On s’y fera de Zoyâ Pirzâd

On s’y fera de Zoyâ Pirzâd.

Broché : Zulma, août 2007, 336 pages, 19,80 €, ISBN 978-2-84304-422-9. Poche : Zulma, juin 2019, 320 pages, 9,95 €, ISBN 978-2-84304-858-6.

Proposée librement à la lecture par l’éditeur (le 2 novembre 2020), cette nouvelle de 24 pages est extraite du recueil éponyme (Adat mikonim, 2007) et traduite du persan (Iran) par Christophe Balaÿ.

Genres : littérature iranienne, nouvelle.

Zoyâ Pirzâd (en persan : زویا پیرزاد) naît en 1952 à Abadan au Khouzistan (province du sud-ouest de l’Iran). Son père est Iranien d’origine russe et sa mère est Arménienne. Son premier roman paraît en 2001 ; il lui permet de recevoir le prix Houshang Golshiri du meilleur roman ; elle est romancière et nouvelliste (3 romans et 2 recueils de nouvelles parus chez Zulma depuis 2007).

Au volant de sa R5, Arezou Sarem est une femme libérée. « D’une main elle tenait une serviette noire dont les deux sangles étaient prêtes à rompre, de l’autre un échéancier en cuir et un téléphone portable. » (p. 7). Elle travaille à l’Agence immobilière Sarem & fils. L’agence fonctionne bien mais Arezou s’énerve au sujet de Monsieur Zardjou : « Où veut-il que je trouve dans ce chaos un appartement haut de plafond, et qui plus est dans un immeuble en briques, lumineux, spacieux, avec de grandes chambres, un salon donnant sur la montagne, comme ceci, pas comme cela ? Mais où croit-il que nous vivons ? Dans les Alpes ? » (p. 14). « Elle se mit à l’imiter : « Je n’aime pas ces appartements post-modernes. Mon genre, c’est la simplicité, l’absence de prétention, le caractère… » Elle tira une bouffée. — Le caractère ! Tu parles ! » (p. 18). Elle a des problèmes avec Ayeh, sa fille étudiante qui veut rejoindre son père.

Arezou Sarem est femme (une quarantaine d’années), mère, divorcée d’après ce que j’ai compris, elle travaille, elle est même patronne et emploie des hommes et des femmes, elle conduit et semble totalement libre. Quotidien et humour sont les maîtres mots de Zoyâ Pirzâd dont j’avais déjà entendu parler et j’ai bien envie de lire les autres nouvelles de ce recueil pour découvrir ce qui arrive à Arezou, et d’autres de titres de Zoyâ Pirzâd parce qu’elle ouvre la littérature persane aux lecteurs du monde et je suis une lectrice curieuse !

Cette nouvelle est parfaite pour La bonne nouvelle du lundi et le Challenge du confinement (pour la case nouvelle).

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Au pays des mollahs de H.R. Vassaf

Au pays des mollahs de H.R. Vassaf.

Même pas mal, octobre 2011, 128 pages, 16 €, ISBN 978-2-918645-08-5.

Genres : bande dessinée, roman graphique historique.

Hamid-Reza Vassaf est né le 9 juin 1970 à Téhéran en Iran. Il fut professeur en communication visuelle graphique à la faculté d’art et d’architecture de Téhéran. Plusieurs romans graphiques ont été publiés en Iran mais ils sont maintenant interdits car jugés subversifs. Exilé en France depuis décembre 2006, il est auteur, dessinateur et dirige un atelier graphique à Lyon. Au pays des mollahs est son premier livre paru en français. Plus d’infos sur son site.

Janvier 2008, dans le Golfe persique, dans le Détroit d’Ormuz. Des bateaux rapides iraniens foncent sur un porte-avions américain et menacent de le faire exploser. Le Falkland commandé par le capitaine Douglas est pourtant dans les eaux internationales. Mais la zone est minée (par les Iraniens) et un bateau iranien explose ; Hadji se retrouve seul à l’eau et réussit à nager jusqu’à une plage ; il est recueilli et soigné par Sohaile, journaliste et écrivain qui vit seul sur cette île abandonnée dans la maison de son défunt grand-père.

À travers les souvenirs de Sardar Hadji, chef de la milice islamique bassidji, considéré comme mort en martyr par les dirigeants du pays, c’est plus de trente ans de l’histoire de l’Iran que nous délivre Hamid-Reza Vassaf. De l’école dans les années 60 dont Hadji garde un mauvais souvenir car il avait de mauvaises notes, à son merveilleux mariage avec Effat à l’époque du Shah, en passant par la prison et l’intégrisme religieux.

