Les secrets de la princesse de Cadignan de Honoré de Balzac

Illustration d’Alcide Théophile Robaudi (1847-1928)

Les secrets de la princesse de Cadignan de Honoré de Balzac.

Nouvelle de 70 pages parue dans le journal La Presse en 1839 (le titre est alors Une princesse parisienne) avant d’être publiée dans le tome XI de La Comédie humaine en 1855 (nouvelle dédiée à Théophile Gautier). Cette Études de femmes fait partie des Scènes de la vie parisienne.

Genres : littérature française, nouvelle, classique.

Honoré de Balzac : je vous laisse consulter sa bio et mes précédentes lectures ici. LC (lecture commune) avec Maggie, Claudia et Rachel. J’en profite pour vous annoncer La Quinzaine balzacienne – organisée par les blogs La Barmaid aux lettres et Et si on bouquinait un peu – qui aura lieu du 15 au 30 juin 2023.

« Après les désastres de la Révolution de Juillet qui détruisit plusieurs fortunes aristocratiques soutenues par la Cour », la duchesse de Maufrigneuse, devenue princesse Diane de Cadignan (le nom de jeune fille de sa mère), s’est cloîtrée chez elle, un appartement avec un jardin et deux domestiques mais c’est une croqueuse d’hommes… et de leur fortune ! Elle a un fils de 19 ans, Georges de Maufrigneuse.

L’histoire commence en 1832, elle a 36 ans, elle a connu de nombreux hommes mais elle s’ouvre à l’unique amie qu’elle a gardée, la marquise d’Espard, lui avouant qu’elle n’a jamais connu un amour véritable. « À vous seule, j’oserai dire qu’ici je me suis sentie heureuse. J’étais blasée d’adorations, fatiguée sans plaisir, émue à la superficie sans que l’émotion me traversât le cœur. J’ai trouvé tous les hommes que j’ai connus petits, mesquins, superficiels ; aucun d’eux ne m’a causé la plus légère surprise, ils étaient sans innocence, sans grandeur, sans délicatesse. J’aurais voulu rencontrer quelqu’un qui m’eût imposé. » « Je suis poursuivie dans ma retraite par un regret affreux : je me suis amusée, mais je n’ai pas aimé. » « Enfin, nous voilà, répondit avec une grâce coquette madame d’Espard qui fit un charmant geste d’innocence instruite, et nous sommes, il me semble, encore assez vivantes pour prendre une revanche. »

« Ah ! je voudrais cependant bien ne pas quitter ce monde sans avoir connu les plaisirs du véritable amour, s’écria la princesse. » Alors la marquise d’Espard décide de lui présenter Daniel d’Arthez. « Daniel d’Arthez, un des hommes rares qui de nos jours unissent un beau caractère à un beau talent, avait obtenu déjà non pas toute la popularité que devaient lui mériter ses œuvres, mais une estime respectueuse à laquelle les âmes choisies ne pouvaient rien ajouter. Sa réputation grandira certes encore, mais elle avait alors atteint tout son développement aux yeux des connaisseurs : il est de ces auteurs qui, tôt ou tard, sont mis à leur vraie place, et qui n’en changent plus. Gentilhomme pauvre, il avait compris son époque en demandant tout à une illustration personnelle. »

Daniel d’Arthez fera-t-il l’affaire de la princesse de Cadignan ? « Ce qui m’a manqué jusqu’à présent, c’était un homme d’esprit à jouer. Je n’ai eu que des partenaires et jamais d’adversaires. L’amour était un jeu au lieu d’être un combat. » La marquise d’Espard organise donc la rencontre et les lecteurs vont retrouver quelques personnages de la Comédie humaine (Michel Chrestien qui fut éperdument amoureux de la princesse est mort mais on parle de lui). « Cette soirée était donnée pour cinq personnes : Émile Blondet et madame de Montcornet, Daniel d’Arthez, Rastignac et la princesse de Cadignan. En comptant la maîtresse de la maison, il se trouvait autant d’hommes que de femmes. » ou de la parité chez Balzac 😉

Malgré les manipulations et les mensonges de la princesse de Cadignan, le baron d’Arthez – qui est plus jeune qu’elle – l’aime passionnément et prend sa défense. Il la considère comme une femme libre, au caractère fort, élégante, moderne (alors que le rôle des femmes était plus que minime… Se marier, avoir des enfants, être discrètes…). « Les femmes savent donner à leurs paroles une sainteté particulière, elles leur communiquent je ne sais quoi de vibrant qui étend le sens des idées et leur prête de la profondeur ; si plus tard leur auditeur charmé ne se rend pas compte de ce qu’elles ont dit, le but a été complètement atteint, ce qui est le propre de l’éloquence. […] Ainsi la princesse avait aux yeux de d’Arthez un grand charme, elle était entourée d’une auréole de poésie. » Elle profite de sa naïveté et le prend dans ses filets, « dans les lianes inextricables d’un roman préparé de longue main ». J’ai tout aimé dans cette histoire en particulier les moments où d’Arthez, complètement sous le charme, fait sa cour à la princesse et la chute.

Balzac, très fier de cette œuvre, écrivait à madame Hańska : « C’est la plus grande comédie morale qui existe » et, comme pour se moquer de ses lecteurs (un peu trop curieux de tout savoir), termine par une géniale pirouette, tout le talent de Balzac. Un amour peut-il être véritable et heureux s’il est né de manipulations, séductions et mensonges ?

