La lionne d’Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg

La lionne : un portrait de Karen Blixen d’Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg.

Sarbacane, octobre 2015, 200 pages, 24,50 €, ISBN 978-2-84865-829-2.

Genres : bande dessinée franco-danoise, biographie, Histoire.

Anne-Caroline Pandolfo naît le 7 juin 1970. Elle étudie les lettres modernes puis les arts décoratifs à Strasbourg. Elle travaille d’abord dans l’animation avant de devenir autrice pour la jeunesse puis autrice de bandes dessinées. Plus d’infos sur son site officiel.

Terkel Risbjerg naît le 5 décembre 1974 à Copenhague (Danemark). Il est dessinateur. Il rencontre Anne-Caroline Pandolfo en 2000 à Paris où il travaille dans l’animation, une collaboration naît entre eux et leur première bande dessinée, Mine une vie de chat, paraît en 2012. Suivront d’autres titres au fil des années dont La lionne.

Printemps 1885. Karen Christentze Dinesen naît, de son « petit nom affectueux : Tanne » (p. 7).

« Autour de son berceau étaient rassemblées 7 fées remarquables. Chacune avait le désir de faire don à l’adorable petite, de qualités particulières. » (p. 8).

La première fée est Nietzsche qui offre son livre tout juste paru, Ainsi parlait Zarathoustra, et lui raconte l’histoire de Le chameau, le lion et l’enfant mais il y a aussi un dragon en fait.

La deuxième fée est un lion, la troisième Shéhérazade, la quatrième le diable, la cinquième est William Shakespeare, la sixième un roi africain, et « La septième et dernière fée était la cigogne. Elle avait beaucoup à dire, mais elle n’en eut pas le temps. » (p. 19).

Bien sûr, cette très belle bande dessinée parle de la vie de Karen Blixen, la célèbre autrice danoise de Out of Africa mais elle parle surtout de la liberté de l’esprit, la volonté et le libre-arbitre, la puissance, la découverte, l’art de conter et l’imagination, l’Afrique, la sagesse et les embûches (devinez quelle fée a offert ça !).

Du côté maternel. Manoir de Mattrup, nord du Danemark, avec Mama Mary Westenholz, tyran de la perfection morale, mère de 7 enfants dont Ingeborg qui donnera naissance à Karen.

Du côté paternel. Château de Katholm, nord-est du Danemark, la famille Dinesen, une des plus grandes familles du pays. 8 enfants dont Wilhelm, le cadet qui sera le père de Karen.

Wilhelm et Ingeborg ont 5 enfants, Ea (1883), Karen (1885), Ella (1886), Thomas (1892) et Anders (1894), élevés de la même façon mais Karen est la préférée de Wilhelm. Il lui parle de liberté, d’oiseaux. « Imagine ces mondes merveilleux qu’ils ont vus de leurs yeux. » (p. 31) mais il meurt lorsqu’elle a 10 ans.

Karen (Tanne) se réfugie alors dans les livres, Henrik Ibsen, Friedrich Nietzsche, Hans Christian Andersen, Jens Peter Jacobsen, August Strindberg, William Shakespeare, Soren Kierkegaard (p. 57) puis d’autres comme « Jane Austen, Rousseau, Mme de Staël, Huysmans, Selma Lagerlöf, Flaubert, Racine, Dickens, Joyce, Goethe, George Sand, Baudelaire, Walter Scott, Mary Shelley, Lewis Caroll, les sœurs Brontë, Kipling » entre autres (p. 59).

Et, inspirée par toutes ses lectures, la jeune fille se rebelle : « J’en peux plus ! J’ai besoin de poésie… d’imagination… de grandeur… de folie ! Je n’en peux plus de vos idées domestiques ! Je n’en peux plus d’être repliée sur moi-même… dans une famille repliée sur elle-même… dans un pays replié sur lui-même !! Donnez-moi de l’air !!! » (p. 61). Et, en 1903, elles est inscrite à l’Académie des Beaux-Arts de Copenhague.

