Habitant de nulle part, originaire de partout de Souleymane Diamanka

Habitant de nulle part, originaire de partout de Souleymane Diamanka.

Points, collection Poésie, février 2021, 144 pages, 7,30 €, ISBN 978-2-75788-747-9.

Genres : littérature franco-sénégalaise, poésie.

Souleymane Diamanka (dit Duajaabi Jeneba) naît le 27 janvier 1974 à Dakar au Sénégal mais il grandit à Bordeaux en France. Il parle français et peul et découvre dès le début des années 90 le rap, le hip hop et le slam. Il a à son actif 2 albums studios, L’hiver peul (2007), Être humain autrement (2016) et un album Live @ Hall Tony Garnier (2015), 5 livres (entre 2007 et 2021) et des participations en tant qu’acteur (cinéma) et comédien et auteur (théâtre). Des vidéos sur sa chaîne Youtube.

Préface « Avant-dire » d’Oxmo Puccino : « Clamer un texte, c’est lui donner vie. » (p. 12).

Parce qu’Amadou Hampaté Bâ, ambassadeur du peuple Peul a dit « En Afrique un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle » (p. 16), Souleymane Diamanka fait une entorse à l’oralité traditionnelle pour écrire. C’est un travail de conservation, de mémoire, de legs, de la part de « haal pulaar » (celui qui parle peul).

J’ai tout aimé dans ce livre – c’est un des plus beaux recueils de poésie moderne que j’ai lus – alors il ne m’est pas facile d’en sortir quelques mots pour vous livrer des extraits mais je vais faire de mon mieux parce que je veux que vous en lisiez un peu pour avoir envie de l’acheter (ou de l’emprunter) et de le lire entièrement.

« Je ne suis qu’un pauvre artiste au service de la beauté / Marchand de sentiment et de moments d’humanité » (début de Moment d’humanité, p. 29).

« J’ai attendu longtemps que le néant s’anime / Que chaque mot trouve sa phrase et que chaque phrase trouve sa rime » (p. 30).

« Même s’il est né de ma plume / si tu l’as aimé et qu’il t’a plu / ce n’est plus mon poème mais un papillon en papier » (début de Papillon en papier, p. 35).

« Vous qui survivez dans cet univers parfois si violent / Venez… je vous invite à faire le tour de la Terre / À bord de mon tapis volant » (Tapis volant, p. 49), un poème dans lequel il fait rimer ‘galerie d’art’ avec ‘regard’ et ‘éclipsé’ avec ‘yeux absorbés’, bien joué pour montrer l’importance du regard, de la vision, dans l’oralité.

« Si quelqu’un te parle avec des flammes / Réponds-lui avec de l’eau / Sache que le seul combat qui se gagne / C’est le duel qui devient duo / Je sais que les braves savent se battre / Et lutter pour leurs droits jusqu’à l’aube / Mais dis-leur que le paix guérit et la guerre périt » (début de Réponds-lui avec de l’eau, p. 53, vidéo ci-dessous). « La paix guérit et la guerre périt », sûrement le plus beau texte !

Souleymane Diamanka est une « voix pleine de sourires et pleine de larmes » (p. 55), avec des fulgurances comme « Prendre le temps d’écrire pour le meilleur et pour le dire » (p. 55) alors j’espère vraiment vous avoir donné envie de le découvrir, de le lire et de le partager autour de vous aussi.

Diamanka parle de l’Afrique, du peuple peul, de la nature, des animaux, de la France, des cités, de la pauvreté mais aussi de la vie, de l’amour, de la sexualité même, de l’humanité, de l’oralité et de l’écriture, « De la faune et de la flore / Des faibles et des forts / Des esprits et des espoirs » (p. 68)… Le verbe, les traditions tiennent une grande place dans plusieurs poèmes. Il est très inspiré et tout son parler n’est que poésie, poésie libre avec des rimes vraiment différentes de ce que j’ai pu lire auparavant. Des textes courts et percutants ou tendres et émouvants qui ont une belle musicalité et qui m’ont transportée… nulle part et partout ! C’est que Diamanka a bien compris qu’il était un passeur de mots, un « donneur de paroles d’honneur » (p. 83) parce que l’ancien lui a dit « Pars cueillir les mots » (p. 83).

« Le feu n’est pas éteint… il reste une braise / L’histoire n’est pas finie… il reste une phrase » (p. 92).

Mais il n’y a pas que le texte (oral ou écrit), Diamanka parle aussi des arts, la danse (dans plusieurs poèmes), les peintures rupestres (entre autres dans Graffiti-artiste de la préhistoire), des sculptures (Hommage à Ousmane Sow), ce qui montre bien son ouverture d’esprit et ce qu’il veut partager. « J’obtiendrai des notes étonnantes en faisant des vœux / Je rendrai l’amour de l’art monnaie courante en créant des lieux / Je reprendrai le fil de l’Histoire en dénouant les nœuds / Et je peindrai tout le temps en fermant les yeux » (p. 129).

Je vous le recommande même si vous n’êtes pas fondus de poésie, vraiment, c’est beau, c’est inspiré, c’est apaisant, c’est vivifiant, c’est pour tous.

Pour Les adaptations littéraires parce que livre, poésie, chansons et plus encore, et aussi À la découverte de l’Afrique (Sénégal, peuple Peul), Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 36, un livre coup de cœur, 2e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 11, un livre qui met en scène un artiste), Petit Bac 2022 (catégorie Ponctuation pour la virgule, 2e billet) et Tour du monde en 80 livres (Sénégal).

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