Charamba, Félins pour l’autre de Marie Pavlenko et Marie Voyelle

Charamba, hôtel pour chatsFélins pour l’autre de Marie Pavlenko et Marie Voyelle.

Flammarion Jeunesse, septembre 2022, 128 pages, 10,90 €, ISBN 978-2-08027-431-1.

Genres : littérature française, littérature jeunesse.

Marie Pavlenko naît le 30 septembre 1974 à Lille dans le Nord. Elle étudie les lettres modernes à Sorbonne-Nouvelle (Paris3) puis le journalisme à l’école supérieure de journalisme de Lille. Elle est journaliste, romancière (fantasy et littérature jeunesse) et reçoit plusieurs prix littéraires. Elle vit entre la région parisienne et les Cévennes et elle est engagée pour l’écologie. Plus d’infos sur son site officiel.

Marie Voyelle est illustratrice jeunesse (romans et BD) et pour la presse (jeunesse et féminine) pour plusieurs éditeurs. Plus d’infos sur son site officiel et sa page FB.

Après avoir beaucoup aimé le 1er tome, Charamba, hôtel pour chats – Bobine s’en mêle, je ne pouvais que lire ce 2e tome !

Nous retrouvons donc Magda, la propriétaire de l’hôtel Charamba et les chats, Bobine, Mulot, Carpette (toujours fan de Johnny) et Couscousse (toujours en communication avec le fantôme d’Albert Einstein, dit Bertou).

Hôtel Charamba, fin août, plusieurs pensionnaires sont partis. Mais, il y a deux nouveaux, « Mouna, chatte écaille de tortue rigolote et avenante […], et Samba, jeune chat roux ayant débarqué la veille. » (p. 18).

Et, dans la chambre 6, un couple de Maine Coon est récemment arrivé et Carpette surprend une conversation : « ‘Quand on est arrivés, j’ai senti. – Senti quoi ? – La viande ! – Mon pauvre Brandon, tu dis n’importe quoi ! – Tais-toi Branda, tais-toi, sinon…’ Carpette se concentra sur la suite. Sinon… Sinon quoi ? La suite n’arriva pas. » (p. 23).

Mais, en rejoignant ses amis chats, Carpette s’évanouit car une autre pensionnaire vient d’arriver : « une perruche couleur vert pomme Granny, avec le bec et le tour de l’œil rouge. » (p. 27)… Cependant, ce n’est pas ce que vous pensez : Carpette est tombé amoureux ! Les humains de la perruche l’appelle Framboise mais son vrai nom, c’est Akemi ce qui signifie ‘beauté naissante’ ou ‘jolie aube’ en japonais.

Évidemment les chats adorent croquer les oiseaux, et même jouer avec, alors Magda leur interdit d’être près de Framboise, mais Carpette ne pense qu’à une chose, être proche de son « Âme Sœur » (p. 37).

Bon, rien ne va plus, Mulot a disparu, Brenda aussi (Brandon est furieux et traite Bobine de mamie…) et Carpette qui n’a pas pu approcher d’Akemi est effondré mais heureusement « son caractère vaillant avait repris le dessus. Son énergie était fixée sur un unique but : rejoindre Akemi coûte que coûte. » (p. 72). Mais Carpette pourra-t-il vivre son histoire d’amour avec Akemi ?

Comme pour le premier tome, Marie Pavlenko s’adresse parfois aux lecteurs (pour leur expliquer des choses ou les faire rire) et crée de nombreux jeux de mots voire des mots inventés ou même des expressions comme « faire pleurer un parpaing » (p. 88). C’est vraiment une lecture très intelligente, non seulement pour la jeunesse mais aussi pour les adultes. Alors que le 1er tome parlait de harcèlement, celui-ci parle de violence (masculine contre féminine) et du problème des oiseaux en cage. Et les illustrations de Marie Voyelle s’harmonisent parfaitement avec le texte et l’humour de l’autrice.

Une lecture idéale ! Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 6, un livre avec un chat sur la couverture, 2e billet), Challenge lecture 2023 (catégorie 40, un roman dont la couverture est un dessin, 3e billet), Jeunesse & young adult #12, Littérature de l’imaginaire #11 et Petit Bac 2023 (catégorie Bâtiment pour Hôtel).

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La fête des ombres (2 tomes) d’Atelier Sentô

La fête des ombres 1 d’Atelier Sentô.

Issekinicho, mars 2021, 80 pages, 16,90 €, ISBN 979-1-095397-12-0.

Genres : bande dessinée française, jeunesse, fantastique.

L’Atelier Sentô, « Cécile Brun et Olivier Pichard, est né de voyages au Japon, de rencontres, de dessins et de photographies ramenés du pays du Soleil Levant. Ils aiment faire découvrir un Japon inhabituel, composé de villages perdus dans les montagnes, de fêtes populaires et d’esprits oubliés. Leur précédent récit – Onibi – a été récompensé par le trophée d’argent du Japan International Manga Award. » (source éditeur). Les suivre sur leur site officiel, Facebook, Instagram, Twitter et YouTube.

Cet été, dans le village de la Vallée des ombres, Naoko tenait la main de la fillette mais celle-ci a quand même disparu dans la brume… « Je savais que c’était fini, que jamais je ne la reverrais. Mais je m’obstinais à la chercher, malgré les larmes qui troublaient ma vue. » (p. 4). À sa place, un jeune homme perdu est apparu.

Chaque mois, les habitants du village se réunissent et parlent de l’ombre qu’ils ont recueilli. Naoko est la plus jeune de ce groupe ; les autres sont principalement des personnes âgées.

Mais l’ombre – le jeune homme – que Naoko a recueilli ne se rappelle absolument de rien et dans un an, elle disparaîtra comme elle est arrivée. « Ça me va. Un an ici, c’est déjà un petit bout d’éternité. » (p. 19).

De plus, autour du village, des ombres noires apparaissent.

À travers des chapitres courts, comme autant de petites histoires qui se suivent, les auteurs racontent l’histoire de Naoko et de l’ombre dont elle s’occupe. Ce premier tome couvre l’automne et l’hiver. J’ai bien aimé le poisson sauvé (p. 34) et la fin est surprenante ; j’enchaîne avec le tome 2.

La fête des ombres 2 d’Atelier Sentô.

