Challenge Littérature coréenne illimité

Je suis abonnée à Mon journal livresque de Céline mais je n’ai pas toujours le temps de consulter tous les billets du Reader de WordPress ainsi je rate des choses… C’est donc grâce à Anne que je découvre ce challenge illimité, Littérature coréenne que Céline a créé fin janvier 2023 (ça va, je n’ai pas trop de retard).

Infos, logo, inscription et idées de lectures chez Céline.

Mes lectures coréennes

1. Lu le 24 février et note de lecture publiée dans la foulée, Monsieur Han de Hwang Sok-Yong (10/18, 2004, Corée, 1970)

Publicité

Monsieur Han de Hwang Sok-Yong

Monsieur Han de Hwang Sok-Yong.

Zulma, janvier 2017, 144 pages, 9,95 €, ISBN 978-2-84304-786-2. Je l’ai lu en poche : 10/18 (plus au catalogue), collection Domaine étranger, n° 3724, août 2004, 128 pages, 9,99 €, ISBN 2-264-03987-6. 한씨 연대기 (Hanssi yeondaegi, 1970) est traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet.

Genres : littérature coréenne, roman, Histoire.

Hwang Sok-Yong naît le 4 janvier 1943 à Zhangchun, dans une famille coréenne exilée en Mandchourie (occupée par les Japonais). Il étudie la philosophie à l’université Dongguk (Séoul). Il se rend à Pyongyang, se bat au Sud Viêt-Nam, voyage en Allemagne, aux États-Unis puis retourne à Séoul en 1993 où il est emprisonné. Il est romancier et nouvelliste (une dizaine de ses œuvres est traduite en français).

Lecture commune avec Maggie, entre autres, mais j’avais oublié…

Le vieux Han vit seul dans une chambre au deuxième étage d’une maison et il aide un peu le croque-mort mais un soir il tombe dans les escaliers en rentrant et les voisins doivent l’aider car il est dans un état grave. Madame Min aimerait, après sa mort, récupérer la chambre. Chambre que madame Byon veut aussi. « Les Byon vont pas être contents… J’ai pourtant pas envie de me les mettre à dos en ce moment. Va falloir négocier sans les fâcher… Tout ça pour une chambre minuscule ! » (le mari de madame Min, p. 24).

Flashback. Han Yongdok exerce à l’hôpital et il est professeur de gynécologie à l’hôpital universitaire de Pyongyang. Il n’est pas mobilisé mais il est tout de même inquiet… « Il vivait dans l’angoisse de perdre son poste et d’être remplacé par quelque jeune loup solidement endoctriné, à la tête bourrée de certitudes. » (p. 31). Finalement, avec deux collègues, il est nommé à l’Hôpital du Peuple. « Tâchez de vous rendre utiles au Parti, rachetez vos fautes par le travail. […] Consacrez-vous au salut du peuple. » (p. 35). Mais l’hôpital bombardé est en partie détruit et « Les quelques médecins qui travaillaient là devaient soigner des malades par milliers, sans médicaments, sans matériel. » (p. 36). C’est que « Le pays était ravagé. » (p. 51).

Malheureusement, lorsque Han passe au sud, il doit abandonner sa famille, sa vieille mère, son épouse, leur fils et leur fille. À Séoul, il est considéré comme un espion, abusé par deux faux médecins qui ont besoin de s’associer avec lui pour légitimer leur clinique, etc. Il est finalement arrêté sur dénonciation mensongère et transféré à la prison de Séoul. Han Songsuk, sa sœur qui est veuve et qui élève seule ses enfants, fera tout son possible pour le faire innocenter et libérer mais elle est, comme son frère, confrontée à une dure réalité.

Monsieur Han paraît d’abord en feuilleton en 1970 puis est édité en 1972. L’auteur – qui se qualifie de « réaliste idéaliste » – l’imagine plus comme une chronique que comme un roman « afin de souligner l’authenticité des faits décrits » (préface, p. 5). L’auteur raconte tout, avec précision mais en peu de mots, la division nord sud, la guerre, les gens déracinés dans leur propre pays, les suspicions d’espionnage vis-à-vis des réfugiés du nord au sud… Tout cela est tragique. Hwang Sok-Yong décrit bien ses personnages et les situations mais il ne peut rien faire contre l’Histoire. Car Monsieur Han, c’est l’oncle maternel de l’auteur, médecin mort dans la misère à cause de sa naïveté, de sa sincérité… Mais pour cela, c’est aussi toutes les victimes de ce conflit nord-sud et de ses terribles suites. J’ai eu l’impression de lire du Zola ou du Dickens mais transposés en Corée, vous voyez ce que je veux dire.