À noter que Les secrets de la princesse de Cadignan a été adaptée par Jacques Deray en 1982 avec Claudine Augier (Diane de Cadignan), Marina Vlady (marquise d’Espard), Françoise Christophe (comtesse de Montcornet), François Marthouret (Daniel d’Arthez), Pierre Arditi (Émile Blondet) et Niels Arestrup (Rastignac).

Pour 2023 sera classique, ABC illimité (lettre H pour prénom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 15, une relique de ma PàL, tous les Balzac que je n’ai pas encore lus sont des reliques de ma PàL puisque je les ai depuis les années 1980), Challenge lecture 2023 (catégorie 18, une lecture commune, avec Maggie et Rachel) et Les départements français en lecture (Balzac est né à Tours en Indre et Loire).

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Entre les lignes de Baptiste Beaulieu et Dominique Mermoux

Entre les lignes de Baptiste Beaulieu et Dominique Mermoux.

Rue de Sèvres, mai 2021, 168 pages, 20 €, ISBN 978-2-81020-250-8. Vous pouvez feuilleter 8 pages sur le site de l’éditeur.

Genres : bande dessinée française, drame familial, Histoire.

Baptiste Beaulieu naît le 2 août 1985. Il est médecin et auteur. D’abord un blog Alors voilà (pas de mise à jour depuis juin 2021) et un livre où il raconte son quotidien professionnel (Alors voilà : Les 1001 vies des urgences en 2013) puis des romans, des nouvelles, de la poésie et de la bande dessinée (Les mille et une vies des urgences en 2017 et Entre les lignes, adaptée du roman Toutes les histoires d’amour du monde, en 2021).

Dominique Mermoux naît en 1980 en Haute-Savoie. Il étudie à l’École des arts décoratifs à Strasbourg, il obtient un BTS en communication visuelle et un diplôme en illustration. Il travaille comme dessinateur pour la presse et pour des scénaristes de bandes dessinées. Plus d’infos sur son site officiel (j’ai déjà lu L’appel de Galandon et Mermoux et j’avais même rencontré les auteurs !).

Moïse, le grand-père, est mort, « âpre, renfermé, taciturne » (p. 14). Dans ses affaires, son fils, Denis, trouve trois carnets avec des dizaines de lettres et une photo d’une Anne-Lise Schmidt que personne ne connaît. Il veut partir sur les traces de Moïse, pour découvrir son enfance, son passé, pour découvrir ce qu’il n’a jamais dit, ni à son épouse, ni à lui mais il en est empêché par des problèmes cardiaques.

Alors qu’il est hospitalisé, il se confie à Baptiste, son fils qui, étonné, demande : « Il y a quoi dans ces lettres ? – La plus belle histoire d’amour que j’aie jamais lue. » (p. 13). « Les billets de train et l’hôtel sont déjà réservés… » (p. 15) alors le fils se décide : « Je vais y aller, moi. Je partirai à ta place. Sur les traces de Moïse, comme tu dis, avec les carnets. Et quand j’aurai fini, je t’aiderai à trouver cette Anne-Lise. » (p. 16).

Baptiste lit alors les lettres que Moïse écrivait à Anne-Lise et il apprend tout ce qu’il ne savait pas sur son grand-père, Moïse, né le 10 juillet 1910 à Fourmies dans le Nord, son enfance, son meilleur ami, et puis en août 1914 la mobilisation des hommes donc de son père qui ne reviendra pas… À 5 ans, Moïse ne comprend pas vraiment que son père est mort…

Toutes les lettres sont datées du 3 avril de 1960 à 2007, toute une vie ! « Pourquoi écrivait-il une fois par an, toujours à la même date ? » (p. 22).

Dans le Nord de la France, Baptiste rencontre quelques descendants de ceux qui ont connu Moïse mais ils n’ont pas grand-chose à lui raconter… alors il invente des choses à raconter à son père et s’en ouvre à Anna-Lisa, sa sœur aînée qui a été adoptée.

« Sans doute est-ce une émotion effroyable pour les morts qu’on a chéris que d’assister, impuissants, à l’œuvre du temps sur nos douleurs. Tout s’estompe, hélas ou tant mieux ! Même les plus gros chagrins s’émoussent. Mais les regrets, oh, les regrets… Ils enflent avec les années, ils vous dévorent le soir, ils teintent de tristesse le plus joyeux des rires et tournent à l’amer le plus sucré des mets. » (extrait de la lettre du 3 avril 1973, p. 48).

Trente ans après que son père soit parti se battre contre les Allemands, Moïse est mobilisé… « De ma première bataille, je n’ai gardé que l’image d’un immense chaos, et celle de l’arme, vieille et usée, qu’on me colla dans les mains. C’était à R… quelque chose, je ne me souviens plus du nom (Rothel ? Rethel ?), mais je sais que les Allemands étaient les plus forts, c’est cent mètres par cent mètres que nous reculions. Avais-je peur ? Évidemment que oui, ma petite souris. Avais-je le choix ? Évidemment que non. » (extrait de la lettre du 3 avril 1981, p. 69).

Au bout d’un moment, Baptiste se pose la même question que je me pose : « […] à quoi bon rédiger des lettres sans les envoyer ensuite ? Cela n’avait aucun sens. » (p. 73).

Une très belle phrase de Moïse : « […] je ne me fais aucune illusion : c’est si banal, la guerre. La paix, c’est ça qui est rare. Ça qui est extraordinaire […]. » (p. 157).

