En un combat douteux… de John Steinbeck

En un combat douteux… de John Steinbeck.

Folio, n° 228, octobre 1972, 384 pages, 9,20 €, ISBN 978-2-07036-228-8. In Dubius Battle (1936) est traduit de l’américain par Edmond Michel-Ty.

Genres : littérature états-unienne, roman social, drame.

John Steinbeck naît le 27 février 1902 à Salinas en Californie (États-Unis). Son père est d’origine allemande et sa mère d’origine irlandaise. Comme l’été, il travaille dans les ranchs voisins, il découvre la vie des travailleurs agricoles itinérants et leurs difficultés. Il étudie la littérature anglaise à l’Université Stanford à San Francisco. Il a une vie riche en expériences professionnelle et humaine. Il écrit plusieurs romans et nouvelles (prix Nobel de littérature en 1962) ainsi que des récits et reportages. Il meurt le 20 décembre 1968 à New York.

Années 1930, États-Unis. Après avoir perdu son père et sa mère, avoir fait de la prison injustement, Jim Nolan abandonne tout et décide d’entrer au parti. « J’ai coupé les ponts entre moi et mon passé. Je veux commencer une nouvelle vie. » (p. 18). Jim veut faire quelque chose d’utile, quelque chose qui ait un sens, ne plus être une victime. Il rejoint la planque de Mac et devient dactylographe mais ce qu’il veut, c’est « être envoyé en mission de propagande » (p. 35).

Sa première mission sera justement avec Mac, grimper dans le wagon vide d’un train de marchandises, récolter des pommes dans la vallée de Salinas en Californie, organiser les ouvriers mal payés, et au passage aider à un accouchement. « […] il y en a trop qui ont crevé de faim […] ; peut-être trop de patrons qui on exploité leurs ouvriers. Je ne sais pas. Je sens ça sous ma peau. » (le vieux Dan, p. 78).

Les ouvriers agricoles, mécontents de la baisse des salaires pour la récolte des pommes, savent que ce sera pire pour la récolte du coton qui vient après, ils commencent à parler, la tension monte… d’autant plus que le vieux Dan, 71 ans, est tombé d’une échelle dont deux barreaux se sont cassés (c’est ça le matériel qu’on leur donne pour travailler ?).

Mac, sous prétexte d’organisation, n’hésite pas à jeter de l’huile sur le feu, à considérer les dommages collatéraux comme normaux… Je comprends le combat social qu’ont mené ces hommes mais ils se fichaient complètement des pertes humaines, seul le résultat comptait… « Il faut que nous nous montrions habiles, impitoyables, et que nous agissions rapidement. […] Nous pouvons réussir si les hommes consentent à se serrer les coudes. Les propriétaires n’en mèneraient pas large. » (Mac, p. 140). Après qu’il y ait eu un mort et que Mac veuille en profiter : « Nous en avons besoin pour exciter nos hommes, pour les tenir. Ça les rapprochera ; ils auront une raison de combattre. – Salaud ! ricana Dakin. Vous n’avez donc pas de cœur. Vous n’avez qu’une idée en tête : la grève ! » (Mac puis Dakin, p. 188) et « S’ils viennent avec des fusils, […] ils vont nous tuer des hommes. […] – Ce ne serait pas mauvais […]. Supposons qu’ils tuent des hommes. Ce serait avantageux pour la cause. À chaque victime correspondraient dix recrues. […] » (Jim puis Mac, p. 356). Alors on comprend bien le titre, un combat douteux…

Mais, d’un autre côté, à propos des ‘vigilants’, « Ceux qui ont brûlé les maisons d’Allemands pendant la guerre. Ceux qui lynchent les nègres. Ils sont cruels à plaisir. Ils aiment faire du mal, et ils appellent ça d’un joli nom, patriotisme, ou protection de la Constitution. Les patrons se servent d’eux et leur disent : ‘Il faut protéger le gens contre les communistes.’ Alors, ils brûlent les maisons et torturent les gens, sans courir de danger. C’est tout ce qu’il leur faut. Ils sont lâches. Ils tirent embusqués ou ils attaquent les autres à dix contre un. C’est ce qu’il y a de pire au monde, cette race. » (Mac, p. 191).

Ce roman est considéré comme le premier de la trilogie des romans sociaux de Steinbeck ou trilogie du travail (Labor Trilogy) car suivent Des souris et des hommes (1937) et Les raisins de la colère (1939). Donc je suis contente d’avoir commencé par En un combat douteux et je remercie tadloiduciné (qui officie sur le blog de Dasola) de m’avoir conseillé ce titre. L’auteur avance peu à peu et emmène ses personnages et ses lecteurs jusqu’au bout du drame, du tragique.

Steinbeck décrit le désespoir et la colère des ouvriers abusés par le système patronal, méprisés par les ‘honnêtes gens’, battus et enfermés par des policiers ou des milices violents et vicieux… Les descriptions (personnages et paysages) sont incroyables, les personnages sont tous différents et paraissent bien réels, les dialogues sont très bien menés et j’ai apprécié le discours (la pensée) du docteur Burton (chapitre 8), il se pose des questions, il veut aider mais il n’est pas dupe… Mac sert-il la cause des pauvres gens ou se bat-il pour une idéologie qui se moque des gens et des pertes ?

Adaptation au cinéma : In Dubious Battle (en français, Les insoumis) réalisé par James Franco en 2016 (bande annonce ci-dessous, en VF, je n’ai pas trouvé en VOST).

J’ai lu ce roman exprès pour Les classiques c’est fantastique #3 car le thème de janvier est ‘Jamais sans mon Steinbeck’ mais il entre aussi dans 2023 sera classique, ABC illimité (lettre J pour prénom), Challenge lecture 2023 (catégorie 41, un livre dont on n’aime pas la couverture, je n’aime pas cette couverture parce qu’elle ne correspond pas du tout au contenu du roman, on pense plutôt à des ouvriers dans l’industrie, plutôt pétrolière, alors que le roman raconte la grève d’ouvriers agricoles dans des vergers…) et Tour du monde en 80 livres (États-Unis).

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Aucune femme au monde de Catherine Lucille Moore

Aucune femme au monde de Catherine Lucille Moore.

Le passager clandestin, collection Dyschroniques, octobre 2021, 144 pages, 9 €, ISBN 978-2-36935-100-9. No Woman Born (1944) est traduit de l’américain par Arlette Rosenblum et revu par Dominique Bellec.

Genres : littérature états-unienne, science-fiction.

