Sauvage de Jamey Bradbury

Sauvage de Jamey Bradbury.

Gallmeister, collection Americana, mars 2019, 320 pages, 22,60 €, ISBN 978-2-35178-172-2. The Wild Inside (2018) est traduit de l’américain par Jacques Mailhos.

Genres : littérature américaine, nature writing.

Jamey Bradbury naît en 1979 dans le Midwest ; elle vit en Alaska depuis 15 ans. Elle a connu plusieurs métiers (« réceptionniste, actrice, secouriste et bénévole à la Croix Rouge » nous dit l’éditeur) et se consacre maintenant à l’écriture et à l’aide aux peuples natifs d’Alaska. Sauvage est son premier roman.

Tracy Sue, surnommée Trace par son père, 17 ans, et son frère Scott vivent avec leurs parents en Alaska. Ils sont isolés mais ils ont des chiens, des traîneaux, tout ce qu’il faut pour vivre et les enfants sont scolarisés à la ville voisine. Cependant la Nature est rude et ne fait pas de cadeaux ! Tracy aime la lecture et est passionnée par le livre de survie, Je suis fichu de Peter Kleinhaus. « Il y a des livres dans le monde qui vous font vous demander, quand vous les lisez, comment un parfait inconnu peut faire pour savoir aussi précisément ce que vous avez en tête. » (p. 14). La mère est en fait morte sur la route lorsque Tracy avait 16 ans et, après une énième dispute avec son père (elle a été virée du lycée après une bagarre avec une autre fille), l’adolescente s’enfuit dans la forêt, son havre de paix depuis sa plus tendre enfance. Mais elle se fait agressée par un homme, sûrement un vagabond. « Je n’arrêtais pas de me dire que j’aurais dû entendre l’inconnu se rapprocher de moi, mais l’écureuil que j’avais attrapé m’avait réchauffée et avait monopolisé toute ma pensée, et la partie de moi qui aurait dû être en alerte était préoccupée par la dispute que je venais d’avoir avec Papa. » (p. 26). Il faut dire qu’il lui a annoncé qu’il manquait d’argent et qu’elle ne pourrait pas participer à la course Iditarod, une célèbre course de traîneaux pour laquelle elle s’entraîne depuis toujours (elle participe en junior mais cette année, elle va avoir 18 ans et elle devrait participer à la course adulte pour la première fois). Bref, elle perd connaissance durant l’agression et se réveille, le couteau ensanglanté : a-t-elle tué l’homme ? « J’ai compris que je ne trouverais d’apaisement que lorsque je saurais que cet homme n’était plus une menace. » (p. 28). Elle ne dit rien à son père et continue d’aller en forêt. « Plus je passais de temps dehors, plus il m’était difficile de rentrer. » (p. 46).

Alors, petit problème, j’ai lu deux chapitres (jusqu’à la page 51) et je n’ai pas très envie de continuer ce roman… Ce n’est pas parce que Tracy a blessé avec son couteau un inconnu qui l’agressait (je vous rassure, il ne l’a pas violée) mais, depuis l’âge de 5 ans, elle tord le cou des animaux qu’elle attrape, faons, lièvres, martes, sans compter le chat de la maison, elle mord même les humains y compris son petit frère, pour les goûter, pour boire le sang chaud, pour se réchauffer (elle utilise ce mot, réchauffer, plus haut, lire l’extrait avec l’écureuil). Quelle est cette envie irrépressible de sang ? Ce n’est pourtant pas un roman de vampires… Et sa mère lui a pourtant appris quelques règles auxquelles il ne faut pas déroger dont la plus importante : ne jamais faire couler le sang de quelqu’un (pour moi, un animal est quelqu’un).

Cependant, j’ai continué la lecture de ce roman, ne me demandez pas pourquoi, je ne sais pas, j’avais le temps, et puis ce roman est tout de même bien écrit et je voulais savoir le pourquoi du comment… « La plupart des animaux que je trouvais dans mes pièges étaient morts depuis des heures, peut-être des jours. Quand vous avez en main un animal qui se meurt plutôt qu’un animal qu’est mort depuis longtemps, c’est chaud, vous sentez sa chaleur se répandre en vous, et ce que vous apprenez de lui a la clarté parfaite des choses que vous voyez avec vos propres yeux. Goûter vous donne toujours accès au moins à un instant. Mais quand vous buvez une bestiole qui lâche son dernier souffle, vous recevez toute une histoire. Tout ce qu’elle a fait, tout ce qu’elle a ressenti se livre à vous comme si ça se produisait au moment même où vous l’apprenez. Vous absorbez une vie entière, quand vous buvez et tuer en même temps. » (p. 101). « Ce n’était pas de nourriture dont j’avais besoin, c’était de sang. » (p. 182). Voilà, pour vous faire une idée plus consistante et c’est comme ça pratiquement tout le long… Je suis confortée dans l’idée que le plus Sauvage n’est absolument pas la Nature mais l’Humain ! « On ne peut pas fuir la sauvagerie qu’on a en soi. » (p. 256), ça promet…