Un jour qu’elle visite la famille de son père au château de Frijsenborg, où vit « le comte Mogens Christian Krag-Juel-Vind-Frijs […] cousin de son père et son meilleur ami » (p. 71), Daisy Frijs, une des filles du comte, lui présente Hans von Blixen-Finecke. « L’imagination de Tanne s’emballa comme un cheval fougueux. » (p. 76). Mais il ne s’intéresse pas à elle alors elle se rapproche de son frère jumeau, Bror Blixen-Finecke. Elle l’épouse, devient baronne et s’envole avec lui pour l’Afrique.

1913, « une ferme à 2000 mètres d’altitude, avec une vue incroyable sur le Ngong, la grande chaîne de montagnes du Kenya. » (p. 87). La jeune baronne découvre les kikuyus, des éleveurs pacifiques, les masaïs, des guerriers et Farah qui est venu l’accueillir à son arrivée à Mombasa devient un véritable ami. « M’basu… tu es une lionne ! », lui dit-il (p. 102).

Après son divorce, Karen reste ‘seule’ dans la ferme africaine et rencontre Denys Fich-Hatton, un « aristocrate anglais, beau, sportif, exceptionnellement cultivé. » (p. 111) et passionné par la nature, la vie sauvage et l’Afrique.

Je triche un peu pour Les classiques c’est fantastique sur le thème Quand l’histoire raconte l’Histoire mais franchement XIXe siècle, littérature, aventure, amour, Afrique, tout y est pour une histoire qui raconte l’Histoire, celle de Karen Blixen et de sa famille, celle d’une Afrique et d’Africains qui ont disparu. J’en profite pour mettre aussi dans 2021, cette année sera classique. Ainsi que dans Challenge nordique, Des histoires et des bulles (catégorie 17, un animal dans le titre), Jeunesse young adult #11 et Petit Bac 2021 (catégorie Animal pour lionne).

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Challenge nordique avec Marjorie

Marjorie – du blog Chroniques littéraires – a créé ce Challenge nordique en mars 2014 et il est devenu perpétuel. Mais il se perd un peu dans la blogosphère surchargée alors Marjorie lui donne un petit coup de fouet en ce début d’année pour le relancer et propose un nouveau logo (ci-contre).

Comme j’ai fait un beau score lors du Décembre nordique 2020 (10 billets), j’ai bien envie de m’inscrire à ce Challenge nordique : lectures (romans, BD, mangas, livres audios, romans graphiques…), culture, films, séries, recettes, voyages…

Infos, inscription et logo chez Marjorie + le groupe FB dont je suis en fait membre depuis janvier 2017 (c’est sûrement pour ça que je pensais déjà participer à ce challenge).

J’ai fait des petites recherches pour comprendre la différence entre nordique et scandinave… Alors Skandinavien est un mot commun aux Danois, Norvégiens et Suédois. Donc au niveau linguistique, la Scandinavie, c’est le Danemark, la Norvège et la Suède, plus les îles Féroé qui est un archipel danois. Mais, « pays nordiques » (Norden en danois, norvégien et suédois) a été créé car, géographiquement, la Finlande et l’Islande sont aussi au nord de l’Europe.

Sont donc concernés par ce challenge : le Danemark (et son archipel des îles Féroé), la Norvège, la Suède auxquels se rajoutent l’Islande, la Finlande (et sa province autonome d’Åland) ainsi que le Groënland (pour son patrimoine historique et culturel scandinave et ses relations étroites avec les pays cités plus haut, d’autant plus qu’il est rattaché au Danemark).

Mes billets pour ce challenge

1.  La gouvernante suédoise de Marie Sizun (Arléa, 2016, France), l’autrice est Française mais le roman se déroule en Suède

2. Patte de velours, œil de lynx de Maria Ernestam (Gaïa, 2015, Suède)

3. Extincta de Victor Dixen (Robert Laffont, 2019, France), l’auteur est Français mais de père Danois et surtout le roman se déroule dans la région de Svalbard (archipel norvégien)

4. Quand nous nous réveillerons d’entre les morts de Henrik Ibsen (Actes Sud, 2005, Norvège, 1899)

5. La lionne : un portrait de Karen Blixen d’Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg (Sarbacane, 2015, France et Danemark), l’histoire en bande dessinée de Karen Blixen, célèbre autrice danoise