Quelle bande dessinée magnifique, émouvante, bouleversante même, pourquoi n’ai-je pas repéré le roman paru chez Fayard/Mazarine en octobre 2018 ? C’est tout le XXe siècle qui défile avec les dessins délicats de Dominique Mermoux et le texte profond de Baptiste Beaulieu. Une histoire vraie ! Une histoire d’amour, de guerres, de famille (et de secrets de famille), de paternité, de transmission avec un brin d’humour de temps en temps (heureusement).

Beaucoup de personnes ayant vécu la guerre (ou les deux guerres mais il n’y en a plus il me semble) et les camps n’ont jamais voulu parler mais c’est important pour leurs enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfants. Si vous êtes encore là, parlez, racontez, délivrez-vous ! Je n’ai jamais su ce que mes grands-parents ont vécu enfants pendant la Première guerre mondiale et ce qu’ils ont vécu jeunes adultes pendant la Seconde guerre mondiale…

Ils l’ont lue : Mylène (je savais bien que je l’avais déjà vue quelque part) et aussi Alain Paul sur Cases d’Histoire (abondamment illustré), Caroline, Coco, Hélène et Mumu (qui a aimé les illustrations mais pas l’histoire ni dans le roman ni dans la BD), d’autres ?

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Stéphie) et les challenges Adaptations littéraires (cette BD est l’adaptation du roman de l’auteur), BD 2022, Challenge lecture 2022 (catégorie 53, un livre dont le personnage principal est une personne âgée, il y a Denis et Baptiste bien sûr mais c’est bien Moïse, père de Denis et grand-père de Baptiste, le personnage principal, on le suit de son enfance jusqu’à sa mort et ce sont les lettres qu’il a écrites pendant près de 50 ans que nous lisons).

Ci-dessous, la vidéo présentant le roman et le travail de Baptiste Beaulieu :

Carbone & Silicium de Mathieu Bablet

Carbone & Silicium de Mathieu Bablet.

Ankama, collection Label 619, août 2020, 277 pages, 22,90 €, ISBN 979-10-335-1196-0.

Genres : bande dessinée française, science-fiction.

Mathieu Bablet naît le 9 janvier 1987 à Grenoble (Isère, France). Il étudie les arts appliqués à l’Enseignement aux arts appliqués et à l’image (ENAAI) de Chambéry puis propose ses dessins aux éditions Ankama (en tant qu’auteur et dessinateur). Ses précédents titres (tous chez Ankama) sont La Belle Mort (2011), Adrastée (2 tomes, 2013, 2014) et Shangri-La (2016). Il participe aussi à DoggyBags (BD collective, tome 2 en 2012, 7 et 8 en 2015) et à Midnight Tales en 2018 (BD et nouvelles en recueils, tomes 1 à 4). Plus d’infos sur son site officiel.

Je vais enfin lire cette bande dessinée énorme qui pèse une tonne (!) et qu’il est impossible de lire à bout de bras, allongée !

Extrait de la préface de la professeure Noriko Ito, directrice de recherche à la Tomorrow Foundation :« Comment rendre notre I.A. humaine ? ».

An 1, Silicon Valley. Le marché est inondé de robots américains, chinois et russes (des I.A. rudimentaires de Mekatronic) mais deux I.A. ‘fortes’ sont conçues par l’équipe de la professeure Noriko Ito à la Tomorrow Foundation. Elles connaissent tout de l’humanité et de son histoire, elles n’émettent pas de jugement mais elles peuvent continuer d’apprendre, prendre des décisions, même faire de l’humour et peut-être plus encore.

Malheureusement, elles doivent être rentables (remplacées le plus rapidement et souvent possible) et leur durée de vie n’est prévue que pour 15 ans (Ito s’est montrée convaincante en réunion et a obtenu 15 ans au lieu des 5 prévues par le boss). Mais les I.A., connectées à tout, savent et qu’est-ce que c’est que 15 ans ?… D’autant plus que des milliers d’autres sont déjà en construction, « Nos usines de montage tournent à plein régime, il faut inonder le marché avant que la concurrence ne le fasse. » (p. 19).

Les I.A devront s’occuper des trop nombreuses personnes âgées dont les familles ne veulent plus s’occuper. Mais ces deux I.A. ‘fortes’ sont uniques, elles ont un nom, Carbone (C6) et Silicium (Si14). Et, illégalement, Ito trouve une solution pour eux deux contre leur obsolescence programmée.

Je ne vous dis pas ce qui se passe (à vous de le découvrir en lisant cette incroyable BD) mais c’est du costaud (et pas seulement parce que la BD est lourde) ! Ito donne tout dans son travail au détriment de sa vie personnelle et de sa vie de famille (elle a une fille). Et ce n’est pas toujours facile pour Carbone et Silicium… Mais l’auteur balade ses lecteurs partout dans le monde au fil des années (jusqu’à l’an 271) et ça ne va pas en s’arrangeant, ni pour les humains ni pour les robots… Beaucoup de thèmes sont abordés – qui représentent à la fois l’anticipation, le post apocalyptique, le cyberpunk, la poésie et la philosophie aussi – travail, surpopulation (avec ce que ça implique, migration, famine, vieillissement…), technologie, éthique, transhumanisme, liberté, et aussi collectivité (connectivité), écologie…

Quant aux dessins, ils sont tout simplement splendides, les couleurs parfaites, les cases architecturales et j’ai remarqué quelque chose : les personnages n’ont pas vraiment de pieds, aussi bien les humains que les I.A., j’ai eu l’impression que ça montrait leur fragilité, une possibilité pour eux de tomber (unitairement et collectivement). « Pourquoi toute cette douleur ? Pourquoi toute cette haine ? Pourquoi toute cette violence ? » (p. 178), à votre avis, qui parle, un humain ou un robot ?