Un auteur à découvrir absolument et, de mon côté, je lirai d’autres titres. En avez-vous un à me conseiller (pour plus tard) ?

Pour ABC illimité (lettre M pour titre), Challenge lecture 2023 (catégorie 39, un livre d’un auteur coréen), Tour du monde en 80 livres (Corée du nord) et Un genre par mois (décidément, j’en ai lu des drames en ce mois de février).

Ma sœur Mongsil de KWON Jung-saeng

Ma sœur Mongsil de KWON Jung-saeng.

Decrescenzo, juin 2021, 200 pages, 18 €, ISBN 978-2-367-27103-3. Mongsil eonni 몽실 언니 (1984, 1990, 2007, 2012) est traduit du coréen par PARK Mihwi et Jean-Claude de Crescenzo. Illustrations en couleurs de LEE Chul-soo.

Genres : littérature sud-coréenne, roman jeunesse, Histoire.

KWON Jung-saeng 권정생 naît le 10 septembre 1937 à Tôkyô, donc au Japon mais dans une famille coréenne qui retourne en Corée en 1946. Sa famille est très pauvre et l’adolescent doit travailler au lieu d’aller à l’école. Mais en 1967, il travaille comme gardien dans une église à Andong et publie son premier livre jeunesse en 1969, La crotte du chien (Gang-ajittong), ou Popo du chiot (Paquet, 2006). En 1971 et en 1973, il remporte des concours littéraires pour respectivement L’ombre de l’agneau, Ttallangi (Agiyang-ui geurimja, Ttallang-i) et Maman et la veste de coton (Mumyeong jeogori-wa eomma), carrière lancée avec succès. Il meurt le 17 mai 2007.

LEE Chul-soo naît en 1984, il est illustrateur. Vous pouvez voir ses œuvres sur la collection de Davidson Galleries.

Petit rappel historique. Le Japon occupa la Corée de 1910 à 1945 mais, « La Deuxième guerre mondiale terminée, le Japon défait, la Corée fut libérée du gouvernement colonial japonais. La Libération mit le pays entier en effervescence et la Corée vécut une période d’excitation, comme si elle espérait se débarrasser à coup sûr, une bonne fois pour toutes, de la tristesse accumulée en trente-cinq ans d’occupation. […] les Coréens survivants revinrent dans leur patrie. En dépit de leur espoir, ils ne découvrirent que misère et indifférence à leur sort. Rentrés les mains vides dans un pays dévasté […] en réalité, on les nommait ‘les mendiants du Japon’ […]. » (p. 11).

La famille de Mongsil, installée dans le village de Salgang, fait partie des « compatriotes rentrés au pays » (p. 11). Le père, Jeong, gagne difficilement sa vie, la mère, Milyang, mendie. Mais le petit frère, Jong-ho, meurt et, au printemps 1947, Milyang décide de fuir avec Mongsil (qui a 6 ans) dans un village de montagne, Daet-gol, et de vivre avec un autre homme. « Embarrassée, Mongsil sentit une vague d’émotions la submerger […]. » (p. 15). Mongsil a donc un beau-père, Kim, une grand-mère et vit dans une jolie maison avec de quoi manger chaque jour mais elle est triste pour son père parti loin chercher du travail…

Jeong Mongsil devient dont Kim Mongsil. Mais, en mai de l’année suivante, Milyang accouche d’un garçon prénommé Yeong-deuk qui devient le favori et Mongsil est alors négligée voire traitée comme la servante. « Mongsil éprouvait le plus souvent une peur chronique et une fatigue permanente. » (p. 22-23). D’ailleurs, après une chute (son beau-père l’a poussée), Mongsil a un problème au genou gauche et reste boiteuse… « Pourtant, elle était heureuse de pouvoir marcher de nouveau. Elle reprit les tâches ménagères. Malgré son handicap, elle passait ses journées à faire la vaisselle, à laver le linge et à s’occuper de toutes sortes de menues tâches. » (p. 29).