Issekinicho, octobre 2021, 80 pages, 16,90 €, ISBN 979-1-095397-13-7.

Katsu, l’ami d’enfance de Naoko, a enfin trouvé qui est l’ombre qu’elle a recueillie. Le jeune homme est Yukito Kondo, un artiste peintre de Tokyo, qui n’est pas mort mais dans le coma depuis sa tentative de suicide il y a huit mois et il vient de se réveiller !

Naoko se rend à Tokyo. « Tokyo… La ville de tous les possibles. Combien de fois avais-je rêvé de tout quitter pour m’y installer ? Mais aujourd’hui mon excitation se teinte d’angoisse. Et si j’avais fait une grave erreur en venant ici ? » (p. 5). Elle entre en contact avec Yukito.

Ce deuxième et dernier tome, qui couvre le printemps et l’été, est encore pus dramatique que le premier mais peu à peu, des vérités se font jour. « Et dire que le festival commence demain. Si seulement on pouvait demander une année supplémentaire… Il reste tant de questions… Mais à peine quelques heures. Tout ce qu’on peut faire, c’est profiter de cette dernière journée. » (p. 56).

La fête des ombres est un très beau diptyque qui conte le Japon traditionnel et moderne, le Japon de la campagne et de la ville, et aussi l’irruption du fantastique, du surnaturel dans le quotidien des villageois. Parce que c’est tout ça le Japon, et bien plus encore ! Vous pouvez lire une interview enrichissante des deux auteurs sur Journal du Japon. J’ai beaucoup aimé suivre les saisons et l’évolution des personnages avec un texte et des dessins peints vraiment très beaux. C’est coloré, poétique, philosophique mais… Est-ce vraiment destiné à la jeunesse ?

Je mets ces deux tomes dans La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Fanny) et les challenges BD 2023, Contes et légendes #5, Jeunesse & young adult #12, Littérature de l’imaginaire #11 et Un genre par mois (en mai, genre expressif, la narration doit être en « je » et c’est le cas pour Naoko).

 

Epsil∞n n° 20 (février 2023)

Epsil∞n n° 20 (février 2023).

Epsil∞n, édité par Unique Héritage Média (UHM), 100 pages, février 2023, 5,90 € (augmentation de 1 € en janvier 2023).

Un numéro toujours passionnant et parfaitement illustré avec 99 scientifiques du monde entier interrogés.

Au sommaire, Club Epsil∞n (courriers des lecteurs), les rubriques Fil d’actus (plusieurs sujets abordés de façon courte), En images (la photo d’un dirigeable à l’hélium qui sera envoyé vers Vénus et les eaux du golfe de Finlande photographiées par un satellite, entre autres), Labyrinthe (Le casse-tête de l’hydrogène), Contre-pied (En fait, les maths, c’est empirique), Atlas (La végétation pourrait absorber plus de carbone), Analyse (Méditation, peut-elle vraiment soigner ?, « De quoi soigner les maux de l’esprit, stress, anxiété, dépression… et aussi la douleur, par exemple ? », p. 36), C’est dans l’air (les télescopes et le big bang, entre autres), pas de Big data ce mois-ci.

L’enquête, « Cyberguerre, les premières leçons » (p. 20-29) analyse parfaitement les nombreuses cyberattaques – et les fake news – que subit particulièrement l’Ukraine depuis février 2022.

Le dossier, « Homo Fictionus, pourquoi notre espèce se raconte des histoires » (p. 42-55). « Tous les groupes humains ont un récit qui raconte leur propre origine. Et on peut affirmer à 90 % que plusieurs mythes étaient présents en paléolithique, avance Jean-Loïc Le Quellec, anthropologue et préhistorien des mythes » (p. 44). « La synchronisation des esprits : voici la clé du pouvoir des histoires. » (p. 48). Dans la deuxième partie du dossier, les spécialistes expliquent que « Notre cerveau est une machine à créer des fiction » (p. 52). Un dossier qui donne très envie de se plonger dans la lecture des mythes, des contes et des fictions en tous genres !

Puis diverses rubriques : Algues (L’autre forêt), Animaux (Mais pourquoi jouent-ils ?), Métaux étranges (La piste du trou noir), Cosmos (Des milliards de milliards de galaxies… un seul destin, de superbes images !) et Antibiorésistance (L’espoir qui vient de l’est, ou la phagothérapie dont je n’avais jamais entendu parler !), des articles très intéressants et innovateurs (même si je n’ai pas tout compris à la théorie SYK dans Métaux étranges).

Et à la fin, le cahier Pop’Sciences qui apporte humour et originalité tout en restant scientifique : l’augmentation des arcs-en-ciel, les éternuements des éponges de mer, une immersion sonore à l’Ircam, des hydroliennes en Normandie, entre autres.

Je le répète, Epsil∞n est un excellent magazine, toujours sérieux, abondamment illustré, abordable pour tous les lecteurs même les moins fondus de sciences (et qui apporte des rectificatifs en cas d’erreurs). Il mre reste les numéros 21 de mars et 22 d’avril à lire et il faut que j’achète le numéro 23 de mai. Vous aimez les sciences ou vous êtes curieux de découvrir les sciences de façon agréable et à petit prix ? Lisez Epsil∞n ! Vous pouvez toujours consulter les sources sur epsiloon.com/sources.

Les liens vers les précédents numéros (2021-2022) sont visibles sur le billet du numéro de décembre 2022.

9 albums illustrés des éditions Chat-Minou

Je n’ai pas eu le temps de programmer un billet bande dessinée alors voici 9 albums illustrés des éditions Chat-Minou.

Genres : littérature jeunesse, albums illustrés.

CaligrAnimaux de Céline Lamour-Crochet.

Chat-Minou, novembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-106-3.

Des calligrammes animaux très jolis. Mes préférés sont le flamand, le jaguar et la poule. Un album illustré pour découvrir les lettres de l’alphabet, les animaux et l’art.

L’escargot multicolore de Violette et Bernard Sicre.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-103-2.

Frédérique est une escargot qui rêve de couleurs et lorsqu’une marguerite vient se poser sur sa coquille, elle est très contente. Mais le vent emporte la fleur. Frédérique rencontre Chrysale la chenille, Ignace la limace, puis Claude, un congénère qui lui dit qu’elle est très jolie mais elle veut toujours de la couleur. Un album illustré sur l’acceptation de soi.