Dans la postface, Empreinte Carbone, Alain Damasio invente un mot, et quel mot ! Et je le comprends tout à fait parce que qu’est-ce que j’ai été émue en lisant cette bande dessinée. Il puis, il explique si bien des choses que j’avais à peine osé deviner. Une chose est sûre, Carbone & Silicium est une œuvre grandiose ! Qui a bien mérité ses prix Utopiales BD 2021 et BD Fnac France Inter 2021.

Ils l’ont lu : Benjamin – Une case en plus, Caroline – Un dernier livre avant la fin du mondeJulien – Carnets dystopiques, Mo – Bar à BD, Nausicaah – Marchombre, Nicolas – Just a Word, Noukette, Usbek & Rica, Zoë – Le coin des desperados (abondamment illustré), d’autres ?

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Noukette) et les challenges BD 2022, Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 11, une bande dessinée ou un roman graphique, 5e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 52, un livre qui a gagné un prix littéraire) et Littérature de l’imaginaire #10.

Il existe une édition prestige noir et blanc (2e vidéo) mais je préfère la version couleur.

Liberté sur parole d’Octavio Paz

Liberté sur parole d’Octavio Paz.

Gallimard, collection Poésie n° 75, novembre 1971, 192 pages, ISBN 978-2-07031-789-9. Poèmes traduits de l’espagnol par Jean-Clarence Lambert et revus par l’auteur. Préface de Claude Roy. C’est cette édition que je lis.

Gallimard, collection Du monde entier, réédition en 1990 (apparemment bilingue), 264 pages, 14,70 €, ISBN 978-2-07072-177-1, traduction et préface de Jean-Clarence Lambert.

Genres : littérature mexicaine, poésie, classique.

Octavio Paz naît le 31 mars 1914 à Mexico au Mexique. Il lit dès l’enfance et étudie à l’Université nationale autonome du Mexique. Il a 17 ans lorsqu’il crée sa première revue littéraire Barandal (en 1931), puis une deuxième Cahiers du val de Mexico (en 1933), date à laquelle son premier recueil de poèmes est publié. Une autre revue suivra (littéraire et politique), Vuelta, fondée en 1976 et qui s’arrête en 1998 (à la mort de Paz). Octavio Paz est profondément contre la violence et l’oppression (ce qui déplaît fortement à certains régimes politiques). Il est considéré comme le plus grand poète de langue espagnole du XXe siècle et je suis très contente de l’avoir lu. Il écrit aussi de nombreux essais et traduit de la poésie japonaise (Matsuo Bashô) et chinoise (Tchouang-tseu). Entre autres prix littéraires, il reçoit le prix Nobel de littérature en 1990. Il meurt le 19 avril 1998 à Mexico.

Ce recueil Liberté sur parole contient le texte Liberté sur parole, voici comment il commence : « Là où cessent les frontières, les chemins s’effacent. Là commence le silence. J’avance lentement et je peuple la nuit d’étoiles, de paroles, de la respiration d’une eau lointaine qui m’attend où paraît l’aube. » (p. 15), c’est très beau, je suis séduite (c’est la première fois que je lis de la poésie mexicaine). « Inutile de fermer les yeux, ou de retourner parmi les hommes : cette lucidité ne m’abandonne plus. […] Là où s’effacent les chemins, où s’achève le silence, j’invente le désespoir, l’esprit qui me conçoit, la main qui me dessine, l’œil qui me découvre. […] » (p. 16).

Puis :

1. Condition de nuage (1939-1955) : Le tournesol (4 poèmes), Semences pour un hymne (12 poèmes), Pierres éparses (3 poèmes). Certains poèmes se lisent vite comme ceux de genre haïkus (3 lignes), le premier étant « Le jour ouvre la main / Trois nuages / Et ce peu de paroles. » (p. 23) et il y en a d’autres plus loin. Certains poèmes plus longs se lisent et se relisent : Octavio Paz a des éléments, des inspirations que je ne connais pas mais je comprends à peu près ce qu’il veut dire, l’amour, les jours qui se suivent, les saisons et les éléments ont de l’importance, la parole et la liberté aussi bien sûr.

2. Aigle ou soleil ? (1949-1950) : introduction (2 textes), Sables mouvants (4 poèmes), Aigle ou Soleil ? (19 poèmes). Voici comment cette section débute : « Je commence et recommence. Mais je n’avance pas. Chaque fois qu’elle atteint les lettres fatales, la plume recule : un interdit improbable me ferme le chemin. Hier, investi des pleins pouvoirs, j’écrivais sans peine […]. Aujourd’hui, je lutte seul avec une parole. Celle qui m’appartient, celle à laquelle j’appartiens […] » (p. 45). Liberté (aigle) ou manque (perte) de liberté (soleil) ? Culture hispanique (aigle) ou culture indigène (soleil) ? Octavio Paz joue sur les mots et avec les mots. J’ai ressenti un petit côté kafkaïen durant cette nuit d’insomnie par exemple : « Je me relève : il est à peine une heure. Je m’allonge, mes pieds sortent de la chambre, ma tête perfore les murs. Je m’étends dans l’immensité comme les racines d’un arbre sacré, comme la musique, comme la mer. La nuit se peuple de pattes, de dents, de griffes, de ventouses. Comment défendre ce corps trop grand ? Que font, à des kilomètres de distance mes orteils, mes doigts, mes oreilles ? Je me rétrécis lentement. Le lit craque, mon squelette craque, les charnières du monde grincent. […] » (p. 52). Qu’en pensez-vous ? En tout cas, nous avons ici de la poésie libre, en fait en prose, comme autant d’histoires surréalistes qui parlent d’amour, de folie, de nuit, de prison… « On nous dit : un sentier droit ne mène jamais à l’hiver. Maintenant, mes mains tremblent. Les mots me pendent de la bouche. Donne-moi un petit siège et un peu de soleil. » (p. 92). Je comprends que le petit siège correspond à la culture hispanique et le soleil à la culture amérindienne.

