Mokhtar et le figuier d’Abdelkader Djemaï.
Le Pommier, Hors collection, août 2022, 128 pages, 14 €, ISBN 978-2-7465-2516-0.
Genres : littérature algérienne, roman.
Abdelkader Djemaï naît le 16 novembre 1948 à Oran en Algérie. Il lit dès l’enfance et écrit depuis l’adolescence. Instituteur (pendant 2 ans dans une école primaire) puis journaliste (dès 1966 et jusqu’en 1993) puis écrivain (premier roman paru en 1986, je ne connaissais pas du tout !), il s’installe à Paris en 1993. Il écrit de nombreux romans, récits et nouvelles (plus de 20) et reçoit la médaille des Chevaliers des Arts et des Lettres.
Dans la campagne algérienne, une vieille maison éclairée par des lampes à pétrole, une petite cour avec « des cailloux jaunes et lisses comme des galets » (p. 11), « un puits à la margelle en pierre grise, un four en boue séchée, un poulailler grillagé et un petit enclos pour les moutons. » (p. 10). Une petite mare et un figuier qui apporte un peu d’ombre et des fruits deux fois par an.
Mokhtar vit avec ses parents, sa grand-mère paternelle, Aïchouche, et son grand-père paternel, Kouider. Il passe sa petite enfance de façon sereine à la campagne près du village Saint-Lucien. Lorsque ses parents déménagent, grâce à la tante Halima, dans une charrette tirée par un mulet, Mokhtar voit pour la première fois autre chose que son village et surtout la grande ville ! « C’était la première fois que Mokhtar voyait à ciel ouvert autant de voitures, de camions, de motos passer près de lui, parfois à toute allure, le frôlant presque en laissant derrière eux une odeur forte de carburant. » (p. 51). Dans la maison séparée en quatre parties, les parents de Mokhtar louent une pièce unique mais… « il manquait le figuier et son ombre verte. » (p. 58).
Un an après, le père travaille sur les chantiers et la mère accouche de Bachir, « le premier de la lignée à être né dans une grande ville. » (p. 64). Quant à Mokhtar, « À six ans, il allait être aussi le premier de sa lignée à franchir le portail d’une école. » (p. 65). Les vacances se passent chez les grands-parents où l’enfant lit sous le figuier, qui est « comme un membre de la famille qui lui était cher » (p. 75) et sous lequel son grand-père, Kouider, fait la sieste.
Les lecteurs rentrent avec plaisir dans l’intimité de cette famille rurale, simple et pauvre ; ils découvrent des mœurs différents des nôtres (occidentaux), comme « les femmes [qui], selon la tradition, ne pouvaient pas assister, quel que soit le sexe du disparu, aux enterrements […]. » (p. 109) et peuvent être surpris par la différence entre les mots arabes dont on devine le sens (ou pas !) comme douar, koubba, wâada, kanoun, meïda, haouch, foutah, et les noms des communes (Saint-Lucien par exemple), des rues, des noms des cinémas…
Et, après le déménagement, il y a à la fois la nostalgie et le plaisir de découvrir la ville, l’école et la lecture, les magasins, le cinéma (son père s’est pris de passion pour les westerns), la mer, la photographie, et même le corps féminin dans un hammam après un mariage. Et, alors que Mokhtar et les autres enfants vivent dans l’insouciance de l’enfance, les prémices de la guerre se font jour. Mais, à la campagne où vivent toujours ses grands-parents, le figuier reste « toujours debout, paisible et fécond » (p. 125, mon passage préféré).
Ce roman est-il véritablement un roman ? Bien sûr, il y a une continuité chronologique de chapitre en chapitre mais j’ai plutôt ressenti ce récit comme un recueil d’anecdotes, de chroniques, de petites histoires (la maison, le figuier, la boue, le déménagement, les noces, etc.), agréables à lire par ailleurs, l’histoire d’un enfant, l’histoire d’une guerre (qu’il n’a suivi que par bribes), les souvenirs d’un enfant devenu adolescent qui veut apprendre, lire et écrire pour raconter, pour garder en mémoire et laisser une trace des êtres aimés qui sont partis.
C’est le premier titre de la rentrée littéraire d’automne que je lis, pas un coup de cœur mais une bonne pioche ! Et, accessoirement, la couverture est très belle (et donne envie de manger de bonnes figues fraîches).
Elle l’a lu : MimiPinson, d’autres ?
Pour Le tour du monde en 80 jours (Algérie), Un genre par mois (en novembre, il faut lire du contemporain et donc ce livre de la rentrée littéraire d’automne est idéal) et ABC illimité (lettre D pour Djemaï).