Les habits étranges de Nils.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 79-10-9526-105-6.

Alors quels habits préférez-vous ? Un album pour comprendre la réalité et l’illusion.

L’imagier cache-cache des animaux d’Alexandra Gabrielli-Kuhn.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-107-0.

édition multilingue, par exemple l’album s’ouvre sur un proverbe persan écrit en français et écrit en persan (avec la prononciation). Des proverbes persan, espagnol, yiddish, arménien, gabonais (mon préféré, voir ci-dessous), grec, ashanti, anglo-saxon, égyptien, russe, japonais, chinois, avec des animaux kaléïdoscopiques. « On n’apprend pas à siffler à un perroquet qui parle. »

La coccinelle aux petites ailes de Sylvie Lavoie et Emmanuelle Moreau.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-102-5.

« Une famille de coccinelles vit sur une fleur de pavot. » Mais Crécelle, la plus jeune de la famille, a des ailes toutes petites alors elle ne peut pas s’envoler et partir à l’aventure comme ses sœurs… Un album illustré sur l’acceptation de soi et le courage.

Les filles et les garçons de France Quatromme et Élise Catros.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-100-1.

Annabelle et Anatole s’amusent à être un garçon ou une fille, déguisements, ombres chinoises. Un album pour jouer avec les genres, leurs similitudes et différences.

Niko dort de Kouam Tawa et Tiphaine Boilet.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-101-8.

Au zoo, Niko dort mais les visiteurs sont mécontents… « Nous ne sommes pas venus de si loin pour regarder le singe dormir !, se fâchent les touristes. » Au cirque, Niko dort aussi… « Nous n’avons pas payé si cher pour regarder le singe dormir !,s’emportent les spectateurs. » Un album pour que petits et grands comprennent que les animaux ne sont pas des objets, des jouets et qu’ils doivent vivre dans leur milieu naturel, leur paradis, sans que les humains ne les dérangent.

Nini… une mouche tout simplement d’Anne Vidal.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-108-7.

Nini est un des petits asticots issus des œufs qu’a pondu une mouche bleue. Comme les asticots sont nés sur un tas d’ordures, ils ont bien à manger mais « c’est fatiguant de ramper », de se tortiller. Un matin Nini se réveille avec trois paires de pattes et des ailes, elle va pouvoir s’envoler, « Nini a un monde à explorer. » ! Un album sur l’amitié, la liberté, l’acceptation de soi et des autres tels qu’ils sont.

Un renard dans le poulailler d’Anne Vidal.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-104-9.

« C’est la panique au poulailler ! / Le coq a été bâillonné, / Des poules plumées, des œufs volés, / On a même mordu le fermier ! / Mollasson le chien policier / Est appelé pour enquêter. / Ça sent le renard à plein nez : / Mon flair ne m’a jamais trompé ! » Le renard Fripon sera-t-il arrêté et puni ? Mais les animaux de la ferme comprennent pourquoi Fripon agit ainsi. Un album pour découvrir l’équilibre entre les animaux ‘domestiqués’ de la ferme et les animaux sauvages qui ont besoin de se nourrir et de se protéger.

J’ai apprécié tous ces albums illustrés, tant pour leurs illustrations que pour leurs messages. Mon top 3 : 1. Un renard dans le poulailler, 2. La coccinelle aux petites ailes ex aequo avec Niko dort, 3. Nini… une mouche tout simplement.

Malheureusement, je ne sais pas si cette maison d’éditions existe toujours et je n’ai pas pu lire le dixième album illustré, La vraie vie de Clément Robert et Alice Bunel (Chat-Minou, décembre 2016, 32 pages, 14 €) mais cet album avec un chat et des oiseaux m’aurait bien plu.

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 9, livres jeunesse) et Jeunesse & young adult #12.

Les exportés de Sonia Devillers

Les exportés de Sonia Devillers.

Flammarion, août 2022, 280 pages, 19 €, ISBN 978-2-0802-8320-7.

Genres : littérature franco-roumaine, essai, Histoire.

Sonia Devillers naît le 31 janvier 1975 aux Lilas en Seine Saint Denis. Son père est l’architecte urbaniste Christian Devillers, sa mère Roumaine (exportée en France avec ses parents, sa sœur et sa grand-mère) est aussi architecte. Elle étudie les Lettres puis la philosophie à la Sorbonne et devient journaliste (au journal Le Figaro et à la radio principalement à France Inter).

Voici comment débute le récit : « Ils n’ont pas fui, on les a laissés partir. » (p. 9). Harry et Gabriela Deleanu, leurs deux filles et une grand-mère ont quitté leur pays, la Roumanie, et sont arrivés à Paris le 19 décembre 1961 (2300 km de trajet) alors que « De ce pays en pleine guerre froide, nul ne pouvait sortir. Les habitants étaient retenus prisonniers. » (p. 9). Alors comment cette famille a-t-elle pu sortir ? C’est ce que raconte l’autrice parce que les Deleanu étaient ses grands-parents maternels et qu’une de leurs filles était sa mère (14 ans en 1961) et l’autre sa tante (16 ans en 1961).

L’autrice raconte sa grand-mère, « l’âge d’or des années 30 à Bucarest , [… sa] jeunesse étincelante […] sa famille remarquable, sa ville pimpante, Bucarest dite le ‘petit Paris des Balkans’ dans l’entre-deux-guerres. » (p. 23-24), l’antisémitisme politique et la diabolisation du juif, la montée du fascisme à la fin des années 1930, la Seconde guerre mondiale au côté de l’Allemagne, purification ethnique, retournement opportuniste… « La Roumanie fut le premier bras armé des nazis, à l’Est, et leur alliée la plus zélée. » (p. 53). Et puis, le silence de tous les côtés, les non-dits, le « si on n’en parle pas, c’est que ça n’existe pas. » (p. 64) et « Du passé faisons table rase. […] plus de nom juif, plus de juif. Et inversement. » (p. 72).

