À dos de crocodile de Greg Egan

À dos de crocodile de Greg Egan.

Le Bélial, collection Une heure lumière, mai 2021, 112 pages, 8,90 €, ISBN 978-2-84344-980-2. Riding the Crocodile (2005) est traduit de l’australien par Francis Lustman.

Genres : littérature australienne, roman, science-fiction.

Greg Egan naît le 20 août 1961 à Perth (sud-ouest de l’Australie). Il étudie les mathématiques à l’University of Western Australia et devient programmeur informatique puis écrit des nouvelles d’horreur et publie son premier roman, An unusual angle, en 1983. Il est nouvelliste et romancier de science-fiction et en particulier de hard science-fiction. J’ai l’impression d’avoir déjà lu Cérès et Vesta mais je n’ai (pour l’instant) pas trouvé trace d’une note de lecture (peut-être au brouillon dans un cahier…). Plus d’infos sur son site officiel et son compte twitter (à noter qu’il n’y a aucune photo de lui sur internet, si vous en voyez une c’est celle d’un homonyme).

« Leila et Jasim étaient mariés depuis dix mille trois cent neuf ans quand ils commencèrent à envisager de mourir. Ils avaient connu l’amour, élevé des enfants et vu prospérer leur descendance, génération après génération. Ils avaient visité une dizaine de mondes et vécu au sein de mille cultures. » (début du roman, p. 9).

Sur Najib, leur planète natale, dans la civilisation de l’Amalgame, ils ont été heureux et sont amplement satisfaits de tout ce qu’ils ont vécu et accompli mais, avant de mourir, ils veulent faire une dernière chose, un dernier voyage mais lequel choisir ? « Le regard de Leila se posa sur un endroit où les réclames se raréfiaient, ce qui la mena vers le bulbe d’étoiles entourant le centre de la galaxie. Si le disque de la Voie lactée appartenait à l’Amalgame, dont les diverses espèces primitives avaient fusionné pour former une civilisation unique, le bulbe central était peuplé d’êtres ayant refusé jusqu’à la moindre communication avec ceux qui les entouraient. Toutes les tentatives pour envoyer des sondes dans le bulbe […] avaient été doucement mais fermement repoussées, et les intrus expulsés sans délai. Les Indifférents restaient silencieux et isolés depuis bien avant l’existence de l’Amalgame. » (p. 12-13).

Ils sont intrigants ces Indifférents dans leur bulbe ! Des humains d’origine ? Ou alors plus personne à l’intérieur ? J’ai hâte de savoir ! En tout cas, c’est là que Leila et Jasim décident d’aller après une soirée d’adieu avec leur descendance et leurs amis, deux-cents dans leur maison et deux-cents dans ‘l’aile virtuelle’.

Après un voyage-sommeil de vingt mille années-lumière (avec leur maison), Leila et Jasim arrivent à Nazdik-be-Bhigane, un monde peu peuplé. Après l’acclimatation de leurs métabolismes et la découverte des environs (quelques habitations et des centaines d’observatoires abandonnés), ils peuvent observer le bulbe. « Au crépuscule, la moitié du territoire des Indifférents s’étendait, éblouissant, de l’horizon à l’est jusqu’au zénith, et la lente marche des étoiles vers l’ouest révélait à mesure une partie croissante de sa splendeur. » (p. 19) et prendre connaissance des données accumulées pendant leur sommeil. « Les Indifférents pourraient être morts et disparus, dit Jasim. Ils ont construit la clôture parfaite, qui leur a maintenant survécu et garde leurs ruines. » (p. 24), c’est l’hypothèse la plus plausible après « un million d’années de silence » (p. 24).

En tout cas, leur seul voisinage est un nid de serpents à fourrure, longs « de huit à dix mètres » (p. 28), venus vivre ici il y a quinze mille ans pour être tranquilles, pas dangereux mais pas sociaux non plus même s’ils ont accueilli le couple pour faire leur connaissance.