Catherine Lucille Moore le 24 janvier 1911 à Indianapolis (Indiana). Elle lit beaucoup, en particulier de la littérature fantastique, dès l’enfance. Quand elle doit quitter l’université (Grande dépression), elle devient secrétaire et commence à faire publier ses premières histoires (science-fiction et fantasy) dans des pulps (années 1940), en particulier dans le magazine Astounding Science Fiction. Elle est une pionnière de la science-fiction féminine et féministe. Elle se marie avec Henry Kuttner (écrivain de science-fiction) en 1940 et ils écrivent à quatre mains. Elle utilise aussi le pseudonyme de Lawrence O’Donnell. Elle écrit 4 romans (entre 1942 et 1957), de nombreuses nouvelles et plusieurs de ses œuvres sont adaptées au cinéma. Elle meurt le 4 avril 1987 à Hollywood (Californie).

Deirdre était la plus belle femme au monde. Danseuse et chanteuse, elle était connue dans le monde entier, même « sous les tentes du désert et dans les huttes polaires » (p. 6). « Et le monde entier l’avait pleurée quand elle était morte dans l’incendie de la salle. » (p. 7) dans laquelle elle se produisait. Son impresario, John Harris, ne s’en est jamais remis.

Mais son cerveau a été conservé et, depuis un an, un savant, Maltzer, travaille sur un robot pour la faire revivre, pas un robot tout mécanique, un humanoïde. « C’est moi, John chéri. C’est réellement moi, tu sais. » (p. 18). C’est troublé que John Harris découvre la nouvelle Deirdre, « en vérité, elle était toujours Deirdre » (p. 25), belle, souple, la même voix, le même rire, les mêmes postures, la même assurance, « c’était bien la femme de chair et d’os, aussi sûrement que s’il l’avait vu se dresser devant lui, intacte, à nouveau, tel le phénix ressuscité de ses cendres. » (p. 27).

Deirdre a un projet. « Je vais remonter sur scène, John […]. Je peux toujours chanter, je peux toujours danser. Je suis toujours moi-même dans tout ce qui compte et je n’imagine pas faire autre chose pendant le restant de mes jours. » (p. 39). Mais « comment des spectateurs régiraient-ils ? » (p. 42). Harris la voit humaine et est d’accord avec elle mais Maltzer la voit machine et veut l’empêcher de se produire devant un public.

Je vous laisse découvrir ça en lisant ce court roman que les anglophones appellent une novella.

Avec son écriture à la fois tranchante et sensuelle, No Woman Born est considérée comme de la SF féministe et, effectivement, qui peut décider de ce que sera la vie (personnelle et professionnelle) de Deirdre si ce n’est elle-même, quelle qu’elle soit ! Maltzer et Harris peuvent lui parler de leurs idées, la conseiller, mais ne peuvent pas la considérer comme handicapée et l’obliger à abandonner une carrière dont elle a besoin. Un court roman à découvrir d’autant plus qu’il a été écrit en 1944, en pleine Seconde guerre mondiale, les femmes prenaient la place des hommes dans presque tous les corps de métiers et commençaient à se libérer et à devenir autonomes. En plus, c’était le début de la robotique, maintenant on parle de corps augmenté, de transhumanisme. Le passager clandestin déniche toujours des ‘petites’ pépites bien agréables à découvrir !

Ils l’ont lu : Anna de ScifiLisons, Georges sur Phénix Web, Lhisbei de RSF blog, Stéphanie de De l’autre côté des livres, d’autres ?

Pour les challenges 2022 en classiques, Littérature de l’imaginaire #10, Mois américain, Petit Bac 2022 (catégorie Famille pour Femme) et S4F3 2022.

Le chat du bibliothécaire 1 – Succès mortel de Miranda James

Le chat du bibliothécaire 1 – Succès mortel de Miranda James.

J’ai lu, novembre 2021, 320 pages, 14,90 €, ISBN 978-2-29035-842-9. Murder Past Due (2010) est traduit de l’américain par Guillaume Le Pennec.

Genres : littérature états-unienne, roman policier, cozy mystery.

Miranda James est en fait Dean James, originaire du Mississippi, ancien bibliothécaire qui utilise aussi les pseudonymes Jimmie Ruth Evans et Honor Hartman pour écrire des fictions. Deux autres tomes de Le chat du bibliothécaire sont pour l’instant traduits en français, Inventaire fatal (novembre 2021) et Théâtre macabre (avril 2022). La série, Cat in the Stacks Mystery, compte 14 tomes aux États-Unis, le 15e est annoncé pour 2023.

Athena, Mississippi. Charlie Harris, bientôt la cinquantaine, vit avec Diesel un maine coon de deux ans qu’il a récupéré chaton sur le parking de la bibliothèque municipale où il travaille. Veuf depuis trois ans, il vit dans une jolie maison héritée de sa tante Dottie et dans l’héritage, il y avait Azalea Berry la gouvernante. Pour rendre service, il prête des chambres à des étudiants mais Justin, en partant ce matin, a laissé la cuisine en pagaille, ce qui n’est pas dans ses habitudes…

Mais l’événement exceptionnel pour la petite ville d’Athena, c’est l’arrivée de Godfrey Priest, enfant du pays, devenu un riche et célèbre auteur de romans policiers (plutôt violents). Julia Peterson, son ancienne petite amie au lycée, devenue Julia Wardlaw après avoir épousé le pasteur Ezra Wardlaw, est la mère de Justin. Mais quand le passé ressurgit… avec en plus un secret…

C’est que Godfrey Priest était un sacré enfoiré et… « Le retour de ce dernier à Athena ravivait beaucoup trop de mauvais souvenirs et j’avais le désagréable pressentiment que de nouveaux événements déplaisants se produiraient tant qu’il resterait dans les parages. » (p. 69).

Mais la soirée avec Priest est annulée… Il est retrouvé le crâne fracassé dans sa chambre d’hôtel avec « le téléphone de Justin gisant juste à côté du corps. » (p. 81). L’enquête est confiée au shérif par intérim Kanesha Berry (la fille d’Azalea Berry), le shérif étant en arrêt maladie, et à l’agent Bates. Évidemment Charlie Harris, Justin et sa mère Julia sont les premiers suspects de Kanesha Berry… Mais Charlie Harris décide d’enquêter aussi de son côté, ce qui est assez facile car tout le monde apprécie Diesel, la libraire, la boulangère… « j’étais ravi et reconnaissant qu’un compagnon à quatre pattes aussi exceptionnel soit apparu dans ma vie. » (p. 184-185).

Évidemment c’est le titre et la couverture qui m’ont d’abord attirée mais j’ai passé un bon moment de lecture avec ce cozy mystery états-unien. J’ai bien aimé le chat, les personnages et les rebondissements (même si ce n’est pas extraordinaire, ça reste classique). Je lirai sûrement les tomes suivants traduits en français.

Pour le Mois américain, Petit Bac 2022 (catégorie Animal pour Chat), Polar et thriller 2022-2023.

To Repel Boarders (À l’abordage) de Jack London

To Repel Boarders (À l’abordage) de Jack London.

En numérique, anglais (1902) et français, une dizaine de pages.

Genres : littérature états-unienne, nouvelle, classique.

Comme j’ai eu du mal ces derniers jours pour lire et rédiger une note de lecture, j’ai choisi de lire une nouvelle. Je l’ai lue en anglais et en français.