Et encore une année après, elle repart avec une tante qui est venue la chercher mais elle doit laisser Yeong-deuk, son petit frère qui a un an, et Soon-deok, sa meilleure amie. La tante amène Mongsil à Norusil où le père, Jeong, vit et travaille comme valet de ferme. Mongsil se fait une nouvelle amie, Nam-joo, et peut apprendre à lire et à écrire. Son père se remarie avec Bukchon mais Mongsil n’arrive pas à l’aimer. « Sa mère et Yeong-deuk lui manquaient toujours plus cruellement. » (p. 43). De plus des Coréens, des partisans communistes, descendent de la montagne et volent les habitants des villages de Norusil, Cachibawi-gol et Samgori.

Le soir, pendant que les hommes surveillent, Mongsil et Bukchon qui se sont rapprochées, vont apprendre à l’école. « Notre pays est divisé en deux. Nous devons nous poser des questions sur la stupidité de cette situation : est-ce que le Sud et le Nord se disputent avec leurs propres idées et leurs propres arguments ? Ou bien les deux parties du pays ne sont-elles pas manipulées par les idées des autres pays ? Quand on est ignorant de la réalité, on se laisse facilement duper. Si on ne veut pas le regretter par la suite, il faut d’abord enrichir ses connaissances. » (l’instituteur Choe, p. 54).

Cependant Jeong est mobilisé (la guerre entre le Sud et le Nord a commencé le 25 juin 1950, elle durera trois ans). Bukchon, fragile, accouche d’une petite fille, Nan-nam, et rend l’âme. « Cette nuit-là, les chars de combat de l’Armée populaire communiste apparurent sur la grande route récemment construite. » (p. 70). Mongsil a 9 ans et doit s’occuper de sa petite sœur mais « Mongsil faisait preuve de courage dans l’adversité et l’affrontait avec ténacité. » (p. 105).

Plusieurs fois édité en Corée du Sud, ce roman destiné à la jeunesse est toutefois éprouvant tant les épreuves traversées par Mongsil (et d’autres enfants) sont difficiles. La famille maltraitante, la pauvreté, les enfants qui travaillent, la guerre, le deuil, plusieurs thèmes sont abordés à tel point que ça peut paraître trop mais je pense que tout ça s’est passé tel quel dans de nombreuses familles…

Pour le Challenge coréen #2 bien sûr, Jeunesse young adult #10 et Petit Bac 2021 (catégorie Prénom pour Mongsil). En ce qui concerne Lire en thème : le thème de septembre est ‘une histoire qui se passe dans le milieu scolaire’ (lorsque Mongsil peut enfin aller à l’école, elle apprend à lire, à écrire et elle est même bonne élève), 1er thème secondaire = un enfant/ado sur la couverture (Mongsil), 2e thème secondaire = une histoire vraie/un témoignage (l’auteur s’est inspiré de ce qu’il a vécu enfant – ainsi que ce qu’on vécu de nombreux enfants – lorsque la famille quittait le Japon pour revenir en Corée avec en plus la guerre de Corée).

L’azalée de Ga-Yan et Shin Ji-sang

L’azalée de Ga-Yan et Shin Ji-sang.

Kidari Studio 키다리이엔티, Gung-eneun Gaekkochi Sanda 궁에는 개꽃이 산다 ou The Wicked Queen (2017) est traduit du coréen par Isabelle Hignette (58 pages).

Genres : manwha, romance historique, webtoon.

Ga-Yan est dessinateur. Shin Ji-Sang 신지상 est scénariste. Yoon Tae Roo 윤태루 est l’autrice du roman dont s’inspire ce manhwa.

Règne de Jin Myungje, quatorzième roi de la dynastie Li (début du XVe siècle). La fille unique de Ke Songsong, Ke Li, orpheline de mère, est belle, intelligente, curieuse et perspicace mais aussi extravagante. Pour ses sept ans, elle veut visiter le Palais impérial mais il est interdit d’y entrer. Pour faire plaisir à la fillette, Ke Songsong, ministre, l’introduit dans le Palais mais Li (qui signifie fleur de poirier) rencontre le prince Eon et le fait tomber dans l’eau. Le prince en colère – et enrhumé – jure de lui trancher la tête la prochaine fois qu’il la verra. « Qui est cette enfant qui a réussi à mettre notre prince si sérieux dans cet état de colère… ? ». Mais Li est tombée amoureuse.