Dans ce récit, qui je le redis n’est pas un roman, mais un récit familial et historique, il y a des choses terribles et choquantes (l’arrachement, l’exil, la souffrance…) même pour ceux qui ont déjà lu des récits sur la Seconde guerre mondiale, sur la Shoah, entre autres. Des informations inédites aussi. Je ne savais pas pour Eugène Ionesco (dont j’aime le théâtre), pour Emil Cioran (dont j’ai lu par le passé quelques textes que j’ai appréciés) et pour Mircea Eliade… Après la guerre, c’est pire, communisation et soviétisation, nouvelle classe dirigeante et nouvelle élite, parti tout puissant et propagande, et aussi « La nation enterrait son passé antisémite, les juifs enterraient leurs souffrances. L’un n’allait pas sans l’autre. » (p. 85).

Après la guerre, et après la création de l’État d’Israël (qui s’était tourné vers les États-Unis et non l’Union Soviétique), Staline ne voulant pas être accusé d’antisémitisme créa le cosmopolitisme, « cosmopolites sans racine […] intellectuels juifs dits ‘apatrides’, des juifs ‘errants’, sans attaches, donc perpétuellement soupçonnés d’ ‘antipatriotisme’ ou de ‘traîtrise à la patrie’ » (p. 106), c’est bizarre, malgré tout ce que j’ai déjà lu et tous les documentaires que j’ai vus, je n’avais jamais entendu parler de ça ou alors le terme ‘cosmopolitisme’ était abordé avec un autre mot. Je n’avais également jamais entendu parler de Matatias Carp (1904-1953) ou alors j’ai oublié (son Cartea neagră, le livre noir de la destruction des Juifs de Roumanie, 1940-1944 est pourtant paru chez Denoël en 2009).

Un passage que j’aime beaucoup. « Dans le journal intime de Mihail Sebastian, on trouve ce passage magnifique : ‘Nous autres, juifs, nous sommes au fond d’un optimisme enfantin, absurde, quelquefois inconscient. (C’est peut-être ce qui nous aide à vivre.) En pleine catastrophe, nous espérons encore. Ça ira bien, répétons-nous par dérision, mais en fait nous croyons vraiment que ça ira bien. » (p. 111).

« Je ne sais pas très précisément ce que c’est qu’être juif, ce que ça me fait d’être juif. C’est une évidence, si l’on veut, mais une évidence médiocre, qui ne me rattache à rien. Ce n’est pas un signe d’appartenance, ce n’est pas lié à une croyance, à une religion, à une pratique, à un folklore, à une langue. Ce serait plutôt un silence, une question, une mise en question, un flottement, une inquiétude. Une certitude inquiète derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable : celle d’avoir été désigné comme juif, et parce que juif victime, de ne devoir la vie qu’au hasard et à l’exil. », très belle citation de Georges Perec (p. 258-259).

Cet essai se compose de 4 parties, les juifs, les communistes, les cochons, les apatrides, contenant des chapitres courts ce qui permet aux lecteurs de respirer, de reprendre leur souffle. Parce que c’est un import-export affligeant qui se joue dans les années 1950-60… et je ne vous dis pas sur la barbarie envers les chevaux (chapitre ‘Le cheval à abattre’, p. 191-196). C’est que l’autrice, journaliste, ne s’embarrasse pas pour dire la vérité crue, dérangeante et le mutisme de ses grands-parents maternels. J’ai plusieurs fois eu les larmes aux yeux et j’espère que ma note de lecture et les extraits vous donneront envie de lire cet essai instructif et déchirant qui m’a été conseillé par une lectrice lors d’un café littéraire.

Elle l’a lu : Nicole de Mots pour mots, d’autres ?

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 16, un livre qui m’a énervée ou révoltée, oui ce livre m’a révoltée par ce que des humains ayant du pouvoir peuvent faire à d’autres humains – et à des animaux aussi, les humains étant des mammifères), Challenge lecture 2023 (catégorie 25, un livre sur le thème de la seconde guerre mondiale, même si le livre va plus loin il commence avec le traitement des Juifs durant la seconde guerre mondiale), Mois Europe de l’Est (Roumanie) et Tour du monde en 80 livres (l’autrice est Française mais raconte le parcours de ses grands-parents et de sa mère, Roumains « exportés », des années 1930 aux années 1980, donc je mets ce livre pour la Roumanie).

Des pensées pour Violette de Charlotte Bousquet

Des pensées pour Violette de Charlotte Bousquet.

Scrineo, collection Faune, octobre 2022, 192 pages, ISBN 978-2-38167-161-1.

Genres : littérature française, littérature jeunesse.

Charlotte Bousquet naît le 9 janvier 1973 en France. Elle étudie la philosophie et soutient une thèse sur les mondes imaginaires, Les mondes imaginaires et le déplacement du réel : un questionnement de l’être humain, à la Sorbonne en 2002. Mais elle est aussi romancière, Zaïna et le fils du vent (1999), Le défi de Zaïna (2001), la trilogie Cœur d’Amarantha (2004-2006), la trilogie L’archipel des Numinées (2009-2011), la série La peau des rêves (4 tomes, 2011-2013), etc. Elle est également nouvelliste, essayiste, scénariste de bandes dessinées et éditrice (CDS-éditions). Littérature pour adultes, pour la jeunesse, de l’imaginaire, elle a plusieurs cordes à son arc et reçoit de nombreux prix littéraires. J’ai très envie de lire Le dernier ours paru en 2012 et qui se situe au Groenland an 2037. Plus d’infos sur son blog (pas mis à jour).

Adagio est un chat tigré aux yeux verts ; il est heureux avec son humaine, Violette, une ancienne pianiste mais un jour Violette n’est plus là, elle est à l’hôpital, dans le coma…

Pauline, la petite-fille de Violette, était dans le désert du Sahara, un voyage qu’elle a fait seule car son ami d’enfance Younès est mort trois mois avant leur départ. Alors elle ne veut pas perdre sa mamie Violette dont elle est proche depuis toujours. « Et Adagio ? Comment il va ? – Adag… Oh mon Dieu ! Ça fait quatre jours qu’il est seul, le pauvre. Dans la panique, je n’ai même pas pensé à le nourrir. Il doit être affamé ! Je… – Je m’en occupe, décide Pauline. Le temps de poser mon sac, et je fonce chez mamie. » (p. 19).