Cette nouvelle de Jack London est parue aux États-Unis dans le St. Nicholas Magazine en juillet 1902 puis dans le mensuel McClure, Phillips & Co (1922) et dans le recueil Dutch Courage and Other Stories (The Macmillan Co, 1922).

Elle a été traduite en français par Louis Postif et publiée sous le titre À l’abordage dans Les pirates de San Francisco et autres histoires de la mer (10/18, recueil, 1973) puis dans Le mouchoir jaune et autres histoires de pirates (Folio, recueil, 1981) puis dans L’évasion de la goélette (Gallimard, recueil, 2008).

Jack London, de son vrai nom John Griffith Chaney (quoique William Chaney nie être le père et que, suite au séisme de 1906, les registres sont détruits), naît le 12 janvier 1876 à San Francisco en Californie (États-Unis). Avec sa mère, remariée à John London (qui a plusieurs enfants de son premier mariage), la famille déménage souvent mais reste en Californie (baie de San Francisco, Oakland, Alameda, San Mateo…). John/Jack vit au milieu des animaux, aime lire dès l’enfance, fréquente l’école, la bibliothèque et est embauché pour des petits boulots mais ce qu’il aime, c’est la mer et la liberté. Il devient le « prince des pilleurs d’huîtres », boit beaucoup mais gagne bien sa vie jusqu’à ce qu’il perde son bateau. Ensuite, il s’engage sur un bateau, profite d’une vie vagabonde, puis travaille pour reprendre ses études. Il devient journaliste, nouvelliste, romancier, poète, dramaturge, militant aussi, il part au Klondike où il trouve matière à écrire (à défaut d’or), il se marie avec une amie et le couple a deux filles. Il écrit sur l’East End (un quartier pauvre de Londres), il est correspondant pour la guerre russo-japonaise, pour la guerre de Corée, se passionne pour la révolution russe puis voyage dans le Pacifique et en Océanie. Il va aussi au Mexique, à Hawaii, bref il a une vie bien remplie et de quoi écrire articles et fictions (il est d’ailleurs l’écrivain le mieux payé du XXe siècle) d’autant plus qu’il s’inspire d’auteurs français et britanniques qu’il apprécie. Il meurt le 22 novembre 1916 à Glen Ellen en Californie et certains de ses titres sont publiés posthumes. Nombres de ses œuvres sont adaptées (séries, cinéma, bandes dessinées, chansons même).

La nouvelle To Repel Boarders (À l’abordage) est un dialogue entre Paul Fairfax et Bob Kellogg. Paul est persuadé de ne pas être à sa place, de ne pas être né au bon moment, il aurait aimé vivre durant « the days of the sea-kings », c’est-à-dire à l’époque des rois de la mer. « No, honest, now, Bob, I’m sure I was born too late. The twentieth century’s no place for me. If I’d had my way… ».

Paul et Bob, nés à Bay Farm Island à San Francisco, sont amis d’enfance. Leur rêve ? La mer ! Là, ils sont sur The Mist / La Brume, il est passé minuit et c’est la première fois qu’ils naviguent de nuit. « The Mist, being broad of beam, was comfortable and roomy. ». « La Brume, étant large de poutre, était confortable et spacieuse. ».

Paul déplore qu’au XXe siècle, il n’y a plus de romance et d’aventure comme avant… Trop de civilisation… Paul vit dans une nostalgie qu’il n’a pas connue… « Why, in the old times the sea was one constant glorious adventure, he continued. A boy left school and became a midshipman, and in a few weeks was cruising after Spanish galleons or locking yard-arms with a French privateer, or — doing lots of things. ». « Pourquoi, dans les temps anciens, la mer était une aventure glorieuse constante, poursuivit-il. Un garçon quittait l’école, devenait aspirant et, en quelques semaines, il naviguait après des galions espagnols ou verrouillait les bras de cour avec un corsaire français, ou faisait beaucoup de choses. ».

C’est que Paul lit beaucoup, a beaucoup d’imagination et rêve d’aventure ! Mais l’aventure n’est pas encore au rendez-vous… Tout à coup, leur bateau entre en collision avec le filet d’un autre bateau… « You break-a my net-a! You break-a my net-a! », pas contents les pêcheurs pirates qui ont abordé avec des couteaux The Mist et attaquer les deux jeunes hommes qui ne s’en sont sortis que grâce au vent. « Now that you’ve had your adventure, do you feel any better? ». « Maintenant que tu as vécu ton aventure, tu te sens mieux ? ».

Souvenir d’enfance ? Souvenir d’une lecture ? Véritable petite aventure ? L’auteur aime la mer, la navigation, le danger et ça se ressent dans cette courte nouvelle. Je me rappelle avoir lu quelques titres à l’adolescence, L’appel de la forêt, Croc Blanc, des titres qui m’avaient marquée et il faudrait que je relise plus sérieusement cet auteur précurseur du Nature Writing.

Pour 2022 en classiques, Les classiques c’est fantastique (en juillet, le thème est bord de mer ou grand large) et Les textes courts.

Le mystère du tramway hanté de P. Djèlí Clark

Le mystère du tramway hanté de P. Djèlí Clark.

L’Atalante, collection La dentelle du cygne, juin 2021, 104 pages, 12,90 €, ISBN 979-10-3600-082-9. The Haunting of Tram Car 015, (2019) est traduit de l’anglais par Mathilde Montier.

Genres : littérature états-unienne, fantasy, fantastique, science-fiction, roman policier.

Phenderson Djèlí Clark, de son vrai nom Dexter Gabriel, naît le 11 juin 1971 à New York (États-Unis) mais il grandit chez ses grands-parents à Trinité et Tobago. À l’âge de 8 ans, il retourne aux États-Unis. Il étudie l’Histoire. Il est historien, professeur chercheur (esclavage et émancipation dans le monde atlantique) et auteur (romancier et nouvelliste dans les genres fantasy et science-fiction). Plus d’infos sur son site officiel.

Le mystère du tramway hanté est la deuxième histoire de la série Ministère égyptien de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. La 1ère étant L’affaire étrange du djinn du Caire (2016, L’Atalante, 2021) et la 3e Maître des djinns (2021, L’Atalante, 2022).

Le Caire, Égypte, 1912. Le surintendant Bashir envoie deux jeunes agents, Hamed Nasr (28 ans) et Onsi Youssef (24 ans) du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, enquêter sur le tramway de la station Ramsès. « Une affaire tout à fait effroyable, déclara-t-il. Je crains qu’il n’y ait guère de façon édulcorée de formuler la chose… Le tramway est hanté. […] La rame 015 qui dessert la vieille ville. C’est un des modèles les plus récents sortis en 1910. Il n’est en service que depuis deux ans et nous rencontrons déjà des problèmes, que Dieu nous protège ! » (p. 12). Depuis une semaine un fantôme se contentait d’effrayer les mécaniciens et les passagers mais la veille, il a attaqué une femme dont les « vêtements […] ont été réduits en lambeaux ! » (p. 13).