Qu’est-ce qu’un webtoon 웹툰 ? C’est une bande dessinée sud-coréenne (ou manwha) mise en ligne sur une plateforme dédiée comme Webtoon Kakao (de Daum, dès 2003) ou Comic Naver (de Naver, dès 2004) en coréen. D’autres pays comme la Chine (web manhua) et le Japon (webtoons) ont suivi le mouvement, et même la France mais plus tard avec iznéo en 2010, Delitoon en 2011 (qui publie L’azalée) ou Yurai en 2019.

The Wicked Queens compte 130 chapitres parus entre septembre 2017 et juillet 2020. Dommage que je n’aie pu lire que le premier tome… parce que cette histoire et les dessins me plaisaient bien…

Voir la jolie vidéo ci-dessous.

Pour le Challenge coréen #2 et BD, La BD de la semaine (cependant toujours en pause estivale), Challenge de l’été (Corée du Sud, 2e billet), Challenge lecture 2021 (catégorie 32, un livre dont le titre comprend le nom d’une fleur, 3e billet), Des histoires et des bulles (catégorie 40, une BD autour du thème de l’amour), Jeunesse young adult #10 et Les textes courts.

Trois contes coréens

Trois contes coréens découverts en juin grâce à un membre du Hanb(o)ok Club sur FB.

Le tigre et le kaki séché sur KBS World. Un énorme tigre qui vit dans la montagne décide de descendre au village pour manger. Un cochon ou un veau ou même un humain. « Il était tellement féroce que même son ombre faisait trembler de peur toutes les autres créatures. » Mais un kaki séché va tout changer !

Frère Lune et Sœur Soleil sur KBS World. « C’est mon dernier. Je t’ai donné tout ce que j’avais. Maintenant, laisse-moi rentrer chez moi ! ». Une femme pauvre est dévorée par un tigre qui a déjà mangé tous ses gâteaux de riz. Maintenant ses deux enfants, un garçon et une fille, doivent échapper au tigre mais comment ?…

Deux bons frères sur KBS World. Comment deux frères, bien qu’orphelins, vivent heureux car ils s’aiment et s’entraident sans rien demander en échange. « Toi en premier ! » « Non, toi d’abord ! ».

Les illustrations sont ⓒ YEOWON MEDIA HANKOOK GARDNER CO. LTD.

Depuis que j’ai lus ces contes (mi-juin), KBS World en a rajouté d’autres dans sa rubrique Il était une fois, profitez-en !

Pour le Challenge coréen #2, Challenge de l’été #2 (Corée du Sud), Contes et légendes #3, Jeunesse young adult #10 et Les textes courts.

PS : s’il n’y a pas de bande dessinée aujourd’hui, c’est parce que La BD de la semaine est en pause en juillet-août mais je publierai tout de même quelques notes de lectures de bandes dessinées pour garder le rythme.

Challenge coréen #2

Une très bonne nouvelle alors que le Challenge coréen s’est terminé hier : Cristie crée le Challenge coréen #2 qui dure du 21 avril 2021 au 21 avril 2022. Bien sûr, je rempile car j’ai encore beaucoup de littérature coréenne et de manhwas à lire et j’ai très envie de (re)voir des films coréens à défaut de dramas (séries coréennes, beaucoup sont historiques ou dramatiques) malheureusement pas diffusés en France.

Logo, infos et inscription chez Cristie.

Le challenge commence pour tous avec la catégorie Débutant, c’est-à-dire un billet (autre que le billet de présentation) et ensuite les paliers augmentent de 5 en 5 :
Palier 1 = j’ai atteint 5 billets, je deviens Visiteur,
Palier 2 = j’ai atteint 10 billets, je deviens Voyageur,
Palier 3 = j’ai atteint 15 billets, je deviens Explorateur,
Palier 4 = j’ai atteint 20 billets, je deviens Amoureux,
Palier 5 = j’ai atteint 25 billets, je deviens Passionné.