Au bout de dix-sept ans, Leila et Jasim observent et calculent toujours lorsqu’ils voient quatre fois la même lueur en quatre lieux différents, or par le passé seulement trois avaient été observées par leurs prédécesseurs. « Les archives révélèrent quelques dizaines d’occasions où le même type d’émissions avait été observé [mais]. Il n’y avait jamais eu plus de trois évènements liés entre eux auparavant […]. » (p. 37). Optimistes, Leila et Jasim se désincarnent et s’installent sur Trident, l’observatoire qu’ils ont construit pour être au plus près du bulbe.

Je ne vous en dis pas plus, je vous laisse découvrir jusqu’où Leila et Jasim iront. Malgré des théories scientifiques et informatiques (très loin dans le futur) que je n’ai pas très bien comprises, mes connaissances étant limitées (en méta-univers, transferts de données, etc.), j’ai suivi avec grand plaisir les péripéties de Leila et Jasim et donc, j’ai beaucoup aimé ce roman (certains lecteurs disent que c’est une novella, bref un roman court ou une longue nouvelle). Je lirai d’autres titres de Greg Egan, c’est sûr et je comprends qu’il soit considéré comme l’auteur de science-fiction le plus fascinant de sa génération, le ‘pape de la hard SF’. D’ailleurs, j’espère que vous lirez ce roman et que, comme moi, vous serez fascinés par ce futur immense et par la quête de Leila et Jasim parce que ce roman est court mais riche, fluide, intrigant, passionnant et parce que l’humain veut toujours aller plus loin, en savoir plus même si c’est folie parfois (souvent ?).

Ils l’ont lu (et presque tous apprécié) : Aelinel, Apophis, Belette Cannibal Lecteur, CélineDanaë, Crémieu-Altan, FeydRautha, Gromovar, Lorkhan, Lune, Ombre Bones, Ted, Vert, Yogo Le Maki, vous aussi ?

Lu spécialement pour le S4F3 #8, ce roman entre aussi dans Challenge de l’été – Tour du monde (hors niveau, Océanie), Challenge lecture 2022 (catégorie 53, un livre dont le personnage principal est une personne âgée, alors les deux personnages principaux pour être âgés, ils sont âgés, ils ont plus de dix mille trois cents ans !), Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie Animal pour Crocodile), Un genre par mois (en septembre, nouvelle, novella c’est-à-dire roman court) et Tour du monde en 80 livres (Australie).

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Helstrid de Christian Léourier

Helstrid de Christian Léourier.

Le Bélial, collection Une heure lumière, février 2019, 130 pages, 8,90 €, ISBN 978-2-84344-944-4.

Genres : littérature française, science-fiction.

Christian Léourier naît le 11 décembre 1948 à Paris. Il est auteur (romans, nouvelles, contes, poésie) principalement de science-fiction, fantasy et littérature jeunesse.

Vic fait partie des volontaires, attirés par l’appât du gain, 25 humains qui travaillent à la base principale de Nàma sur Helstrid. « […] cinq années d’activité sur la base, temps terrestre, permettait d’engranger plus qu’il aurait touché dans une vie sur la Terre […]. » (p. 9). Mais Helstrid est une planète inhospitalière et donc inapte au peuplement humain. En fait l’exploitation de la planète (un minerai rare) se fait par des machines et Vic se demande à quoi servent les humains embauchés par la Compagnie. Il pense beaucoup à son ancienne compagne, Maï, qui l’a abandonné. Lorsqu’il est envoyé à la centrale noétique N/2, Vic n’a qu’à « donner le branle en activant le pilotage automatique [pour] se laisser mener jusqu’à destination. » (p. 10-11).

