Correspondance 1925-1941 de Stefan Zweig et Klaus Mann

Correspondance 1925-1941 de Stefan Zweig et Klaus Mann.

Phébus, collection Littérature étrangère, mars 2014, 208 pages, 17 €, ISBN 978-2-7529-0774-5. Les lettres sont traduites de l’allemand par Corinna Gepner.

Genres : littératures autrichienne et allemande, correspondance.

Stefan Zweig naît le 28 novembre 1881 à Vienne (alors dans l’empire d’Autriche-Hongrie). Il est bon élève en particulier en allemand, en histoire et en physique ; il étudie la philosophie et l’histoire de la littérature germanique à l’université de Vienne. Journaliste, écrivain, biographe, traducteur et dramaturge reconnu, il a de nombreux amis écrivains, artistes et intellectuels (avec qui il correspond). Il voyage beaucoup en Europe (Allemagne, Belgique, France, Italie, Pologne, Suisse…) et en Amérique (Canada, États-Unis). Bien que né dans une famille juive originaire de Moravie, l’auteur (comme ses parents et son frère aîné) ne parle pas le yiddish, ne fréquente pas la synagogue et ne parle jamais de sa judéité mais, avec la montée du nazisme, il s’exile en 1934, d’abord à Londres puis au Brésil (il est inquiet et comprend le danger mais refuse cependant de prendre position et préfère rester neutre). Mais rongé par les atrocités de la guerre, il met fin à ses jours le 22 février 1942 à Pétropolis au Brésil. Il laisse à la postérité une œuvre magnifique et inspirée (je n’ai pas encore tout lu).

Klaus Mann de son vrai nom Klaus Heinrich Thomas Mann, naît le 18 novembre 1906 à Munich en Bavière (en Allemagne). Il est issu d’une famille juive, bourgeoise et intellectuelle, son père Thomas Mann et son oncle Heinrich Mann sont écrivains, sa sœur aînée Erika et son jeune frère Golo aussi. Son premier roman, La danse pieuse, est le premier roman allemand homosexuel. Juif, homosexuel, il est bien conscient des dangers du nazisme et quitte l’Allemagne en mars 1933, d’abord pour la Tchécoslovaquie puis pour les États-Unis. Il est principalement romancier, nouvelliste, journaliste et dramaturge mais aussi poète, diariste et critique littéraire. Il voyage beaucoup avec Erika, fonde une revue littéraire à Amsterdam (en Hollande), lutte contre le nazisme et le franquisme (vous pouvez lire tout ça dans les lettres). L’après-guerre est difficile et nombre de ses amis se sont suicidés (pas que Stefan Zweig) alors il se suicide le 21 mai 1949 dans la pension de famille où il réside à Cannes. Il laisse à la postérité une œuvre incroyable, éclectique et sensible à découvrir.

Ces 82 lettres échangées entre Stefan Zweig et Klaus Mann sont suivies par trois essais : Jeunesse et radicalisme, Érasme de Rotterdam, Stefan Zweig.

Début de la préface de Corinna Gepner. « Deux écrivains. L’un, le plus jeune, fils d’un prix Nobel de littérature, est encore au début de sa carrière littéraire. La critique l’éreinte, ne voit en lui qu’un dandy superficiel, habile à tirer partie de son nom et se complaisant dans la description des turpitudes morales. L’autre est au faîte de sa gloire. Artiste prolifique, insatiable découvreur de talents, il enchaîne les succès et occupe une place importante sur la scène littéraire. Le plus jeune est respectueux, admiratif, en quête d’approbation et de reconnaissance. L’aîné est encourageant, bienveillant – et fasciné par le père de son jeune laudateur, qui est à ses yeux une figure exemplaire sur le plan littéraire et intellectuel. Klaus Mann et Stefan Zweig, donc. » (p. 7).