Effectivement l’entité, inconnue, n’est pas commode… Devant le peu de budget du ministère, Hamed et Onsi font appel à une cheikha, Nadiyaa (bon, c’est vrai, c’est parce que ça coûte moins cher qu’un djinn). « Nous sommes venus solliciter votre aide, si vous acceptez de nous la fournir. » (Hamed, p. 44-45). Mais la cheika, qui se bat pour les droits des femmes (combat important dans le roman), refuse (le tramway n’est pas une femme qui a besoin d’aide). Cependant Onsi arrive à la convaincre mais la cérémonie du Zâr tourne mal… l’entité n’étant pas un djinn mais une créature violente, un al (ou alk) en provenance d’Arménie (mais existant aussi en Perse et en Asie centrale).

De nouveau, l’auteur mélange les genres dans ce roman court (certains disent une novella), une enquête policière pas classique du tout puisqu’il y a de la fantasy (magie, créatures surnaturelles), de la science-fiction (femmes-machines libérées et libres de penser et de s’exprimer, dirigeables, tramways aériens, genre steampunk) et un peu de fantastique horreur (lovecraftien comme dans la 1ère histoire) avec la créature maléfique. Cet auteur a du génie ! Je ne sais pas si je l’ai déjà dit.

Fatma El-Sha’arawi, qui enquête dans L’affaire étrange du djinn du Caire ne fait pas partie de cette enquête du tramway mais on entend parler d’elle (Onsi a étudié à l’académie avec elle) et elle apparaît à un moment (on voit aussi Siti dans le restaurant nubien de sa grand-mère). Et c’est elle qui enquêtera dans le 3e tome, Maître des djinns (j’ai hâte de le lire !).

Ils l’ont lu (et apprécié !) : Aelinel, Apophis, Belette – Cannibal Lecteur, Boudicca, CélineDanaë, Jean-Yves chez Chut maman lit, Jess – Fantasy à la carte, Le nocher des livres, Lutin – Albédo, Marc – Les chroniques du chroniqueur, Ours inculte, Tachan, d’autres ?

Pour Challenge lecture 2022 (catégorie 39, un roman fantasy, 2e billet), Contes et légendes (créatures orientales), Littérature de l’imaginaire #10, Polar et thriller 2022-2023, Shiny Summer Challenge 2022 (menu 3 – Sable chaud, sous menu 3 – Un océan de bonheur = vive les vacances, bienvenue au roman qui chauffe les cœurs et muscle les joues, je dois expliquer pourquoi je mets cette lecture ici donc voyez plus bas mais attention spoiler), Un genre par mois (en juillet, c’est policier) et surtout S4F3 2022 et Vapeur et feuilles de thé (steampunk).

Attention Spoiler pour expliquer pourquoi je mets cette lecture dans ce menu 3 du Shiny Summer Challenge. Dans le sous menu 3, il faut du grotesque, du des muscles aussi, bref… Déjà le roman est considéré comme burlesque, je confirme, il l’est. De plus, l’alk est une créature maléfique qui se transforme tantôt en fillette enjôleuse tantôt en vieille femme affreuse aux dents acérées, mais qui n’a qu’un seul objectif, voler un enfant (à naître ou nourrisson), il y a du grotesque (et je me demande bien si je n’ai pas déjà entendu parler de cette légende dans une série ou un film, plutôt états-unien). Et dernier point, totalement décalé (il y a un peu du Laurel et Hardy en eux) : les deux agents du ministère sont obligés de se déguiser en femmes enceintes, gros ventres, robes et chaussures féminines, tout ça, pour attirer la créature malfaisante et la vaincre, je ne vous dis pas, c’est trop drôle, mais c’est aussi musclé. Voilà, j’espère que ce roman convient pour ce menu et ce sous menu car avec cette dernière lecture, j’ai honoré ce challenge (et ce, avec grand plaisir).

Les tambours du dieu noir et L’affaire étrange du djinn du Caire de P. Djèlí Clark

Les tambours du dieu noir suivi de L’affaire étrange du djinn du Caire de P. Djèlí Clark.

L’Atalante, collection La dentelle du cygne, avril 2021, 144 pages, 12,90 €, ISBN 979-10-3600-074-4. The Black God’s Drums (2018) et A Dead Djinn in Cairo (2016) sont traduits de l’anglais par Mathilde Montier.

Phenderson Djèlí Clark, de son vrai nom Dexter Gabriel, naît le 11 juin 1971 à New York (États-Unis) mais il grandit chez ses grands-parents à Trinité et Tobago. À l’âge de 8 ans, il retourne aux États-Unis. Il étudie l’Histoire. Il est historien, professeur chercheur (esclavage et émancipation dans le monde atlantique) et auteur (romancier et nouvelliste dans les genres fantasy et science-fiction). Plus d’infos sur son site officiel.

Voici ce que nous dit l’éditeur (site et 4e de couv). « Bienvenue dans la première publication française d’un nouveau maître de l’uchronie et du surnaturel. Bienvenue dans les mondes mirifiques criants de réalisme, foisonnants de couleurs, de sons et de parfums, de Phenderson Djèlí Clark. »

Les tambours du dieu noir est un roman indépendant.

Genres : littérature états-unienne, science-fiction (uchronie, steampunk).

La Nouvelle-Orléans, années 1880, bientôt ‘Maddi grá’. Une Nouvelle-Orléans indépendante et territoire neutre, avec des guildes, des dirigeables, des Écrivisses métalliques qui patrouillent dans les rues, des tempêtes noires, des Grands Murs construits par les Hollandais pour en protéger la ville et une guerre de Sécession presque avortée sur la fin.

Jacqueline (surnommée LaVrille) est la narratrice. « C’est pendant un de ces gros orages que je suis née, il y a à peu près treize ans, en 1871. » (p. 11). Son coin préféré ? Une alcôve sur un mur dans laquelle elle peut observer – sans être vue – les dirigeables et les gens qui en sortent « farandole de couleurs de peau, de vêtements, de langues » (p. 12). Son rêve ? « Je quitterai cette ville, je fendrai les nuages pour aller découvrir tout ce qu’y a à découvrir et voir tous les gens qu’y a à voir. » (p. 12). Ah, j’oubliais, Jacqueline est pickpocket ! « Comme de bien entendu, de mon alcôve, je peux aussi repérer les voyageurs qui surveillent pas d’assez près leurs portemonnaies, leurs valises et tout ce qui dépasse. Parce qu’à La Nouvelle-Orléans, les rêves, ça nourrit pas son homme. » (p. 12).

