[Article archivé]
Ils étaient chouettes, tes poissons rouges est un recueil de nouvelles d’André Vers paru aux éditions Finitude en février 2014 (112 pages, 12,50 €, ISBN 978-2-36339-0314-8).
André Vers est né en 1924 à Paris, dans le quartier des Halles, d’une famille auvergnate. Il a commencé a travaillé, a connu le Paris occupé, s’est lié d’amitié avec des écrivains (Jacques Prévert, René Fallet, André Hardellet, Blaise Cendras) et des chanteurs (Georges Brassens, Guy Béart). Il est mort en 2002, laissant trois romans en 40 ans : Misère du matin (1953), Martel en tête (1967), Gentil n’a qu’un œil (1979) et un recueil de souvenirs : C’était quand hier ? (1990).
Ils étaient chouettes, tes poissons rouges – Martine et Robert se revoient par hasard cinq ans après leur séparation. « Tu parles d’une surprise ! Qu’est-ce que je suis heureuse de te revoir ! » (p. 9). Elle parle, elle parle… « Il avait mal de l’entendre, mais le mal était bon. » (p. 12).
Est-ce une maladie ou bien c’est la vie ? – Le décalage entre la réalité et ce qu’on imagine, alors, une maladie ou la vie ? Le narrateur se pose la question et le lecteur aussi par la même occasion ! « Je ne suis pas encore vacciné. » (p. 16).
Le Gros, le Demi-Gros et le Détail – Gros, Demi-Gros et Détail sont inséparables, une bande de copains à eux trois. Jusqu’au jour où Berthe arrive de la campagne auvergnate pour travailler au bistrot où ils se retrouvent. « C’est fou le charme qu’elle a ! » (p. 24).
Les piliers de bistrot – Pour découvrir la différence entre les Debouts et les Assis en mangeant un bon bout de fromage de tête ! « Quand le vin est tiré, ou servi, il faut le boire. » (p. 30).
Mort pour la France – Antoine, l’époux de Marie, n’est plus qu’un nom sur le monument aux morts et il n’a jamais connu leur fils. « C’est de ma faute s’il est mort ! » (p. 32) ; « Il m’aimait si fort, monsieur le curé, c’est pour ça qu’il est mort. » (p. 33). Mais la vérité est autre… Cette nouvelle est disponible librement au format pdf sur le site de l’éditeur.
Conte en forme de croix – Allégorie de la croix pour l’origine de l’épouvantail. « Ils traînèrent l’arbre en forme de croix, aux feuilles déjà mortes, jusqu’au sommet de la colline. » (p. 42).
Le vautour – Patrick Cooper, un Américain de Détroit, s’est engagé pour lutter contre l’Allemagne nazie. « Son brevet de pilote lui valut d’être versé dans l’aviation puis, après un entraînement intensif, d’être affecté à une escadrille de bombardiers. » (p. 45). Comme sa mère est Française, après la guerre, il prend la décision de vivre en France.
Le respect – Dialogue entre un jeune homme et un ancien parachutiste devenu « chevalier d’industrie […] pour donner du travail à des chômeurs » (p. 55) avec une chute percutante.
Des nains sur la pelouse – Le narrateur picole et appelle sa compagne La Grosse, lui promettant une mandale si elle fait des réflexions. Excédée, au bout de dix ans, Jane se tire. « J’ai cru qu’elle allait revenir au bout d’un jour ou deux, en chialant et demandant pardon. Ça fait deux mois qu’elle est partie, La Grosse. » (p. 61).
Bas les masques – Tout savoir sur la fabrication des macaronis, spaghettis et coquillettes ! « Consommateurs, mes frères, on vous abuse. La publicité mensongère envahit insidieusement votre vie quotidienne. » (p. 69).
La bonne dame et le commissaire – Une dame honorable qui nourrit les chats errants est arrêtée parce qu’elle a frappé un homme, une « graine de bandit » (p. 74), « un monstre » (p. 77), avec un tisonnier en fonte.
L’homme qui boit c’est comme une bête – Parce qu’il aime boire, Sosthène est depuis longtemps surnommé « Boit-sans-soif » : « Je n’attends pas de manquer. » (p. 79) mais un jour… il eut soif !
Les voies du Seigneur sont impénétrables – Loulou-Gueule-en-or et Ti-Jo ont chacun des projets pour Fernande-Beaux-Roberts mais la trentenaire a d’autres projets. « J’ai décidé de m’orienter différemment. » (p. 84).
Des trains qu’on voit passer… – Alexandre Painlevé, dit Pinpin, a depuis l’enfance une passion pour les trains mais ses parents l’ont placé chez un épicier. « Toutes les locomotives le rendaient fou de désir, il aurait voulu les avoir toutes à lui. » (p. 88).
Le couple – Un cinquantenaire célibataire et une quadragénaire divorcée se rencontrent à la boulangerie et c’est le début d’une belle histoire mais « pourquoi ne s’étaient-ils pas connus dans les belles années de la jeunesse ? » (p. 98).
Printemps – Tante Anna est une vieille fille peu avenante mais un jour, elle recueille Antoine. « Il était devenu grand et fort. Une bête superbe. » (p. 103). Mais un jour, la cousine Mélanie emmène de sa Corrèze une jeune chatte caressante.
L’éditeur nous dit que « Dans ces nouvelles, André Vers ressuscite malicieusement un Paris révolu, le petit Paris des années 50-60, celui des Halles, des meublés et du rosbif du dimanche. » Dans ces 16 nouvelles, André Vers nous parle de la vie, de l’amour, non sans un certain humour. Il y a des humains, des bistrots et des choses de la vie quotidienne ; il y a des oiseaux et des chats ; il y a des rencontres, des séparations et des retrouvailles ; il y a aussi la guerre, des morts et des survivants qui ne savent pas trop comment vivre.
Parfois dans les recueils comme celui-ci, les nouvelles sont inégales mais ici elles ont toutes leur place, elles forment un bel ensemble et je ne saurais dire qu’elle est ma préférée. J’ai quand même (en plus des extraits ci-dessus car je voulais un extrait pour chaque nouvelle) repéré deux phrases qui m’ont plus attirée : « Ils n’ont rien respecté. Les vivants, ça leur suffisait pas, ils ont bombardé les morts. » (p. 51, in Le vautour). Le mieux est l’ennemi du bien… « Les frictions des premiers jours étaient surtout dues au fait qu’Antoine miaulait parisien et Bruyère patois corrézien. » (p. 104, in Printemps). La fin est terrible…
Avec ce recueil, j’ai découvert André Vers que je ne connaissais pas du tout et je me demande quand ces nouvelles ont été écrites : elles sont publiées posthumes, peut-être qu’elles ont été retrouvées récemment. Je pense lire un jour ses deux premiers romans : Misère du matin (1953) dont le décor est l’usine d’aviation dans laquelle il a travaillé adolescent et Martel en tête (1967) qui se déroule dans la Vallée du Cantal d’où est originaire sa famille.
Assurément un auteur à découvrir et à lire !
Une très chouette lecture pour les challenges A reading’s week, Le mélange des genres (catégorie Recueil de nouvelles), Paris, Petit Bac 2014 (catégorie Couleur) et Rentrée littéraire d’hiver 2014. Deux nouvelles avec des chats donc : Animaux du monde et Totem.