Les points communs entre les deux hommes : ils sont tous les deux écrivains, de langue germanique (Zweig est Autrichien et Mann est Allemand mais ils sont tous deux Juifs), ils sont aussi tous les deux dépressifs et se suicideront (Zweig en 1942 et Mann en 1949). Les divergences entre les deux hommes : elles sont surtout politiques, « Mann est sans pitié. Très tôt conscient du danger que représente le nazisme, il en devient un adversaire déclaré. Là où Zweig témoigne une indulgence coupable à l’égard d’une jeunesse attirée par les sirènes du nationalisme, il condamne cette évolution et prend publiquement parti contre Zweig. » (préface, p. 8). Mann quitte l’Allemagne et fonde avec la Suissesse Annemarie Schwarzenbach Die Sammlung (Le Rassemblement) en 1933, une revue littéraire opposée au régime nazisme et au fascisme sans être une revue politique et Zweig se dérobera toujours à participer à cette revue. Mann est profondément déçu par le comportement de Zweig qui pense que les choses vont s’arranger et qui veut être irréprochable ; Mann crie à l’hypocrisie et à la lâcheté. Voyons ces échanges de lettres donc ; certaines ont été perdues, détruites par les nazis mais « en l’état actuel des recherches, le lecteur français dispose de l’édition la plus complète existant à ce jour – privilège que n’a pas le lecteur allemand ! » (extrait de la note éditoriale rédigée par Dominique Laure Miermont, p. 12).

Après la parution du premier roman de Klaus Mann, La danse pieuse, Stefan Zweig lui écrit pour le féliciter et l’encourager. Cette lettre est perdue (comme beaucoup d’autres) mais Mann en parle dans son autobiographie, Le tournant, et la première lettre de ce recueil est sa réponse à Zweig en décembre 1925. Les deux hommes ne se connaissent pas encore personnellement mais leur échange durera près de 16 ans.

Au début (pendant 5 ans), les échanges parlent de littérature, de théâtre, de poésie, de philosophie et parfois d’homosexualité (Mann est homosexuel et Zweig a écrit la nouvelle La confusion des sentiments en 1927) et de voyages (Mann a voyagé avec sa sœur Erika aux États-Unis, au Japon, en Corée et en Union Soviétique, puis en Suisse, en France, en Espagne et au Maroc). En avril 1930, à Tarragone en Catalogne. « Obéissant à une mode bien de notre époque, nous nous précipitons aux corridas et aux combats de coqs, mais restons secrètement fidèles à la littérature – et à l’affection sincère que nous vous portons, Klaus Mann » (p. 32). Les deux hommes s’échangent aussi leurs livres au fil des années et Zweig rêve d’une revue littéraire plutôt hebdomadaire à un prix abordable (pour que tous puissent l’acheter et la lire) que Mann concevra aux États-Unis fin 1939 (le premier numéro de Decision : A Review of Free Culture paraîtra en janvier 1941 et de grands noms de la littérature européenne et américaine y participeront).

C’est en novembre 1930 que Mann écrit son mécontentement à Zweig et parle pour la première fois de politique. « Vous avez publié dans le premier numéro de la prometteuse revue Die Zeitlupe un article court mais très dense, que j’ai lu avec le plus grand intérêt, mais sans être tout à fait d’accord avec vous. Votre indulgence pour la ‘radicalisation de la jeunesse’ – pour sa radicalisation réactionnaire – me semble aller trop loin. Une telle longanimité à l’égard de ces gens est-elle de mise ? Là, je ne peux pas vous suivre. […] » (p. 35). Mann répondra à cet article de Zweig par un article intitulé Jeunesse et radicalisme qui est un des trois essais suivants les lettres. Zweig répond à Mann en mai 1933 avec diplomatie en parlant d’humanisme, en disant qu’il ne veut pas se « lancer dans la polémique [… qu’il n’est] pas d’un tempérament agressif [… qu’il ne croit] pas à la ‘victoire’ [… qu’il préfère] notre obstination silencieuse et déterminée […] au travers de l’art [car c’est là] que réside notre plus grande force. » (p. 50) et il publiera Triomphe et tragédie d’Érasme de Rotterdam en 1934 (Mann écrira en réponse un essai Érasme de Rotterdam qui est en fin de ce volume).

À noter que Klaus Mann quitte l’Allemagne en mars 1933 et qu’il est déchu de sa nationalité en 1934. « Il est sûr que je ne rentrerai plus en Allemagne. L’avenir est très sombre et très incertain. » (extrait de la lettre de mai 1933, p. 47). Durant toutes ces années d’échanges épistolaires, Mann est parfois déçu ou en colère par les idées et le comportement de Zweig mais leur amitié et leur correspondance a duré jusqu’à la mort de Zweig.