Les chapitres alternent entre Adagio, Pauline, 20 ans, et Kirian, 17 ans (les petits-enfants de Violette). Pauline voudrait voyager dans le monde entier et Kirian dessine et aime la musique (il cite le groupe Tool p. 37). En tout cas, ils ne renoncent pas à leur grand-mère bien-aimée et feront tout pour qu’elle revienne ! En attendant, ils essaient de récupérer Adagio pour qu’il ne soit plus seul avec sa peine. « Entre l’accident de mamie Violette, l’hystérie de Julie [c’est la femme de ménage et elle n’aime pas Adagio], le SAMU qui débarque et la solitude, le pauvre n’a rien dû comprendre. » (p. 47).

Et puis, il y a Élias, le médecin, qui accepte Adagio. « Il va tenter l’expérience. À titre exceptionnel, le chat tigré sera admis, aux heures de visite, dans la chambre de son humaine. » (p. 68).

C’est non seulement un roman très touchant mais aussi une véritable ronron-thérapie. L’autrice aborde avec sensibilité les thèmes du coma, des soins palliatifs, de la présence de la famille et surtout de l’animal auprès de la personne qui en a besoin, et bien sûr de l’amour. Un livre lu après avoir vu la note de lecture de Sharon.

Pour Challenge lecture 2023 (catégorie 48, un roman de moins de 200 pages), Jeunesse & young adult #12, Petit Bac 2023 (catégorie Prénom pour Violette) et Un genre par mois (en mars, jeunesse, young adult).

Epsil∞n n° 19 (janvier 2023)

Epsil∞n n° 19 (janvier 2023).

Epsil∞n, édité par Unique Héritage Média (UHM), 100 pages, janvier 2023, 5,90 € (augmentation de 1 €).

Un numéro toujours passionnant et parfaitement illustré avec 95 scientifiques du monde entier interrogés.

Au sommaire, Club Epsil∞n (courriers des lecteurs), les rubriques Fil d’actus (plusieurs sujets abordés de façon courte), En images (la patte d’un gecko en microscopie, un cœur de lave en Islande, la comète Leonard, entre autres), Atlas (les sources du réchauffement, ça fait pourtant froid dans le dos…), Contre-pied (la dyslexie est aussi une force), Analyse (comment sauver la forêt française), C’est dans l’air (messages secrets décodés, interdire les manipulations de virus en laboratoire), Big data (chaque toile d’araignée a ses atouts), pas de Labyrinthe ce mois-ci.

L’enquête, « FIV, le grand malaise » (p. 20-27), des sur-risques pour certaines maladies… « C’est vrai, il sont infimes. Mais il y a quelque chose. On ne peut pas faire comme s’il n’y avait rien. » (p. 23).

Tableau trouvé sur internet

Le dossier, « L’hypothèse Médée, comment la vie peut s’autodétruire »(p. 40-53). Une hypothèse surprenante et un dossier lui aussi surprenant ! Il y a bien eu de la vie sur Mars mais elle s’est autodétruite en « détraquant le système climatique de sa planète, elle a provoqué un refroidissement global qui l’a rapidement anéantie. » (p. 46). « Le plus difficile pour une vie ne serait pas d’apparaître, mais de réussir à se maintenir sur une planète… sans s’autodétruire en déséquilibrant le climat qui l’abrite. » (Charley Lineweaver, p. 51).

Photo trouvée sur internet

Puis diverses rubriques : Paternité, elle change le cerveau des hommes, ou « la cognition de la paternité (p. 54-57). Le triomphe des corbeaux, la seule autre espèce qui a conquis le monde grâce à son intelligence (p. 58-63), je ne déteste pas les corvus (grands corbeaux, corbeaux freux et corneilles) au contraire je les trouve fascinants (et il y a des corbeaux freux et des corneilles près de chez moi et ils sont partout dans le monde sauf dans le tout Grand Nord et bizarrement l’Amérique du Sud) et ils sont très intelligents à tel point qu’ils sont surnommés les « primates à plumes » (p. 61). Slow tech, voici les nouveaux ordinateurs ! (p. 64-69), des « ordinateurs alternatifs [qui]font sourire » (p. 65), imaginez des ordinateurs en papier ou en tissu, entre autres (écologiques voire recyclables !), je ne m’attendais pas à ça ! Chimie 2.0, la révolution IA (p. 70-77), « L’intelligence artificielle est aujourd’hui capable de prédire la forme, la dynamique et les réactions de n’importe quelle molécule » (p. 73), j’imagine les avancées chimiques et médicales que cela sous-entend, « énergie propre, meilleurs médicaments, matériaux intelligents, chimie verte, etc. » (p. 76). Toutankhamon, l’icône se fissure (p. 78-84), « l’image de Toutankhamon a commencé à changer » (p. 82) et qui est Ankh-Khépérourê Néfernéferouaton « reine régnante » ?

Et à la fin, le cahier Pop’Sciences qui apporte humour et originalité tout en restant scientifique : les merles femelles chantent aussi bien que les merles mâles, dans la baie de Jarvis au sud de Sydney les pieuvres se battent en se lançant des coquillages !, les rats sont ambidextres mais se grattent les yeux avec la patte droite, des micro-villages qui flottent, du chocolat conçu par une IA, entre autres.

Je le répète, Epsil∞n est un excellent magazine, toujours sérieux, abondamment illustré, abordable pour tous les lecteurs même les moins fondus de sciences (et qui apporte des rectificatifs en cas d’erreurs). Je commence enfin à lire les numéros de 2023, bientôt je n’aurai plus de retard. Vous aimez les sciences ou vous êtes curieux de découvrir les sciences de façon agréable et à petit prix ? Lisez Epsil∞n ! Vous pouvez toujours consulter les sources sur epsiloon.com/sources.

Les liens vers les précédents numéros (2021-2022) sont visibles sur le billet du numéro de décembre 2022.

Epsil∞n n° 18 (décembre 2022)

Epsil∞n n° 18 (décembre 2022).

Epsil∞n, édité par Unique Héritage Média (UHM), 100 pages, décembre 2022, 4,90 €.

Un numéro toujours passionnant et parfaitement illustré avec 116 scientifiques du monde entier interrogés. « Toujours, toujours tenir notre position d’observateur. C’est particulièrement périlleux face à un sujet aussi clivant que le nucléaire. » (début de l’édito, p. 3).

