Hetzel, 1889, 170 pages, lu en numérique.
Genres : littérature française, théâtre, classique.
Victor Hugo naît le 26 février 1802 à Besançon dans le Doubs. Il grandit à Paris mais la famille séjourne régulièrement en Italie et en Espagne car le père est général d’Empire. Il écrit de la poésie depuis l’adolescence et écrit dans son journal « Je veux être Chateaubriand ou rien », il est devenu Victor Hugo. Il étudie les mathématiques puis la littérature. Avec ses deux frères aînés, Abel et Eugène, il fonde en 1819 Le Conservateur littéraire, une revue royaliste. Il épouse Adèle Foucher, son amie d’enfance, en 1822 et le couple a 5 enfants. Connu pour ses grands romans, Le dernier jour d’un condamné (1829), Notre-Dame de Paris (1831), Les misérables (1862), Les travailleurs de la mer (1866) et Quatrevingt-treize (1874), Victor Hugo est aussi célèbre pour sa poésie (6 recueils entre 1828 et 1883), son théâtre (6 pièces entre 1827 et 1838) et ses opinions politiques (il œuvre pour la République, défend le droit des femmes et prononce plusieurs discours à l’Assemblée). Il crée le journal L’Événement en 1848 mais va s’exiler à Bruxelles puis sur l’île de Jersey et sur l’île de Guernesey où il se bat contre les inégalités sociales et la peine de mort. De retour en France, il est élu à l’Assemblée nationale ; il est considéré comme un des plus grands auteurs de la littérature française et comme un homme politique important (il avait l’idée d’une Europe unifiée). Il meurt le 22 mai 1885 à Paris laissant une œuvre considérable connue dans le monde entier.
Pour Les classiques c’est fantastique, le thème de ce mois d’octobre est « Victor H. vs Marcel P. » et j’ai choisi Victor Hugo parce que je le trouve plus complet et plus éclectique au niveau littéraire (cependant les deux auteurs ont en commun leur santé fragile). J’ai d’abord eu envie de lire de la poésie puis je me suis tournée vers le théâtre avec Hernani.
Que nous dit la préface rédigée en 1830 ? Art nouveau, poésie nouvelle, théâtre nouveau, Victor Hugo est non seulement engagé en politique mais il est aussi un grand défenseur de la liberté en littérature. Mais le théâtre était un risque car « le public des livres est bien différent du public des spectacles » (p. 3). L’art, la poésie, le théâtre, la littérature ont la même devise que la politique : « Tolérance et liberté. » (p. 3) car « La liberté a une sagesse qui lui est propre, et sans laquelle elle n’est pas complète. » (p. 3).
Espagne, en 1519. À Saragosse, Doña Sol de Silva et Hernani s’aiment mais la dame est fiancée à Don Ruy Gomez de Silva, duc de Pastraña… Comment échapper à ce mariage ?
Hernani est un drame romantique en 5 actes joué pour la première fois à la Comédie Française le 25 février 1830 (publication de la pièce la même année).
Doña Sol de Silva, d’abord fiancée à Don Carlos, roi d’Espagne, doit épouser le duc de Pastraña, son vieil oncle, riche, mais qu’en bonne héroïne romantique, elle n’aime pas car elle est fidèle à Hernani.
Hernani, noble banni, est un héros romantique, un maudit. Son père a été tué par le père de Don Carlos.
« Suis-je chez Doña Sol ? fiancée au vieux duc
De Pastraña, son oncle, un bon seigneur, caduc,
Vénérable et jaloux ? Dites ! La belle adore
Un cavalier sans barbe et sans moustache encore,
Et reçoit tous les soirs, malgré les envieux,
Le jeune amant sans barbe à la barbe du vieux.
Suis-je bien informé ? » (Don Carlos à la duègne Doña Josefa, p. 12). J’apprécie les rimes et le rythme.
Don Carlos oblige Doña Josefa (une bourse ou la lame d’un poignard) afin d’espionner les deux jeunes amants. Mais Hernani, réfugié en Catalogne, ouvre son cœur et son âme à sa bien-aimée.
« Et tout enfant, je fis
Le serment de venger mon père sur son fils.
Je te cherchais partout, Carlos, roi des Castilles !
Car la haine est vivace entre nos deux familles.
Les pères ont lutté sans pitié, sans remords,
Trente ans ! Or c’est en vain que les pères sont morts,
La haine vit. Pour eux la paix n’est point venue,
Car les fils sont debout, et le duel continue. » (p. 20).
