs. Rien ne vient. Pas même de copie, fait inconcevable ! Pas même un poète, fait plus miraculeux encore ! » Zut, leur carrière démarre bien mal… « Nous continuons intrépidement notre journal dans le vide, avec une foi d’apôtres et des illusions d’actionnaires. » mais, évidemment, l’argent vient à manquer. Pourtant Nadar commence à y publier des caricatures.

Août 1852. Victor Hugo, en exil, envoie une lettre à Janin.

22 octobre 1852. « Le Paris paraît aujourd’hui. C’est, croyons-nous, le premier journal littéraire quotidien, depuis la fondation du monde. Nous écrivons l’article d’en-tête. »

Janvier 1853. « Les bureaux du Paris, d’abord établis, 1 rue Laffitte, à la Maison d’Or, furent, au bout de quelques mois, transférés rue Bergère, au-dessus de l’Assemblée Nationale. » et plus loin, « À l’heure présente, le journal remue, il ne fait pas d’argent, mais il fait du bruit. Il est jeune, indépendant, ayant comme l’héritage des convictions littéraires de 1830. C’est dans ses colonnes l’ardeur et le beau feu d’une nuée de tirailleurs marchant sans ordre ni discipline, mais tous pleins de mépris pour l’abonnement et l’abonné. Oui, oui, il y a là de la fougue, de l’audace, de l’imprudence, enfin du dévouement à un certain idéal mêlé d’un peu de folie, d’un peu de ridicule… un journal, en un mot, dont la singularité, l’honneur, est de n’être point une affaire. »

20 février 1853. « Un jour de la fin du mois de décembre dernier, Villedeuil rentrait du ministère en disant avec une voix de cinquième acte : — Le journal est poursuivi. Il y a deux articles incriminés. L’un est de Karr ; l’autre, c’est un article où il y a des vers… Qui est-ce qui a mis des vers dans un article, ce mois-ci ? — C’est nous ! disions-nous. — Eh bien ! c’est vous qui êtes poursuivis avec Karr. » Pas facile, la vie d’auteurs, poètes, dramaturges, critiques littéraires… Voici un extrait des vers incriminés : « Croisant ses beaux membres nus / Sur son Adonis qu’elle baise ; / Et lui pressant le doux flanc ; / Son cou douillettement blanc, /Mordille de trop grande aise. » Je rappelle que « baiser » signifiait à l’époque « embrasser ». « Il nous fallait un avocat », c’est sûr ! Heureusement avec un bon avocat : « En ce qui touche l’article signé Edmond et Jules de Goncourt, dans le numéro du journal Paris, du 11 décembre 1853. Attendu que si les passages incriminés de l’article présentent à l’esprit des lecteurs des images évidemment licencieuses et dès lors blâmables, il résulte cependant de l’ensemble de l’article que les auteurs de la publication dont il s’agit n’ont pas eu l’intention d’outrager la morale publique et les bonnes mœurs. Par ces motifs : Renvoie Alphonse Karr, Edmond et Jules de Goncourt et Lebarbier (le gérant du journal) des fins de la plainte, sans dépens. Nous étions acquittés, mais blâmés. »

27 juillet 1853. « Je vais voir Rouland pour savoir si je puis publier la Lorette sans retourner en police correctionnelle. » Enfin, « La Lorette paraît. Elle est épuisée en une semaine. C’est pour nous la révélation qu’on peut vendre un livre. »

Septembre 1853. Les deux frères accompagnent des amis à la mer, « à Veules, une pittoresque avalure de falaise, tout nouvellement découverte par les artistes. » Ils y rencontrent donc de jeunes artistes. « Veules est un coin de terre charmant, et l’on y serait admirablement s’il n’y avait pas qu’une seule auberge, et, dans cette auberge, un aubergiste ayant inventé des plats de viande composés uniquement de gésiers et de pattes de canards… Nous passons là un mois, dans la mer, la verdure, la famine, les controverses grammaticales, et nous revenons un peu refroidis avec l’humanitaire Leroy, au sujet de l’homicide d’un petit crabe, écrasé par moi sur la plage. »

Ensuite le Journal passe à l’année 1854 et continue jusqu’en 1895 (neuvième volume !) mais je n’ai pas le temps de tout lire. Par contre, ça me plaît beaucoup alors je sais que je le reprendrai de temps en temps. Ce Journal raconte le quotidien des deux frères qui n’ont pratiquement jamais été séparés, leurs relations amicales (écrivains, artistes…) mais aussi leurs rapports avec la critique (pas toujours tendre avec eux mais c’était le cas avec d’autres auteurs contemporains, par exemple Hugo et Zola en ont fait les frais), leurs virées (salons, repas mondains, promenades…), leur difficulté d’être publiés (leurs romans sont souvent adaptés au théâtre, c’était de mise à cette époque mais comment savoir si le succès serait au rendez-vous) et de tenir leur revue (littéraire et artistique) à flot, leurs démêlés avec la justice et la censure sous la Troisième République et sous le Second Empire, quelques opinions politiques (en particulier l’antisémitisme d’Edmond ami avec Édouard Drumont), des propos et indiscrétions sur les personnalités de l’époque (littéraires, artistiques, politiques…), tout ceci est donc passionnant tant au niveau historique que littéraire et souvent amusant.

J’ai effectué cette lecture pour Les classiques c’est fantastique, le thème de février étant ‘Les couples littéraires’ (je n’ai pas pris ça obligatoirement comme un homme et une femme). Elle entre aussi dans 2023 sera classique, ABC illimité (lettre J pour titre) et Challenge lecture 2023 (catégorie 23, un livre écrit à 4 mains, 2e billet).

Les secrets de la princesse de Cadignan de Honoré de Balzac

Illustration d’Alcide Théophile Robaudi (1847-1928)

Les secrets de la princesse de Cadignan de Honoré de Balzac.

Nouvelle de 70 pages parue dans le journal La Presse en 1839 (le titre est alors Une princesse parisienne) avant d’être publiée dans le tome XI de La Comédie humaine en 1855 (nouvelle dédiée à Théophile Gautier). Cette Études de femmes fait partie des Scènes de la vie parisienne.

Genres : littérature française, nouvelle, classique.

Honoré de Balzac : je vous laisse consulter sa bio et mes précédentes lectures ici. LC (lecture commune) avec Maggie, Claudia et Rachel. J’en profite pour vous annoncer La Quinzaine balzacienne – organisée par les blogs La Barmaid aux lettres et Et si on bouquinait un peu – qui aura lieu du 15 au 30 juin 2023.

« Après les désastres de la Révolution de Juillet qui détruisit plusieurs fortunes aristocratiques soutenues par la Cour », la duchesse de Maufrigneuse, devenue princesse Diane de Cadignan (le nom de jeune fille de sa mère), s’est cloîtrée chez elle, un appartement avec un jardin et deux domestiques mais c’est une croqueuse d’hommes… et de leur fortune ! Elle a un fils de 19 ans, Georges de Maufrigneuse.