Au sommaire, Club Epsil∞n (courriers des lecteurs), les rubriques Fil d’actus (plusieurs sujets abordés de façon courte), En images (magnifiques photos des Piliers de la Création par James-Webb p. 14-45, d’un nid d’embryons de rainettes arboricoles au Costa Rica p. 16 et des dunes barkhanes sur Mars p. 18-19), Analyse (covid, bientôt la fin ?, ne nous réjouissons pas trop vite !), Atlas (les lacs virent au marron, une planisphère peu réjouissante « seuls un tiers d’entre eux sont encore bleus », p. 24) Contre-pied (« en fait, les jeux vidéo rendent plus intelligent », mais c’est génial dit la fille qui joue aux jeux vidéo depuis plus de 30 ans !), Labyrinthe (le casse-tête de la viande), C’est dans l’air (l’humain dans l’espace, tuer les loups ?), Big data (« il y a 20 millions de milliards de fourmis sur Terre », ouah, je sais qu’elles sont indispensables mais ça fout les jetons !).

Le dossier spécial, « Nucléaire, enquête sur un retour en grâce » (p. 34-53). «Le retour en force. La renaissance. La revanche » (p. 36)… « Cet enthousiasme croissant n’en fait pas pour autant une énergie comme les autres. » (p. 37). Quand je pense que j’ai milité contre le nucléaire dans les années 80 et surtout après Tchernobyl… Je comprends qu’il faut sortir des énergies carbonées mais j’ai du mal à croire que le nucléaire soit une « énergie verte » (label accordé par l’Union européenne en juillet 2022), surtout avec les vieilles centrales et les déchets radioactifs, et même après avoir lu Le monde sans fin de Jancovici et Blain (dont je me rends compte que la note de lecture n’est pas sur le blog… mais où est-elle ?). Mais assurément un dossier instructif et complet.

Puis diverses rubriques : Stupéfiants, médecine psychédélique, « Toutes ces drogues illicites figurent aujourd’hui dans des dizaines d’essais cliniques visant à traiter aussi bien les maladies de l’âme – dépression sévère, stress post-traumatique, anxiété, troubles addictifs ou obsessionnels – que certains maux de la chair comme les douleurs chroniques ou les migraines. » (p. 56). Rencontre, les espèces fantômes, « Plus de 99 % de toutes les espèces qui ont vécu sur cette planète sont aujourd’hui éteintes : ce fait est encore souvent ignoré dans les études sur l’évolution. » (p. 61), je n’avais jamais entendu parler de LUCA (Last Universal Common Ancestor). Étoiles étranges, elles défient la physique, incroyable ces 9 étoiles (à neutrons, nuages d’étoiles, magnétar, étoiles bosoniques), « L’étoile à neutrons est la dernière substance avant le trou noir. » (p. 71). Le loft story de la maison connectée ou la première expérience domotique. Anthropocène la décision, nous sommes dans l’holocène (période interglaciaire) depuis douze mille ans, nous entrons dans l’anthropocène (l’époque de l’humain, depuis 1952 ?), que la « meilleure carotte » gagne… ! Des articles passionnants.

Image publiée p. 90

Et à la fin, le cahier Pop’Sciences qui apporte humour et originalité tout en restant scientifique : un astéroïde entre Vénus et le soleil, le chou frisé et les fœtus, le ragoût préhistorique, le dingo d’Australie n’est pas un chien, Buildrones et Scandrones, Solar Botanic Trees, gratte-ciel épi, entre autres.

Je le répète, Epsil∞n est un excellent magazine, toujours sérieux, abondamment illustré, abordable pour tous les lecteurs même les moins fondus de sciences (et qui apporte des rectificatifs en cas d’erreurs). Avec ce numéro de décembre, j’ai réduit mon retard et il me reste les 3 premiers numéros de 2023 à lire. Vous aimez les sciences ou vous êtes curieux de découvrir les sciences de façon agréable et à petit prix ? Lisez Epsil∞n ! Vous pouvez toujours consulter les sources sur epsiloon.com/sources.

C’est rare que je vois des fautes dans le magazine mais j’en ai vu une page 19 « [il] à même » pas d’accent sur a puisque c’est le verbe avoir, une page 26 et page 62 (la même) « peu de chose » où il manque le s à choses (eh oui, même si c’est peu c’est quand même plusieurs choses).

Les précédents numéros : Epsil∞n n° 1 (juillet 2021), Epsil∞n n° 2 (août 2021), Epsil∞n n° 3 (septembre 2021), Epsil∞n n° 4 (octobre 2021), Epsil∞n n° 5 (novembre 2021), Epsil∞n n° 6 (décembre 2021), Epsil∞n n° 7 (janvier 2022), Epsil∞n n° 8 (février 2022), Epsil∞n n° 9 (mars 2022), Epsil∞n n° 10 (avril 2022), Epsil∞n n° 11 (mai 2022), Epsil∞n n° 12 (juin 2022), Epsil∞n n° 13 (juillet 2022), Epsil∞n n° 14 (août 2022), Epsil∞n n° 15 (septembre 2022), Epsil∞n n° 16 (octobre 2022) et Epsil∞n n° 17 (novembre 2022).

Super Cyprine de Tess Kinski

Super Cyprine : une vengeance corrosive de Tess Kinski.

Massot, mars 2022, 144 pages, 19,50 €, ISBN 978-2-38035-367-9.

Genres : bande dessinée française.

Tess Kinski « est une autrice et dessinatrice féministe. À la suite d’un harcèlement de rue, elle imagine une super-héroÏne vengeresse au pouvoir destructeur. C’est pour raconter cette histoire qu’elle se met à la bande dessinée. Elle vit au cœur des montagnes à Grenoble. » (source éditeur). Plus d’infos sur son site officiel.

Cette bande dessinée est dédicacée « à toutes les femmes en colère » (p. 4) mais on peut la lire même si on n’est pas en colère.

Après avoir « blessé » sans le savoir trois garçons de son lycée à Dijon, Cyprine (surnommée Cypry) se rend compte que sa cyprine (sécrétion vaginale) est corrosive. Elle ne trouve rien sur internet mais elle espère que ses études de médecine lui donneront des informations et des solutions.

Pourtant, elle arrête au bout d’un an et décide de rejoindre sa meilleure (et seule) amie à Paris. « Je n’avais pas laissé le choix à mes parents, je me débrouillerais seule, j’étais adulte. J’avais zéro plan. Je ne connaissais pas du tout Paris. J’ai beaucoup marché… au hasard. Sara ne répondait pas, comme d’habitude… En passant devant un coiffeur, j’ai soudain eu envie de changer de tête. » (p. 34-35).