6. Message personnel (Opcop 1) d’Arne Dahl (Actes Sud, 2014, Suède)

7. Factomule – Grand thriller politique international d’Øyvind Torseter (La joie de lire, 2021, Norvège)

8. Tête de mule d’Øyvind Torseter (La joie de lire, 2016, Norvège)

9. L’Autre Paris d’Ivar Lo-Johansson (Ginkgo, 2016, Suède, 1954)

10. Le dernier des siens de Sybille Grimbert (Anne Carrière, 2022, France), l’autrice est Française mais le roman commence à Eldey (Islande) et se déroule à Orkney (archipel dans le Grand Nord)

Octobre de Søren Sveistrup

Octobre de Søren Sveistrup.

Albin Michel, février 2019, 640 pages, 22,90 €, ISBN 978-2-22643-899-7. Kastanjemanden (2018) est traduit du danois par Caroline Berg. Je l’ai lu en poche : Le livre de poche, février 2020, 736 pages, 9,20 €, ISBN 978-2-25324-153-9.

Genres : littérature danoise, roman policier.

Søren Sveistrup naît le 7 janvier 1968 à Kastrup (banlieue de Copenhague) au Danemark. Il est scénariste, plus spécialement connu pour la série télévisée Forbrydelsen c’est-à-dire The Killing. Octobre est son premier roman et a reçu le prix Barry 2020 (prix littéraire policier décerné depuis 1997).

Octobre 1989. Marius Larsen, commissaire proche de la retraite, se rend à la ferme d’Ørum pour un problème de bétail mais, sur place, c’est l’horreur !

Octobre « de nos jours ». Laura Kjær est torturée… « Quand elle revient à elle, elle ignore combien de temps elle est restée évanouie. Il fait encore noir. La voix est toujours là et on dirait presque qu’elle lui a manqué […]. » (p. 21).

Alors que, pour Rosa Hartung, ministre des Affaires sociales, c’est la rentrée parlementaire, Naia Thulin, une jeune inspectrice de la Crim’ depuis 8 mois se rend avec un agent d’Europol sur une scène de crime. « La victime s’appelle Laura Kjær, elle a 37 ans et elle travaillait comme assistante dentaire dans un cabinet de groupe dans le centre de Copenhague. Il semble qu’elle soit allée se coucher et se soit fait surprendre dans son lit par son agresseur. Son petit garçon de 9 ans qui dormait dans sa chambre, située au bout du couloir, n’a rien vu, rien entendu. » (p. 48). Sur la scène de crime, un bonhomme en marrons et une seule empreinte dessus, celle de Kristine Hartung, la fille de la ministre, disparue il y a un an !

L’enquête se révèle difficile, compliquée même car l’agent d’Europol (depuis 5 ans), Mark Hess, un Danois, a en fait été mis à pied par son patron, Freimann…

Mais quelques jours après, c’est Ann Sejer-Lassen qui est torturée et, sur son épaule, un bonhomme en marrons avec toujours les empreintes de Kristine Hartung. Quant aux maris des deux femmes mortes, Hans Henrik Hauge et Erik Sejer-Lassen, ils ne sont pas clean du tout… « Notre assassin se doute sûrement que nous nous apercevrons tôt ou tard que ses victimes ont été signalées aux services sociaux. » (p. 332).

Attention où vous allez mettre les pieds et les yeux. « Contrairement à Hess, Thulin n’a jamais mis les pieds dans un quartier de haute sécurité, même si elle en a évidemment entendu parler. Cet endroit, plus connu sous le nom de QHS psychiatrique, est la plus grande unité pénitentiaire pour malades mentaux du pays. Les quelque trente détenus qui s’y trouvent ont été jugés sur la base de ce qu’on appelle le degré de dangerosité particulière, que les instances juridiques peuvent utiliser dans les rares cas où l’on estime que le criminel jugé est un danger permanent pour ses congénères. Quand cette dangerosité est mise sur le compte d’une pathologie mentale, le détenu est enfermé dans ce QHS psychiatrique, un établissement à mi-chemin entre un hôpital psychiatrique et une prison de haute sécurité. Ceux qui y sont internés le sont toujours pour une durée indéterminée. Parmi les détenus, appelés ici des patients, on trouve des assassins, des pédophiles, des tueurs en série et des pyromanes. Certains d’entre eux ne seront jamais autorisés à reprendre leur place dans la société, parce que leur pathologie les rend imprévisibles et que les psychiatres jugent qu’ils le resteront indéfiniment. » (p. 435-436).