Avec Sohaile, l’auteur raconte simplement la révolution de 1979, la prise de pouvoir par l’ayatollah Khomeini, la répression, la censure, les relations des religieux avec la littérature, le cinéma, la musique, l’art. « Tous les artistes de l’époque Pahlavi doivent être éliminés ». La musique, l’art sont mauvais et méritent d’être interdits car ils éloignent de l’islam ; par contre le cinéma ou certains arts peuvent être utilisés comme arme et servir à la propagande du régime… Jusqu’à l’été 2009, été durant lequel les nouvelles générations sont descendues dans la rue pour réclamer un passage du « monde mythique » au « monde rationnel ».

En fin de volume, un chapitre intitulé Le trône vide raconte l’histoire perse et les mythologies de Mithra « le sauveur du monde, « dieu du soleil et de la lumière, et l’ennemi des ténèbres et des Dives (démons) » au 6e siècle avant J.C. et de Saoshyant « sauveur du monde » à la « fin des temps ». Ce sont les anciennes mythologies mazdéenne et zoroastrienne (j’ai l’impression que ce sont les équivalents du Dieu des juifs et des chrétiens avec son fils Jésus) avant que les musulmans arabes n’arrivent (637-751) et ne remplacent Mithra ou Saoshyant par leur Mahdi ou imam du temps (zaman).

Un noir et blanc extraordinaire, à la fois sombre et lumineux, presque surréaliste et pourtant tout est si réel ; il est devenu si difficile de vivre dans ce pays à la culture multi-millénaire si belle et si riche.

H.R. Vassaf utilise des personnages de fiction pour des personnes ayant réellement existé : Sardar Hadji pour Hadji Zabihollah Bakhshi, Sohaile le journaliste écrivain pour Masoud Behnoud, Mohsen Chérik le cinéaste pour Mohsen Makhmalbaf (exilé en France) par exemple.

Une bande dessinée – plutôt roman graphique – vraiment réussie, pour comprendre comment s’est déroulée la révolution islamique et comment fonctionne le système politique en Iran.

Je mets cette lecture enrichissante dans les challenges BD, Raconte-moi l’Asie (Iran) et La BD de la semaine.

Marx et la poupée de Maryam Madjidi

Marx et la poupée de Maryam Madjidi.

Le Nouvel Attila, collection Incipit, janvier 2017, 208 pages, 18 €, ISBN 978-2-37100-043-8.

Genres : premier roman, littérature franco-iranienne.

Maryam Madjidi, née en 1980 à Téhéran, quitte l’Iran en 1986 et s’installe à Paris avec ses parents. Elle étudie les Lettres à la Sorbonne et son mémoire de maîtrise en littérature comparée porte sur deux auteurs iraniens, Omar Khayyâm (poète) et Sadegh Hedayat (romancier). Elle est professeur de français ; Marx et la poupée est son premier roman, largement autobiographique.

1980, université de Téhéran. La jeune femme de 20 ans est enceinte de 7 mois mais elle doit fuir car dans l’université, il y a des hommes avec des bâtons cloutés qui frappent les étudiants. Ils insultent aussi, ils violent, ils tuent… Ils hurlent, ils déchirent les livres… Comme elle ne trouve pas la sortie, la jeune femme saute du deuxième étage. « Elle saute et je tombe. » (p. 14). « Je témoignerai de ce que mes yeux ont vu. […] Ce bébé témoignera aussi à son tour, je le sais. » (p. 16). « Je voudrais passer ma vie à récolter des histoires. De belles histoires. Dans un sac, je les mettrais et je les emporterais avec moi. » (p. 27).

C’est ce qu’a fait l’auteur, elle a emporté les histoires et elle nous les raconte. Elles ne sont pas toutes belles, mais beaucoup le sont quand même. Ses propres histoires, bien sûr, mais aussi celles de ses parents, de sa grand-mère bien-aimée, de son pays.