L’histoire commence en 1832, elle a 36 ans, elle a connu de nombreux hommes mais elle s’ouvre à l’unique amie qu’elle a gardée, la marquise d’Espard, lui avouant qu’elle n’a jamais connu un amour véritable. « À vous seule, j’oserai dire qu’ici je me suis sentie heureuse. J’étais blasée d’adorations, fatiguée sans plaisir, émue à la superficie sans que l’émotion me traversât le cœur. J’ai trouvé tous les hommes que j’ai connus petits, mesquins, superficiels ; aucun d’eux ne m’a causé la plus légère surprise, ils étaient sans innocence, sans grandeur, sans délicatesse. J’aurais voulu rencontrer quelqu’un qui m’eût imposé. » « Je suis poursuivie dans ma retraite par un regret affreux : je me suis amusée, mais je n’ai pas aimé. » « Enfin, nous voilà, répondit avec une grâce coquette madame d’Espard qui fit un charmant geste d’innocence instruite, et nous sommes, il me semble, encore assez vivantes pour prendre une revanche. »

« Ah ! je voudrais cependant bien ne pas quitter ce monde sans avoir connu les plaisirs du véritable amour, s’écria la princesse. » Alors la marquise d’Espard décide de lui présenter Daniel d’Arthez. « Daniel d’Arthez, un des hommes rares qui de nos jours unissent un beau caractère à un beau talent, avait obtenu déjà non pas toute la popularité que devaient lui mériter ses œuvres, mais une estime respectueuse à laquelle les âmes choisies ne pouvaient rien ajouter. Sa réputation grandira certes encore, mais elle avait alors atteint tout son développement aux yeux des connaisseurs : il est de ces auteurs qui, tôt ou tard, sont mis à leur vraie place, et qui n’en changent plus. Gentilhomme pauvre, il avait compris son époque en demandant tout à une illustration personnelle. »

Daniel d’Arthez fera-t-il l’affaire de la princesse de Cadignan ? « Ce qui m’a manqué jusqu’à présent, c’était un homme d’esprit à jouer. Je n’ai eu que des partenaires et jamais d’adversaires. L’amour était un jeu au lieu d’être un combat. » La marquise d’Espard organise donc la rencontre et les lecteurs vont retrouver quelques personnages de la Comédie humaine (Michel Chrestien qui fut éperdument amoureux de la princesse est mort mais on parle de lui). « Cette soirée était donnée pour cinq personnes : Émile Blondet et madame de Montcornet, Daniel d’Arthez, Rastignac et la princesse de Cadignan. En comptant la maîtresse de la maison, il se trouvait autant d’hommes que de femmes. » ou de la parité chez Balzac 😉

Malgré les manipulations et les mensonges de la princesse de Cadignan, le baron d’Arthez – qui est plus jeune qu’elle – l’aime passionnément et prend sa défense. Il la considère comme une femme libre, au caractère fort, élégante, moderne (alors que le rôle des femmes était plus que minime… Se marier, avoir des enfants, être discrètes…). « Les femmes savent donner à leurs paroles une sainteté particulière, elles leur communiquent je ne sais quoi de vibrant qui étend le sens des idées et leur prête de la profondeur ; si plus tard leur auditeur charmé ne se rend pas compte de ce qu’elles ont dit, le but a été complètement atteint, ce qui est le propre de l’éloquence. […] Ainsi la princesse avait aux yeux de d’Arthez un grand charme, elle était entourée d’une auréole de poésie. » Elle profite de sa naïveté et le prend dans ses filets, « dans les lianes inextricables d’un roman préparé de longue main ». J’ai tout aimé dans cette histoire en particulier les moments où d’Arthez, complètement sous le charme, fait sa cour à la princesse et la chute.

Balzac, très fier de cette œuvre, écrivait à madame Hańska : « C’est la plus grande comédie morale qui existe » et, comme pour se moquer de ses lecteurs (un peu trop curieux de tout savoir), termine par une géniale pirouette, tout le talent de Balzac. Un amour peut-il être véritable et heureux s’il est né de manipulations, séductions et mensonges ?

À noter que Les secrets de la princesse de Cadignan a été adaptée par Jacques Deray en 1982 avec Claudine Augier (Diane de Cadignan), Marina Vlady (marquise d’Espard), Françoise Christophe (comtesse de Montcornet), François Marthouret (Daniel d’Arthez), Pierre Arditi (Émile Blondet) et Niels Arestrup (Rastignac).

Pour 2023 sera classique, ABC illimité (lettre H pour prénom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 15, une relique de ma PàL, tous les Balzac que je n’ai pas encore lus sont des reliques de ma PàL puisque je les ai depuis les années 1980), Challenge lecture 2023 (catégorie 18, une lecture commune, avec Maggie et Rachel) et Les départements français en lecture (Balzac est né à Tours en Indre et Loire).

To Repel Boarders (À l’abordage) de Jack London

To Repel Boarders (À l’abordage) de Jack London.

En numérique, anglais (1902) et français, une dizaine de pages.

Genres : littérature états-unienne, nouvelle, classique.

Comme j’ai eu du mal ces derniers jours pour lire et rédiger une note de lecture, j’ai choisi de lire une nouvelle. Je l’ai lue en anglais et en français.

Cette nouvelle de Jack London est parue aux États-Unis dans le St. Nicholas Magazine en juillet 1902 puis dans le mensuel McClure, Phillips & Co (1922) et dans le recueil Dutch Courage and Other Stories (The Macmillan Co, 1922).

Elle a été traduite en français par Louis Postif et publiée sous le titre À l’abordage dans Les pirates de San Francisco et autres histoires de la mer (10/18, recueil, 1973) puis dans Le mouchoir jaune et autres histoires de pirates (Folio, recueil, 1981) puis dans L’évasion de la goélette (Gallimard, recueil, 2008).

Jack London, de son vrai nom John Griffith Chaney (quoique William Chaney nie être le père et que, suite au séisme de 1906, les registres sont détruits), naît le 12 janvier 1876 à San Francisco en Californie (États-Unis). Avec sa mère, remariée à John London (qui a plusieurs enfants de son premier mariage), la famille déménage souvent mais reste en Californie (baie de San Francisco, Oakland, Alameda, San Mateo…). John/Jack vit au milieu des animaux, aime lire dès l’enfance, fréquente l’école, la bibliothèque et est embauché pour des petits boulots mais ce qu’il aime, c’est la mer et la liberté. Il devient le « prince des pilleurs d’huîtres », boit beaucoup mais gagne bien sa vie jusqu’à ce qu’il perde son bateau. Ensuite, il s’engage sur un bateau, profite d’une vie vagabonde, puis travaille pour reprendre ses études. Il devient journaliste, nouvelliste, romancier, poète, dramaturge, militant aussi, il part au Klondike où il trouve matière à écrire (à défaut d’or), il se marie avec une amie et le couple a deux filles. Il écrit sur l’East End (un quartier pauvre de Londres), il est correspondant pour la guerre russo-japonaise, pour la guerre de Corée, se passionne pour la révolution russe puis voyage dans le Pacifique et en Océanie. Il va aussi au Mexique, à Hawaii, bref il a une vie bien remplie et de quoi écrire articles et fictions (il est d’ailleurs l’écrivain le mieux payé du XXe siècle) d’autant plus qu’il s’inspire d’auteurs français et britanniques qu’il apprécie. Il meurt le 22 novembre 1916 à Glen Ellen en Californie et certains de ses titres sont publiés posthumes. Nombres de ses œuvres sont adaptées (séries, cinéma, bandes dessinées, chansons même).