3. À la limite du monde (1937-1958) : introduction (2 poèmes), La saison violente (8 poèmes). Nous retrouvons ici de la poésie plus classique. « Dans la lumière filtrée par les feuilles, / poissons somnambules et absorbés, / passent des hommes, femmes, enfants, bicyclettes. / Ils vont tous, nul ne s’arrête. / Chacun a sa petite affaire : / le cinéma, la messe, le bureau, la mort, / se perdre en d’autres bras, / en d’autres yeux se retrouver, / se souvenir qu’on est un être vivant, l’oublier. / Personne ne veut atteindre la fin, / où la fleur est fruit, le fruit lèvres. » (p. 122). Cette partie est plus sombre, peut-être plus imaginative aussi. « […] voici l’homme qui tombe et se lève et se repaît de poussière et rampe, / l’insecte humain qui troue la pierre, qui troue les siècles et que la lumière carie, / voici la pierre cassée, l’homme cassé, la lumière cassée. » (p. 154). Je pense qu’ici, Paz est désabusé par les violences, le fascisme, les exactions politiques de tous bords…

4. Pierre de soleil (1957, traduction de Benjamin Péret) : un long poème plus note, notice, vie et œuvre d’Octavio Paz. « je cherche sans trouver, j’écris dans la solitude, / il n’y a personne, le jour tombe, l’année tombe, / je tombe avec l’instant, je tombe au fond, / invisible chemin sur des miroirs / qui répètent mon image brisée, / je marche sur des jours, des instants parcourus, / je marche sur les pensées de mon ombre, / je piétine mon ombre en quête d’un instant » (p. 163). C’est beau, c’est triste, peut-être l’auteur se cherche-t-il une place, une autre place dans ce monde…

J’ai lu la préface de Claude Roy après avoir lu le recueil parce que je voulais un œil neuf, un œil ouvert pour cette poésie mexicaine et cet auteur que je lisais pour la première fois, pour m’en imprégner, pour essayer de comprendre par moi-même, mais c’est vrai que cette préface explique des choses sur la vie, les influences (hispaniques et indiennes, révolutions mexicaine et espagnole, ouvertures sur l’Europe, les États-Unis et l’Asie) et l’œuvre d’Octavio Paz, un auteur que je relirai, c’est sûr. Grâce à un grand-père intellectuel indigéniste, à un père avocat qui voyage aux États-Unis, à une tante française qui lui fait découvrir la littérature française, Octavio Paz est, dès l’enfance, ouvert au monde, aux autres, au passé aussi. « Vie vagabonde, entre le Mexique, les États-Unis, la France, le Japon, l’Inde. » (p. 10), il a oublié l’Espagne puisque Paz y est allé durant la révolution (1937). Je comprends mieux les inspirations de Paz, la recherche des racines indiennes comme la poésie nahuatl (Aztèque), sa philosophie, son idéalisme, le côté surréaliste (il était ami avec André Breton, entre autres), son vécu (en France, Espagne, Inde…). « L’homme n’est homme que parmi les hommes. » (p. 13).

Une très belle lecture (et découverte) pour Les classiques c’est fantastique #3 (en août, le thème est sur un air latino, chaleur et lectures qui chantent, direction la littérature classique d’Amérique du sud), mais aussi pour 2022 en classiques, Challenge lecture 2022 (catégorie 37, un livre publié l’année de notre naissance, Liberté sur parole a été publié en 1966), Les textes courts (Condition de nuage fait 42 pages avec la préface, Aigle ou soleil 72 pages, À la limite du monde 42 pages, Pierre de soleil 34 pages) et Un genre par mois (en août, un classique).

Kanopé 2 – Héritage de Louise Joor

Kanopé 2 – Héritage de Louise Joor.

Delcourt, collection Mirages, mai 2019, 136 pages, 17,95 €, ISBN 978-2-75609-497-7.

Genres : bande dessinée belge, écologie, science-fiction.

Louise Joor naît le 18 août 1988 à Bruxelles (Belgique). Son père est libraire bandes dessinées et éditeur, sa mère est dessinatrice, elle est tombée dans le dessin et la BD toute petite ! Elle étudie l’art à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles et s’intéresse beaucoup à l’écologie. Le tome 1 de Kanopé est sa première bande dessinée (Prix Saint-Michel et Prix de la meilleure bande dessinée de science-fiction aux Utopiales 2014). Suivront ce tome 2 de Kanopé, Neska du clan du Lierre (2 tomes) et Résilience (2 tomes). Plus d’infos sur son blog.

2143. « Après des années de recherches, un remède a enfin été mis au point contre les effets des radiations sur l’être humain : les graines de M-Zemm. Leur créateur, le scientifique Pablo Alvarez, est devenu célèbre sur le réseau, mais il refuse de répondre à la question que tout le monde se pose… Où se trouve son mystérieux associé, grâce à qui tout cela a été possible ? » (p. 14).