Mais soudain, tout ralentit et « une lune monstrueuse monte dans le ciel. Non, pas une lune, […] un crâne ! Un gigantesque crâne blanc emplit de nuit. » (p. 13). Jacqueline pense que c’est une vision que lui envoie la déesse Oya. Mais elle doit se cacher tout au fond de l’alcôve car des hommes arrivent (bizarre, personne ne vient jamais par ici), des Sudistes, et elle surprend leur conversation au sujet d’un scientifique haïtien, « […] les Tambours du dieu noir… T’êt’ bien que vous autres allez la gagner, c’te guerre, à la fin du compte. » (p. 16).

Jacqueline sait à qui elle va vendre l’information, à La Capitaine du dirigeable, le Détrousseur de Minuit, qui a connu sa mère, Rose, morte il y a trois ans. Si Jacqueline a en elle depuis toujours la déesse Oya (ce n’est pas comme une possession), idem pour La Capitaine (de son vrai nom Ann-Marie St. Augustine) avec la déesse Oshun et ces deux déesses sont sœurs donc La Capitaine et Jacqueline sont liées qu’elles le veuillent ou non. « Je comprends mieux pourquoi qu’elle a tant la bougeotte. À chaque tempête, à chaque épisode de vents violents, Oya est souveraine. Je l’entends rugir, en moi comme tout autour. Au milieu de toute cette eau, Oshun doit être pareille et, à force de lui résister la capitaine doit avoir l’impression de lutter contre un raz-de-marée. Dans ma tête, Oya rit. On peut fuir tant qu’on veut ses déesses afrikaines ancestrales, elles nous retrouvent toujours quand elles l’ont décidé. » (p. 64).

J’ai bien aimé (mais je l’ai trouvé un peu trop court, bon j’en aurais voulu plus !), il y a de l’action, de l’inventivité et les deux personnages principales sont attachantes. Je le conseille surtout à ceux qui aiment le steampunk (par certains côtés, ça m’a fait penser à la trilogie Le siècle mécanique de Chérie Priest). Il a été nommé à plusieurs prix : Nebula du meilleur roman court 2018, Hugo du meilleur roman court 2019, Locus du meilleur roman court 2019 et World Fantasy du meilleur roman court 2019.

La chose un peu difficile : lire les phrases en créole (enfin, il me semble que c’est du créole)… Un exemple, « Mwen avé bien plis que dizneuf ans quonça mwen embaqué sus un dirijabl ! Ma granmanman m’auré dékalbichée si mwen avait songé à ton laj. Touça à qui tu dévré rêvé, lé gason qui sont pètèt amoureux di toi et le mayaj. » (la capitaine à Jacqueline, p. 32). Vous voyez, c’est compréhensible quand même (bravo à la traductrice !) et je vous rassure, ce n’est pas tout le temps comme ça, c’est seulement pour quelques dialogues.

Pour Challenge lecture 2022 (catégorie 15, un livre avec une couleur dans le titre), Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie Couleur pour Noir), Shiny Summer Challenge 2022 (menu 4 – Chaud et ardent, sous menu 2 – Faire feu de tout bois = guerre, bataille, enjeu politique, on est en pleine guerre de Sécession mais… différente), Les textes courts (cette première histoire compte 90 pages) et surtout S4F3 2022 et Vapeur et feuilles de thé (steampunk).

L’affaire étrange du djinn du Caire est la première histoire de la série Ministère égyptien de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. La 2e étant Le mystère du tramway hanté (2019, L’Atalante, 2021) et la 3e Maître des djinns (2021, L’Atalante, 2022).

Genres : littérature états-unienne, fantasy, fantastique, science-fiction, roman policier.

Azbakiyya, quartier cossu du Caire, Égypte, 1912. « Fatma El-Sha’arawi, agente spéciale du ministère égyptien de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, examinait le cadavre vautré sur le gigantesque divan à travers des lunettes spectrales. Un djinn. Un Ancien, qui plus est – musculeux, deux fois plus grand qu’un homme, avec des doigts prolongés par des serres recourbées aussi longues que des couteaux. » (début du roman, p. 93).

Vous avez déjà vu un djinn, vous ? Moi, non… mais je ne possède pas de lunettes spectrales !

L’inspecteur Aasim Sharif de la maréchaussée locale sert d’officier de liaison avec le ministère. « Il n’avait pas mauvais fond. Il était simplement vulgaire. » (p. 93), vu son discours, tout le monde s’en sera rendu compte, et en plus il n’est pas très efficace… Bref, ce que je veux dire, c’est que, comme dans Les tambours du dieu noir avec Jacqueline et La Capitaine, l’auteur privilégie encore ici une héroïne, même si les hommes du Caire sont bien gênés devant « une Saïdi basanée sortie de sa cambrousse » (p. 94), jeune en plus (24 ans), érudite (elle a étudié à Louxor), habillée à l’occidentale (plutôt mode masculine, extravagante, costume anglais, cravate, chapeau melon noir, chaussures à bout golf, canne à pommeau d’argent et montre à gousset offerte par son père horloger) et même deux héroïnes puisque le lecteur fera la connaissance de Siti, une Nubienne, un peu plus tard.

Phenderson Djèlí Clark est un maître dans la fusion des genres ! Nous avons ici une enquête policière avec une pointe de science-fiction (créatures mécaniques et automates, steampunk donc), de la fantasy (magie et créatures d’un autre monde) et du fantastique (horreur, avec un petit côté lovecraftien). C’est que, plus de quarante ans auparavant, al-Jahiz « au moyen de pratiques mystiques et de machines, avait ouvert un passage vers le Kaf, l’outre-royaume des djinns. La raison de son geste – curiosité, malveillance ou malice – restait un mystère. Il avait disparu peu après en emportant ses incroyables inventions. » (p. 101), ouvrant la porte aux djinns, goules, sorciers, magiciennes…

« La fin des mondes est proche, intervint la femme-Jann d’une voix qui résonna comme un écho. L’heure tourne. […] Vous en avez vu beaucoup cette nuit, reprit la prêtresse. […] une paire de cornes torsadées, une faucille, une hache surmontée d’un crochet et une demi-lune entourée de lierre entortillé. » (p. 122). Une vieille prophétie djinn se réalise… « […] selon laquelle trois seront nécessaires, trois qui devront se livrer sans contrainte. » (p. 124-125). Le Bélier (le djinn) est déjà mort, le Moissonneur (l’ange) aussi, mais qui est le Bâtisseur ? Serait-ce la fin du monde ?

Avec cette histoire, l’auteur revisite le mythe de l’horloge, maîtresse du temps et de l’espace, malédiction pour les humains, « toutes les peurs, tous les cauchemars inimaginables » (p. 135). De l’action, des rebondissements, pas de fioritures, le tout dans un format court mais une totale réussite, j’ai encore mieux aimé que Les tambours du dieu noir et j’ai hâte de lire la suite, Le mystère du tramway hanté (2e tome, que j’ai) et Maître des djinns (3e tome, que malheureusement je n’ai pas mais que je vais me procurer puisqu’il est paru en février 2022).