Mais sur cette planète où la température descend à –160° (p. 77) et où les vents atteignent 200 km/h, le trajet ne se passe pas comme prévu… « Que se passe-t-il ? – Je l’ignore. La centrale ne dispose d’aucune donnée. Jamais un tel phénomène n’a été observé sur Helstrid. Ni ailleurs. » (p. 40). Non seulement Vic n’est plus en contact avec les bases, et ceci même après la dissipation des perturbations magnétiques, mais en plus les trois camions IA (Anne-Marie, le sien, Béatrice et Claudine avec leurs chargements) ont été séparés et Anne-Marie a dérivé du trajet protocolaire suite à un séisme durant la nuit. Jusqu’à une situation critique… « Il n’a pas peur, il est juste furieux. Crever ainsi, ce serait tellement absurde ! Il lui reste tant de choses à faire ! Il ne sait pas lesquelles et il s’en fout. Il refuse de s’arrêter là. Il veut juste continuer à vivre. » (p. 92).

Helstrid remporte le prix Utopiales 2019, le Grand prix de l’Imaginaire 2020 (nouvelle francophone) et le prix Rosny aîné 2020. C’est sûrement mérité mais c’est la première fois que je lis Christian Léourier et ça m’a plu, sans plus. La tension est palpable et de plus en plus intense dans ce huis-clos « sur route ». Ma question est que faisait Vic dans cette galère ? C’est qu’il lui en arrive un peu beaucoup des problèmes ! Avez-vous un autre titre de Christian Léourier à me proposer ?

Dans le monde anglophone, il existe le terme ‘novella’ mais en France c’est plutôt le terme ‘roman court’ qui est utilisé. Avec ses 130 pages, Helstrid est une novella et entre dans le Projet Ombre 2021. Et entre aussi dans le Challenge lecture 2021 (catégorie 23, huis-clos) et Littérature de l’imaginaire #9.

Les attracteurs de Rose Street de Lucius Shepard

Les attracteurs de Rose Street de Lucius Shepard.

Le Bélial, collection Une heure lumière n° 15, août 2018, 136 pages, 9,90 €, ISBN 978-2-84344-937-6. Rose Street Attractors (2011) est traduit de l’américain par Jean-Daniel Brèque.

Genres : littérature états-unienne, science-fiction, fantastique.

Lucius Shepard naît le 21 août 1943 à Lynchburg en Virginie (États-Unis). Dès l’âge de 15 ans, il bourlingue (Europe, Afrique, Asie) faisant de petits boulots pour vivre et continuer son voyage pendant des années. De retour aux États-Unis, il étudie à l’université, devient architecte et repart voyager (Asie du Sud-Est, Amérique centrale). Mais dès 1984, il est connu pour ses nouvelles et ses romans de science-fiction et reçoit plusieurs prix littéraires (Astounding, Hugo, Locus, Nebula…). Il meurt le 18 mars 2014 à Portland dans l’Oregon. Du même auteur : Abimagique qui ne m’a pas convaincue…

Londres, fin du XIXe siècle, ville envahie par la pollution. Le narrateur est Samuel Prothero, 26 ans ; il a étudié la médecine et il est aliéniste à Saint Nichol. Il est ravi car il vient d’être admis au Club des Inventeurs où il rencontre Jeffrey Richmond, un inventeur de génie mais méprisé par les autres. Il découvre des choses surprenantes sur Richmond et sa sœur, Christine.

Richmond souhaite purifier l’air de Londres avec des « attracteurs » pour « réduire les cas de maladies respiratoires » (p. 21). Une belle idée mais Prothero, à son contact, va être confronté à des fantômes, des spectres… dont celui de Christine ?

« Vous êtes terrifié, mais vous voulez que nous restions, dis-je. Et vous avez un tel mépris pour notre sort que vous attendez de nous que nous partagions votre folle entreprise. Comme c’est noble ! » (p. 108).

Contrairement à Abimagique, Lucius Shepard réussit à me convaincre avec Les attracteurs de Rose Street, en mêlant histoire (Londres à la fin du XIXe siècle), aliénation mentale, science-fiction (les attracteurs) et fantastique voire horreur (les fantômes et les spectres). Une réussite donc qui me donne plutôt envie de relire cet auteur américain (si vous avez un titre à me conseiller !?).

Une lecture pour les challenges Littérature de l’imaginaire #8, Maki Project, S4F3 #6 et Petit Bac 2020 (dans la catégorie Lieu pour Rose Street, une rue à Londres).