La nouvelle To Repel Boarders (À l’abordage) est un dialogue entre Paul Fairfax et Bob Kellogg. Paul est persuadé de ne pas être à sa place, de ne pas être né au bon moment, il aurait aimé vivre durant « the days of the sea-kings », c’est-à-dire à l’époque des rois de la mer. « No, honest, now, Bob, I’m sure I was born too late. The twentieth century’s no place for me. If I’d had my way… ».

Paul et Bob, nés à Bay Farm Island à San Francisco, sont amis d’enfance. Leur rêve ? La mer ! Là, ils sont sur The Mist / La Brume, il est passé minuit et c’est la première fois qu’ils naviguent de nuit. « The Mist, being broad of beam, was comfortable and roomy. ». « La Brume, étant large de poutre, était confortable et spacieuse. ».

Paul déplore qu’au XXe siècle, il n’y a plus de romance et d’aventure comme avant… Trop de civilisation… Paul vit dans une nostalgie qu’il n’a pas connue… « Why, in the old times the sea was one constant glorious adventure, he continued. A boy left school and became a midshipman, and in a few weeks was cruising after Spanish galleons or locking yard-arms with a French privateer, or — doing lots of things. ». « Pourquoi, dans les temps anciens, la mer était une aventure glorieuse constante, poursuivit-il. Un garçon quittait l’école, devenait aspirant et, en quelques semaines, il naviguait après des galions espagnols ou verrouillait les bras de cour avec un corsaire français, ou faisait beaucoup de choses. ».

C’est que Paul lit beaucoup, a beaucoup d’imagination et rêve d’aventure ! Mais l’aventure n’est pas encore au rendez-vous… Tout à coup, leur bateau entre en collision avec le filet d’un autre bateau… « You break-a my net-a! You break-a my net-a! », pas contents les pêcheurs pirates qui ont abordé avec des couteaux The Mist et attaquer les deux jeunes hommes qui ne s’en sont sortis que grâce au vent. « Now that you’ve had your adventure, do you feel any better? ». « Maintenant que tu as vécu ton aventure, tu te sens mieux ? ».

Souvenir d’enfance ? Souvenir d’une lecture ? Véritable petite aventure ? L’auteur aime la mer, la navigation, le danger et ça se ressent dans cette courte nouvelle. Je me rappelle avoir lu quelques titres à l’adolescence, L’appel de la forêt, Croc Blanc, des titres qui m’avaient marquée et il faudrait que je relise plus sérieusement cet auteur précurseur du Nature Writing.

Pour 2022 en classiques, Les classiques c’est fantastique (en juillet, le thème est bord de mer ou grand large) et Les textes courts.

La messe de l’athée d’Honoré de Balzac

La messe de l’athée d’Honoré de Balzac.

Pour la LC (lecture commune) du 20 février avec ClaudiaLucia, Maggie, Miriam et Rachel. Lecture en numérique in Œuvres complètes d’Honoré de Balzac, La Comédie humaine, dixième volume, première partie Études de mœurs, troisième livre, 1855, pages 74-89. Sur Wikisource (30 pages, illustré).

Genres : littérature française, nouvelle, classique.

Honoré de Balzac naît le 20 mai 1799 à Tours (Touraine). Romancier, dramaturge, journaliste, critique littéraire, imprimeur, cofondateur de la Société des gens de lettres (en 1837), il est plus spécialement connu pour sa Comédie humaine (près de 100 romans et nouvelles) dans laquelle il analyse ses contemporains (bourgeoisie, commerçants, ouvriers, petites gens…) et la montée du capitalisme, plutôt dans le genre réaliste mais en abordant aussi parfois les côtés philosophique, poétique et même fantastique. Il inspire entre autres Gustave Flaubert (parallèles entre L’éducation sentimentale et Le lys dans la vallée ou entre Madame Bovary et Une femme de trente ans), Marcel Proust et Émile Zola. Il dévore les livres depuis l’enfance et étudie le Droit puis se consacre à la littérature. Il y a tant d’autres choses à dire sur Balzac mais je vous laisse les découvrir dans la biographie Honoré de Balzac, le roman de sa vie de Stefan Zweig ou ailleurs. Il meurt le 18 août 1850 à Paris. Je (re)lis Balzac de temps en temps. En février 2010, j’avais publié une note de lecture de La maison du Chat-qui-pelote (pour un autre challenge concernant les classiques), en octobre 2020, une note de lecture de Gobseck (Pour Les classiques c’est fantastique, Balzac vs Flaubert) et tout récemment Le cabinet des antiques et La peau de chagrin (pour les lectures communes avec Maggie).

La messe de l’athée est une nouvelle parue en 1836 dans La Chronique de Paris. Fondée par Balzac en 1835, cette revue littéraire (et politique) avait aux commandes non seulement Balzac mais aussi le critique littéraire Gustave Planche (1808-1857), le jeune Théophile Gautier (1811-1872) et les grands illustrateurs Honoré Victorien Daumier (1808-1879), Jean-Jacques Grandville (1803-1847) et Henri Monnier (1799-1877). Le premier numéro paraît le 1er janvier 1836 avec des textes de Victor Hugo (1802-1885), d’Alphone Karr (1808-1890) et ce ceux cités ci-dessus. La nouvelle est publiée en 1837 dans le tome XII des Études philosophiques (Delloy et Lecou) puis en 1844 dans le tome X des Scènes de la vie parisienne (édition Furne de La comédie humaine).

Mais un peu de place pour La messe de l’athée et ses principaux personnages, trois beaux personnages d’hommes, Desplein, Bianchon, Bourgeat.

Alors que la médecine s’enseigne et se transmet, un grand chirurgien, Desplein, est mort emportant avec lui ses secrets et son savoir-faire, « une méthode intransmissible » (p. 2) parce que, audacieuse comparaison de Balzac, les chirurgiens sont comme les acteurs, ils « n’existent que de leur vivant et [leur] talent n’est plus appréciable dès qu’ils ont disparu. » (p. 2-3).

Desplein était un athée « pur et franc » (p. 6), un athée comme les gens d’église ne le supporte pas… C’est que Desplein doutait, étudiait et qu’il découvrit « deux âmes dans l’homme » (p. 6). C’est pourquoi il est mort « dans l’impénitence finale » (p. 6) comme « beaucoup de beaux génies, à qui dieu puisse-t-il pardonner. » (p. 6). Pourtant l’homme pouvait être « prodigieusement spirituel » (p. 8).

