Roudoudou blues de Marion Laurent et Arnaud Le Roux

Roudoudou blues de Marion Laurent et Arnaud Le Roux.

Futuropolis, juin 2007, 80 pages, 15,25 €, ISBN 978-2-75480-071-6.

Genres : bande dessinée française, drame.

Marion Laurent naît en 1980 à Paris. Elle étudie à l’École Supérieure des Arts et Techniques et publie trois titres chez Futuropolis avec son compagnon Arnaud Le Roux au scénario : Entre deux averses (2006), Roudoudou blues (2007) et À l’ombre des murs (2009), puis un roman graphique où elle est au scénario et au dessin, Comment naissent les araignées (Casterman, 2015). Plus d’infos sur son site officiel et sur son tumblr.

Arnaud Le Roux naît en 1976 en France et il vit en région parisienne. Il est nouvelliste (La femme en blanc, Oxymore, 2002) et scénariste de bandes dessinées.

Unter est le coloriste. Il naît en 1980 en France, s’intéresse très tôt au dessin et cofonde l’association Onapratut.

Samuel est un romancier tétraplégique. Il se rappelle son enfance dans les années 70 avec ses parents directeurs d’une troupe de comédiens itinérants. « Mon existence se déroulait au rythme des voyages, des répétitions et des séances de maquillage. À 8 ans, j’avais déjà visité Prague, Vienne et Barcelone. Les grandes villes de France m’étaient familières. » (p. 11).

Mais, en ne grandissant qu’avec des adultes, Samuel n’a pas d’ami, enfin il a un ami, c’est Roudoudou son ours en peluche qui parle. « J’aimais mon ours plus que tout et je n’envisageais pas la vie sans lui. » (p. 14).

Un jour, Manon intègre la troupe et s’installe avec sa fille de 9 ans, Estelle.

Et la vie de Samuel et Roudoudou bascule.

Une très belle surprise que cette bande dessinée ! Handicap (schizophrénie ?), solitude, jalousie… Cette histoire dramatique – dans le monde du spectacle donc des faux semblants, de l’imagination – est racontée tout en délicatesse et j’ai beaucoup aimé l’ambiance qui en découle car texte et illustrations y sont tellement complémentaires. Deux auteurs, complémentaires eux aussi, à découvrir et j’ai très envie de lire leurs deux autres titres, Entre deux averses (2006) et À l’ombre des murs (2009). Les avez-vous lus ?

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Stéphie) et les challenges BD 2022 et Les textes courts.

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Les cahiers japonais tome 1 – Un voyage dans l’empire des sens d’Igort

Les cahiers japonais tome 1 – Un voyage dans l’empire des sens d’Igort.

Futuropolis, octobre 2015, 184 pages, 24 €, ISBN 978-2-75481-199-6. Quaderni Giapponesi vol.1 – Un viaggio nell’impero dei segni est traduit de l’italien par Laurent Lombard.

Genres : bande dessinée italienne, récit de voyage.

Igort, de son vrai nom Igor Tuveri, naît le 26 septembre 1958 à Cagliari en Sardaigne. Il est auteur de bandes dessinées, éditeur (Coconino Press de 2000 à 2017) et réalisateur. Il commence sa carrière en 1980 et publie dans des revues italiennes (Il Pinguino, Frigidaire, Linus, Alter) puis françaises (Métal Hurlant, L’Écho des Savanes). De nombreuses bandes dessinées paraissent chez Futuropolis, Albin Michel, Les Humanoïdes Associés, Casterman, Vertige Graphic… Plus d’infos sur son site officiel. Il y a plus de 10 ans, j’avais lu Les cahiers ukrainiens mais je n’avais pas relu cet auteur depuis (mais pourquoi donc ?).

Inspiré par les maîtres des estampes (Hiroshige, Hokusai, Sharaku, Utamaro), par l’ère Showa, « Showa-jidai, qui signifie littéralement ‘période de paix éclairée’. » (p. 16) et passionné de dessin, le jeune Igor rêve du Japon depuis l’adolescence et dessine des histoires inspirées par L’empire des signes de Roland Barthès, par les cartes de stratégies obliques créées par le chanteur Brian Eno, « Sur chaque carte, il y avait des suggestions abstraites » (p. 21) et par les préceptes d’Ekiken, un « médecin samouraï du XVIIe siècle » (p. 23) aussi un grand botaniste. Avec « Daniele Brolli, un ami écrivain et dessinateur de BD » (p. 22), il réalise sa première bande dessinée, Goodbye Baobab (qui se déroule au Japon).