Abimagique de Lucius Shepard

Abimagique de Lucius Shepard.

Le Bélial, collection Une heure lumière, août 2019, 112 pages, 8,90 €, ISBN 978-2-84344-955-0. Abimagique (2007) est traduit de l’américain par Jean-Daniel Brèque.

Genres : littérature états-unienne, science-fiction, érotisme.

Lucius Shepard naît le 21 août 1943 à Lynchburg en Virginie (États-Unis). Dès l’âge de 15 ans, il bourlingue (Europe, Afrique, Asie) faisant de petits boulots pour vivre et continuer son voyage pendant des années. De retour aux États-Unis, il étudie à l’université, devient architecte et repart voyager (Asie du Sud-Est, Amérique centrale). Mais dès 1984, il est connu pour ses nouvelles et ses romans de science-fiction et reçoit plusieurs prix littéraires (Astounding, Hugo, Locus, Nebula…). Il meurt le 18 mars 2014 à Portland dans l’Oregon.

« […] tu auras appris qu’elle travaille comme massothérapeute avec des handicapés, qu’elle vit seule dans une maison en bois, dans une rue bordée de sapins du quartier de Fremont, que ses yeux ont la couleur du vert bouteille illuminé de soleil et qu’elle s’appelle Abi, le diminutif d’Abimagique. » (p. 13).

Ce qui est original dans ce court roman (mais en fait pas facile à gérer), c’est que l’auteur utilise « tu » et que le lecteur se demande qui est le narrateur.

Le « tu » donc, a 23 ans, il est étudiant à Seattle et travaille dans un laboratoire de microbiologie.

« Une fois que tu es avec elle, c’est comme une addiction. » (p. 32).

J’avoue que je n’ai pas tout compris entre ses rêves et ce qu’il apprend sur Abi mais qu’il refuse de croire… Elle dit qu’elle a des pouvoirs et que la fin du monde approche… Des anges déchus, des princes grigori, lilith…

Mais il y a surtout beaucoup de sexe et de magie orgique !

Ce court roman est peut-être intéressant au niveau mystique, et j’ai bien aimé le style de l’auteur et l’ambiance, mais, vraiment, je n’ai pas tout compris… Si vous avez un autre titre de Lucius Shepard à me conseiller 😉

Il est rare que j’honore le rendez-vous de Stéphie, Le premier mardi, c’est permis ! Mais dans ce roman, il y a du sexe et de l’érotisme alors rendez-vous honoré.

Je le mets aussi dans les challenges Littérature de l’imaginaire #8, Maki Project (roman court, style novella) et Petit Bac 2020 (dans la catégorie Prénom pour Abimagique).

Acadie de Dave Hutchinson

Acadie de Dave Hutchinson.

Le Bélial, collection Une heure lumière n° 20, août 2019, 112 pages, 9,90 €, ISBN 978-2-84344-953-6. Acadie (2017) est traduit de l’anglais par Mathieu Prioux.

Genres : littérature anglaise, novella, science-fiction.

Dave Hutchinson naît le 19 décembre 1960 à Sheffield (Angleterre). Il est journaliste, nouvelliste et romancier mais, pour l’instant, ses romans et ses nouvelles n’ont pas encore été traduits en français.

Alors que Duke Faraday, 150 ans, Président de la Colonie est en congés, une alerte le ramène au bureau : une sonde terrienne a franchi les frontières de leur système, inexploré par l’Agence de la Colonisation, dans lequel des humains se sont installés illégalement. La sonde est radioactive et au lieu de se « tenir tranquille et observer cette saleté poursuivre sa route » (p. 19), Ernie lui a tiré dessus…

Les Fondateurs de cette Colonie sont d’anciens scientifiques ayant fui la Terre, il y a plus de 500 ans, à cause d’expériences génétiques interdites ; ils sont maintenant appelés les Écrivains car ils ont créé des humains différents : elfes, nains, hobbits, gobelins, Klingons… Gros clin d’œil à Tolkien et d’autres ! « Les Écrivains ont voulu s’amuser un peu… » (p. 44). Il y a aussi des Gamins, des humains supra-intelligents mais fantasques et avec des vies courtes.

