Rouges estampes : une enquête pendant la Commune de Paris de Jean-Louis Robert, Carole Trébor et Nicola Gobbi.
Steinkis, mars 2021, 128 pages, 19 €, 978-2-36846-353-6.
Genres : bande dessinée franco-italienne, Histoire, policier.
Jean-Louis Robert, né en 1945, est historien, professeur universitaire et auteur. Il est spécialiste de l’histoire sociale de la Première guerre mondiale et de l’histoire de la Commune de Paris. L’éditeur dit qu’il « travaille à une grande histoire de la Commune entièrement inédite à paraître en 2021 ».
Carole Trébor, née en 1973, est historienne (spécialiste de l’URSS et de la Russie), professeure universitaire en histoire de l’art, autrice de littérature jeunesse (romans, albums illustrés) et documentariste. J’avais beaucoup aimé La lignée (Nina Volkovitch 1) en 2012 et ça me fait penser que je n’ai pas lu la suite.
Nicola Gobbi, né en 1986 à Ancône en Italie (dans les Marches), est auteur et dessinateur mais il vit maintenant à Paris. Il est possible de le suivre sur sa page FB (en italien).
« Paris, mars 1871. Ils sont des centaines d’artistes qui s’engagent dans la révolution de Paris. Depuis le Second Empire, ils sont en lutte contre l’académisme qui trône dans les salons officiels et ils réclament la totale liberté d’ l’Art. […] Pour vivre, ils se font modèles, peintres en décors, dessinateurs… Connaissant le sort du peuple, ils sont sensibles à l’idée de la République sociale. » (p. 3). Un an après, la guerre contre les Prussiens est terminée et l’Alsace et la Lorraine ont été abandonnées à l’Empire allemand. Raoul Avoir, le narrateur, est sur l’Austerlitz à Brest, un bateau prison et il écrit à sa mère ses souvenirs.
Après la guerre, les Parisiens n’ont pas de travail et mangent des rats… Les enfants ne vont plus à l’école, ils sont obligés de travailler pour aider leurs parents… Raoul Avoir a abandonné ses études de Droit, au grand dam de son père, et vivote avec ses amis artistes (Félix Bracquemond, Jules Vallès, Philippe Cattelain, André Gil…). « Tu aurais dû finir tes études de Droit, Raoul, tu serais moins dans la mouise ! – C’est sûr, si j’avais fini mon Droit, vous seriez tous en prison à l’heure qu’il est ! J’aurais été encore plus impitoyable que mon père ! – En attendant de nous condamner, fais-nous voir ton dessin ! » (p. 13).
Raoul – surnommé Mie de pain car il gommait tout le temps ses dessins – est nommé nouveau commissaire du commissariat de Plaisance, réquisitionné par les citoyens dans le 14e arrondissement de Paris. Leur objectif est de « fonder […] une police honnête, estimée de tous, ne s’occupant que d’assurer la sécurité des Parisiens, même des plus pauvres, et de poursuivre les délits et les crimes. » (p. 29). Mais un assassin rôde dans Paris… « Il ne faudrait pas qu’il profite de l’anarchie de votre révolution pour tuer en toute impunité. » (p. 26).
Finalement, c’est une guerre civile entre les militaires attachés au gouvernement replié à Versailles (surnommés les Versaillais, avec un drapeau tricolore) et les citoyens du peuple de Paris (les Communards, avec un drapeau rouge). « La guerre commence… Il va falloir organiser une offensive. On ne va pas les laisser fusiller les nôtres sans régir. » (p. 43). Raoul et ses amis citoyens espèrent une République sociale, du travail, de la nourriture, un toit et la justice pour tous ; ils ont de belles idées mais certains sont parfois excessifs et surtout ils sont considérés comme des terroristes par le gouvernement versaillais mené par Thiers.
Pourquoi Rouges estampes ? La bande dessinée est en noir et blanc mais il y a des esquisses de rouge (par exemple, des nez, des oreilles, ou un chariot que l’on suit de case en case p. 16) et certains dessins sont entièrement dans différents tons de rouge (par exemple, l’artiste tueur en train de peindre sur un corps féminin p. 12). Et pour estampes, un des amis de Raoul, Félix Bracquemond, est peintre, graveur, amateur d’art japonais (il est d’ailleurs l’initiateur du japonisme en France) et il y a des clins d’œil à l’art japonais comme les fleurs de cerisiers. Parmi mes dessins préférés, celui en pleine page du réverbère allumé (p. 33) ou deux estampes en pleine page aussi (p. 98-99).
En mars, j’ai vu le film d’animation Les damnés de la Commune (d’après la bande dessinée de Raphaël Meyssan parue en 2019) et dans Rouges estampes, j’ai retrouvé Victorine, Louise Michel, le peuple parisien qui défend les canons qu’il a lui-même achetés par souscription populaire et les soldats versaillais… « Vous ne tirerez pas sur le peuple ! […] Ne tirez pas les gars ! » (p. 22). Et j’ai encore appris pas mal de petits détails mais ce sont en partie les petites histoires qui font la grande Histoire, n’est-ce pas ?
Mais Rouges estampes n’est pas qu’une bande dessinée historique, des jeunes femmes sont torturées et assassinées et Raoul enquête. Les victimes sont modèle, prostituée, ouvrière… « Les trois crimes pourraient être liés. Toute cette mise en scène abjecte… S’il y a un meurtrier dans la ville, il ne va pas s’arrêter. Il faut prévenir les citoyens. – Si on publie l’information, on risque de créer une panique dans Paris… » (p. 76). En fin de volume, il y a une galerie des personnages et « La mémoire de la Commune ».
C’est grâce à Noctenbule que j’ai découvert cette bande dessinée à la fois historique et policière et je suis ravie d’avoir pu la lire. Les événements se sont déroulés il y a seulement 150 ans et ils furent sanglants… Mais il est bon de les rappeler et, donc, je vous invite à lire cette excellente bande dessinée bien documentée et bien dessinée.
Pour La BD de la semaine et les challenges BD, Des histoires et des bulles (catégorie 18, une BD avec une couleur dans le titre mais elle peut aller aussi dans les catégories 28, 33, 35, 50), Petit Bac 2021 (catégorie Couleur), Polar et thriller 2020-2021.
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