C’est pourquoi Balzac choisit une énigme, une anecdote, pour honorer le chirurgien en chef, en la personne d’un des élèves auxquels il s’était attaché à l’hôpital : Horace Bianchon, interne à l’Hôtel-Dieu. Un jeune provincial, pauvre mais brave, droit, joyeux, sobre et travailleur (à l’époque, on disait vertueux).

Un jour Bianchon voit Desplein entrer dans l’église Saint-Sulpice « vers neuf heures du matin » (p. 11), ce qui est surprenant car « l’interne qui connaissait les opinions de son maître, et qui était Cabaniste en dyable par un y grec (ce qui semble dans Rabelais une supériorité de diablerie) » (p. 11-12) et il le trouva « humblement agenouillé, et où ?… à la chapelle de la Vierge devant laquelle il écouta une messe, donna pour les frais du culte, donna pour les pauvres, en restant sérieux comme s’il se fût agi d’une opération. » (p. 12). Imaginez l’étonnement de Bianchon !

Le soir, enfin, durant le repas au restaurant, après d’infimes précautions et « d’habiles préparations » (p. 12), Bianchon donne son opinion sur « la messe, en la qualifiant de momerie et de farce » (p. 12). Desplein « prit plaisir à se livrer à toute sa verve d’athée » (p. 13) avec des « plaisanteries voltairiennes » (p. 13). Bianchon, surpris, pense qu’il a rêvé le matin. Mais trois mois après cet épisode, un médecin de l’Hôtel-Dieu met les pieds dans le plat : « Qu’alliez-vous donc faire à Saint-Sulpice, mon cher maître ? » (p. 13). Alors l’année suivante, même jour, même heure que la première fois, Bianchon espionne Desplein qui se rend à Saint-Sulpice !

Je ne vous en dit pas plus. Il faudra lire cette jolie nouvelle de Balzac pour découvrir le mystère du « bocal aux grands hommes » (p. 16) dans la rue des Quatre-Vents (quartier de l’Odéon, 6e arrondissement de Paris).

Le lecteur découvre ici un Balzac plus cérébral, plus scientifique mais qui laisse toujours sa place à la belle écriture, la belle littérature et à une spiritualité qui ne doit rien à l’Église (le dilemme entre science et religion) mais à la sensibilité, l’empathie et les pensées vertueuses que l’on porte en soi, ceci même si l’on vit dans « les marécages de la Misère » (p. 17).

Le lecteur découvre aussi le travail acharné, obstiné, que doit fournir un étudiant (très) pauvre pour « accaparer des connaissances positives afin d’avoir une immense valeur personnelle, pour mériter la place à laquelle j’arriverais le jour où je serais sorti de mon néant. » (p. 18). C’est finalement une histoire touchante et émouvante, pas seulement celle de Desplein, celle de Bianchon mais aussi (et surtout) celle du pauvre et bon Bourgeat avec son « caniche mort depuis peu de temps » (p. 23), le seul être qui était dans sa vie, quelle tristesse… Combien d’humains avec une vie si pauvre, si seule, si triste et pourtant si pleine de bonté ?

Une histoire dans laquelle il faut se prémunir des riches, des jaloux, des égoïstes, des calomnieux, des méchants, ce qui n’a pas changé à notre époque !

Quelques mots sur Desplein. Médecin et chirurgien inspiré de l’anatomiste et chirurgien Guillaume Dupuytren (1777-1835), il apparaît entre autres dans Ferragus (1833) et dans L’interdiction (1836).

Quelques mots sur Horace Bianchon. Il naît en 1797 à Sancerre et apparaît dans La comédie humaine en 1837 dans César Birotteau (il est le cousin d’Anselme Popinot, employé de César Birotteau et assiste à un bal). Il apparaît ensuite régulièrement, encore étudiant (Le père Goriot en 1834, Illusions perdues en 1837-1843…) ou en tant que médecin (Étude de femme en 1830, La peau de chagrin en 1831, Splendeurs et misères des courtisanes en 1838-1847, La cousine Bette en 1846-1847 et Le cousin Pons en 1847…) et devient un grand médecin parisien. J’ai toujours trouvé incroyable les entrelacements et entrecroisements de personnages que Balzac a créés, c’est énorme !

Une très belle lecture, courte mais émouvante, que je mets dans 2022 en classiques, Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 8, un livre dans ma PàL depuis plus de 5 ans, depuis 35 ans même ! comme tous les titres de Balzac que je n’ai pas encore lus, 2e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 8, un classique de la littérature française) et Les textes courts.

Zadig de Voltaire

Zadig de Voltaire.

Lu en numérique, 92 pages. Entre 60 pages (édition de 1747) et 200 pages (éditions contemporaines). Vous pouvez lire Zadig librement et en toute légalité sur Wikisource.

Genres : littérature française, classique, conte philosophique.

Voltaire naît le 21 novembre 1694 à Paris. Il est romancier, poète, dramaturge, philosophe et encyclopédiste. Il aime les arts, les sciences et il est parmi les philosophes les plus connus du siècle des Lumières. Il meurt le 30 mai 1778 à Paris. Je ne veux pas en dire des tonnes (vous pouvez trouver tout sur Voltaire sur Internet ou dans des dictionnaires et encyclopédies). Ses œuvres les plus célèbres sont Lettres philosophiques (1734), Zadig ou la destinée (1748), Micromégas (1752), Candide ou l’optimisme (1759) et L’ingénu (1767).

Le titre complet est Zadig ou la destinée, histoire orientale. Et c’est l’édition de 1747 que j’ai lue : cette édition contient une approbation, une épître dédicatoire (une lettre de Zadig à la sultane Sheraa, extrait ci-dessous) et 21 chapitres ; elle est parue sous le titre Memnon, histoire orientale. L’œuvre est rééditée en 1748. Il faut attendre l’édition de 1775 (que je lirai une prochaine fois) et même l’édition de 1785 pour que d’autres chapitres soient ajoutés.

« Charme des prunelles, tourment des cœurs, lumière de l’esprit, je ne baise point la poussière de vos pieds, parce que vous ne marchez guère, ou que vous marchez sur des tapis d’Iran ou sur des roses. Je vous offre la traduction d’un livre d’un ancien sage qui, ayant le bonheur de n’avoir rien à faire, eut celui de s’amuser à écrire l’histoire de Zadig, ouvrage qui dit plus qu’il ne semble dire. Je vous prie de le lire et d’en juger ; car, quoique vous soyez dans le printemps de votre vie, quoique tous les plaisirs vous cherchent, quoique vous soyez belle, et que vos talents ajoutent à votre beauté ; quoiqu’on vous loue du soir au matin, et que par toutes ces raisons vous soyez en droit de n’avoir pas le sens commun, cependant vous avez l’esprit très sage et le goût très fin, et je vous ai entendue raisonner mieux que de vieux derviches à longue barbe et à bonnet pointu. Vous êtes discrète et vous n’êtes point défiante ; vous êtes douce sans être faible ; vous êtes bienfesante avec discernement ; vous aimez vos amis, et vous ne vous faites point d’ennemis. Votre esprit n’emprunte jamais ses agréments des traits de la médisance ; vous ne dites de mal ni n’en faites, malgré la prodigieuse facilité que vous y auriez. Enfin votre âme m’a toujours paru pure comme votre beauté. Vous avez même un petit fonds de philosophie qui m’a fait croire que vous prendriez plus de goût qu’une autre à cet ouvrage d’un sage. ».