Les chapitres sont courts ; le ton est résolument moderne avec une pointe d’humour (ah oui, l’auteur est Anglais) et, même si je n’ai pas tout compris à la technologie du futur, j’ai lu cette nouvelle avec plaisir ! Le récit est immersif, le questionnement sur l’éthique est posé et la fin est surprenante. Par contre, je n’ai pas percuté pourquoi le titre est Acadie… (oh, une explication sur Albédo).

Pour les challenges 1 % Rentrée littéraire 2019 (lu avant la fin du challenge durant le Week-end à 1000 de janvier), Littérature de l’imaginaire #8 et deuxième nouvelle (ou novella) pour le Maki Project.

L’enfance attribuée de David Marusek

L’enfance attribuée de David Marusek.

Le Bélial, collection Une heure lumière n° 21, août 2019, 128 pages, 9,90 €, ISBN 978-2-84344-954-3. We Were Out of Our Minds With Joy (1995) est traduit de l’américain par Patrick Mercadal.

Genres : littérature américaine, novella, science-fiction.

David Marusek naît le 21 janvier 1951 à Buffalo (État de New York). Designer graphique puis professeur de graphisme (à Fairbanks en Alaska), il se lance dans l’écriture de nouvelles de science-fiction (publiées dès 1992). Plus d’infos sur son site officiel, http://www.marusek.com/.

30 mars 2092. La Terre est surpeuplée et une « Interdiction de Procréation » a été « promulguée en 2041 » (p. 32). Sam Harger (le narrateur) et son épouse Eleanor Starke reçoivent du ministère de la Santé et des Affaires sociales l’autorisation d’avoir un enfant. « Nous étions fous de joie. » (p. 11). Ils sont beaux, riches et célèbres. Sam est artiste, graphiste, designer, Américain de New York. Lea (son surnom) est procureure et Hongroise à Budapest, récemment promue gouverneur aux États-Unis. Tout semble parfait dans le meilleur des mondes mais Henry, l’assistant domotique de Sam, qui contient toute sa vie et ses archives, a été plusieurs fois piraté par la sécurité de Lea… « […] ma propre vie me faisait l’effet d’un roman russe, lu voilà bien longtemps. Je pouvais m’en rappeler les grandes lignes, mais les noms des personnages m’échappaient. » (p. 26).

Dans ce monde où tout est enregistré, archivé, contrôlé, qui a bien pu forcer le destin pour que Sam et Lea aient un enfant ? « Elle insista sur le fait que le responsable, quel qu’il soit, n’était sûrement pas un bienfaiteur, car on pouvait difficilement considérer un bébé comme une récompense. Plutôt un ennemi, un rival outre-planète qu’elle avait supplanté pour le poste d’Indianapolis, ce qui signifiait que le bébé était l’appât d’un piège en préparation. » (p. 55).

Alors le lecteur se doute bien qu’un grain de sable va venir enrayer cette belle histoire d’amour ! Quel sera le prix à payer et qui en payera le prix ?

L’Enfance attribuée remporte le Prix Theodore Sturgeon en 1995 et connaît une version étendue avec Un paradis d’enfer. Je découvrais cet auteur (qui publie peu) et j’ai apprécié cette lecture : la narration et l’ambiance sont vraiment étranges et gagnent en intensité ; le ton est froid et sec ; ce futur fait froid dans le dos !

Pour les challenges 1 % Rentrée littéraire 2019 (lu avant la fin du challenge durant le Week-end à 1000 de janvier), Littérature de l’imaginaire #8 et première nouvelle (ou novella) pour le Maki Project.

La quête onirique de Vellit Boe de Kij Johnson

La quête onirique de Vellit Boe de Kij Johnson.