Kanopé a mis au monde un garçon, Caï, qui a 6 ans. Jean est de retour en Amazonie et il est à sa recherche mais la forêt est différente, tout est inondé et la cabane, en ruines, a été abandonnée par Kanopé depuis longtemps. Elle vit avec Caï et des loutres et ils doivent se protéger de la société Astadel venue faire des prélèvements. D’ailleurs Caï et Jean sont enlevés… La famille sera-t-elle réunie ?

Un récit plus sombre mais une belle conclusion à l’histoire d’amour entre Kanopé et Jean dans un monde encore plus apocalyptique que dans le précédent tome. Je suis ravie d’avoir découvert cette série !

Pour La BD de la semaine, Des histoires et des bulles (catégorie 22, une BD autour de l’écologie, environnement, développement durable, 3e billet). Plus de BD de la semaine chez Noukette.

Pour les autres challenges : Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 31, un enfant sur la couverture, Caï est en haut à droite et c’est exprès qu’on ne le voit pas entièrement), Challenge lecture 2022 (catégorie 3, un livre dont le personnage principal est porteur d’un handicap, c’est le cas d’un des trois personnages principaux), Jeunesse young adult #11, Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie prénom pour Kanopé) et Un genre par mois (en février, c’est la science-fiction).

Kanopé 1 – Rencontre de Louise Joor

Kanopé 1 – Rencontre de Louise Joor.

Delcourt, collection Mirages, avril 2014, 128 pages, 17,95 €, ISBN 978-2-75603-676-2.

Genres : bande dessinée belge, écologie, science-fiction.

Louise Joor naît le 18 août 1988 à Bruxelles (Belgique). Son père est libraire bandes dessinées et éditeur, sa mère est dessinatrice, elle est tombée dans le dessin et la BD toute petite ! Elle étudie l’art à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles et s’intéresse beaucoup à l’écologie. Le tome 1 de Kanopé est sa première bande dessinée (Prix Saint-Michel et Prix de la meilleure bande dessinée de science-fiction aux Utopiales 2014). Suivront Neska du clan du Lierre (2 tomes), Résilience (2 tomes) et le tome 2 de Kanopé dont je parlerai demain. Plus d’infos sur son blog.

« 2137. La Terre est peuplée par 10 milliards d’êtres humains, les ressources naturelles se sont taries et les voyages dans l’espace n’ont donné aucune échappatoire. Si de nouvelles ressources ne sont pas découvertes, l’humanité toute entière est vouée à disparaître. Lentement, la végétation s’est éteinte, les animaux ont disparu et les zones encore vierges ont été avalées par les mégalopoles. Pourtant, il existe un endroit qui résiste encore à l’invasion des hommes… l’Amazonie. » (p. 7).

Ah ah, ça fait un peu « Un village peuplé d’Irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur. ». Je plaisante mais c’est ce qui m’est venu à l’esprit en lisant le début de Kanopé. Je précise que les 10 milliards d’humains sont prévus pour 2050 et que la destruction de la forêt amazonienne atteint déjà presque les 20 % ce qui équivaut à une catastrophe inéluctable (réchauffement, manque d’oxygène, etc.). Mais je respecte le sujet choisi par Louise Joor et sa façon de le traiter en 2014 (même s’il s’en est passé des choses en 7 ans).

Donc ce qui a sauvé l’Amazonie de la folie humaine, c’est l’accident de la centrale nucléaire Manaus au Brésil il y a 119 ans (en 2018). Je vérifie, il y a une seule centrale nucléaire au Brésil, elle se nomme Angra (ou Amiral Alvaro Alberto) et elle est située à Angra dos Reis dans l’État de Rio de Janeiro. Mais revenons à l’Amazonie de fiction de Kanopé. C’est, selon le rapport de S.O.A. (Status Of Amazonia), « un espace malade et instable où les rares espèces végétales et animales ayant survécu à la catastrophe présenteraient aujourd’hui de lourdes mutations. C’est un monde impénétrable et mystérieux qui évolue suivant ses propres règles. » (p. 8-9). Et les dessins sont superbes !

Kanopé est une jeune femme rousse qui vit dans cette jungle verte et colorée dans le respect des êtres qui y vivent. Mais Jean, un hacker informatique échappant à ses poursuivants (des robots), a atterri dans sa maison dans les arbres et se l’est appropriée. Est-ce que ça va être la guerre entre eux ou vont-ils trouver un terrain d’entente ? Leurs deux mondes sont si différents même s’ils vivent sur la même planète.

Une belle bande dessinée post-apocalyptique comme je les aime avec deux chouettes personnages (que tout oppose sauf l’envie de vivre), colorée et divertissante. Bon, pas un chef-d’œuvre mais j’ai très envie de lire le tome 2, Kanopé – Héritage (qu’heureusement j’ai emprunté en même temps). Parce que le cadre est totalement dépaysant et que j’ai bien envie de savoir si Kanopé et Jean vont se revoir. Et parce que, pour une première bande dessinée, c’est tout de même une réussite et que j’ai envie de suivre Louise Joor que je ne connaissais pas jusqu’à maintenant.

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 25, le titre comporte un prénom), Challenge lecture 2022 (catégorie 4, le premier volume d’une série), Des histoires et des bulles (catégorie 22, une BD autour de l’écologie, environnement, développement durable, 2e billet), Jeunesse young adult #11, Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie prénom pour Kanopé), Tour du monde en 80 livres (Belgique) et Un genre par mois (en février, c’est la science-fiction).