Donc, lorsqu’Igort se rend au Japon pour la première fois au printemps 1991, ça fait plus de 10 ans qu’il en rêve. En 1994, il habite dans un joli quartier ancien de Tôkyô, Bunkyo-ku, « fait de petites constructions et peuplé de temples et de sanctuaires. » (p. 10) et il a un contrat avec Kôdansha (son manga Yuri aura un immense succès non seulement auprès des enfants mais aussi des adultes).

J’ai beaucoup aimé la façon respectueuse avec laquelle Igort raconte sa vie à Tôkyô, sa découverte des codes, son amour des jardins et des temples, sa découverte du monde du manga et du gekiga, sa rencontre avec Jirô Taniguchi (m’a émue), leurs échanges sur le monde du travail différent au Japon et en Europe et leur amitié, sa rencontre avec Masashi Tanaka (Gon, excellent manga sans texte), ses relations avec son éditeur, Tsutsumi Yasumitsu, « Avec lui, j’ai appris énormément de choses sur mon monde à moi, sur ce que je cherchais, sur ce qu’étaient les thèmes de mon travail de conteur. » (p. 44), sa passion pour le cinéma de série B (les « films de yakusas, de samouraïs ou des films érotiques appelés ‘pinku eiga’ », p. 52) en particulier ceux de Seijun Suzuki (révéré par Kitano et Tarantino), sa passion pour le monde du sumô (que j’ai vécue moi aussi), sa découverte des auteurs japonais (Natsume Sôseki, Junichiro Tanizaki, Kafu Nagai…) et de la musique underground japonaise dans les quartiers modernes (Akasaka, Roppongi…).

Toute une nostalgie qui s’installe à la lecture de cette très belle bande dessinée richement illustrée (quelques photos anciennes) et sérieusement documentée… « Je vis le présent au Japon comme un voile léger qui laisse transparaître le passé. » (p. 113). Peut-être à découvrir, si c’est possible, Momotarô-Umi no Shinpei de Mitsuyo Seo, film d’animation, une « perle qui a saisi aux larmes Osamu Tezuka alors âgé de 16 ans » (p. 129) et Norakuro de Suihô Tagawa, manga en 10 volumes, « Même Osamu Tezuka, futur père d’Astro le petit robot, aimait cette BD joyeuse et la considérait parmi ses plus fortes influences. » (p. 131). Une photo impressionnante (p. 136-137), des enfants (9-12 ans environ) armés qui partent à la guerre… « Il y a quelque chose d’éperdument tragique et d’essentiellement japonais dans tout ça : le sourire amer caressé par un chrysanthème. » (p. 135). Je n’en ai pas parlé mais Igort a beaucoup parlé du chrysanthème, de son origine, de sa signification précédemment (p. 68-71).

D’autres expériences d’Igort m’ont émue comme la statue du chien Hachikô à la gare de Shibuya (illustration p. 139), le film d’animation Le tombeau des lucioles d’Isao Takahata, « magie invisible des grandes œuvres » (p. 140), je dois dire que je suis en larmes chaque fois que je vois ce film, sa visite du musée Ghibli où il n’a pas rencontré Isao Takahata mais Hayao Miyazaki, « Miyazaki était gentil. Il parlait du ton calme de celui qui sait faire la part des choses. » (p. 142), des années plus tard, ce n’est pas Hayao Miyazaki que j’ai rencontré mais son fils Gorô Miyazaki (l’échange a été rapide mais j’en garde un extraordinaire souvenir). Igort dit « Ça a été un des après-midi les plus légers et les plus profonds de ma vie. » (p. 144), eh bien suite à ma visite du Musée Ghibli à Mitaka en juin 2003 et à ma rencontre non seulement avec Gorô Miyazaki mais aussi les personnages que j’aime, je peux dire la même chose (et j’ai pleuré en voyant le robot géant du Château dans le ciel avec le petit oiseau sur son épaule).

Oh, une petite erreur page 144, durant son échange avec Miyazaki, « Il m’a parlé de l’époque où il a travaillait au manga ‘Nausicaa’ […] », alors « où il a travaillé » ou « où il travaillait » ? Je pencherais pour la 2e réponse vu que les verbes suivants sont « qu’il y avait consacrés […] lui paraissait […]. ».