Octobre est un premier roman énorme (pas seulement par son nombre de pages), violent (mais pas trop glauque), intense, intelligent, mené de mains de maître (ils sont forts, ces Scandinaves !) et j’ai hâte que cet auteur publie un autre titre. Tout est bien ficelé, les personnages sont soignés, l’intrigue, le suspense et le rythme sont au top, et je n’ai pas vu le temps passer durant la lecture de ces 700 et quelques pages. Je verrais bien Octobre adapté en série ou en film (et pas seulement parce que l’auteur est scénariste).

Un roman policier idéal pour Décembre nordique que je mets également dans les challenges Polar et thriller 2020-2021 et Voisins Voisines 2020 (Danemark).

Et n’oubliez pas de visiter Mon avent littéraire 2020 pour le jour n° 22.

Deux documentaires sur la littérature scandinave

Hier soir, samedi, sur Arte, deux très beaux documentaires sur la littérature scandinave, parfaits pour Décembre nordique !

Le monde enchanté d’Andersen, documentaire allemand réalisé par Sabine Bier en 2020 sur le Danois Hans Christian Andersen et ses contes dramatiques. Une narration instructive, un agréable exposé historique et social, de belles images et des extraits de petit théâtre en papier d’après les contes (La reine des neiges, Le vilain petit canard, Le soldat de plomb, La princesse au petit pois, La petite sirène…). Je ne vous refais pas le documentaire mais, quelques infos. Andersen naît le 2 avril 1805 à Odense dans une famille très pauvre. Il est très connu pour ses contes (156 contes traduits dans le monde entier) mais il a écrit des romans, des nouvelles, de la poésie, du théâtre, il était aussi dessinateur, artiste (découpages papier, silhouettes) et a beaucoup voyagé (récits de ses voyages). Il meurt le 4 août 1875 à Copenhague. Depuis 1967, le 2 avril est le jour de la Journée internationale du livre pour enfants en hommage au jour de naissance de Hans Christian Andersen. Documentaire de 52 minutes à (re)voir sur Arte. J’aime les contes d’Andersen et je veux vous dire que le challenge Des contes à rendre que j’ai créé en décembre 2012 (il y a 8 ans jour pour jour !) existe toujours mais chez Pauline depuis mai 2015 et le groupe FB est toujours fréquenté.

Sur les traces de Nils Holgersson : Selma Lagerlöf, une conteuse moderne, documentaire allemand réalisé par André Schäfer en 2020. Un beau voyage dans la Suède du XIXe siècle et dans la littérature suédoise. Selma Lagerlöf naît le 20 novembre 1858 dans le Värmland en Suède. Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède est son roman le plus connu mais elle a écrit d’autres romans (une trentaine), des nouvelles (une centaine), de la poésie, ses mémoires ; elle est aussi artiste ; elle était membre de l’Académie les Neuf (académie littéraire suédoise pour promouvoir la littérature, la paix et les droits des femmes) et fut la première femme à être élue à l’Académie suédoise au fauteuil 7 (en 1914) et à recevoir le Prix Nobel de littérature (en 1909) ; elle a elle aussi voyagé en Europe avec son amie Sophie Elkan. Elle était engagée (droits des femmes, politique, homosexualité…). Elle meurt le 16 mars 1940 dans la maison où elle est née. Documentaire de 53 minutes à (re)voir sur Arte. Je n’ai jamais lu cette autrice mais je la lirai un jour, peut-être Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (1906-1907) ou Jerusalem (1901).