Mes billets pour ce challenge

1. Mémoires du masque (3 tomes) de Kim Jung-Han (Asuka, 2004-2005, Corée du Sud)

2. Avant de partir de Mi-Jin Jung et Ja-Seon Gu (Sarbacane, 2019, Corée du Sud)

3. Trois contes coréens : Le tigre et le kaki séché, Frère Lune et Sœur Soleil, Deux bons frères (KBS World, Corée du Sud)

4. L’azalée de Ga-Yan et Shin Ji-sang (Kidari Studio, 2017, Corée du Sud)

5. Ma sœur Mongsil de KWON Jung-saeng (Decrescenzo, 2021, Corée du Sud)

Palier 1 atteint. Dommage je n’ai pas lu tout ce que je voulais lire et je n’ai pas regardé de films (alors que j’adore le cinéma coréen)… Le bilan chez Cristie. Une 3e édition ?

La remontrance du tigre de Park Ji-won

La remontrance du tigre – Histoires excentriques du Pavillon du Jade de Park Ji-won.

Decrescenzo, collection Microfictions, avril 2017, 192 pages, 16 €, ISBN 978-2-36727-057-9. Banggyeong-gak oejeon (XVIIIe siècle) est traduit du coréen par Cho Eun-ra et Stéphane Blois (Prix Daesan de la traduction 2018).

Genres : littérature coréenne, nouvelles, classique.

Park Ji-won naît le 5 février 1737 (période Joseon). Il est nouvelliste (en fait le terme nouvelle n’est pas utilisé, c’est plutôt le terme histoire qui est mis en avant), poète, philosophe et homme politique. Il se marie à 16 ans et étudie auprès d’un philosophe. Il fait partie du courant de pensée silhak (oserais-je dire que ce sont les Lumières du XVIIIe siècle coréen ?). Son œuvre (à l’époque écrite en chinois) ne plaît pas au roi et aux élites (un genre de Voltaire coréen !), il est donc censuré et sa carrière s’arrête en 1792. Il meurt le 20 octobre 1805. Il est traduit pour la première fois en français.

L’histoire des maquignons de chevaux (12 pages) – « On suspend toujours un rideau au-dessus des marionnettes lors d’une représentation afin de dissimuler les fils utilisés pour leur manipulation. » (p. 16). L’auteur est surnommé le « Maître des Traits d’humour ».

L’histoire de Sieur Yedeok « Vertu de l’ordure » (10 pages) – Le Vieil Eom, surnommé Sieur Yedeok par Maître Seongyul est vidangeur, il procède à « la collecte et le transport de toutes les matières fécales produites dans le voisinage. » (p. 26). Serait-il impur alors qu’il fait un excellent travail et œuvre pour le bien de tous avec de l’engrais ?

L’histoire de Min l’Ancien (18 pages) – « Un ami me parla d’un personnage remarquable nommé Min l’Ancien. […] chanteur accompli […] il excellait aussi en l’art de rapporter des récits. » (p. 38-39) et pourtant « Les récits de Min l’Ancien paraissaient déroutants et incohérents. Néanmoins, tout ce qu’il disait était sensé et chargé d’ironie. » (p. 46).

L’histoire de Gwang-mun le mendiant (8 pages + 6 pages) – Ce mendiant est lui aussi un homme pauvre mais intelligent et vertueux. « […] puisque je suis si laid, je ne dois pas supposer qu’une femme puisse être attirée par moi. » (p. 58). Cette histoire est double car il y a une suite en postface.

L’histoire du yangban lettré (10 pages) – Un yangban est un noble lettré mais celui-ci est très pauvre et, ne pouvant remboursé ses dettes, est emprisonné… Le riche homme du village, ravi, veut lui racheter son titre. « Lors de nos rencontres, je me retrouve à m’incliner et à faire mes révérences, tout pétri de respect, comme je le ferais devant un haut-dignitaire. […] Ces occasions ont été nombreuses et profondément humiliantes. » (p. 69). Mais le statut de yangban n’est pas du tout ce qu’il pensait… Une de mes trois histoires préférées.