« Du temps du roi Moabdar […] à Babylone un jeune homme nommé Zadig, né avec un beau naturel fortifié par l’éducation. Quoique riche et jeune, il savait modérer ses passions ; il n’affectait rien ; il ne voulait point toujours avoir raison, et savait respecter la faiblesse des hommes. ». C’est qu’il lisait Zoroastre et appliquait ses principes, il était Sage. Mais alors que Zadig doit épouser sa bien-aimée, Sémire, qui l’aime en retour, Orcan, le neveu d’un ministre, jaloux et vaniteux, la fait enlever par deux hommes armés qui la blessent… En défendant Sémire, Zadig est blessé à l’œil gauche et Sémire, refusant d’épouser un borgne, épouse finalement Orcan.

Zadig épouse alors Azora, une citoyenne « la plus sage et la mieux née de la ville ». Mais, au bout de quelques mois, il la répudie car elle est « devenue trop difficile à vivre » et il se lance dans l’étude de la Nature pour nourrir et élever son âme et aussi pour vivre tranquille. Il se retire alors « dans une maison de campagne sur les bords de l’Euphrate ». Mais il ne va pas rester tranquille longtemps ! « […] qu’il est difficile d’être heureux dans cette vie ! » surtout lorsqu’on doit faire face à des médiocres, des sots, des envieux, des fanatiques et des procéduriers… Malheureusement « L’occasion de faire du mal se trouve cent fois par jour, et celle de faire du bien, une fois dans l’année, comme dit Zoroastre. ».

Enfin, reconnu à sa juste valeur par le roi Moabdar et la reine Astarté, Zadig pense « Je suis donc enfin heureux ! Mais il se trompait. ».

Il y a un petit côté « roi Salomon » chez Zadig : en appliquant les principes de Zoroastre, il démêle le vrai du faux, le bon du mauvais, et tire de bonnes conclusions avec subtilité et bonté mais qui ne peuvent plaire à tous…

En tout cas, c’est l’amour qui le condamne à mort et, grâce à son ami Cador, il fuit avec un serviteur et deux chameaux vers l’Égypte mais ils se retrouvent tous deux esclaves d’un marchand arabe, Sétoc : « et pourquoi ne le serais−je pas comme un autre, puisque je suis homme comme un autre ? Ce marchand ne sera pas impitoyable ; il faut qu’il traite bien ses esclaves, s’il en veut tirer des services. ».

Zadig est quelque peu poursuivi comme l’était Voltaire par le clergé et l’État : « Zadig marcha du côté de la Syrie, toujours pensant à la malheureuse Astarté, et toujours réfléchissant sur le sort qui s’obstinait à se jouer de lui et à le persécuter. Quoi! disait−il, quatre cents onces d’or pour avoir vu passer une chienne! condamné à être décapité pour quatre mauvais vers à la louange du roi! prêt à être étranglé parceque la reine avait des babouches de la couleur de mon bonnet! réduit en esclavage pour avoir secouru une femme qu’on battait; et sur le point d’être brûlé pour avoir sauvé la vie à toutes les jeunes veuves arabes! ».

Comme Flaubert a déclaré « Madame Bovary, c’est moi ! », Voltaire aurait pu déclarer « Zadig, c’est moi ! » mais il considérait son conte comme une « couillonnerie » (in L’encyclopédie des énigmes de docteur Mops et collectif) alors qu’en fait il utilise la science, le raisonnement et la philosophie de son époque (le siècle des Lumières).

Voltaire crée tout, un Orient imaginaire et fantaisiste inspiré des contes et des récits de voyages qu’il a lus. Il est parfois coquin (par exemple la jeune veuve Almona) mais, en tout cas, toujours philosophe. Et tout est bien qui finit bien, Voltaire créant ainsi une utopie (une des premières utopies littéraires avec La cité du Soleil de Tommaso Campanella écrite en 1602 puis réécrite en 1613 soit plus de 100 ans avant Zadig). Zadig signifie « le véridique » ou « l’ami » en arabe et « le juste » en hébreu et il est tout cela à la fois mais il faut qu’il se libère de ses imperfections et qu’il fasse face à l’adversité et à l’injustice. Sous couvert de récit oriental et d’aventures, Voltaire se moque de certains personnages français (comme Boyer qui devient Yébor) et critique la société et la politique françaises, sans oublier le clergé. Zadig est écouté et respecté pour ses bons avis mais il s’attire la convoitise, la jalousie voire la haine de certains.

À noter, l’ancien français comme fesant, bienfesant, parceque, long-temps.

C’est après avoir vu la série télévisée Les aventures du jeune Voltaire sur France2 (en février) et avoir suivi le MOOC 18e siècle, le combat des Lumières avec FUN MOOC (en mars) que j’ai décidé de relire Voltaire, que j’avais lu par obligation scolaire (au collège) mais aussi pour le plaisir car je trouvais son écriture plaisante, drôle et je sentais le potentiel de la compréhension augmenter lors de relectures. C’est pourquoi j’ai lu Zadig pour le Challenge lecture 2021 de mademoiselle Farfalle (catégorie 45, un livre que vous avez dû lire à l’école).

Je mets aussi cette lecture dans 2021 cette année sera classique (quoi de mieux comme classique pour finir l’année que Voltaire ?), Contes et légendes (comme c’est un « conte philosophique ») et Les textes courts.

Le fantôme de Franck Thilliez

Le fantôme de Franck Thilliez.

Vue chez Lydia, cette nouvelle de 7 pages est parue dans Libé en novembre 2007 ; elle est disponible en ligne donc autant en profiter !

Genres : littérature française, nouvelle.

Franck Thilliez naît le 15 octobre 1973 à Annecy (Haute-Savoie). Il étudie à l’ISEN Lille pour devenir ingénieur en nouvelles technologies. Puis devient romancier (romans policiers, thrillers, une vingtaine depuis 2002), nouvelliste et scénariste (téléfilms et séries policières). J’ai récemment lu Angor, le 8e roman de la série Sharko & Henneblle. Plus d’infos sur son site officiel.