L’azalée de Ga-Yan et Shin Ji-sang

L’azalée de Ga-Yan et Shin Ji-sang.

Kidari Studio 키다리이엔티, Gung-eneun Gaekkochi Sanda 궁에는 개꽃이 산다 ou The Wicked Queen (2017) est traduit du coréen par Isabelle Hignette (58 pages).

Genres : manwha, romance historique, webtoon.

Ga-Yan est dessinateur. Shin Ji-Sang 신지상 est scénariste. Yoon Tae Roo 윤태루 est l’autrice du roman dont s’inspire ce manhwa.

Règne de Jin Myungje, quatorzième roi de la dynastie Li (début du XVe siècle). La fille unique de Ke Songsong, Ke Li, orpheline de mère, est belle, intelligente, curieuse et perspicace mais aussi extravagante. Pour ses sept ans, elle veut visiter le Palais impérial mais il est interdit d’y entrer. Pour faire plaisir à la fillette, Ke Songsong, ministre, l’introduit dans le Palais mais Li (qui signifie fleur de poirier) rencontre le prince Eon et le fait tomber dans l’eau. Le prince en colère – et enrhumé – jure de lui trancher la tête la prochaine fois qu’il la verra. « Qui est cette enfant qui a réussi à mettre notre prince si sérieux dans cet état de colère… ? ». Mais Li est tombée amoureuse.

Qu’est-ce qu’un webtoon 웹툰 ? C’est une bande dessinée sud-coréenne (ou manwha) mise en ligne sur une plateforme dédiée comme Webtoon Kakao (de Daum, dès 2003) ou Comic Naver (de Naver, dès 2004) en coréen. D’autres pays comme la Chine (web manhua) et le Japon (webtoons) ont suivi le mouvement, et même la France mais plus tard avec iznéo en 2010, Delitoon en 2011 (qui publie L’azalée) ou Yurai en 2019.

The Wicked Queens compte 130 chapitres parus entre septembre 2017 et juillet 2020. Dommage que je n’aie pu lire que le premier tome… parce que cette histoire et les dessins me plaisaient bien…

Voir la jolie vidéo ci-dessous.

Pour le Challenge coréen #2 et BD, La BD de la semaine (cependant toujours en pause estivale), Challenge de l’été (Corée du Sud, 2e billet), Challenge lecture 2021 (catégorie 32, un livre dont le titre comprend le nom d’une fleur, 3e billet), Des histoires et des bulles (catégorie 40, une BD autour du thème de l’amour), Jeunesse young adult #10 et Les textes courts.

Perfect World 1 de Rie ARUGA

Perfect World 1 de Rie ARUGA.

Akata, octobre 2016, 162 pages, 6,95 €, ISBN 978-2-36974-148-1. パーフェクトワールド (2014) est traduit du japonais par Chiharu Chujo et Nathalie Bougon.

Genres : manga, josei.

Rie ARUGA 有賀リエ naît à Omachi (préfecture de Nagano, Honshû). Sa carrière démarre en 2011 lorsqu’elle reçoit le prix Gold pour une histoire courte, Tentai Kansoku. Plus d’infos sur son compte Twitter. Ce tome 1 de Perfect World est son premier manga publié en volume et « grâce au très bon accueil des lecteurs », ce qui était prévu comme un one-shot est devenu une série (chez Kôdansha) et il a même été adapté au cinéma en 2018 (bande annonce ci-dessous).

Tôkyô. Lors d’une soirée professionnelle, Tsugumi Kawana retrouve Itsuki Ayukawa qu’elle avait connu au lycée et qui était son premier amour. « On n’a jamais été dans la même classe, ni dans le même club. Mais on aimait bien discuter tous les deux. » Elle travaille maintenant pour une entreprise de décoration d’intérieur, Cranberries. Et lui est architecte pour un cabinet d’architecture, Kodan. Mais Itsuki part tôt et Tsugumi se rend compte qu’il est en fauteuil roulant : il a eu un accident durant ses études. « Mon premier amour… est à présent handicapé. Malgré tout… mes sentiments, eux, n’ont pas changé. » Mais, comment faire, que dire ? Elle ne connaît rien au quotidien d’un handicapé… Alors qu’ils se rendent tous les deux à Nagano, pour retrouver leurs anciens amis de lycée, surgit Miki Yukimura, l’ex d’Itsuki : elle l’aurait quitté après l’accident alors qu’ils étaient ensemble depuis des années.

C’est avec subtilité et tendresse que Rie Aruga traite du handicap, des souffrances invisibles et des relations avec une personne handicapée. En plus, Tsugumi et Itsuki font la connaissance d’un ado, également en fauteuil, Haruto, qui lui aussi pratiquait le basket, mais il n’accepte pas du tout sa situation et refuse de revoir, depuis un an, sa petite amie. Pourtant… « Bravo !! À peine arrivé et tu marques déjà ?! Pas de doute, t’es toujours le boss !! Bravo Haruto !! T’es le meilleur !! ».

Un josei est un manga féminin, un manga pour les femmes, mais franchement les hommes peuvent très bien le lire et l’apprécier (d’autant plus qu’il parle de basket). Mais surtout du handicap et des relations ce qui concerne tout le monde ! Le problème, comme souvent, le nombre de tomes… Déjà 11 parus au Japon (10 en France) et la série est encore en cours.