Ils l’ont lu : Amalia, Apophis, CélineDanaë, Elwyn, Lutin d’Albédo, Ours inculte, Yuyine, d’autres ?

Pour Challenge lecture 2022 (catégorie 39, un roman fantasy), Contes et légendes (créatures surnaturelles), Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie Lieu pour Caire), Shiny Summer Challenge 2022 (menu 4 – Chaud et ardent, sous menu 2 – Faire feu de tout bois = guerre, bataille, enjeu politique, ici une guerre magique, 2e lecture), Les textes courts (cette deuxième histoire compte 54 pages), Un genre par mois (en juillet, c’est policier) et surtout S4F3 2022 et Vapeur et feuilles de thé (steampunk).

Nero & Marlowe, les chats mènent l’enquête 1 – Un cadavre dans les pattes de Leighann Dobbs

Nero & Marlowe, les chats mènent l’enquête 1 – Un cadavre dans les pattes de Leighann Dobbs.

Harper Collins, collection Noir, novembre 2021, 286 pages, 14,90 €, ISBN 979-10-3391-142-2. A Twist in the Tail (2019) est traduit de l’américain par Santiago Artozqui.

Genres : littérature états-unienne, roman policier, cozy mystery.

Leighann Dobbs ou Lee Ann Dobbins est une romancière états-unienne qui vit dans le New Hampshire. Elles est connue pour ses romances historiques, cozy mysteries et thrillers. Dans la même série : Nero & Marlowe, les chats mènent l’enquête 2 – Meurtre & moustaches paru en avril 2022. Plus d’infos sur son site officiel, sa page FB (avec ses chats) et son compte twitter.

Après le départ à la retraite de Millie Sullivan, Josie Waters, 46 ans, divorcée, est devenue à la fois propriétaire de l’Oyster Cove Guesthouse dans le Maine, une vieille maison de trois siècles avec vue sur l’océan Atlantique et des chats que Barbara Littlefield, l’inspectrice en bâtiment de la municipalité, n’apprécie guère au vu de l’hygiène. D’ailleurs, des miaulement attirent les deux femmes dans l’aile ouest fermée pour travaux et elles découvrent le corps de Charles Prescott, un des cinq clients de la maison d’hôtes. Les enquêteurs déjà sur place sont « Nero, le gros chat à la robe noir et blanc, […] ses yeux d’un vert intense, [et] Marlowe, au pelage écaille de tortue » (p. 12).

Les chats « reniflaient partout dans la pièce comme des inspecteurs à fourrure en quête d’indices. Nero portait une grande attention au poteau de rampe surmonté d’un globe qui avait roulé dans un coin. Marlowe, assise à côté de lui, l’observait. » (p. 17-18). Entre le cadavre, les clients curieux, Seth Chamberlain le vieux shérif, Millie Sullivan et la mère de Josie qui débarquent, c’en est fini du calme de la maison d’hôtes… « Qu’est-ce qui serait le mieux pour mon commerce ? Que quelqu’un l’ai tué, ou qu’il soit tombé dans un escalier dangereux ? » (p. 23).

Nero et Marlowe ont évidemment repéré des indices que les humains n’ont pas encore vus, et ne parlons pas du shérif, vraiment incompétent… De plus, ils ont à l’extérieur des chats qui peuvent les aider (un peu comme les gamins des rues rendent des services à Sherlock Holmes), Poe, grand, gris et costaud, Stubbs, roux à rayures avec un petit bout de queue, Boots, noir avec des pattes blanches et de longues et épaisses moustaches, Harry, gros maine coon à la fourrure épaisse, et Juliette, grise au poil soyeux avec un losange blanc sur la tête (p. 54).

« Nero laissa dériver son regard dans la nuit noire, et un mauvais pressentiment l’envahit tout entier. – Nous devons être aux aguets, et tout particulièrement ce soir. Mon septième sens me souffle que l’assassin pourrait revenir sur les lieux du crime, et s’il le fait, nous devrons être là pour protéger notre humaine. » (p. 168).

L’enquête sur la mort de Prescott n’est pas extraordinaire mais la relation entre Josie et les chats est intéressante car ceux-ci étaient très proches de Millie et se considèrent comme propriétaires de la demeure et de Josie, qu’il va falloir former car elle est longue à la détente mais se révèle maline avec un peu d’efforts. Et puis, Mike Sullivan, le neveu de Millie qui fait des travaux dans la maison, semble apprécier Josie, non ? Et il y a quand même de la réflexion, de l’action, des rebondissements et quelques recettes !

Franchement, ce n’est pas le meilleur cozy mystery que j’aie lu, c’est tout simple, sans prise de tête, mais j’ai bien aimé les chats et leur humour alors je veux bien lire le deuxième tome, Meurtre et moustaches paru en avril 2022 (dans lequel on en saura peut-être plus sur la relation entre Josie et Mike !).

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (catégorie 20, un roman feel good), Challenge lecture 2022 (catégorie 10, un roman qui contient des recettes de cuisine), Les dames en noir, Petit Bac 2022 (catégorie Verbe pour Mènent) et Polar et thriller 2021-2022. Et le nouveau Shiny Summer Challenge 2022 (menu 1 Été ensoleillé, option 2 Un carré jaune sur un océan bleu = couverture ensoleillée prédominance de jaune ou bleu, il y a les deux).

L’ours d’Andrew Krivak

L’ours d’Andrew Krivak.

Globe, septembre 2021, 160 pages, 19,90 €, ISBN 978-2-38361-001-4. The Bear (2020) est traduit de l’américain par Heloïse Esquié.

Genres : littérature états-unienne, roman, nature writing, post-apocalyptique.

Andrew Krivak naît en 1963 à Wilkes-Barre (Pennsylvanie) dans une famille slovaque exilée aux États-Unis. Il étudie au St. John’s College d’Annapolis (Maryland), à l’université de Columbia (New York City) et à l’université Rutgers (New Jersey). Après un séjour chez les Jésuites, il rédige un mémoire, In Search of a Religious Life (2008) puis deux romans (encore non traduits en français) : The Sojourn (2011) et The Signal Flame (2017) avant The Bear (2020) qui a reçu le Banff Mountain Book Prize. Plus d’infos sur son site officiel.

Un homme et une femme jeunes se sont installés dans cette montagne. Ils ont construit une maison en bois et en pierre. Ils ont eu un enfant, une fille, mais la femme est morte très peu de temps après. L’homme élève donc seul sa fille. En ce jour le plus long de l’année, elle a maintenant cinq ans et il répond à ses questions parce que c’est difficile pour elle de ne pas avoir connu sa mère. Il y a des animaux mais ils sont les seuls humains au monde. « Tu es une fille intelligente. Mais il y a encore tant de choses que tu ne peux pas comprendre. Tant de choses que tu ne devrais pas être obligée de comprendre. Pas encore. » (p. 13).