Comme je l’ai finalement lu en entier, ce roman brutal (plutôt que violent), si si, et pas en diagonale, je vous donne encore une info qui peut attiser votre curiosité. Un jour, un jeune homme de 17 ans, Jesse Godwin (qui, petite erreur, se transforme au moins une fois dans le roman en Goodwin…), arrive pour louer le cabanon et travailler mais il n’est pas celui qu’il prétend. Point bénéfique : j’ai appris pas mal de choses sur l’Alaska, sur les chiens et leurs traîneaux : le (ou la) musher fait du mushing, prononce Gee pour que les chiens aillent à droite et Haw pour à gauche, c’est sûrement tout ce qu’il me restera de cette lecture éprouvante, et encore… L’éditeur annonçait de l’initiatique et du fantastique : je n’en veux pas de l’initiatique comme ça, tuer des animaux, pour le plaisir, pour boire leur sang chaud… Et je n’ai vu aucune pointe de fantastique pourtant j’ai pensé au chamanisme qui lui viendrait du côté de sa mère mais, même pas… Ce genre de romans n’est peut-être pas pour moi, déjà que je n’avais pas aimé Dans la forêt de Jean Hegland (mais pour d’autres raisons…), cependant j’ai apprécié Manuel de survie à l’usage des jeunes filles de Mick Kitson, plus sensible.

Lu durant le marathon Week-end à 1 000 – août 2019, j’ai pu rédiger ma note de lecture rapidement mais je décale sa parution pour le Mois américain (septembre 2019), j’espère que vous ne m’en voudrez pas ; une lecture de la Rentrée littéraire janvier 2019.

Dans la forêt de Jean Hegland

Dans la forêt de Jean Hegland.

Gallmeister, collection Americana, janvier 2017, 304 pages, 23,50 €, ISBN 978-2-35178-142-5. Into the Forest (1997) est traduit de l’américain par Josette Chicheportiche.

Genres : littérature états-unienne, roman, nature writing, post-apocalyptique.

Jean Hegland naît en 1956 à Pullman (État de Washington). Elle est romancière. Du même auteur : Windfalls (2004) et Still Time (2015) non traduits en français. Plus d’infos sur http://jean-hegland.com/.

Nell, 18 ans, veut étudier à Harvard. Eva, 17 ans, veut être danseuse étoile. Nell et Eva sont sœurs et, lorsqu’elles se retrouvent orphelines après une catastrophe planétaire, elles vivent seules dans la maison familiale, dans la forêt, près de Redwood (Oakland), éloignées de tout. Elles ont trois poules et quelques vivres mais il n’y a plus d’électricité, plus d’essence, plus de connexion. Afin de garder l’esprit éveillé, Nell lit l’encyclopédie et écrit dans un cahier, des souvenirs, des flashbacks. Eva, elle, ne pense qu’à danser. Un jour, Eli, un gars de la ville, survivant lui aussi, leur rend visite et leur dit qu’il n’y a plus personne sur plusieurs kilomètres ; les gens sont tous morts de la grippe ; Eli propose aux filles de partir avec lui à l’Est où, soi-disant, il y a de nouveau l’électricité, le téléphone et du travail mais elles ne sont pas d’accord. « C’est de la folie. – Pas plus que de rester ici et d’attendre que les lumières se rallument, a répliqué Eli. Pas plus que de se cacher dans les collines, de compter les clous et les élastiques, et de regarder le garde-manger se vider. Qu’est-ce que vous allez devenir si vous restez ici toutes les deux ? » (p. 250).

Je ne dirai pas grand-chose sur ce roman post-apocalyptique où on n’apprend finalement pratiquement rien sur les événements car je me suis ennuyée… Grave ! Et surtout, j’ai vite été lassée par les chamailleries des deux sœurs… Pourtant, avec une adaptation au cinéma récente (de Patricia Rozema, 2017), ce roman a eu du succès et a reçu le Prix de l’Union Interalliée 2018 (roman étranger) et le Prix des lecteurs du pays de Mortagne… Les avis sont même dithyrambiques (si vous voulez vous faire une idée, beaucoup sont répertoriés sur Bibliosurf) : de la puissance (ou de l’intensité, ça dépend) par-ci, de la poésie par-là, du magnifique, de l’envoûtant, du sensuel (ah bon ? On n’a pas compris la scène de la même façon alors !), du chef-d’œuvre… Stop ! N’en jetez plus ! J’ai l’impression d’être la seule à ne pas avoir apprécié… Mais ce n’est pas grave… J’ai essayé et pour moi, c’est… non !

Je mets cette lecture dans le Challenge de l’été, le Défi 52 semaines 2018 (thème « sauvage »), les challenges Littérature de l’imaginaire, Petit Bac 2018 (catégorie Lieu) et S4F3 #4 (pas la place pour mettre tous les logos…).