Sûrement la lettre que je préfère. « Cher Stefan Zweig – J’éprouve un plaisir particulier à lire votre bel ouvrage Souvenirs et rencontres : merci de me l’avoir fait envoyer. Chaque soir, j’y trouve quelque chose qui m’avait marqué autrefois et qui éveille à nouveau mon intérêt […], par exemple les essais sur Renan et Sainte-Beuve, que j’ai lus avec délectation. C’est un grand plaisir. D’ailleurs, j’aime beaucoup les recueils d’essais et je regrette toujours que les éditeurs se décident si rarement à en publier. Pour nous autres, ils constituent, je crois, une lecture idéale. Partout il y a des références, des allusions, des synthèses, des indications renvoyant à des choses familières et aimées – et, en même temps, tout est montré sous un jour nouveau et reçoit des couleurs nouvelles. C’est, au sens le plus fort de ce terme, une lecture stimulante. » (extrait de la lettre de Klaus Mann à New York à Stefan Zweig, p. 136).

En 1941, les dernières lettres de Mann et de Zweig sont enjouées, ils ont tous deux quitté l’Europe : Mann pour les États-Unis et Zweig pour le Brésil puis l’Argentine où ils peuvent être édités en allemand et traduits (en anglais pour l’un et en espagnol pour l’autre), et ils ont des projets (revue littéraire, autobiographie…). C’est vraiment triste que Zweig se suicide en février 1942 et Mann en mai 1949.

En tout cas, ce recueil de correspondance est d’une grande richesse, tant humaine que littéraire et historique ; j’y ai appris pas mal de choses sur les deux écrivains (mais pas que) et je me demande bien si je ne vais pas noter tous les auteurs, titres et références pour de prochaines lectures ! Avec deux avis radicalement opposés quant à la politique et la prise de position, Mann et Zweig conservent leur amitié et leur correspondance qui interrogent le lecteur sur la place des écrivains et des intellectuels en temps de guerre (ou durant les prémices de la guerre) : quel est leur rôle, que peuvent-ils faire et écrire, leur parole et leurs textes ont-ils un poids sur les politiques et sur les peuples, etc. ? Peut-on penser que tout cela est vain ? Peut-on se mettre en retrait pour ne pas se salir ? C’est l’histoire troublante de deux écrivains, deux hommes expatriés, diamétralement opposés dans leurs idées mais courtois et respectueux l’un de l’autre qui en arrivent à la même fin, le suicide…

Suivent trois essais de Klaus Mann.

Jeunesse et radicalisme, une réponse à Stefan Zweig – Mann écrit ce texte en novembre 1930 et il est publié en 1931 dans son premier recueil d’essais, Auf der Suche nach einem Weg soit En quête d’un chemin. Voici le début, « Très cher et très honoré Stefan Zweig, Bien peu d’écrivains de votre rang ont autant d’amis que vous parmi les jeunes. Bien peu s’intéressent d’aussi près à nos aspirations et nous soutiennent aussi judicieusement de leurs conseils et de leur amitié. Si quelqu’un a le droit de s’adresser à ‘la jeunesse’, considérée comme entité, c’est sans conteste vous, cher Stefan Zweig. C’est ce que vous faites dans votre article ‘Révolte contre la lenteur’ que j’ai lu avec le plus grand intérêt. Permettez-vous de vous répondre. » (p. 163-164). Mann reconnaît l’aptitude littéraire et la légitimité de Zweig à parler à la jeunesse mais il n’est pas d’accord avec ses idées et il tient à le faire savoir tout en lui conservant son admiration littéraire et son amitié. Pour Mann, la jeunesse (dont il fait partie) a le droit d’être enthousiaste, de penser au progrès mais ces jeunes ne peuvent pas se montrer complaisants et faire « le choix de la régression. C’est une chose que nous ne pouvons sous aucun prétexte approuver. Sous aucun prétexte. » (p. 164). Mann s’est ensuite battu tout le restant de sa vie pour la littérature, l’art et la liberté contre les radicalismes, les extrémismes et les oppressions politiques (bolchevisme, nazisme, fascisme, franquisme) parce qu’il avait tout de suite compris où « ce pseudo-nationalisme pseudo-social » (p. 164) allait mener, réarmement, guerre, brutalité, perversité et aucun espoir (et il avait raison). Mann est d’accord pour « saluer toute tentative plus radicale – radicale dans un sens positif. » (p. 165) (il parle de ce qui se déroule à Genève tout en lenteur). Alors que Zweig excuse cette génération extrémiste, Mann la rejette, la répudie et il préfère l’incertitude à la catastrophe. Un texte court mais fort que Zweig a sûrement lu mais n’a pas voulu entendre…