Mais avec les cheveux roses, Cyprine est très voyante et se fait harceler par deux gars louches (image ci-contre, vous pouvez cliquer). Elle se réfugie alors au cabaret Mademoiselle Joséphine à Pigalle où elle fait la connaissance des créatures de la nuit, Morian, Simone, Piaf, Kiki, et elle travaille au bar avec Jean en échange du logement. « Vous étiez sublimes ce soir, le public était envoûté !! » (p. 46).

Et pendant son temps libre, elle prépare sa vengeance contre les mecs dégueus qui harcèlent les femmes. Et il y en a un paquet, dans la rue, sur internet…

Cette bande dessinée m’a été offerte par Noctenbule pour mon anniversaire en août dernier et je n’ai pas eu l’occasion (ou le temps) de la lire avant mais pour La BD de la semaine spécial 8 mars (plus de BD de la semaine chez Noukette), je me suis dit que c’était l’idéal et j’ai eu bien fait parce que c’est une super BD, féministe bien sûr mais aussi drôle et salutaire dans ce monde ouf dans lequel on vit (et souvent on subit). Vous pouvez lire une interview de Tess Kinski sur Friction Magazine que je découvre par hasard. À noter que l’autrice dessinatrice travaille sur le tome 2 et j’attends sa parution avec impatience.

Aussi pour BD 2023 et Challenge lecture 2023 (catégorie 42, un livre féministe).

Journal des frères Goncourt

Journal ou Mémoires de la vie littéraire des frères Goncourt.

Rédigé de 1851 à 1895 mais n’est publié qu’en 1887. Publication en 3 tomes chez Bouquins.

Genres : littérature française, journal intime, classique.

L’aîné, Edmond Louis Antoine Huot de Goncourt naît le 26 mai 1822 à Nancy dans la Meurthe. Il meurt le 16 juillet 1896 à Draveil en Seine et Oise (d’une embolie pulmonaire fulgurante) et, durant l’inhumation à laquelle assistent les hommes politiques de l’époque (Clemenceau, Poincaré, entre autres) Émile Zola fait une oraison funèbre. Le cadet, Jules Huot de Goncourt naît le 17 décembre 1830 à Paris. Il meurt le 20 juin 1870 à Paris (d’une paralysie due à la syphilis). Les deux frères sont enterrés au cimetière de Montmartre.

Jules commence le Journal et après sa mort, Edmond le continue. Les deux frères publient ensemble Histoire de la société française pendant la Révolution (1854), Portraits intimes du XVIIIe siècle (1857), Histoire de Marie-Antoinette (1858), L’art du XVIIIe siècle (1859-1870), Charles Demailly (1860), Sœur Philomène (1861), Renée Mauperin (1864), Germinie Lacerteux (1865), Idées et sensations (1866), Manette Salomon (1867), Madame Gervaisais (1869), puis Edmond publie seul La fille Élisa (1877), La Du Barry (1878), La duchesse de Châteauroux et ses sœurs (1879), Les frères Zemganno (1879), La maison d’un artiste (1881), La Saint-Hubert (d’après sa correspondance et ses papiers de famille, 1882), Chérie (1884), La femme au XVIIIe siècle (1887) et Madame de Pompadour (1888), des œuvres appartenant au courant du naturalisme (et, remarquez, beaucoup d’histoires de femmes).

Edmond et Jules de Goncourt photographiés par Nadar

Les deux frères étudient au lycée Condorcet et ont de nombreux amis écrivains ou artistes (Théodore de Banville, Maurice Barrès, Alphonse et Léon Daudet, Gustave Flaubert, Paul Gavarni, Gustave Geffroy, Roger Marx, Guy de Maupassant, Octave Mirbeau, Auguste Rodin, Ivan Tourgueniev, Émile Zola, entre autres, source Wikipédia). Le dimanche, ils animent un salon littéraire Le Grenier. Ils sont célèbres pour la création du Prix Goncourt mais celui-ci est créé par le testament d’Edmond de Goncourt en 1892. Ainsi la Société littéraire des Goncourt, dite Académie Goncourt, est officiellement fondée en 1902 et le premier prix Goncourt est proclamé le 21 décembre 1903.

Le Journal que j’ai lu en numérique commence en décembre 1851.

2 décembre 1851. Rue Saint-Georges, tôt le matin. « Mais qu’est-ce qu’un coup d’État, qu’est-ce qu’un changement de gouvernement pour des gens qui, le même jour, doivent publier leur premier roman. Or, par une malechance ironique, c’était notre cas. » Quelle malchance, effectivement ! « Votre roman… un roman… la France se fiche pas mal des romans aujourd’hui, mes gaillards ! » (leur cousin Blamont). Comble de malchance, « Et dans la rue, de suite nos yeux aux affiches, car égoïstement nous l’avouons, — parmi tout ce papier fraîchement placardé, annonçant la nouvelle troupe, son répertoire, ses exercices, les chefs d’emploi, et la nouvelle adresse du directeur passé de l’Élysée aux Tuileries — nous cherchions la nôtre d’affiche, l’affiche qui devait annoncer à Paris la publication d’En 18, et apprendre à la France et au monde les noms de deux hommes de lettres de plus : Edmond et Jules de Goncourt. L’affiche manquait aux murs. » Gloups !

15 décembre 1851. « — Jules, Jules… un article de Janin dans les Débats ! C’est Edmond qui, de son lit, me crie la bonne et inattendue nouvelle. Oui, tout un feuilleton du lundi parlant de nous à propos de tout et de tout à propos de nous, et pendant douze colonnes, battant et brouillant le compte rendu de notre livre avec le compte rendu de la Dinde truffée, de M. Varin, et des Crapauds immortels, de MM. Clairville et Dumanoir : un feuilleton où Janin nous fouettait avec de l’ironie, nous pardonnait avec de l’estime et de la critique sérieuse ; un feuilleton présentant au public notre jeunesse avec un serrement de main et l’excuse bienveillante de ses témérités. » Ah, voici le début de la célébrité ! Même si ce n’est pas l’idéal…

21 décembre 1851. Après une visite à Janin, les frères Goncourt sont introduits chez madame Allan, une actrice qui vit rue Mogador. Et puis la course folle pour rencontrer le « directeur du Théâtre-Français, auquel nous sommes parfaitement inconnus », aller chez Lireux, chez Brindeau, puis de nouveau au Théâtre-Français, tout ça pour être lus et joués au théâtre.