Le lendemain, père et fille grimpent au sommet de la montagne, là où la mère est enterrée. Il lui raconte tout et, à partir de ce moment, lui enseigne tout ce qu’il sait. Le terrain, le lac, « où plonger pour ramasser les moules […] confectionner un collet à lapin […] toutes les étapes de la fabrication d’un harpon de pêche […] repérer les essaims d’abeilles sauvages […] et récolter le miel […] comment estimer l’heure […]. » (p. 21). Et même, lorsqu’elle fut plus grande, « il lui apprit à lire et à écrire » (p. 22).

C’est à l’automne de ses 7 ans que « la fille et son père virent surgir un ours surgir des bois et se diriger vers le lac, puis patauger dans l’eau jusqu’à ce qu’il ait un poisson dans la gueule, avant de repartir dans la forêt, en direction des hauteurs. » (p. 24). Et la vie continue, au fil des saisons, des histoires que lit la fille ou que raconte le père et des cadeaux qu’elle reçoit chaque année à son anniversaire (peigne, boussole, couteau, silex…).

Mais, alors qu’ils se rendent pour la première fois au nord et à l’est, vers l’océan, l’homme se fait mordre dans l’eau par un animal qu’il n’a pas le temps de voir, « la main de l’homme était enflée et bleue » (p. 52).

« Elle était seule dans le canoë, pagayant vers la rive […]. L’ours retourna la fille du bout de son museau et lécha la croûte de sommeil et de sel dans ses yeux […]. La fille se secoua, tenta de se lever d’un coup, et s’effondra. L’ours recula et ils se regardèrent à travers la distance qui les séparaient. Tu peux faire un autre feu ? demanda l’ours. La fille ne répondit pas. Elle envisagea de s’enfuir […]. » (p. 71, je note qu’ici il y a une faute, la distance les séparait au singulier pas au pluriel).

Cela peut paraître surprenant mais c’est avec l’ours que la fille fait le trajet de retour, et l’ours sait tout, les endroits qu’il faut éviter, les arbres à miel, les baies et les fruits… « Ils ne parlaient guère tandis qu’ils marchaient vers les hautes montagnes jour après jour. Leur langage était la régularité de leur pas et la cueillette de nourriture. » (p. 79). De même cela peut paraître surprenant que l’ours parle et que la fille le comprenne mais l’ours « expliqua qu’autrefois tous les animaux savaient produire les sons que la fille et son père utilisaient entre eux. Mais les autres comme elle avaient cessé d’écouter, et cette aptitude s’était perdue. […] mais tous les êtres vivants parlaient, et peut-être que la vraie question était comment il se faisait qu’elle puisse le comprendre. » (p. 84).

Malheureusement, durant le retour, l’ours et la fille sont obligés de rester de l’autre côté de la rivière parce que l’hiver arrive plus tôt et, le lecteur s’en doute, l’ours doit hiberner. « Si tu ne te réveilles pas, cette grotte sera ta tombe, et l’ours portera avec lui dans ses errances le souvenir d’un automne où il aura voyagé un temps avec un être porteur de chagrin. Mais si tu te réveilles et fais le voyage jusqu’à chez toi, l’ours et une lignée d’ours après lui porteront l’histoire du retour de la dernière à la montagne isolée. Ils la porteront pour que la forêt s’en souvienne aussi longtemps qu’il y aura de la forêt sous le soleil. » (le puma, p. 111-112).

La fille va-t-elle survivre à cet hiver ?

Comme je n’avais pas aimé Dans la forêt de Jean Hegland (le comportement des deux sœurs m’avait énervée…), j’espérais beaucoup de ce roman ‘similaire’, c’est-à-dire un roman de nature writing avec quelques survivants (ici, seulement deux) dans un monde post-apocalyptique (c’est la couverture qui m’a d’abord attirée). Eh bien, je n’ai pas été déçue, au contraire. Ce roman a tout ce que l’autre n’avait pas ! Je l’ai trouvé passionnant, plein de poésie et d’amour pour la Nature, pour les animaux (même si les passages de chasse restent difficile pour moi à lire). J’ai lu que l’auteur s’est inspiré du mont Monadnock (New Hampshire) près duquel il vit avec son épouse et leurs enfants, une montagne qui me semble très belle quoique peu accueillante en hiver (mais, comme toutes les montagnes, non ?).

Les lecteurs ne sauront rien de ce qui est arrivé aux humains. Les parents de la femme et de l’homme (pas de prénoms) ont cherché des survivants mais le jeune couple ne les a jamais revus. Les seuls ‘visiteurs’ sont les animaux qui vivent plus ou moins près de leur maison dans la montagne. Ils ont appris à survivre avec ce que la Nature leur donnait et quelques bricoles qu’ils ont gardé du monde humain (comme un peigne pour elle et une boussole pour lui). Rien de science-fiction dans ce roman pourtant post-apocalyptique, mais il est d’une beauté époustouflante, toute en contemplation et enseignements (je n’ai pas lu les auteurs que cite la 4e de couv, Emerson et Thoreau). L’homme veut que sa fille vive tout en aimant et respectant la faune et la flore qui l’entourent parce que, sans cette harmonie, elle ne pourra pas vivre. Mais dans ce livre, ce ne sont pas les humains qui sont importants, ce sont les animaux, le vent, les odeurs, l’eau, en un mot la Nature.

Une belle leçon de vie et d’humilité que je mets dans Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 1, la couverture rappelle le printemps), Challenge lecture 2022 (catégorie 40, un livre choisi pour sa couverture), Littérature de l’imaginaire #10 et Petit Bac 2022 (catégorie Animal pour Ours).

Ours de Ben Queen et Joe Todd-Stanton

Ours de Ben Queen et Joe Todd-Stanton.

Kinaye, collection Graphic Kids, mai 2021, 160 pages, 19,90 €, ISBN 978-2-35799-093-7. Bear (2020) est traduit de l’américain par Romain Galand.

Genres : bande dessinée états-unienne, littérature jeunesse.

Ben Queen, Américain, est le scénariste. Il a écrit les scénarios des films d’animation Cars 2 (2011), Cars 3 (2017) et Addam’s Family 2 (2021).

Joe Tood-Stanton, Anglais, est le dessinateur. Il est auteur et illustrateur de bandes dessinées parues chez Sarbacane, entre autres.

Ours a deux ans et huit mois. Ces parents, labrador chocolat (chien intelligent) et golden-retriever (chien loyal) sont tous deux des chiens policiers mais Ours est devenu « chien guide d’aveugle » (p. 10).

Patrick a vingt-huit ans. Bien que devenu « totalement et définitivement aveugle » (p. 11) suite à un accident, il est un grand lecteur, sportif et gagne sa vie en réparant et entretenant les distributeurs automatiques.

Ours et Patrick sont chacun narrateurs de leur histoire. Ils se rencontrent au centre des chiens guides de Greenville et ça fonctionne tout de suite entre eux. « On était fait pour être ensemble. » (p. 15). C’est qu’Ours est un chien exceptionnel !