Annecy, l’hiver. Un vieil homme, Léonard, marche le long des berges, un fantôme… ? « J’aurais tant aimé mourir, tellement de fois, mais ma carcasse persiste. ». Surnommé « la bête d’Annecy », il est devenu une attraction pour les jeunes qui le poursuivent avec leur téléphone portable, rigolards pour les garçons, horrifiées pour les filles. Quelles bandes de cons ! « Avoir traversé deux guerres pour finir ainsi. »

Une bien triste histoire… inspirée du roman La mémoire fantôme de Franck Thilliez paru en juillet 2007 (Le Passage).

Une nouvelle noire et émouvante pour La bonne nouvelle du lundi et Les textes courts.

L’azalée de Ga-Yan et Shin Ji-sang

L’azalée de Ga-Yan et Shin Ji-sang.

Kidari Studio 키다리이엔티, Gung-eneun Gaekkochi Sanda 궁에는 개꽃이 산다 ou The Wicked Queen (2017) est traduit du coréen par Isabelle Hignette (58 pages).

Genres : manwha, romance historique, webtoon.

Ga-Yan est dessinateur. Shin Ji-Sang 신지상 est scénariste. Yoon Tae Roo 윤태루 est l’autrice du roman dont s’inspire ce manhwa.

Règne de Jin Myungje, quatorzième roi de la dynastie Li (début du XVe siècle). La fille unique de Ke Songsong, Ke Li, orpheline de mère, est belle, intelligente, curieuse et perspicace mais aussi extravagante. Pour ses sept ans, elle veut visiter le Palais impérial mais il est interdit d’y entrer. Pour faire plaisir à la fillette, Ke Songsong, ministre, l’introduit dans le Palais mais Li (qui signifie fleur de poirier) rencontre le prince Eon et le fait tomber dans l’eau. Le prince en colère – et enrhumé – jure de lui trancher la tête la prochaine fois qu’il la verra. « Qui est cette enfant qui a réussi à mettre notre prince si sérieux dans cet état de colère… ? ». Mais Li est tombée amoureuse.

Qu’est-ce qu’un webtoon 웹툰 ? C’est une bande dessinée sud-coréenne (ou manwha) mise en ligne sur une plateforme dédiée comme Webtoon Kakao (de Daum, dès 2003) ou Comic Naver (de Naver, dès 2004) en coréen. D’autres pays comme la Chine (web manhua) et le Japon (webtoons) ont suivi le mouvement, et même la France mais plus tard avec iznéo en 2010, Delitoon en 2011 (qui publie L’azalée) ou Yurai en 2019.

The Wicked Queens compte 130 chapitres parus entre septembre 2017 et juillet 2020. Dommage que je n’aie pu lire que le premier tome… parce que cette histoire et les dessins me plaisaient bien…

Voir la jolie vidéo ci-dessous.

Pour le Challenge coréen #2 et BD, La BD de la semaine (cependant toujours en pause estivale), Challenge de l’été (Corée du Sud, 2e billet), Challenge lecture 2021 (catégorie 32, un livre dont le titre comprend le nom d’une fleur, 3e billet), Des histoires et des bulles (catégorie 40, une BD autour du thème de l’amour), Jeunesse young adult #10 et Les textes courts.

Le rendez-vous dans trois cents ans d’Alekseï Tolstoï

Le rendez-vous dans trois cents ans d’Alekseï Tolstoï.

Ebook Wikisource, 1840, 37 pages.

Genres : littérature russe, nouvelle, fantastique, classique.

Alekseï Konstantinovitch Tolstoï (Алексей Константинович Толстой) naît le 24 août 1817 à Saint-Pétersbourg Russie). Il est romancier, nouvelliste, poète et dramaturge. Il est un cousin de Lev (Léon) Tolstoï (1828-1910). Il meurt le 28 septembre 1875 à Krasnyï-Rog.

Une belle nuit d’été, dans le jardin de la grand-mère. « Eh bien ! mes enfants, nous dit notre grand-mère, vous m’avez souvent demandé une vieille histoire de revenants… Si le cœur vous en dit, venez vous asseoir autour de moi, je vous raconterai un événement de ma jeunesse qui vous donnera de bons frissons quand vous vous trouverez tout seuls, couchés dans vos lits. » (p. 2).

En 1759, alors qu’elle est courtisée par l’homme qui est le grand-père des petits-enfants, elle est aussi courtisée par le marquis d’Urfé qui lui fait livrer des pêches en octobre pour la Sainte-Ursule. Elle le voit régulièrement et le commandeur de Bélièvre la met en garde. « Vous n’ignorez pas madame, que monsieur votre père, mon honoré ami, vous a confiée à ma garde et que je réponds de vous à Dieu comme si j’avais le bonheur de vous avoir pour fille… […] Je suppose, madame, que le marquis connaît trop bien le respect qu’il vous doit pour oser former un pareil projet. Cependant il est de mon devoir de vous avertir que ses assiduités deviennent le sujet des conversations de la cour, que je me les reproche d’autant plus que c’est moi qui ai eu le malheur de vous présenter le marquis et que si vous ne l’éloignez bientôt, je me verrai, à mon grand regret, forcé de rappeler en combat singulier. » (p. 7). Il en va de l’honneur de la jeune femme !

Cette histoire ne se passe pas en Russie mais en France, à Paris d’abord et dans les Ardennes ensuite puisque la jeune femme et le commandeur se rendent au domaine familial pour un bal costumé. Mais, suite à un violent orage, la jeune femme chute du carrosse et se retrouve avec des inconnus qui parlent en ancien français. « Une terreur impossible à rendre s’empara de moi. Je me sentis défaillir et j’appuyai ma main sur le cœur. Mes doigts rencontrèrent la petite croix que peu de temps auparavant j’avais portée à mes lèvres, et de nouveau j’entendis la voix du commandeur qui m’appelait. Je voulus fuir, mais le chevalier me serra la main avec son gantelet de fer et m’obligea de rester. » (p. 27). Le chevalier, c’est le sire Bertrand d’Haubertbois dont le fief a été confisqué en 1459 par Charles VII pour cause « d’impiété et de différents crime » (p. 32) et qui a alors déclaré « Par la mort de mon aame ! Poinct n’y a de vie future, et si peu en ai croyance, qu’en cas contraire serment fais et parfois de revenir me gaudir et me goberger en mon chastel dans trois cents ans à compter d’huy, quand mesme pour ainsi faire devroys bailler mon aame à Satan ! » (p. 33).

Nous sommes ici dans une histoire gothique ! D’ailleurs, Alexeï Tolstoï crée le vampire russe avec Oupyr (Le vampire) en 1841. Plusieurs de ses titres sont adaptés au cinéma.

J’ai malheureusement remarqué quelques fautes (ponctuation, majuscules, orthographe…).

Pour le Mois Europe de l’Est et 2021, cette année sera classique, Littérature de l’imaginaire #9, Projet Ombre 2021 et Les textes courts.

Roman en neuf lettres de Fédor Dostoïevski

Roman en neuf lettres de Fédor Dostoïevski.