Érasme de Rotterdam – Ce texte est un tapuscrit d’août 1934 en réponse à Triomphe et tragédie d’Érasme de Rotterdam que Zweig vient de faire publier. « Il y fait davantage la place à la tragédie qu’au triomphe. » (p. 167). À son époque, Érasme est un « grand humaniste qui illumine la terre entière [et il est même] plus puissant que les puissants de ce monde » (p. 164) malheureusement Mann pense que, malgré la beauté et la mélancolie du texte de Zweig, l’idéal de la Renaissance et de l’humanisme n’a été qu’un « bref instant d’optimisme et de confiance dans le monde [et ne représente que] une petite fraction d’érudits de culture classique, d’esprits chevronnés, qui ne veulent pas lutter en son nom. » (p. 168). Ainsi, Mann pense que Zweig est comme Érasme, « non combatif par excellence, […] grand hésitant, […] ennemi des extrêmes, qui ne voudrait opter pour rien, qui souhaiterait rester loin des partis – sans se faire mal voir d’aucuns – et qui, ‘dans tout ce qui semble inconciliable’, cherche ‘l’unité supérieure, l’unité humaine’. Mais il n’irait pas ‘se mettre en danger au nom de la vérité’ comme il l’avoue lui-même. » (p. 168). Mann n’accepte pas le parallèle entre (Martin) Luther « [qui] lui, a provoqué d’autres tempêtes » (p. 169) et Hitler « [qui] n’a rien d’autre qu’un peu de violence vulgaire » (p. 170) et pense (et c’est son choix et je le respecte) que le comportement de Zweig est grave et avilissant. Mais peut-on jeter la pierre à Zweig ? Tout le monde peut-il s’engager pour défendre ses idées et se battre intellectuellement ? Certains – même ceux qui ont de la connaissance – n’ont pas la force, pas le courage, ils se résignent et sûrement souffrent… Qu’en pensez-vous ?

Stefan Zweig – Après le suicide de Stefan Zweig (et de son épouse, Lotte) le 22 février 1942 au Brésil, Klaus Mann écrit la nécrologie qui paraît dans le journal new yorkais Free World d’avril 1942. « Stefan Zweig est mort. Avec lui disparaît un représentant de la littérature de notre époque – ainsi qu’un grand connaisseur, un grand mécène, un authentique amoureux de la littérature. […] Il éprouvait une curiosité incroyable – il était toujours en quête d’aventures intellectuelles inédites. Avec quelle ardeur, quelle circonspection il explorait l’univers littéraire en en célébrant chaque trouvaille ! Il dépoussiérait les classiques et découvrait les jeunes talents. Il traduisait la littérature en allemand et faisait entendre l’Allemagne sur cinq continents. […] » (p. 171). Mann s’enthousiasme sur « la personne et l’œuvre de Stefan Zweig » (p. 174) et sur le charme de Vienne (qui était, il me semble, le centre du monde littéraire, artistique et intellectuel à cette époque). « Je ne veux pas combattre, dit l’humaniste, tout ce que je veux, c’est comprendre. » (p. 175). « Sa mort volontaire remet-elle en question la validité de son œuvre ? […] l’œuvre reste, elle est nôtre […]. » (p. 176). Comme vous le voyez, c’est avec finesse et tendresse que Mann rédige avec « de la tolérance » (p. 176) un texte émouvant et puissant. Malgré le manque de position de Zweig, Mann lui gardera un respect, une admiration et une affection indéfectibles (même s’il se contredit parfois dans son journal intime).