Mon passage préféré. « Kurihara-san, le grand chef de la septième division éditoriale de Kodansha, m’a dit un jour que le Japon c’était comme un écrin, et que ceux qui voulaient s’en approcher devaient avoir les clés de cet écrin pour pouvoir profiter des trésors conservés en son sein. Moi, ça fait plus de 20 ans que je l’ai approché, ce lieu de l’âme, et que je le fréquente assidûment. Ce qui n’empêche pas que son mystère se renouvelle continuellement. » (p. 149).

Ce premier tome est une très belle lecture, riche, émouvante, qui me rappelle des souvenirs non seulement de mes voyages au Japon mais aussi de mes découvertes de la culture japonaise (littérature, cinéma, animation, manga, arts, musique, thé…), le Japon me manque tellement que parfois je l’occulte pour ne pas trop souffrir de ce manque (pendant quelque temps, je ne lis pas de romans ou de mangas japonais, je ne regarde pas de films ou de séries japonais…) mais instinctivement, je ne peux m’empêcher d’y revenir, c’est vital ! C’est pourquoi, dès que possible, je lirai les deux autres tomes des Cahiers japonais d’Igort, le tome 2 : Le vagabond du manga paru en juin 2018 et le tome 3 : Moga, mobo, monstres paru en septembre 2021.

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Stéphie) et les challenges BD 2022, Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 11, une bande dessinée ou un roman graphique, 4e billet), Hanami Book Challenge (menu 2, passé, présent et futur du Japon, sous-menu 1, au temps des samouraïs, mais Tokyo capitale et L’individu dans la société sont également abordés), Petit Bac 2022 (catégorie Objet pour Cahiers, enfin cette catégorie est honorée !), Un mois au Japon (qui continue en mai) et Une semaine en Italie (l’auteur est Italien).

Les oiseaux de Troubs

Les oiseaux de Troubs.

Futuropolis, février 2021, 88 pages, 17 €, ISBN 978-2-75482-749-2.

Genres : bande dessinée française, écologie.

Troubs, de son vrai nom Jean-Marc Troubet, naît en 1969 à Bordeaux. Il étudie les Beaux-Arts à Toulouse puis à Angoulême. Il vit en Dordogne mais il voyage beaucoup et s’inspire de ses voyages pour ses bandes dessinées comme par exemple pour Troubs en Chine que j’avais beaucoup aimé. Plus d’infos sur son site officiel.

Un homme se promène en forêt. Il « cherche un arbre. Un arbre à qui parler. Un arbre qui ait de l’oreille. De la feuille. Mais l’hiver est encore là et les branches sont dénudées. » (p. 4-5). Un rouge-gorge suit ses pas pour trouver à manger. De temps en temps il entend des corneilles « Toujours au loin. » (p. 8).

Plus tard, rentré chez lui, à la fenêtre de l’immeuble dans lequel il vient d’emménager, une tourterelle lui parle. Il n’y a plus qu’un seul arbre, un eucalyptus, tout a été remplacé par de grands immeubles en béton et on ne voit plus la mer, on ne voit plus la montagne…

Dans un Liban détruit par la guerre, cette bande dessinée est un plaidoyer pour la nature, pour les oiseaux. Parce que les oiseaux sont braconnés, mis en cage et vendus alors qu’ils sont protégés… C’est que « Beyrouth est le centre principal de ce trafic international. On y vend même des œufs en incubateur. » (p. 71).

Trois ans de travail (2018-2019-2020) pour cette très belle bande dessinée au message clair. Si les humains continuent dans la même direction, s’ils continuent de détruire les forêts, les lieux d’habitation des oiseaux et d’autres animaux, ce sera trop tard, ce sera la fin.

Voilà, je n’en dis pas plus, ça peut vous paraître pessimiste mais les très beaux dessins de Troubs rendent cette bande dessinée magnifique et à lire de toute urgence.

Elle l’a lue : Noctenbule. D’autres ?

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Moka) et les challenges BD 2022, Petit Bac 2022 (catégorie Animaux pour Oiseaux) et Les textes courts.

Vertiges de Quito de Didier Tronchet

Vertiges de Quito – Les aventures extraordinaires de l’auteur, sa famille et son chat en Amérique du Sud de Didier Tronchet.

Futuropolis, août 2014, 120 pages, 18,50 €, ISBN 978-2-75481-137-8.

Genres : bande dessinée française, carnet de voyage.

