Le Mouvement F d’Antonythasan Jesuthasan.
In Friday et Friday, Zulma, avril 2018, 144 pages, 16,50 €, ISBN 978-2-84304-818-0. Les 6 nouvelles de ce recueil sont traduites du tamoul (Sri Lanka) par Faustine Imbert-Vier, Élisabeth Sethupathy et Farhaan Wahab. Le Mouvement F (21 pages) est traduit du tamoul (Sri Lanka) par Faustine Imbert-Vier.
Genres : littérature sri-lankaise, nouvelle.
Antonythasan Jesuthasan – également connu sous le pseudonyme de Shobasakthi – naît en 1967 à Allaippiddi dans le nord du Sri Lanka. Adolescent, il rejoint les Tigres tamouls puis s’enfuit (Hong Kong, Thaïlande) et obtient l’asile politique en France en 1993. Il est auteur (romans, nouvelles, essais, pièces de théâtre), scénariste et acteur (depuis 2011). Il est l’acteur principal de Dheepan réalisé par Jacques Audiard (Palme d’or à Cannes en 2015).
Au début la nouvelle, l’auteur explique de façon amusante pourquoi il a choisi la lettre F comme nom du Mouvement.
Le narrateur vit en France et il est régulièrement contacté par ses deux sœurs qui vivent avec leur mari à Jaffna et qui réclament de l’argent pour soigner leur vieux père mais Appa n’a jamais été conduit à l’hôpital et reçoit de leur part le minimum de soins… « Mais la semaine dernière, sa sœur aînée lui avait dit au téléphone que cette fois-ci, Appa ne se remettrait pas et qu’il se réveillait en sursaut la nuit pour demander si son fils était revenu. Alors il décida d’aller le voir. Il avait perdu sa mère trois ans à peine après son arrivée en France. La crémation d’Amma s’était faite sans un fils pour allumer le bûcher. Son père avait dit en sanglotant qu’il espérait qu’une telle fin lui serait épargnée. » (p. 13-14).
Alors qu’il est dans l’avion qui le conduit de Francfort (Allemagne) à Colombo (Sri Lanka), son voisin s’avère être Tamoul et engager la conversation. Mais il a l’impression d’avoir déjà vu cet homme « ailleurs, et avec un fusil » (p. 16). Le narrateur passe alors en revue les différents moments de la guérilla tamoule durant lesquels il pense avoir rencontré cet homme avec un fusil. De quel mouvement parmi les 37 qui existaient peut-il bien être ? « Tout se bousculait dans sa cervelle : « Pendant vingt ans, j’ai tout verrouillé et je me suis installé à Paris. J’aurais mieux fait d’y rester. Je suis revenu par amour filial, et au premier pas dans ce pays, je me mets en danger et je tremble de trouille. » Il se tenait dans la cabine, frémissant d’angoisse. » (p. 22). Le narrateur transmet très bien son anxiété au lecteur et l’auteur fait une sacrée pirouette finale !
Le passé ressurgit, peut-être pas toujours, mais un jour probablement, et il est angoissant surtout lorsqu’on a vécu la guerre (la minorité tamoule contre les militaires cinghalais), qu’on a été profondément touché (voire abîmé) et qu’on a tout fait pour oublier ces moments d’horreur. J’ai très envie, après cette nouvelle lue pour le Mois des nouvelles et le Projet Ombre 2021 de lire d’autres titres d’Antonythasan Jesuthasan. Et vous, avez-vous déjà lu cet auteur ?