Ebooks libres et gratuits, juin 2006, 27 pages. Traduction par Ely Halpérine-Kaminski.

La nouvelle Роман в девяти письмах (Romane v deviati pismah) fut écrite en une nuit en octobre 1845 mais est parue dans Le Contemporain (Sovremennik) en janvier 1847.

Le Contemporain (Sovremennik Современник) est une revue politique et littéraire trimestrielle fondée par Alexandre Pouchkine à Saint-Pétersbourg en 1836 et qui a publié Gogol, Goncharov, Sollogoub, Tolstoï, Tourguéniev, entre autres, ainsi que des traductions de Balzac, Flaubert, George Sand, Dickens, entre autres.

Genres : littérature russe, nouvelle, épistolaire, classique.

Fiodor Dostoïevski ou au complet Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski (Фёдор Михайлович Достоевский) naît le 30 octobre 1821 (11 novembre 1821 dans le calendrier grégorien) à Moscou. Fils d’un médecin militaire (alcoolique…), enfance difficile, École supérieure des Ingénieurs militaires de Saint-Pétersbourg, mouvements progressistes… Arrêté et condamné à mort, il est finalement déporté en Sibérie pour quatre ans. Ensuite il erre en Europe et joue beaucoup, il est couvert de dettes… Dès l’enfance, il lit énormément les auteurs européens, Johann Wolfgang von Goethe, Victor Hugo, Friedrich von Schiller, William Shakespeare… À 22 ans, il écrit son premier roman, Les pauvres gens (1844-1846) que j’ai lu il y a des années et qui m’a fait aimer cet auteur. Suivent Le double (1846), Nétotchka Nezvanova (inachevé, 1848-1949), Le rêve de l’oncle (1859), Le bourg de Stépantchikovo et sa population ou Carnet d’un inconnu (1859), Humiliés et offensés (1861), Souvenirs de la maison des morts (1860-1862), Les carnets du sous-sol (1864), Crime et châtiment (1866), Le joueur (1866), L’idiot (1868-1869), L’éternel mari (1870), Les démons (1871), L’adolescent (1875), Les frères Karamazov (1880) ainsi que de nombreuses nouvelles (entre 1846 et 1880) et quelques chroniques (Annales de Pétersbourg, 1847), correspondances et carnets (1872-1881). Il meurt le 28 janvier 1881 (9 février 1881 dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg.

Roman en neuf lettres est donc un court roman (une nouvelle en fait) qui contient… des lettres. La première datée du 7 novembre est de Petre Ivanitch à son ami Ivan Piètrovitch qu’il n’arrive à joindre nulle part et donc il l’invite (tout en le prévenant que son fils est malade, il fait ses dents). Ivan Piètrovitch lui a présenté Eugène Nikolaïtch mais « il y a dans la capitale beaucoup d’autres maisons que la mienne. Je suis excédé, mon petit père ! » (p. 5). La deuxième datée du 9 novembre est la réponse d’Ivan Piètrovitch à Petre Ivanitch, il est fort mécontent et il n’a pas de temps et d’argent à dépenser car son épouse est enceinte. S’ensuit un échange entre les deux hommes qui n’arrivent pas à se voir. « Ne soyez pas fâché contre moi, cher ami. » (p. 10).

Mais la situation s’envenime, et pas seulement pour la question d’argent ! Puisque Petre Ivanovitch a emprunté il y a huit jours trois-cent-cinquante roubles à Ivan Piètrovitch mais sans signer de reçu… « Permettez-moi de vous dire franchement, Petre Ivanovitch, mon opinion sur votre inconvenante façon d’agir. […] Je ne sais ce qui me retient de vous dire toutes vos vérités. Vous retardez l’exécution de certaines de nos conventions, et en calculant toute cette affaire, je ne puis m’empêcher de constater que la tendance de votre esprit est extraordinairement rusée. Je vois cela clairement aujourd’hui : vous avez machiné la chose de longue main. » (p. 11). Et, effectivement, Petre Ivanovitch, est un escroc… Et Ivan Piètrovitch, un naïf. Mais tel est pris qui croyait prendre !

Au fur et à mesure des lettres, du 7 au 15 novembre, la tension monte et, comme il y a des non-dits, le lecteur ne comprend que peu à peu. Cette histoire est presque drôle (genre vaudeville en fait), il me semble que c’est rare chez Dostoïevski ! Vous pouvez lire Roman en neuf lettres sur Wikisource (en français) et sur Lib.ru (en russe).

Pour le Mois Europe de l’Est et aussi pour 2021, cette année sera classique, Challenge lecture 2021 (catégorie 11, un livre dont le titre comprend un nombre), Projet Ombre 2021 et Les textes courts.

Une étude en rouge d’Arthur Conan Doyle

[Article archivé]

CoupCoeurXIXeUne étude en rouge est un roman de Sir Arthur Conan Doyle paru en 1887 dans le journal Beeton’s Christmas Annual (*) en 1887 (pages 1 à 95) puis en feuilleton en 1888 et enfin publié en 1891 par Ward, Lock and Bowden Company avec des illustrations de George Hutchinson.  A Study in Scarlet a été traduit en français en 1899.

(*) Ce journal rare et très cher est considéré comme le journal le plus cher au monde ! Plus d’infos sur http://www.bestofsherlock.com/beetons-christmas-annual.htm.

J’ai absolument voulu lire ce roman que je n’avais jamais lu auparavant parce que c’est la première œuvre de Conan Doyle et donc le premier récit à mettre en scène Sherlock Holmes et le Docteur Watson !

À savoir que la série Sherlock Holmes contient :

4 romans : Une étude en rouge (A Study in Scarlet, 1887), Le signe des Quatre (The Sign of the Four, 1890), Le chien des Baskerville (The Hound of the Baskerville, 1902) et La vallée de la peur (The Valley of Fear, 1915).

56 nouvelles publiées dans 6 recueils : Les aventures de Sherlock Holmes (The Adventures of Sherlock Holmes, 12 nouvelles, 1891-1892), Les mémoires de Sherlock Holmes (The Memoirs of Sherlock Holmes, 12 nouvelles, 1892-1893), Le retour de Sherlock Holmes (The Return of Sherlock Holmes, 13 nouvelles, 1903-1904), Son dernier coup d’archet (His Last Bow, 7 nouvelles, 1908-1917), Les archives de Sherlock Holmes (The Case-Book of Sherlock Holmes, 12 nouvelles, 1921-1927).

1 pastiche : Comment Watson apprit le truc (How Watson Earned the Trick, 1924).

Arthur Conan Doyle est Écossais, il est né à Édimbourg le 22 mai 1859. Médecin et écrivain, il est célèbre pour les aventures de Sherlock Holmes, les exploits du professeur Challenger, et quelques autres romans et nouvelles mais aussi du théâtre et de la poésie. Son œuvre est abondamment déclinée (cinéma, séries télévisées, dessins animés, jeux vidéo, bandes dessinées). Il existe un musée à Londres, un autre à Lucens (Suisse) entre autres et de nombreux sites concernant cet auteur fait Chevalier par Edouard VII en 1902 et décédé à Crowborough (Sussex, Angleterre) le 7 juillet 1930.