Didier Tronchet, de son vrai nom Didier Vasseur, naît le 29 septembre 1958 à Béthune dans le Pas de Calais (France). Il étudie à l’École supérieure de journalisme de Lille et en sort diplômé en 1980. Raymond Calbuth (8 tomes, 1987-2007), Les damnés de la Terre (6 tomes 1987-2000), Jean-Claude Thergal (10 tomes, 1990-2011), Raoul Fulgurex (3 tomes, 1989-1995), La bite à Urbain (1990), Sacré Jésus (2 tomes, 1993-1996), Houppeland (2 tomes, 1997-1998), Patacrèpe et Couillalère (2 tomes, 1998), Le nouveau Jean-Claude (3 tomes, 2001-2010) qu’il adapte au cinéma (scénario et réalisation, 2002), etc. J’ai aimé toutes les bandes dessinées que j’ai lues et j’ai même rencontré l’auteur au début des années 2000 (je dois avoir la BD dédicacée quelque part), je suis fan de ses dessins et de son humour noir. Plus d’infos sur son site officiel.

Préface de Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de la revue XXI dans laquelle Vertiges de Quito a été pré-publié. « Les Tronchet sont partis pour trois ans en Équateur. Ils se sont installés à Quito, ont sillonné l’Amazonie, ont poussé jusqu’en Bolivie. Ce sont ces trois années que Didier Tronchet raconte dans les pages qui suivent. » (p. 3).

L’Équateur est un petit pays « coincé entre la Colombie, le Brésil et le Pérou… » (p. 6). Un tiers de montagne, un tiers de forêt, un tiers de mer et des « habitants qui sont parmi les plus paisibles et les plus joyeux du continent. » (p. 8). La famille Tronchet, c’est-à-dire Didier, Anne, leur fils Antoine (10 ans) et leur chat Bowie (4 ans) avait prévu d’y rester un an, ce fut finalement trois belles années.

Tronchet présente d’abord Quito et l’endroit où vit la famille, à flanc de montagne avec vue sur le volcan Pichincha (4800 m). Une ville dangereuse avec ce volcan qui recouvre parfois Quito de cendres, des glissements de terrain, un aéroport considéré « comme le plus dangereux du monde, en plein centre-ville ! » (p. 13) et une grande avenue construite sur la ligne de faille… Quito, une ville d’histoire, à l’architecture bizarre et aux vues incroyables (sur les neiges éternelles du volcan Cayambe, 5800 m, sur la Cordillère des Andes), et des fêtes, principalement religieuses mais pas que.

Dans la partie suivante, Tronchet survole l’Amazonie dans un avion quatre places avec l’ambassadeur de France à Quito. Direction, « le territoire de la communauté de Sarayaku » (p. 49). Cette partie est plus politique, plus écologique aussi, les indigènes vivant avec « de l’or noir sous les pieds » (p. 54) dans une région (arbitrairement rectangulaire) que les compagnies pétrolières ont appelé le Bloc 23… C’est magnifique mais attention aux fourmis Konga, aux serpents corail et à l’araignée Makisapa de 40 cm d’envergure, brrrrr…

Dans la troisième partie, direction le Pacifique ! 8 heures de route durant lesquelles il faut « franchir la Cordillère (à plus de 3000 mètres!) » (p. 79). Des plages sublimes, des falaises, des collines, de la nature exubérante, des rencontres animalières (boas, iguanes…), bref un des paradis sur Terre.

Dans la dernière partie, Tronchet et Antoine rejoignent Anne au Salar d’Uyuni, « le plus grand lac de sel du monde » (p. 83), en Bolivie. Mais d’abord, visite de La Paz, une ville tout aussi étrange que Quito. Bus jusqu’à Oruro (sud-ouest) puis train jusqu’à Uyuni, cet incroyable désert de sel (qui contient, entre autres, du lithium).

Une très belle expédition (on ressent bien que la famille a aimé son séjour), un récit tout plein de détails et d’informations, des couleurs chaudes, des personnages hauts en couleurs, un humour plus tendre et, en fin de volume, des photos de la famille. À lire à l’occasion : Dans la montagne d’argent d’Anne Sibran qui a appris la langue quechua pour mieux communiquer (Grasset).

Pour Challenge lecture 2022 (catégorie 41, un livre dont le titre comporte le nom d’une ville, 2e billet), Des histoires et des bulles (catégorie 34, une BD autobiographique, 2e billet), Mois Amérique latine 2022 et Petit Bac 2022 (catégorie Lieu pour Quito).

Les oubliés de Prémontré de Jean-Denis Pendanx et Stéphane Piatzszek

Les oubliés de Prémontré de Jean-Denis Pendanx et Stéphane Piatzszek.

