Eltonsbrody d’Edgar Mittelholzer

Eltonsbrody d’Edgar Mittelholzer.

Les éditions du Typhon, février 2019, 230 pages, 20 €, ISBN 978-2-490501-02-1. Eltonsbrody (1960) est traduit de l’anglais (Guyana) par Benjamin Kuntzer.

Genres : littérature guyanienne, fantastique.

Edgar Mittelholzer naît le 16 décembre 1909 à New Amsterdam en Guyane britannique (devenue Guyana). Son premier roman, Corentyne Thunder, signe le début de la littérature de Guyana en 1938. Après un séjour à Trinidad où il se marie (en 1942), il s’exile en Angleterre (en 1947) où il rencontre Leonard et Virginia Woolf qui deviennent ses éditeurs ; il est ainsi le premier auteur caribéen à trouver le succès en Europe. Mais, dépressif, à cause de la couleur de sa peau, il se suicide le 5 mai 1965.

Une maison d’éditions inconnue de moi ! Un auteur de Guyane britannique, devenue Guyana, inconnu de moi ! Un roman fantastique, à la limite du gothique, dont l’éditeur dit : « Dans la lignée des chefs-d’œuvre d’Edgar Allan Poe, de H.P. Lovecraft et de John Carpenter, Eltonsbrody captive en faisant imploser le réel. Intriguant et obsédant, le roman happe le lecteur en le confrontant à l’empire des pulsions. ». À noter que ce titre inaugure la collection Les hallucinés « dédiée à une littérature étrange, inclassable, venue du monde entier ». Ni une ni deux, Eltonsbrody a atterri chez moi ! Et participera au challenge Cette année, je (re)lis des classiques #2 (puisqu’il est paru originalement avant 1970), un classique de Guyana, dingue !

Mr Woodsley, le narrateur, est un jeune peintre en visite à la Barbade. Mais, en ce week-end de Pâques 1958, les deux hôtels et la pension de famille de l’île sont complets… Il s’installe donc à Eltonsbrody (bâti en 1887) chez Mrs Dahlia Scaife, veuve du Dr Scaife. Une particularité : Mrs Scaife est Anglaise alors que le Dr Scaife était un Noir de la Barbade (à l’époque, ça faisait jaser mais les gens respectaient tout de même cette union car Scaife était docteur donc utile à la communauté). « Mr Woodsley, avez-vous déjà été submergé par l’horreur et la joie en même temps ? » (p. 36). Malgré l’atmosphère bizarre et le vent, les premiers jours sont agréables mais la situation se dégrade après le décès de Grégory, le petit-fils de Mrs Scaife… « J’ai l’impression que vous avez une imagination extraordinairement morbide, Mrs Scaife. J’irais même jusqu’à dire malade. » (p. 58).

Peu à peu, la tension monte… « […] ces deux jours m’ont convaincu qu’elle était plus qu’une excentrique. Cette femme est folle. Un silence s’ensuivit. Nous contemplâmes la nuit par la vitre. La fenêtre devant laquelle nous nous trouvions se mit subitement à trembler frénétiquement, comme si une main puissante l’avait agrippée et cherchait à la réduire en morceaux. Le vent sifflait à travers les fissures avec une frustration furieuse, et des courants d’air nous entourèrent de leurs tentacules glacials. La maison tout entière semblait vibrer sous la pression du vent. » (p. 128). Avec cet extrait, vous pouvez apprécier le choix des mots et voir qu’il y a toute une ambiance avec le vent, plus loin ce sera avec la mer et les escarpements dangereux et aussi avec les odeurs et les couleurs.

Bon, je n’ai pas été terrifiée (peut-être parce que j’ai lu ce roman dans la journée et pas durant la nuit) mais j’ai été saisie par le style de l’auteur (je me demande bien s’il n’est pas ici traduit en français pour la première fois !) et l’ambiance qui s’alourdit peu à peu dans cette maison, avec des questionnements, des craintes, non seulement au sujet de la vieille Mrs Scaife mais aussi des événements étranges et même des morts ! Une belle découverte donc avec un éditeur à suivre et un auteur qui sera peut-être à nouveau traduit en français. Par contre, est-ce que l’auteur met de son mal-être d’être métis, d’être « de couleur », dans ses écrits, je ne saurais le dire, je ne peux faire confiance qu’en ce qu’en dit l’éditeur.

Ce roman paru en février 2019 est à la fois un roman de la Rentrée littéraire de janvier 2019 et un classique puisqu’il est originellement paru en 1960 : comme je l’ai dit plus haut, je le mets donc dans Cette année, je (re)lis des classiques #2 (parution originale avant 1970) et, en plus, un classique de Guyana, c’est rare ! Il entre aussi dans Littérature de l’imaginaire #7.

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