Noctenbule a également vu ces deux documentaires.

 Et n’oubliez pas de visiter Mon avent littéraire 2020 pour le jour n° 20.

Perdus en forêt de Helle Helle

Perdus en forêt de Helle Helle.

Phébus, janvier 2020, 160 pages, 16 €, ISBN 978-2-7529-1124-7. Hvis det er (2014) est traduit du danois par Kakob Jakobsen.

Genre : littérature danoise.

Helle Helle, de son vrai nom Helle Olsen, naît le 14 décembre 1965 à Nakskov, une île au nord-est du Danemark. Elle est publiée depuis 1993 (une dizaine de romans). Vous parlez danois ? Plus d’infos sur son site, http://www.hellehelle.net/ (une page en anglais).

Dans une forêt du Jutland, un homme et une femme courent, ils ne se connaissent pas et se croisent par hasard. Mais, lorsque la nuit tombe, ils sont tous deux perdus et se recroisent. Ils vont passer la nuit ensemble et parler. « Nous continuons un moment sans rien dire. La lumière diminue drastiquement. » (p. 16).

Le thème de base est tout simple mais l’idée m’a plu et puis je n’ai jamais lu cette autrice danoise apparemment réputée. Mais… Commencé en mars, ce roman m’est tombé des mains, blabla, ennui… Je pensais le terminer en avril mais je l’ai laissé traîner ! Je reprends sa lecture dans le cadre du Marathon de l’été 2020 – semaine 1 avec la thématique « Terminer ses livres en cours ».

Je reprends donc à la page 72 et je suis un peu perdue… Ah oui, elle raconte, à l’inconnu donc, qu’elle vivait en coloc puis tout le monde est parti et elle s’est retrouvée seule… Plus tard, elle a revu Christian qui avait un fils de trois ans (Magnus, surnommé Buller) mais qui n’était pas en couple alors elle a travaillé avec lui au magasin de ses parents et ils se sont mis ensemble.

Pendant qu’elle raconte, la nuit et le froid se sont bien installés… même s’ils ont trouvé un abri. « Quand crois-tu que nous allons nous en sortir ? me demande-t-elle à un autre moment, sous les couvertures. » (p. 113). Allez, que le jour se lève et qu’ils puissent repartir, qu’on en finisse ! Mais lui est blessé au pied et elle n’a fait que vomir…

Je suis passée à côté de ce roman, mais alors totalement ! Je l’ai pourtant lu jusqu’au bout pour connaître le fin mot de l’histoire mais il n’y en a pas… Je trouve qu’il n’a ni queue ni tête, il est bavard et sans humour… D’autres ont aimé mais Aifelle, comme moi, n’a pas été convaincue alors qu’elle avait apprécié un précédent roman de Helle Helle.

Je ne pense pas relire cette autrice danoise mais je mets tout de même ce roman dans Challenge de l’été (Danemark) et Voisins Voisines 2020 (Danemark aussi).

Café Krilo de Baptiste Boryczka

Café Krilo de Baptiste Boryczka.

Lemieux éditeur, février 2017, 168 pages, 16 €, ISBN 978-2-37344-088-1.

Genres : littérature française,  presque science-fiction.

Baptiste Boryczka est un auteur français qui vit à Copenhague au Danemark, depuis 2003, il connaît donc bien la société danoise. Plus d’infos sur sa page FB.

« Comme beaucoup de jeunes de sa génération qui avaient choisi de rester en Europe, John n’avait pas d’argent, pas d’enfant, peu d’avenir. » (p. 7). John a étudié la littérature nordique, il est maintenant professeur et chercheur à l’université.

« […] elle feuilletait le sésame. C’était bien un passeport chinois de femme au physique européen. Il avait l’air vrai. » (p. 15). Lotte est mécanicienne dans un garage, c’est aussi une activiste féministe et anticléricale.

« Mark était un solide gaillard, fils d’ouvriers copenhaguois. Son père avait été tué lors des répressions antisyndicales d’il y a quinze ans. Avant de mourir, il s’était assuré que son fils prendrait le relais en lui expliquant l’importance de la lutte ; » (p. 24). Mark est manutentionnaire dans un entrepôt, il est aussi délégué syndical.