Le Bélial, février 2018, 200 pages, 17,90 €, ISBN 978-2-84344-929-1. The Dream-Quest of Vellitt Boe (2016) est traduit de l’américain par Florence Dolisi.

Genres : littérature américaine, fantasy.

Kij Johnson naît le 20 janvier 1960 à Harlan dans l’Iowa (États-Unis). Elle est nouvelliste et romancière de fantasy et de science-fiction et a reçu plusieurs prix prestigieux (Hugo, Nebula, Theodore Sturgeon, World Fantasy). La quête onirique de Vellitt Boe a d’ailleurs reçu le World Fantasy Award 2017. Plus d’infos sur son site, http://www.kijjohnson.com/.

Vellitt Boe, 55 ans, est professeure depuis vingt ans au Collège (Université) de femmes d’Ulthar. Mais ce matin-là, branle-bas de combat : Clarie Jurat, la meilleure étudiante, s’est enfuie avec un homme à trois mois des examens ! « Une fille superbe, brillante, volontaire, charismatique, avec de grands yeux rieurs […]. » (p. 12). L’homme s’appellerait Stephan Heller et viendrait du monde de l’éveil. Mais le père de Clarie est l’un des administrateurs du Collège et il peut non seulement fermer le Collège mais aussi « bannir les femmes de l’Université. » (p. 19). Or, Vellitt était une grande voyageuse par le passé et elle a connu un habitant du monde de l’éveil, elle va donc poursuivre les amants pour ramener Clarie. « Elle déterra d’abord tout au fond de son armoire un petit sac de cuir fripé dont émanait un vague parfum de pluies d’antan et de terres lointaines. Ensuite, elle retrouva ses vieilles bottes et son bâton de marche noueux taillé dans du bois noir. » (p. 27). Bizarrement, un chaton noir la suit dans son dangereux périple, un chaton avec des « yeux verts, attentifs et brillants » (p. 45).

Le monde (irréel ? réel ?) de Vellit Boe est bien planté : il est possible de suivre son voyage sur la jolie carte en couleurs (qui se situe sur les 2e et 3e de couverture) et d’avoir une petite idée supplémentaire grâce aux belles illustrations de Nicolas Fructus (un dessinateur lyonnais né en 1970 et qui a déjà illustré des œuvres de Lovecraft). Attention aux créatures peu amicales (c’est peu de le dire !), gugs, zoogs, goules, ghasts, oiseaux shantaks, sans parler des « monstres innommés » (p. 127). Malgré ces êtres cauchemardesques, la lecture est très agréable, l’aventure est épique et le lecteur palpite avec Vellitt Boe qui retrouve d’anciennes connaissances. Si vous avez envie de quitter le monde des rêves pour découvrir le monde de l’éveil, il faudra vous rendre dans la peu connue et très éloignée cité d’Ilek-Vad et trouver un passage au péril de votre vie vers le monde de l’éveil, bref celui des humains (réel ? irréel ?).

Les lecteurs de H.P. Lovecraft reconnaîtront des noms de lieux (Ilek Vad…) et de personnages (Randolph Carter…) puisque La quête onirique de Vellitt Boe est un pendant féminin à La quête onirique de Kadath l’inconnue ou À la recherche de Kadath (The Dream-Quest of Unknown Kadath, longue nouvelle écrite en 1926-1927 mais publiée en 1943) : Kij Johnson explique ses inspirations et ses motivations dans un très instructif entretien dans lequel elle déchiffre parfaitement bien l’œuvre de Lovecraft (p. 179-191). Dans ce roman miroir, Kij Johnson s’attache à la condition des femmes, elle leur permet de réfléchir, de prendre des décisions, d’étudier, d’enseigner, de voyager (ce qui n’était pas le cas chez Lovecraft, une autre époque…) mais sans tomber dans le féminisme à tout prix. J’ai très envie de lire Un pont sur la brume, son premier titre paru en France, chez Le Bélial en 2016 : attendez-vous à le voir passer sur mon blog cet été car je sais qu’il est à la bibliothèque !