L’histoire de Kim l’Immortel taoïste (10 pages) – Après avoir donné un fils à son épouse, le jeune Kim Hong-gi part en pèlerinage. Il devient Kim l’Immortel taoïste. Le narrateur qui souffre « d’accès fréquents de mélancolie » (p. 79) charge ses serviteurs d’une mission mais Kim l’Immortel est introuvable…

L’histoire du poète U-sang (20 pages) – U-sang est poète et « traducteur en écriture chinoise » (p. 90). Il fait partie de la délégation coréenne qui va saluer le nouveau Shogun au Japon. Les échanges se faisaient en écriture chinoise (les prononciations coréenne et japonaise étant différentes) et en poésie. Mais lorsqu’il tombe malade, encore jeune, il brûle pratiquement tous ses écrits (son épouse a pu en sauver quelques-uns). « Qui à l’avenir pourrait comprendre ces écrits ? » (p. 99). Les Coréens voyaient les Japonais laids et barbares, je pense que les Japonais voyaient les Coréens de la même façon… Une de mes trois histoires préférées.

La remontrance du tigre (20 pages) – L’auteur dit qu’il a trouvé cette histoire en Chine et qu’il l’a complétée pour qu’elle soit compréhensible. Le tigre a faim et ses chang (fantômes de ses précédentes proies) le conseillent pour son prochain repas, un docteur, une chamane, un lettré confucéen mais rien ne lui fait envie… « Une telle nourriture sera coriace et étrange. Elle ne passera pas en douceur et sera cause d’indigestion ou de nausée. » (p. 112). Y aurait-il « plus de sagesse dans la nature du tigre que dans celle des humains ? » (p. 116). Une de mes trois histoires préférées avec mon passage préféré. « Et pourtant, ces armes ne sont pas même les plus cruelles. L’homme arrache de soyeux poils et les colle ensemble au bout d’une ante pour en faire un objet en pointe. […] On trempe son extrémité dans le fluide noir du calamar et il se meut aussi bien horizontalement que verticalement. Il a la souplesse d’une javeline mais peut être aussi acéré qu’un couteau, aussi tranchant qu’un rasoir. Son bout peut être fendu comme une lance à double pointe, ou aussi droit qu’une flèche. Il peut également tendu comme un arc. S’il fait usage de cette arme, des hordes de fantômes geindront dans la nuit. Oh ! la cruauté de ces hommes qui s’entre-dévorent. Aucun autre animal n’en vient à de pareilles extrémités. » (p. 121). Voici donc la sagesse du tigre, la pire arme est celle que les humains utilisent pour écrire et ça me plaît que le titre ait été choisi pour ce recueil parce que ça met en valeur le travail d’écriture de l’auteur et les messages qu’il veut porter auprès des lecteurs.

L’histoire de Heo Saeng (24 pages) – Heo Saeng souhaite réussir un concours de fonctionnaire mais sur les 10 ans d’études, il lui en reste 3 et son épouse est mécontente de leur pauvre budget. « Tu ne peux être artisan ni marchand, alors pourquoi ne pas te faire brigand ? » (p. 129). Il quitte son épouse, emprunte dix mille nyang à monsieur Byeong, l’homme le plus riche du quartier, qu’il ne connaît même pas et monte une affaire. L’histoire est surprenante puisqu’il crée, de façon tout à fait honnête, une île utopique avec d’anciens brigands à qui il a demandé de se ranger. Il démontre que des hommes de valeur mais pauvres ne réussissent jamais le concours et ne peuvent servir leur pays alors qu’ils ont des capacités.

L’histoire d’une femme vertueuse de Hamyang, née Pak (10 pages) – Une femme doit fidélité à son mari même en cas de veuvage. Il y a donc de nombreux cas de suicide ce qui est très bien considéré par les familles. « Voilà une fidélité hautement vertueuse, mais ne peut-on pas la considérer quelque peu excessive ? » (p. 153). En fait, la vie de la femme n’est que sacrifice, même si on appelle ça la vertu et je pense qu’il est rare qu’un homme s’intéresse à la condition des femmes veuves surtout au XVIIIe siècle.

Après le Mooc XVIIIe siècle, le combat des Lumières (février-mars), j’étais ravie de lire ce livre d’un auteur coréen du XVIIIe siècle ! Et je remercie Cristie, l’organisatrice du Challenge coréen, et Decrescenzo éditeurs car j’ai reçu ce livre dans le cadre du challenge. Je l’ai choisi librement sur le site de l’éditeur, j’avoue que c’est la couverture qui m’a d’abord attirée et ensuite le genre (nouvelles) et le fait que ce soit un classique.