« L’image de ces trois jeunes adultes regardant la cheminée dans un appartement lugubre d’Europe du Nord traduisait à merveille le marasme politique et économique ambiant. » (p. 28).

Voilà les trois personnages principaux de ce roman atypique, presque de la science-fiction, et en même temps les dangers économiques, politiques, religieux sont déjà présents à notre époque et on craint qu’ils perdurent pendant plusieurs générations puisque l’histoire se déroule dans le quartier de Vesterbro à Copenhague au Danemark au XXIIe siècle. La date n’est pas donnée précisément mais l’auteur a laissé trois-quatre indices dans le roman.

Je vous invite à découvrir pourquoi-comment ses trois jeunes gens vivent dans un immeuble délabré qu’ils ont acquis il y a dix ans (chacun vit dans un appartement et possède un étage bien à soi) dans une société danoise (mais en fait cela concerne toute l’Europe) tout aussi délabrée, carrément « dans la débâcle » (p. 50), « en pleine décrépitude » (p. 57), ravagée, gangrenée par la corruption et sous l’emprise d’un régime politique et religieux tellement totalitaire que les Européens fuient en masse… en Afrique et en Asie ! Au-dessous de cet immeuble, le Café Krilo, saccagé, fermé depuis des années car il était un rendez-vous de contre-culture mais les amis s’y sont rencontrés quand ils étaient ados et rêvent de le rénover et de le rouvrir. « Le Krilo était un drôle d’endroit . » (p. 34).

Une Europe en ruines, des gouvernements totalitaires… Est-ce ce qui attend les Européens dans les prochaines décennies ? Café Krilo est un roman fort, intense, violent, presque pessimiste, mais dans chaque société répressive, que la dictature soit politique ou religieuse ou les deux, une résistance se met en place, toujours, non seulement à l’intérieur mais aussi à l’extérieur, donc il y a toujours un espoir, si minime soit-il. Pour ne pas en arriver là, à nous tous de vivre ensemble au mieux, bien sûr ce n’est pas facile, la crise se fait bien sentir et les politiques qui gouvernent – ou souhaitent gouverner – traînent derrière eux un nombre incalculable de casseroles…

L’écriture de Baptiste Boryczka est toujours aussi élégante, teintée d’humour noir, précise, intense et percutante. Café Krilo est son deuxième roman ; j’avais lu Korzen – paru en août 2015 dans le cadre de la première édition des 68 premières fois – et j’avais décidé de suivre cet auteur attentivement. Après avoir traité l’exil dans Korzen, capitale scandinave imaginaire, l’auteur raconte dans Café Krilo la vie d’Européens restés en Europe malgré les nombreuses difficultés qu’ils rencontrent. Pari réussi pour l’auteur et l’éditeur avec cette deuxième livraison et je suis ravie que l’auteur ait confirmé son talent ! Toutefois j’ai repéré quelques fautes (trois ou quatre) comme « Je ne comprendrais jamais […] » (p. 133) et « Je prendrai les mesures […] » (p . 144) : dans les deux cas, les verbes sont au futur et ne prennent donc pas de « s » ; je sais, je chipote mais c’est important que l’éditeur fasse un réel travail de relecture et correction, non ? Je vous invite à vous pencher sérieusement sur Café Krilo et le message de Baptiste Boryczka car ce jeune romancier est un visionnaire.

Je remercie Baptiste Boryczka et les éditions Lemieux et je mets ce roman dans les challenges Littérature de l’imaginaire et Printemps de l’imaginaire francophone (même s’il n’y a pas écrit science-fiction sur le roman) et Rentrée littéraire janvier 2017 de MicMélo.

PS : j’ai oublié de dire que je voulais faire voyager ce roman ! Manifestez-vous en commentaire. 😉 … Alors, Café Krilo est passé chez Krol, chez Lee Rony (lien de sa note de lecture à venir), chez Edyta, chez Alex et il a pour l’instant bien plu donc il attend ses prochains lecteurs.