Pour La BD de la semaine et les challenges BD et Jeunesse Young Adult #10. Plus de BD de la semaine chez Moka. Et n’oubliez pas de visiter Mon avent littéraire 2020 pour le jour n° 2.

Rêverie de Golo Zhao

Rêverie de Golo Zhao.

Casterman, juin 2019, 240 pages, 23 €, ISBN 978-2-20309-377-5. Parution en Chine en 2015, traduction du chinois par Olivier Zhao et Nicolas Grivel.

Genres : bande dessinée chinoise, manhua.

Golo Zhao (de son vrai nom ZHAO, Zhi Cheng , 智成) naît le 2 mars 1984 à Guangdong. Il étudie les Beaux-Arts à l’Académie de Guangzhou et le cinéma à l’Université de cinéma de Beijing. Il est dessinateur de bandes dessinées et parmi ses principaux titres : La balade de Yaya (9 tomes) et Kushi (4 tomes) aux éditions Fei et plus récemment Le monde de Zhou Zhou (2 tomes) chez Casterman.

Rêverie, c’est l’histoire de Z., un jeune dessinateur chinois à Paris. C’est un hommage à cette ville, à l’amour mais aussi à la musique, à l’Art et à la littérature ou plutôt à l’imagination. Car, en plus de la visite de la capitale, il y a une série de « Rêveries diurnes » qui peuvent être assimilées à des nouvelles de différents genres : romantisme avec une belle jeune femme, Xiao-Yu, qui dit venir de Jupiter, policier avec l’inspecteur Nicolas chargé de sauver le monde lors de missions secrètes, science-fiction avec une machine à remonter dans le temps, fantastique avec une maladie contagieuse qui fait des trous sur les corps, et tant d’autres choses car Paris, c’est Montmartre, la Tour Eiffel, les cafés, les soirées entre amis… Mais, c’est la dernière nuit de Z. à Paris… Et la question importante, c’est : « Est-ce que tu es fidèle à ton propre style ? » (p. 183).

Rêverie est une bande dessinée (un manhua) onirique qui montre la ville de Paris rêvée par les Chinois, Paris fantasmée, Paris fantastique, Paris fabuleuse et magique mais avant tout Paris romantique. Il y a une belle ambiance, poétique et chaleureuse : toutes les pages sont sur ce même ton orangé. Les dessins sont superbes et il y en a même en pleine page, une incroyable réussite.

Pour La BD de la semaine et les challenges BD et Littérature de l’imaginaire #8 (onirisme, fantastique, science-fiction, etc.).

Plus de BD de la semaine chez Stéphie (lien à venir).

La dame au petit chien arabe de Dana Grigorcea

La dame au petit chien arabe de Dana Grigorcea.

Albin Michel, août 2019, 140 pages, 15 €, ISBN 978-2-226-44101-0. Die Dame mit dem Maghrebinischen Hündchen (2019) est traduit de l’allemand par Dominique Autrand.

Genres : littérature suisse, littérature de langue allemande.

Dana Grigorcea naît le 11 novembre 1979 à Bucarest (Roumanie). Elle vit maintenant en Suisse, à Zurich. Elle est philologue (spécialiste des philologies allemande et néerlandaise) et autrice  (deux précédents livres ne sont pas traduits en français). Plus d’infos (en allemand) sur son site officiel, https://www.grigorcea.ch/.

Printemps, bords du lac, Zurich. Anna, célèbre danseuse, mariée à un médecin, promène le petit chien qu’elle a ramené d’Algérie. Elle rencontre Gürkan, un jardinier Kurde de Turquie, marié et père de trois enfants. « […] c’est une belle journée, avec un soleil radieux et des cygnes blancs sur le lac, dans une des plus belles villes du monde, peuplée de gens affables et apparemment insouciants. » (p. 15). Ils vont devenir amants et se voir tous les jours mais Gürkan n’est pas habitué aux relations extraconjugales. « Il ne fallait pas se sentir coupable de tout, s’empoisonner la vie. Qu’avaient-ils fait de mal ? C’était la nature. L’être humain est rempli d’envies et de désirs. Pourquoi aller contre ? Serait-il plus honnête de se renier soi-même. » (p. 30-31).

Mais ils ne sont pas du même monde (Anna et son mari ont des amis aisés, amateurs d’art) et Anna va se lasser. « Quand un mois se serait écoulé, se disait Anna, le souvenir de Gürkan serait aussi lointain qu’une hirondelle envolée. » (p. 55). Pourtant, un jour d’été, en Italie, elle se rend compte qu’elle pense toujours à Gürkan. « Penser à Gürkan était une évidence. » (p. 68). Et finalement, elle ne supporte plus sa vie artistique et futile. « Cette nuit-là, Anna n’arrivait pas à dormir. De temps en temps elle réveillait son mari et se plaignait d’avoir du mal à respirer. Ce n’était pas tant la chaleur qui étouffait, c’était le silence. » (p. 83).

L’éditeur dit que ce roman est un hommage à Anton Tchekhov, effectivement il est tout en finesse et délicatesse. Et ce roman, très agréable à lire, sur deux saisons, printemps et été, est une jolie histoire d’amour moderne. Le petit chien, tout mignon, a sa place dans le roman, il est l’élément déclencheur. Une chouette découverte et sûrement une romancière à suivre. Un détail : je pense que La dame au petit chien maghrébin plus proche du titre original aurait été préférable.

Une agréable lecture donc pour le challenge 1 % Rentrée littéraire 2019 que je mets dans Voisins Voisines 2019 (Roumanie/Suisse).