10 histoires (jeon) donc, 10 nouvelles qui racontent la vie d’hommes pauvres mais méritants, 10 nouvelles écrites au XVIIIe siècle en Corée par un grand écrivain qui était aussi philosophe, homme politique et artiste (calligraphie, peinture). « Le jeon désignait un récit relativement court en prose dépourvu de descriptions sinon sommaires, écrit dans l’intention de transmettre, sous certaines restrictions idéologiques, de manière plutôt linéaire et à travers quelques anecdotes seulement, jugées significatives, l’histoire de la vie d’un individu considéré exemplaire à quelque titre, et ce dans une optique didactique sinon édifiante. » explique la présentation (p. 8). J’avais déjà remarqué, dans Le rire de 17 personnes, anthologie de nouvelles contemporaines nord-coréennes, que les nouvelles étaient construites différemment en Corée qu’en Europe (où le texte me semble plus incisif et où il y a une chute) mais ces histoires peuvent être édifiantes, enrichissantes voire surprenantes pour les lecteurs occidentaux. J’ai bien aimé un certain humour, les extraits de poésie et le fait que l’auteur s’adresse parfois aux lecteurs mais je pense n’avoir pas percuté à toutes les références historiques et culturelles. Il y a heureusement dans ce recueil de nombreuses explications – à mon avis indispensables – présentation et note liminaire (au début de livre), notes (en bas de pages), répertoire, carte du Joseon (nom ancien de la Corée), notice biographique et bibliographie (en fin de volume). Je vous ai donné mes trois histoires préférées mais ne pensez pas que les autres sont moindres.

Une belle lecture que je ne peux que vous conseiller – si vous vous intéressez à l’histoire, à la culture et à la littérature coréennes – et que je mets bien sûr dans le Challenge coréen mais aussi dans 2021, cette année sera classique, Challenge lecture 2021 (catégorie 19, un recueil de nouvelles), Petit Bac 2021 (catégorie Animal), Projet Ombre 2021 et Les textes courts.

East Asia Digital Library Collection

East Asia Digital Library (EADL), c’est la Bibliothèque Numérique d’Asie de l’Est. En effet, la National Diet Library (Japon) et la National Library of Korea (Corée) ont créé conjointement ce portail culturel unique et libre de droits.

Un beau rapprochement entre les deux pays, pour partager à la consultation des documents et archives (par ordre chronologique ou par sujet) en japonais, en coréen, en chinois (les deux pays utilisant par le passé le chinois) et… en anglais. Histoire, faune et flore, médecine, bouddhisme, correspondances, Arts (dessins, peintures, calligraphies), romans, etc., de précieux documents qui datent d’entre 500 et 2000.

Allez vite consulter les collections coréenne et japonaise sur l’EADL !

Conférence sur la cuisine coréenne

Une conférence du 2 novembre 2020 par Jean-Yves Ruaux, journaliste et professeur à Busan (en Corée du Sud) et à Rennes (en France) offerte par le Centre culturel coréen de Paris et visible sur YouTube.

Vous voulez tout savoir sur le kimchi, le bibimpap, les nouilles, les fêtes coréennes, etc. ? Cette conférence d’environ 35 minutes – présentée avec humour – est faite pour vous ! Mais attention, elle donne faim !!! En tout cas, elle m’a donné faim, sauf pour les viandes et poissons crus… Mais le soir, chez moi, c’est soupe… Cependant soupe avec du chou donc c’est presque kimchi 😛

J’ai aimé :

– les références légendaires (Tangun, ail), historiques (avec la Chine, le Japon, l’Inde, l’Asie centrale), littéraires (Kim Ae-Ran), artistiques (estampes) et même érotiques : il conseille Aubergines magiques, contes érotiques de Corée de Li Jin-Mieung et Maurice Coyaud (couverture ci-contre) ;

– les comparaisons avec les cuisines chinoise et japonaise, au niveau des aliments (échanges, influences, différences) mais aussi de la vaisselle (par exemple bols de riz différents, baguettes différentes en métal et pas en bois) ;

– les objectifs de la cuisine coréenne : être bon, faire du bien et mettre en harmonie avec l’univers, la nature et les saisons, avec les aliments indispensables : le chou (kimchi), le riz, l’ail, le piment.