Il y a de l’humour, par exemple quand Don Carlos, excédé d’être à l’étroit dans l’armoire, étouffant et n’entendant presque rien, ouvre la porte avec fracas. Les deux hommes se toisent mais le duc de Pastraña rentre chez lui. « Le duc ! Tout est perdu ! Malheureuse ! » (Doña Sol de Silva, p. 25).
Don Carlos, qui est le roi, convainc le vieux Pastraña qu’il est venu lui demander conseil suite à la mort de l’empereur germanique et, beau joueur envers son rival, dit que Hernani est un homme de sa suite.
« Je viens, tout en hâte, et moi-même,
Dire la chose à toi, féal sujet que j’aime,
Te demander conseil, incognito, la nuit,
Et l’affaire est bien simple, et voilà bien du bruit ! » (p. 30).
Mais Hernani est chef de brigands alors Don Carlos veut sa peau et, le lendemain soir, lui tend une embuscade avec ses hommes sous la fenêtre de Doña Sol.
« Non ! Le bandit, c’est vous ! N’avez-vous pas de honte !
Ah ! Pour vous au visage une rougeur me monte !
Sont-ce là les exploits dont le roi fera bruit ?
Venir ravir de force une femme, la nuit !
Que mon bandit vaut mieux cent fois ! Roi, je proclame
Que si l’homme naissait où le place son âme,
Si Dieu faisait le rang à la hauteur du cœur,
Certes, il serait le roi, le prince, et vous le voleur ! » (p. 48).
Elle ne se laisse pas faire la Doña Sol, une jeune femme moderne ! Et elle ne s’arrête pas là.
« Roi Carlos, à des filles de rien
Portez votre amourette, ou je pourrais fort bien,
Si vous m’osez traiter d’une façon infâme,
Vous montrer que je suis dame, et que je suis femme ! » (p. 49).
Hernani tient tête aussi à Don Carlos mais il se rend compte qu’il ne peut entraîner Doña Sol avec lui.
« Ah ! Ce serait un crime
Que d’arracher la fleur en tombant dans l’abîme !
[…]
— Hernani ! Tu me fuis. Ainsi donc, insensée,
Avoir donné sa vie et se voir repoussée !
Et n’avoir, après tant d’amour et tant d’ennui,
Pas même le bonheur de mourir près de lui !
— Hernani, hésitant.
Je suis banni, je suis proscrit ! Je suis funeste ! » (p. 60).
Résignée, Doña Sol accepte d’épouser le vieux duc de Pastraña… Mais un page vient faire une annonce.
« Monseigneur, à la porte,
Un homme, un pèlerin, un mendiant, n’importe,
Est là qui vous demande asile. » (p. 71).
Comme vous le voyez, rien n’est terminé ! Doña Sol pardonnera-t-elle à Hernani ? Mais il y aura d’autres rebondissements ! Par exemple, le quatrième acte se déroule au tombeau de Charlemagne à Aix-La-Chapelle et il y a un monologue de Don Carlos (scène 2) mais Hernani et les Conjurés sont là. Qui deviendra empereur ? Le cinquième acte est de retour à Saragosse pour la noce mais qui sont les mariés ?
« Écoutez l’histoire que voici.
Trois galants, un bandit que l’échafaud réclame,
Puis un duc, puis un roi, d’un même cœur de femme
Font le siège à la fois. L’assaut donné, qui l’a ? » (p. 142).
Je vous laisse découvrir cette célèbre pièce de Victor Hugo, rythmée, dynamique, ne manquant pas d’humour et de bons mots. Je ne sais pas si vous serez d’accord avec moi mais j’ai pensé parfois à Molière, cependant le style de Victor Hugo est plus moderne et plus romantique. Il voulait écrire non pas des tragédies classiques mais des drames romantiques. Vous pouvez consulter l’article Wikipédia sur la bataille d’Hernani car le théâtre de Victor Hugo avait ses détracteurs.
La pièce Hernani a été jouée de nombreuses fois au théâtre aux XIXe et XXe siècles. Elle a aussi été adaptée en opéra par Giuseppe Verdi en 1844 (vidéo ci-dessous).
En plus de Les classiques c’est fantastique cité ci-dessus, cette agréable lecture entre dans 2022 en classiques, Petit Bac 2022 (catégorie Prénom pour Hernani), dans les deux nouveaux challenges (illimités) : ABC illimité (pour la lettre H avec Hugo) et Les départements français en lectures (pour le Doubs).