En fin de volume, le lecteur peut consulter une chronologie de Stefan Zweig et une bibliographie sélective ainsi qu’une chronologie de Klaus Mann et une bibliographie de ses ouvrages parus en France puis les sources et les index des noms de personnes et des noms de revues.

Je suis bien consciente que ma note de lecture est très longue mais Correspondance est un très beau recueil (d’ailleurs, j’ai déjà lu des romans épistolaires mais j’ai l’impression que c’est la première fois que je parle de correspondances sur ce blog) qui me conforte dans l’idée du génie littéraire, philosophique et humain de Stefan Zweig et qui me fait découvrir Klaus Mann (j’avais lu – à l’adolescence, c’est loin… – La montagne magique de Thomas Mann, son père, et je me souviens que l’histoire se déroule dans un sanatorium dans les Alpes avec plusieurs résidents mais je n’en ai qu’un vague souvenir, c’était il y a 40 ans voire 41, à relire donc). En tout cas, je relirai Klaus Mann, c’est sûr.

Ils l’ont lu : Benjamin Fayet sur PhiLitt, Michel Host sur La cause littéraire, Pierrick d’Années Trente, S. De Book & Tea, d’autres ?

Une lecture que j’ai choisie pour Les feuilles allemandes après avoir vu le billet d’Eva sur Mise en garde de Klaus Mann, et qui entre aussi dans 2022 en classiquesPetit Bac 2022 (catégorie Chiffre pour 1925-1941), Tour du monde en 80 livres (Allemagne et Autriche) et ABC illimité (je profite du Z de Zweig pour honorer la lettre à nom).

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Airpussy d’Ulli Lust

Airpussy d’Ulli Lust.

L’employé du moi, novembre 2020, 40 pages, 13 €, ISBN 978-2-390040-76-7.

Genres : bande dessinée autrichienne, érotisme.

Ulli Lust, de son vrai nom Ulli Schneider, naît en 1967 à Vienne (Autriche) mais elle grandit dans un village près de la Tchéquie. Elle étudie le design et le dessin à Vienne. Elle est autrice, dessinatrice et éditrice de bandes dessinées. Elle vit et travaille à Berlin (Allemagne) et a reçu plusieurs prix littéraires. Plus d’infos sur son site officiel (anglais) et sur electrocomics (anglais et allemand).

Une jeune femme se réveille, elle est nue, elle jouit dans son bain, elle jouit en regardant par la fenêtre. Elle sort vêtue uniquement d’un manteau rouge et d’un grand chapeau. Elle jouit en pleine rue. Elle excite certains hommes, d’autres sont gênés par sa nudité, elle excite une autre femme qui promène un guépard.

Cette bande dessinée coquine et un poil provocante – au format carré – s’inspire du mythe de la déesse de la Terre qui devait faire l’amour avec un amant, au sortir de l’hiver, pour réveiller la Nature.

Allégorie ? Fantasme ? Cette quête de la sexualité et du plaisir, déjà parue en mai 2009 chez L’employé du moi, était épuisée et a été rééditée en novembre 2020.

Airpussy n’est pas dans mes lectures habituelles mais j’avais besoin d’une BD érotique pour Des histoires et des bulles (catégorie 31, une BD érotique, porno, hentaï) et je la mets également dans La BD de la semaine, Contes et légendes #3, Littérature de l’imaginaire #9 et Les textes courts.

Cox ou la course du temps de Christoph Ransmayr

Cox ou la course du temps de Christoph Ransmayr.

Albin Michel, collection Les grandes traductions, août 2017, 320 pages, 22,50 €, ISBN 978-2-226-39630-3. Cox oder der Lauf der Zeit (2016) est traduit de l’allemand par Bernard Kreiss.

Genres : littérature autrichienne, roman historique.

Christoph Ransmayr naît le 20 mars 1954 à Wels près de Linz en Autriche. Dans les années 70, il étudie la philosophie et l’ethnologie à Vienne puis travaille comme journaliste culturel avant de se consacrer, dans les années 80, à l’écriture (romans et essais pour lesquels il reçoit des prix littéraires).