Je précise que j’ai déjà mangé coréen : trois (ou quatre) fois dans un restaurant coréen tenu par des Coréens (qui a malheureusement fermé) et une fois dans un restaurant coréen au Japon, et c’était très très bon, excellent même.

Jean-Yves Ruaux m’a fait rire lorsqu’il a dit que la Corée, c’est la Bretagne de l’Extrême-Orient.

Un billet que je mets dans le Challenge coréen et Des livres (et des écrans) en cuisine 2020.

Corée, une guerre sans fin (documentaire)

J’ai regardé ce documentaire en replay sur Arte. Regardez-le aussi avant qu’il ne disparaisse (apparemment il est disponible jusqu’au 17 juillet 2020) ou alors vous aurez accès à la VOD ou au visionnage en DVD.

Corée, une guerre sans fin est un documentaire français réalisé par John Magio en 2017 ; il dure 89 minutes.

La Corée ou Choson, « pays du matin calme », n’a malheureusement pas été si calme au XXe siècle.

Toutes les guerres sont horribles mais la guerre de Corée, pendant la guerre froide, a été vraiment horrible et de nombreux militaires et civils sont morts dont certains exécutés (j’ai pris quelques notes : 36 000 GI et plus de 2 millions de Coréens sont morts…).

En voyant ce documentaire, on comprend mieux la fascination du leader nord-coréen (des trois leaders qui se sont suivis en fait) pour le nucléaire et la haine envers les Américains. Et aussi une menace qui pèse sur le monde depuis des décennies (nucléaire mais pas seulement).

Août 1945 : avec la capitulation du Japon, les Japonais quittent la Corée après 40 ans d’occupation, ça c’est la bonne nouvelle pour les Coréens !

Mais… Truman, président des États-Unis, d’un côté et Staline, leader de l’Union Soviétique de l’autre, se partagent en 30 minutes la Corée : une ligne droite est tracée au 38e Parallèle ! Au nord, Staline (puis Mao) soutient Kim Il-sung et les communistes ; au sud, les États-Unis soutiennent le premier président de Corée du Sud « libre », Rhee Syngman. Tout le monde pense que cette séparation est temporaire et que le pays sera réunifié jusqu’à ce que les soldats nord-coréens passent la « frontière » et s’abattent trois jours après sur Séoul. Truman, toujours président des États-Unis et l’ONU sont d’accord pour lutter contre la propagation de l’idéologie communiste et aider les Sud-Coréens.

Bien sûr, certains vont critiquer l’ingérence américaine sauf que si un pays appelle à l’aide, c’est logique d’y aller, non ? Donc près de 250 000 soldats non seulement américains (dont le célèbre général Douglas MacArthur, héros de guerre, basé au Japon), mais aussi anglais, australiens, français et d’une douzaine d’autres pays sont envoyés par l’ONU en Corée du Sud. Les soldats nord-coréens bien équipés avec les chars soviétiques ont envahi le sud ; il ne reste plus qu’une petite portion dans le sud-est, Pusan (renommée Busan). La guerre dure de 1950 à 1953. En Corée du Nord, il est enseigné que ce sont les Américains qui ont enclenché cette guerre… Il n’y a pas eu de cessez-le-feu, la guerre n’est pas finie…

Je ne vous raconte pas tout, il faut voir ce documentaire exceptionnel, objectif, passionnant, avec des images d’archives inédites et des témoignages émouvants. Plus tard, des journalistes ont enquêté sur les massacres de civils (des soldats Nord-Coréens pouvaient se cacher parmi eux donc personne n’était épargné, c’était les ordres mais c’était un crime de guerre…), en particulier sur le massacre de No Gun Ri dont j’avais déjà entendu parler car j’avais acheté Massacre au pont de NoGunRi de Park Kun-woong paru au premier trimestre 2007 aux éditions Coconino Press – Vertige Graphic qui, je le crains, n’existent plus… Mais si je retrouve ce manwha, je le lirai pour le Challenge coréen.