Futuropolis, mai 2018, 104 pages, 21 €, ISBN 978-2-75482-273-2.

Genres : bande dessinée française, Histoire.

Jean-Denis Pendanx, le dessinateur, naît le 27 septembre 1966 à Dax. Il étudie les arts appliqués et les arts décoratifs à l’École Estienne à Paris puis à Jolimont à Toulouse. Il vit à Bordeaux où il est auteur et illustrateur (bandes dessinées, livres jeunesse, magazines). Il travaille aussi pour l’animation.

Stéphane Piatzszek, le scénariste, naît le 5 avril 1971 dans le Doubs (cependant l’éditeur dit « en banlieue parisienne »). Il étudie le Droit et l’Histoire à la Sorbonne (Paris). Il vit à Mulhouse (Alsace) où il est journaliste et auteur de bandes dessinées. Plus d’infos sur son blog.

Des mêmes auteurs : Tsunami (2013) et Le maître des crocodiles (2016).

« Août 1914. Asile de Prémontré, près de Soissons. » (p. 3). Soissons est dans l’Aisne (Hauts de France). Les patients ont entre 4 et 95 ans. Comme ils ne sont sensibles qu’à leur propre folie, ils ne sont pas dangereux, enfin sauf si « ils s’éveillent » (p. 4). « Si tu veux bosser ici, il va falloir t’habituer à la mort, mon garçon. » (p. 6). Le jeune Clément est embauché comme gardien mais, comme il sait conduire et que beaucoup d’hommes ont été mobilisés, il est en fait chauffeur de l’ambulance de la Croix-Rouge pour l’asile. Mais qui est vraiment Clément ? Bon, je ne divulgue rien mais le lecteur sait dès la page 9 que Clément n’est pas Clément.

Les Allemands arrivent et tout le monde fuit… Sauf quelques-uns comme Letombe l’économe, Loisel un gardien, Clément et les religieuses qui s’occupent du pavillon des femmes (interdit aux hommes). Le lendemain, l’armée allemande est là mais l’économe n’a rien pour nourrir ni les aliénés ni les Allemands qui s’en vont rapidement « nach Paris ! » (p. 24) mais ils subissent une défaite à Soissons et réquisitionnent tout. « Les réquisitions sont calculées en fonction de la population de chaque commune. Prémontré, 1500 habitants. Les Français sont de grands travailleurs, vous aurez vite fait de compenser ça. » (p. 34). Sauf que « sur les 1500 habitants, 1300 sont des malades mentaux dont la plupart ne peuvent même pas attacher leurs chaussures tout seuls ! » (p. 34).

L’évacuation est refusée, il n’y a plus rien à manger, plus de charbon, il faut trouver une solution… Faire travailler les aliénés qui le peuvent, aux champs, ramassage et coupage du bois, filage de la laine pour les femmes… Et contre toute attente, un régiment d’Allemands arrivent avec parmi eux des médecins et même un aliéniste : la vie des aliénés encore en vie va en être changée !

Je comprends que c’était la guerre et que ça devait être difficile partout mais combien de lieux comme l’asile de Prémontré ont-ils été abandonnés par le gouvernement français durant les 4 ans de guerre ? Les employés qui n’ont pas fui et quelques malades ont été exemplaires et même si ça dérange je veux le dire aussi il en est de même pour certains soldats allemands en particulier ceux du corps médical (dommage qu’on ne sache pas ce qui est arrivé au jeune aliéniste allemand après qu’il ait reçu son ordre de mission pour le front russe). En tout cas, cette bande dessinée est inspirée d’une histoire vraie puisque l’asile de Prémontré, construit en 1121, accueille des malades depuis 900 ans !

Les oubliés de Prémontré est une très belle bande dessinée qui m’a plu tant au niveau des dessins (je les trouve lumineux) que des personnages (réels et fictifs) et que du récit (historique et médical). Les auteurs se sont montrés respectueux envers leurs personnages et cette période de l’histoire et ont bien maîtrisé leur sujet, bravo messieurs. Et pour moi, ce fut une lecture enrichissante et émouvante.

Il me semble avoir vu cette bande dessinée dans La BD de la semaine mais je ne me rappelle plus chez qui… Et je la mets dans les challenges BD, Challenge lecture 2021 (catégorie 36, un livre basé sur des faits réels), Des histoires et des bulles (catégorie 50, une BD qui se déroule pendant une guerre), Petit Bac 2021 (catégorie Lieu pour Prémontré).