Mais au bout de trois mois, c’est la catastrophe : Ours est devenu aveugle, il craint de perdre son travail et d’être remplacé par un autre chien… Or, dans la maison de Patrick vivent des ratons laveurs qui conduisent Ours en forêt et… l’y abandonnent. Pendant ce temps, Patrick et Meg (l’employé du centre des chiens guides) cherchent Ours. « D’accord. Pas de panique. Ours. Tu vas y arriver. Tu n’es pas n’importe quel chien d’aveugle, tu te rappelles ? » (p. 48).

D’ailleurs Ours rencontre un ours qui s’appelle Pierre et qui va l’aider parce que, contrairement aux autres créatures humaines et animales, il n’a pas eu peur de lui. Ours va découvrir qu’il est possible de voir autrement qu’avec les yeux grâce à Pierre et grâce à Andromeda Billingsly DeWitt la chauve-souris.

Ours et Patrick se retrouveront-ils ?

Ours est une très belle histoire d’amitié, une incroyable aventure que tous les lecteurs, petits et grands, apprécieront pour sa finesse et sa tendresse. Bien sûr, cette histoire parle du handicap mais elle raconte aussi comment le surmonter, comment être heureux malgré le handicap, comment aller au-delà de soi et de ce qu’on voit, ou ce qu’on ne voit pas ou ce qu’on imagine voir. Un résultat splendide, coloré, parfois drôle, et surtout optimiste. Je découvrais Kinaye avec cette œuvre et je lirai d’autres titres de cette maison d’éditions, la première à publier en français des bandes dessinées américaines pour les enfants. Plus d’infos sur le site officiel, le blog, la page FB et le compte Twitter.

Pour les challenges BD : La BD de la semaine, Des histoires et des bulles (catégorie 14, une BD jeunesse, 2e billet), Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 11, une bande dessinée ou un roman graphique, 2e billet). Plus de BD de la semaine chez Stéphie.

Pour les autres challenges : Challenge lecture 2022 (catégorie 2, un livre dont le personnage principal est porteur d’un handicap, les deux personnages principaux sont aveugles, Patrick l’est et Ours le devient), Jeunesse young adult #11 et Petit bac 2022 (catégorie Animal pour Ours qui est en fait un chien mais il y a aussi deux ours, et d’autres animaux, dans cette BD).

Howl d’Allen Ginsberg

Je ne savais pas du tout quoi lire pour Les classiques c’est fantastique avec le thème de janvier « chroniques des gros(ses) dégueulasses », déjà je ne percutais pas bien le thème, je pensais à de la littérature pornographique mais je n’en avais pas envie… Je remercie Fanny qui m’a donné quelques idées (samedi soir, j’ai dû faire vite). J’en ai sorti ce poème : Howl d’Allen Ginsberg que j’ai dû lire en anglais parce qu’en français je n’ai trouvé que le début et des extraits (c’est qu’il n’est pas encore tombé dans le domaine public).

Howl ou Howl for Carl Solomon est un long poème en prose écrit en 1954-1955, lu durant la Six Gallery Reading (le 7 octobre 1955) à San Francisco, et publié en 1956 par le poète et activiste Lawrence Ferlinghetti cofondateur de City Lights Books (édition et librairie qui existent toujours). Howl contient trois parties et il est disponible en anglais sur SprayBerry et sur Poetry Foundation mais aussi sur Wikipedia avec des explications (toujours en anglais). Il est édité en France par Christian Bourgois (96 pages).

Voici ce que dit Wikipédia d’Allen Ginsberg : « Irwin Allen Ginsberg, né le 3 juin 1926 à Newark et mort le 5 avril 1997 à New York, est un poète américain, membre fondateur de la Beat Generation, du mouvement hippie et de la contre-culture américaine. Ses prises de position homosexuelles, pacifistes et bouddhistes lui valurent de fréquents démêlés avec la justice. Son œuvre, scandaleuse dans les années 1960, fut récompensée à partir des années 1970. »

Scandale littéraire, censure, interdiction, condamnation pour obscénité, arrestation de l’auteur… C’est que Howl est écrit dans un langage cru et parle non seulement de sexe mais aussi d’homosexualité, d’alcool, de drogue (marijuana, LSD, amphétamines, opium), etc. Il critique la politique, la religion, le comportement du gouvernement et les agissements du corps médical en particulier en hôpital psychiatrique (ce qu’a subi Carl Solomon au Rockland Psychiatric Center).

De plus Ginsberg milite contre la guerre du Viêtnam, son père est Juif et sa mère est militante communiste, il préfère être bouddhiste et hindouiste (imaginez dans l’Amérique des années 50 !).

Cofondateur de la Beat Generation (expression créée par Jack Kerouak en 1948) avec Jack Kerouac, William S. Burroughs rejoints par Gregory Corso, Ginsberg – et Burroughs avec Le festin nu – ont dû faire face à des procès en obscénité mais c’est ce qui permit finalement la reconnaissance de ce mouvement artistique et littéraire voire politique dans cette Amérique puritaine qui refuse la libération sexuelle, l’homosexualité et les pensées libertaires.

Beatniks, hippies, jazz, pop music, liberté individuelle, culture underground, mouvement gay… des courants reconnus maintenant mais décriés fin des années 50 et dans les années 60. Et vous vous doutez que Ginsberg et ses copains étaient fortement surveillés par le FBI puisque considérés comme dégénérés et dangereux.

J’avoue que c’est un tantinet nébuleux pour moi (il y a de nombreuses références que je ne connais pas…) mais c’est intéressant à découvrir parce que cette Beat Generation a enrichi la culture américaine (voire mondiale, occidentale en tout cas) surtout au niveau littéraire et musical.

Voilà, je n’aurais pas mis ça de moi-même dans le thème « gros dégueulasses » (qui me faisait plutôt penser à Sade et confrères) mais je suis contente de participer à ce premier thème de l’année pour Les classiques c’est fantastique, même de façon succincte (c’est que je n’ai pas lu le recueil de poèmes en entier, pas disponible légalement sur le Web, simplement Howl). Les billets de Moka, Mag, Natiora, Lolo Coste, Lili, Mumu, Margot, Fanny, Madame lit, Alice, Katell, L’ourse bibliophile et Fanny (pages versicolores).

Il existe un film, Howl, réalisé par Rob Epstein et Jeffrey Friedman, sorti en salles en 2010 aux États-Unis et en 2012 en France. C’est un film dramatique et biographique sur Allen Ginsberg joué par James Franco. Le film raconte l’enfance de Ginsberg, le poème Howl (en animation), le procès contre Howl et son auteur et un entretien avec Ginsberg après le procès.

Spell, une chanson de Patti Smith, est inspirée de Howl (vidéo sous la bande annonce du film).

Je mets ce billet dans 2022 en classiques, Les adaptations littéraires et Les textes courts.