Quelques petites fautes comme « Julat » au lieu de « Jurat » p. 97 ou « surout » au lieu de « surtout » (p. 137), des fautes d’étourderie mais c’est dommage dans une jolie édition illustrée comme celle-ci. Et puis les littératures de genre reçoivent pas mal de critiques négatives alors ce serait bien que leur contenu soit irréprochable.

Ce qui m’a le plus marquée : la transformation du gug en Buick !

Et ma phrase préférée : « Personne ici ne dit aux gens ce que signifie leur existence, et ce que signifie leur monde. » (p. 168).

Une lecture pour le Challenge de l’été, le Challenge Chaud Cacao, Jeunesse Young Adult #7 (pas classé en YA mais il correspond), Littérature de l’imaginaire, Rentrée littéraire janvier 2018 et S4F3 #4.

L’alchimie de la pierre d’Ekaterina Sedia

L’alchimie de la pierre d’Ekaterina Sedia.

Le Belial, février 2017, 272 pages, 20 €, ISBN 978-2-84344-913-0. The Alchemy of Stone (2008) est traduit de l’américain par Pierre-Paul Durastanti.

Genres : littérature russo-américaine, science-fiction.

Ekaterina Sedia naît Ekaterina Holland le 9 juillet 1970 à Moscou en Russie. Elle est non seulement écrivain (romans, nouvelles) mais aussi professeur de botanique et d’écologie dans le New Jersey car elle vit aux États-Unis depuis le début des années 90. Plus d’infos sur http://www.ekaterinasedia.com/ (site et blog).

Mattie est une Automate émancipée, devenue une Alchimiste, créée par Loharri, un Mécanicien. Elle vit à Ayona, « une ville immense, sombre et secrète ». Les Gargouilles, un peuple minéral très secret, lui demandent de l’aide. « Elles trouvent leur espérance de vie trop brève et leur destin trop cruel. » (p. 16). Mattie est également embauchée par Iolanda pour des potions mais hésite à trahir son créateur. Elle va rencontrer le Fûmeur d’âmes que tout le monde craint et Sébastien, un révolutionnaire activement recherché.

Sous couvert de science-fiction, mi steampunk mi urban fantasy, ce roman aborde de nombreux thèmes importants : mécanisation, technologie et progrès, immigration, condition des femmes, rôle de chacun dans la société, mémoire du passé, mouvement révolutionnaire, terrorisme… ! Voici quelques extraits qui en témoignent :

« Tu es devenu mécanicien parce qu’élevé par une mère alchimiste. Je suis devenue alchimiste parce que créée par un mécanicien. » (p. 89).

« Ça me déplaît autant qu’à toi, Mattie, mais c’est une affaire de politique. Les gens ont peur. Ils ont besoin de victimes expiatoires. » (p. 153).

« Les femmes ressemblaient aux gargouilles : respectées en théorie, mais dissimulées à ceux qui dirigeaient la ville, elles vivaient dans l’obscurité, dans les interstices de l’existence. » (p. 158).

« Nous avons tous notre rôle à jouer. Sinon, la société ne pourrait pas fonctionner. » (p. 184).

« […] parfois, mieux valait ne rien voir, ne rien savoir. » (p. 222).

L’alchimie de la pierre est le premier roman d’Ekaterina Sedia traduit en français (merci aux éditions Le Bélial !) mais en fait le troisième roman de l’auteur. À noter, qu’en plus de la très belle illustration couleur de couverture, il y a quelques illustrations noir et blanc de Nicolas Fructus. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire L’alchimie de la pierre (qui a reçu le Prix James Tiptree Jr. en 2009). Ce roman – à la fois poétique et apocalyptique avec de très belles descriptions – montre bien tous les rouages d’une société et se révèle être d’une grande intelligence et maîtrise. Car, dans cette ville de pierre et de métal, il faut se battre pour vivre. Je veux lire d’autres titres d’Ekaterina Sedia (en plus, elle aime les chats !).

Une excellente lecture que je mets dans les challenges Littérature de l’imaginaire et Rentrée littéraire janvier 2017.