Chine du XVIIIe siècle. L’empereur Qianlong est passionné par les horloges et les mécanismes qui mesurent le temps et sa course effrénée. Il attend « l’arrivée imminente d’un voilier anglais chargé d’horloges et d’automates précieux » (p. 11). « Alistair Cox, horloger et constructeur d’automates en provenance de Londres, maître de plus de neuf cents micro-mécaniciens, bijoutiers-joailliers, orfèvres et ciseleurs, se tenait au bastingage du trois-mâts Sirius et frissonnait malgré le soleil matinal radieux qui surplombait déjà les collines de Hangzhou et dissipait les derniers brouillards encore présents sur l’eau noire. » (p. 17). Il y a deux ans, lorsque Abigaïl, sa fille chérie, est morte de la coqueluche, Cox a accepté l’invitation de l’empereur-dieu, « être le premier homme du monde occidental à prendre ses quartiers dans une ville interdite et à créer, pour le très haut et passionné amateur et collectionneur d’horloges et d’automates, des œuvres conformes aux plans et aux rêves du Très-Haut. » (p. 20). Cox arrive avec son ami et plus proche collaborateur, Jacob Merlin, et deux assistants exceptionnels, un horloger orfèvre, Aram Lockwood, et un micro-mécanicien, Balder Bradshaw. Mais l’empereur ne veut plus de jouets alors le Sirius continue avec sa cargaison jusqu’à Yokohama et Qianlong demande aux artisans anglais des horloges qui mesurent le temps et la course du temps de façon différente selon la période de la vie car le temps ne passe pas de la même façon pour un enfant que pour un adulte, ou pour des amants que pour un condamné. « Shi jian, dit la voix derrière le paravent. Le temps, traduisit Kiang, le temps, la course du temps, le temps mesurable : Shi jian. » (p. 84). Bien sûr les artisans anglais ne parlent pas chinois, ils ont un traducteur attitré, Joseph Kiang.

Une chose me tracasse : Alistair Cox a 42 ans et, page 38, il est écrit que son épouse, Faye, est « trente ans plus jeune que lui » or leur fille, Abigaïl, est morte vers l’âge de 4 ans il y a un peu plus de 2 ans : il y a sûrement une erreur, peut-être de traduction. D’autant plus qu’on apprend que Faye a épousé Cox lorsqu’elle avait 17 ans (page 44). Si quelqu’un a une explication…

En dehors de cette petite erreur (qui n’est qu’un détail), ce roman est magistral !

L’auteur offre au lecteur un séjour extraordinaire dans la Cité impériale, dite Cité interdite, et si les artisans anglais jouissent d’une très grande liberté et de matériaux en quantité illimitée, ils doivent respecter scrupuleusement de nombreuses règles. Le lecteur en profite pour faire une excursion à la grande Muraille de Chine et une villégiature estivale à Jehol, en Mongolie intérieure. « Les chambres à coucher et les pièces de séjour étaient peintes en bleu, deux pièces de thé en rouge foncé, les ateliers et un bain de vapeur fonctionnant à l’énergie en blanc : les couleurs de l’air, des nuages, du feu et de l’eau constituaient une bénédiction qui ne pouvait que favoriser le travail qui devait être accompli ici. » (p. 208-209).

« Une horloge pour l’éternité. L’horloge des horloges. Perpetuum mobile. «  (p. 229).

Le sobriquet Clox (p. 257) a-t-il donné le mot anglais clock ?

L’auteur s’est inspiré de James Cox, horloger et constructeur d’automates (exposés dans le monde y compris en Chine) mais qui n’a jamais été en Chine ! Et de son collaborateur, Joseph Merlin. Ils ont été les constructeurs de la Perpetual Motion atmosphérique (barométrique). Tout le reste est fiction mais l’auteur a une connaissance sidérale de la Chine et des mécanismes de l’horlogerie !

Ce qui m’a attirée dans ce roman ? La couverture, la Chine et le thème : j’aime les romans fictionnalisant le temps et les mécanismes d’horlogerie (même si je n’y connais… rien !).

Une lecture germanique (littérature autrichienne en langue allemande) pour le Défi littéraire de Madame lit mais je lirai dans le mois de la littérature allemande. Aussi pour le Challenge de l’été 2018, Petit Bac 2018 (catégorie Passage du temps), Raconte-moi l’Asie #3 (l’action se déroule en Chine) et Voisins Voisines 2018 (Autriche).