Pour ceux qui ont déjà lu de la littérature iranienne contemporaine (témoignages ou romans), on retrouve des mots connus comme l’horrible prison d’Evin ou le cimetière de Khâvarân. Car « Ce pays massacre ses meilleurs enfants. » (p. 39) et « Sous la torture, qu’est-ce que tu ferais, toi ? » (p. 41). Les rumeurs vont bon train, la peur s’installe, il faut partir. Vite, on enterre dans le jardin les jouets de la petite (5 ans) et les livres des parents (d’où le titre de ce roman témoignage). « Marx, Engels, Lénine, Makarenko, Che Guevara et tous les autres, le père les recouvre de terre humide. » (p. 43). Vous l’avez compris, les parents sont communistes et, s’ils étaient déjà surveillés sous le régime du Shah, le nouveau régime autoritaire n’est pas plus clément avec eux.

1986. Maryam et sa mère rejoignent le père de famille qui est à Paris depuis sept mois. Maryam a grandi en France, elle a appris la langue française, elle a suivi l’école de la République, elle a oublié en partie son pays et sa langue, elle a voyagé et vécu à Beijing en Chine, à Kerala en Inde et à Istanbul en Turquie.

« Je ne peux plus raconter mes histoires persanes. J’ai des hallucinations à la place. – Tu vas désormais les raconter autrement. » (p 84). Le récit est rempli de souvenirs, de séductions, de poésie, de nostalgie, d’histoires, il y a même une part de folie sur ce « Royaume de l’Exil » (p. 117).

Ma phrase préférée de ce très beau roman-témoignage : « Tes blessures, tes écorchures, tes cicatrices, c’est le symbole de l’Iran meurtri et abîmé. » (p. 190). J’avais 13 ans quand les journaux d’informations ont montré les images de la révolution iranienne, en 1979, et j’étais encore insouciante mais je sentais bien que les adultes autour de moi n’étaient pas rassurés. Depuis, j’ai découvert ce pays à travers des témoignages, son histoire, sa littérature, son cinéma, sa musique et je le trouve fascinant. Maryam Madjidi rend bien cette fascination, le côté attractif du pays, toute cette poésie, cette sensualité, cette histoire (l’empire perse est né au Xe siècle avant Jésus-Christ) et le côté cruel et déchirant avec les violences du XXe siècle et même ce début de XXe siècle.

Un roman émouvant, en partie autobiographique, mi-réaliste mi-conte poétique qui a reçu le Prix Goncourt du Premier roman en mai et le Prix Ouest-France Étonnants Voyageurs en juin, des prix bien mérités !

Une lecture dans le cadre des 68 premières fois 2017 que je mets dans les challenges Défi Premier roman 2017, Rentrée littéraire janvier 2017 et Raconte-moi l’Asie.

Tout va bien ! Expo de Mana Neyestani

NeyestaniExpo1J’ai du retard sur mes billets, j’aurais dû vous parler de cette expo plus tôt… Des dessins de presse de Mana Neyestani sont exposés au Centre du patrimoine arménien à Valence [lien]. L’expo a commencé le 5 juin et dure jusqu’au 30 août.

Mana Neyestani naît en 1973 à Téhéran en Iran où il étudie l’architecture. Dès 1989, ses illustrations et caricatures paraissent dans des journaux iraniens mais certains de ses dessins dérangent (en particulier un cafard) et il est enfermé pendant trois mois. Il s’exile avec son épouse en Malaisie jusqu’en 2010 avant de s’installer à Paris.

Son frère aîné, Touka Neyestani, né en 1960 à Shahrood, est lui aussi dessinateur et caricaturiste mais il vit à Toronto au Canada.

Mana Neyestani a publié :

Kaaboos (Cauchemar) en 2000, Ghost House en 2001 et M. Ka’s love puzzle en 2004 en Iran.

Une métamorphose iranienne en 2012 aux éditions çà et là [lien] (4 pages d’extraits sur le site).

Tout va bien ! (recueil de dessins de presse) en 2013 aux éditions çà et là [lien] (10 pages d’extraits sur le site).

Petit manuel du parfait réfugié politique en 2015 aux éditions çà et là [lien] (7 pages d’extraits sur le site).

J’ai beaucoup aimé cette expo car les dessins sont plein d’inventivité et d’humour tout en dénonçant la tyrannie tant politique que religieuse. Mon mari y a vu des choses similaires aux dessins de Claude Serre, l’humour noir, l’absurde, le trait de crayon.

À vous de vous faire une idée puisque sous les couvertures des trois bandes dessinées (que j’ai très envie de lire !), je vous mets trois des dessins exposés de Mana Neyestani.

MayaNeyestaniBD

NeyestaniExpo2

8 mars – Journée internationale de la femme

NeyestaniExpo3

Mots mêlés

NeyestaniExpo4

La danse