23 décembre 1851. « Ce n’est pas gentil, ça ! »

Fin janvier 1852. « L’Éclair, Revue hebdomadaire de la Littérature, des Théâtres et des Arts, a paru le 12 janvier. », leur journal, enfin ! Mais, dans les locaux du journal, ils passent leur temps « à attendre l’abonnement, le public, les collaborateurs. Rien ne vient. Pas même de copie, fait inconcevable ! Pas même un poète, fait plus miraculeux encore ! » Zut, leur carrière démarre bien mal… « Nous continuons intrépidement notre journal dans le vide, avec une foi d’apôtres et des illusions d’actionnaires. » mais, évidemment, l’argent vient à manquer. Pourtant Nadar commence à y publier des caricatures.

Août 1852. Victor Hugo, en exil, envoie une lettre à Janin.

22 octobre 1852. « Le Paris paraît aujourd’hui. C’est, croyons-nous, le premier journal littéraire quotidien, depuis la fondation du monde. Nous écrivons l’article d’en-tête. »

Janvier 1853. « Les bureaux du Paris, d’abord établis, 1 rue Laffitte, à la Maison d’Or, furent, au bout de quelques mois, transférés rue Bergère, au-dessus de l’Assemblée Nationale. » et plus loin, « À l’heure présente, le journal remue, il ne fait pas d’argent, mais il fait du bruit. Il est jeune, indépendant, ayant comme l’héritage des convictions littéraires de 1830. C’est dans ses colonnes l’ardeur et le beau feu d’une nuée de tirailleurs marchant sans ordre ni discipline, mais tous pleins de mépris pour l’abonnement et l’abonné. Oui, oui, il y a là de la fougue, de l’audace, de l’imprudence, enfin du dévouement à un certain idéal mêlé d’un peu de folie, d’un peu de ridicule… un journal, en un mot, dont la singularité, l’honneur, est de n’être point une affaire. »

20 février 1853. « Un jour de la fin du mois de décembre dernier, Villedeuil rentrait du ministère en disant avec une voix de cinquième acte : — Le journal est poursuivi. Il y a deux articles incriminés. L’un est de Karr ; l’autre, c’est un article où il y a des vers… Qui est-ce qui a mis des vers dans un article, ce mois-ci ? — C’est nous ! disions-nous. — Eh bien ! c’est vous qui êtes poursuivis avec Karr. » Pas facile, la vie d’auteurs, poètes, dramaturges, critiques littéraires… Voici un extrait des vers incriminés : « Croisant ses beaux membres nus / Sur son Adonis qu’elle baise ; / Et lui pressant le doux flanc ; / Son cou douillettement blanc, /Mordille de trop grande aise. » Je rappelle que « baiser » signifiait à l’époque « embrasser ». « Il nous fallait un avocat », c’est sûr ! Heureusement avec un bon avocat : « En ce qui touche l’article signé Edmond et Jules de Goncourt, dans le numéro du journal Paris, du 11 décembre 1853. Attendu que si les passages incriminés de l’article présentent à l’esprit des lecteurs des images évidemment licencieuses et dès lors blâmables, il résulte cependant de l’ensemble de l’article que les auteurs de la publication dont il s’agit n’ont pas eu l’intention d’outrager la morale publique et les bonnes mœurs. Par ces motifs : Renvoie Alphonse Karr, Edmond et Jules de Goncourt et Lebarbier (le gérant du journal) des fins de la plainte, sans dépens. Nous étions acquittés, mais blâmés. »

27 juillet 1853. « Je vais voir Rouland pour savoir si je puis publier la Lorette sans retourner en police correctionnelle. » Enfin, « La Lorette paraît. Elle est épuisée en une semaine. C’est pour nous la révélation qu’on peut vendre un livre. »

Septembre 1853. Les deux frères accompagnent des amis à la mer, « à Veules, une pittoresque avalure de falaise, tout nouvellement découverte par les artistes. » Ils y rencontrent donc de jeunes artistes. « Veules est un coin de terre charmant, et l’on y serait admirablement s’il n’y avait pas qu’une seule auberge, et, dans cette auberge, un aubergiste ayant inventé des plats de viande composés uniquement de gésiers et de pattes de canards… Nous passons là un mois, dans la mer, la verdure, la famine, les controverses grammaticales, et nous revenons un peu refroidis avec l’humanitaire Leroy, au sujet de l’homicide d’un petit crabe, écrasé par moi sur la plage. »

Ensuite le Journal passe à l’année 1854 et continue jusqu’en 1895 (neuvième volume !) mais je n’ai pas le temps de tout lire. Par contre, ça me plaît beaucoup alors je sais que je le reprendrai de temps en temps. Ce Journal raconte le quotidien des deux frères qui n’ont pratiquement jamais été séparés, leurs relations amicales (écrivains, artistes…) mais aussi leurs rapports avec la critique (pas toujours tendre avec eux mais c’était le cas avec d’autres auteurs contemporains, par exemple Hugo et Zola en ont fait les frais), leurs virées (salons, repas mondains, promenades…), leur difficulté d’être publiés (leurs romans sont souvent adaptés au théâtre, c’était de mise à cette époque mais comment savoir si le succès serait au rendez-vous) et de tenir leur revue (littéraire et artistique) à flot, leurs démêlés avec la justice et la censure sous la Troisième République et sous le Second Empire, quelques opinions politiques (en particulier l’antisémitisme d’Edmond ami avec Édouard Drumont), des propos et indiscrétions sur les personnalités de l’époque (littéraires, artistiques, politiques…), tout ceci est donc passionnant tant au niveau historique que littéraire et souvent amusant.

J’ai effectué cette lecture pour Les classiques c’est fantastique, le thème de février étant ‘Les couples littéraires’ (je n’ai pas pris ça obligatoirement comme un homme et une femme). Elle entre aussi dans 2023 sera classique, ABC illimité (lettre J pour titre) et Challenge lecture 2023 (catégorie 23, un livre écrit à 4 mains, 2e billet).