Une étude en rouge (roman connu aussi sous les titres Un crime étrange ou Écrit dans le sang)

Vous pouvez lire ce roman en intégralité soit en anglais sur Gutenberg soit en français sur Ebooks gratuits.

Le narrateur est le docteur John H. Watson. Devenu médecin en 1878, il continue ses études pour devenir chirurgien et médecin de l’armée puis part aux Indes en tant qu’aide-major, mais blessé à l’épaule et pris de fièvre, il est rapatrié en Angleterre, sa santé et sa carrière irrémédiablement compromises… « Naturellement, je me dirigeai vers Londres, ce grand cloaque où se déversent irrésistiblement tous les flâneurs et tous les paresseux de l’Empire. » (p. 4). J’adore le style de Watson ! C’est à Londres justement, souffrant de solitude et presque sans le sou, qu’il rencontre Stamford, un infirmier qu’il a eu sous ses ordres et qui va le mettre en relation avec un certain Sherlock Holmes, un excentrique quelque peu insensible qui travaille au laboratoire de chimie de l’hôpital. Watson aimerait partager un appartement avec une personne intelligente et calme car « Dans [son] cas, le bruit et la surexcitation sont contre-indiqués » (p. 6). Ah ah ah ah ! Je crois qu’il va être servi ! Voilà donc comment nos deux célèbres personnages se rencontrent et vont emménager ensemble au 221 Baker Street !

De son côté Sherlock Holmes vient de découvrir par un procédé chimique comment déceler des traces de sang, même longtemps après un crime. « Si on l’avait inventé plus tôt, des centaines d’hommes actuellement en liberté de par le monde auraient depuis longtemps subi le châtiment de leurs crimes. » (p. 10). Eh oui, c’était le tout début de la médecine légale, et qui d’autres que des savants fous, curieux et géniaux pouvaient faire avancer la science ?

Le moment où les deux hommes expliquent leurs défauts pour savoir si la cohabitation va être possible est très amusant : Holmes est fumeur, fait des « expériences », joue du violon et souffre de dépression chronique ; Watson a un chien (un petit bouledogue), ne supporte pas le bruit et il est paresseux ! Mais Watson est ravi (il va pouvoir se loger pour moins cher) et intrigué (il a l’occasion d’étudier un homme exceptionnel qui a en plus un don de divination). « L’étude de l’homme est, comme vous le savez, le propre de l’homme. » (p. 13).

Watson est observateur (ses descriptions sont très réussies), précis et minutieux (il note de nombreux – tous ? – détails) et c’est pour moi un enchantement de lire ses récits. Vous voyez, j’en parle comme si Watson et Holmes existaient vraiment alors que je devrais parler du style et des idées de Conan Doyle ! En plus, ce n’est que le premier chapitre et je suis déjà sous le charme (littéraire !) et totalement conquise ! Je me rappelle que c’était déjà le cas lors des mes lectures adolescentes et je suis très contente de retrouver Holmes / Watson / Conan Doyle et leurs promesses d’aventures, de mystères et de voyages !

Les deux hommes s’installent dans leur nouvel appartement, ils disposent chacun d’une chambre, et un grand studio (salle à manger et salon) bien meublé et lumineux est en commun. Watson, n’ayant rien d’autre à faire, observe son colocataire. « […] j’accueillais avec empressement le petit mystère qui entourait mon compagnon et je passais une grande partie de mon temps à m’efforcer de le résoudre. » (p. 15). Si Watson est un homme cultivé, Holmes est un être fantasque, pur autodidacte (sa conception de l’archivage dans le cerveau est extraordinaire), ils sont donc fortement complémentaires. L’amitié née entre Watson et Holmes sera empreinte d’admiration, de respect et parfois d’exaspération !

Un matin où il s’est levé plus tôt (eh oui, c’est bien utile !), Watson apprend que Holmes, passionné par les affaires de crimes, est un maître de l’art / la science de l’analyse et de la déduction, qu’il écrit des articles pour les journaux, qu’il est un détective-consultant (il aide les détectives officiels et les détectives privés) et que donc les personnes qu’il reçoit dans leur studio sont des clients. D’ailleurs une missive est déposée : Tobias Gregson de Scotland Yard aimerait l’avis de Holmes concernant le meurtre d’Enoch J. Drebber, un citoyen américain, dans une maison inhabitée au 3 Lauriston Gardens. Voici donc la première aventure / enquête de Holmes et Watson ! « Prenez votre chapeau, dit-il. – Vous voulez bien de moi ? – Oui, si vous n’avez rien d’autre à faire ! » (p. 30). Sur place, les inspecteurs rivaux, Gregson et Lestrade sont déjà là.

« Une étude en rouge, n’est-ce pas ? Pourquoi n’utiliserions-nous pas un peu l’argot d’atelier ? Le fil rouge du meurtre se mêle à l’écheveau incolore de la vie. » (p. 50). L’affaire n’est pas encore résolue qu’un deuxième meurtre a lieu à l’Holiday’s Private Hotel, celui de Joseph Stangerson, le secrétaire particulier de Monsieur Drebber.

Il s’avère que Drebber et Stangerson étaient des Mormons, en provenance de Salt Lake City dans l’Utah, et qu’ils ont été tués par vengeance. Pourquoi ? Comment ? Vous le découvrirez en lisant cette première aventure de Sherlock Holmes qui se déroule en trois jours !

On découvre Sherlock Holmes, son physique (1 m 80, maigre, yeux aigus et perçants, nez mince et aquilin, menton proéminent et carré, mains tachées d’encre et de produits chimiques), ses accessoires (un mètre en ruban, une grosse loupe ronde), son raisonnement analytique (ou à rebours), le fait qu’il se déguise, qu’il paye les enfants des rues pour surveiller et le renseigner (Wiggins et sa bande), qu’il agit dans l’ombre de la police officielle et ne cherche pas la célébrité (bien qu’il le déplore). On voit aussi la place qu’avaient déjà pris les journaux, la curiosité et l’attrait du mystère pour les lecteurs.

Les deux phrases de Holmes que j’ai beaucoup aimées : « Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire. » (p. 63) et « Rien n’est petit pour un grand esprit. » (p. 66).

Cette lecture très plaisante a largement égayé une journée à la météo plus que maussade et je (re)lirai sans doute très rapidement d’autres œuvres de Sir Arthur Conan Doyle !

Cette note de lecture est présentée pour trois challenges. Depuis le début de l’année, je présente un auteur français lors des mois pairs pour J’aime les classiques mais j’ai préféré changer cette habitude car je n’avais encore rien présenté pour l’English Classics (c’est donc ma première note de lecture pour ce défi qui se termine dans deux mois !) et je me suis inscrite récemment au challenge Sherlock Holmes Le signe des Trois.