Un Afghan à Paris de Mahmud Nasimi

Un Afghan à Paris de Mahmud Nasimi.

Les éditions du Palais, mars 2021, 120 pages, 15 €, ISBN 979-10-90119-918. Préface d’Ayyam Sureau. Parution en poche en septembre 2022.

Genres : littérature franco-afghane, témoignage, poésie.

Mahmud Nasimi naît en 1987 à Jabalsaraj (dans la province de Parwan) en Afghanistan. Il étudie les sciences politiques à l’université de Kaboul. Il quitte l’Afghanistan en avril 2013, sa famille, ses amis et, au bout d’un périple long et dangereux, il arrive en France.

Mahmud n’a pas écrit ce récit en dari mais en français. « Lorsqu’il arrive en France, Mahmud Nasimi ne connaît personne et ne parle pas un mot de français. Il erre dans Paris, seul, muet parmi les sourds, invisible parmi les non-voyants. […] Au père Lachaise, il rencontre Balzac, Molière, Édith Piaf. Au cimetière de Montparnasse, Baudelaire, Sartre, Serge Gainsbourg. » (préface, p. 10). Ainsi il apprend le français.

« J’aime les livres ! Et j’aime les lire ! Mais pas depuis toujours. Jusqu’à mon arrivée en France, je leur tournais le dos. Ils n’avaient que peu d’intérêt à mes yeux. Pire, ils rimaient avec école, obligation, devoir, sanction. En découvrant la littérature française, ce jour où mes pas m’ont conduit au cimetière du Père-Lachaise, j’ai soulevé le voile qui me cachait la beauté du monde. » (p. 17).

« Avant d’arriver en France, je suis passé par plusieurs pays : l’Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne et la Belgique. J’ai fait un voyage inhumain et inimaginable où j’ai approché plusieurs fois la mort, simplement pour sauver ma vie. À cette souffrance incommensurable s’ajoute la souffrance morale de ces sept années perdues où je n’ai pu poursuivre mes études commencées dans mon pays. Je me heurte aujourd’hui à l’incompréhension des gens de mon âge qui comparent leur parcours universitaire et le mien. C’est une profonde peine d’être jugé au lieu d’être compris. » (p. 23).

« […] j’aime la France ! J’y suis arrivé en septembre 2017, les poches vides, le corps fatigué, le cœur blessé, mes désirs envolés. J’ai passé des jours et des nuits dans les rues, dans les parcs ou dans les gares. […] » (p. 31). Malgré l’adversité, « mes deux maîtres mots demeurent : patience et courage. » (p. 40). « La littérature, qui n’existait pas dans ma vie, est venue rompre ma solitude, elle me prend par la main pour m’accompagner chaque jour jusqu’à la fin du voyage. » (p. 45).

Á Ali, son colocataire particulièrement pessimiste. « Je lui ai expliqué calmement que la vie était un voyage fait de hauts et de bas ! Que nous portions tous quelque chose qui nous faisait souffrir. Mais que tant que nous n’abandonnions pas, il y avait de l’espoir. Que sans espoir, la vie n’avait pas de sens. Qu’il nous fallait rester positifs et garder confiance comme devant toutes les épreuves de la vie. » (p. 83).

Mon passage préféré. « S’il est un être à qui vous voulez dire que vous l’aimez, à qui vous voulez pardonner, que vous voulez revoir ou que vous voulez aider, n’attendez plus car demain n’est pas une promesse ! » (p. 100). Parce que Mahmud Nasimi n’est pas tourné que sur lui-même mais tourné vers les autres.

Quoi de mieux pour vous donner envie de lire ce témoignage que ces quelques extraits. Un témoignage, douloureux pour l’auteur, émouvant pour le lecteur, mais empli d’espoir et d’amour. Il y a une illustration en noir et blanc (p. 30) et quelques poèmes tout simples écrits par l’auteur (son amour pour Paris et la France, son enfance et sa mère, l’amitié). Des textes très tendres et sincères sur l’exil, le déracinement, la solitude, la souffrance… et une belle leçon d’espoir et de vie.

Ils l’ont lu : Belette Cannibal Lecteur, Chantal, Lucette, Papivore, d’autres ?

Pour ABC illimité (lettre N pour nom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 4, une (auto) biographie, ici plutôt un témoignage mais auto-biographique), Challenge lecture 2023 (catégorie 21, un livre d’un auteur qu’on n’a jamais lu, 4e billet), Petit Bac 2023 (catégorie Lieu pour Paris) et Tour du monde en 80 livres (Afghanistan).

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La petite voleuse de la Tour Eiffel de Manini, Richez et Ratte

La petite voleuse de la Tour Eiffel de Manini, Richez et Ratte.

Grand Angle, septembre 2021, 64 pages, 16,90 €, ISBN 978-2-8189-7897-9.

Genres : bande dessinée française, Histoire, policier.

Jack Manini naît le 9 juillet 1960 à Montargis dans le Loiret. Il étudie les Arts appliqués, publie dans des magazines (Circus, Pilote…) et Futuropolis édite sa première bande dessinée en 1985. Sur cette BD, il est scénariste.

Hervé Richez naît le 23 juillet 1967 à Saint Malo dans le Nord. Il étudie l’économie scientifique et suit des études commerciales à Lille mais se lance en 1997 dans la bande dessinée. Il est directeur éditorial chez Bamboo. Sur cette BD, il est scénariste.

David Ratte naît le 13 août 1970 à Besançon dans le Doubs. Il étudie d’abord l’architecture d’intérieure puis le dessin publicitaire mais devient commercial dans la métallurgie avant de se lancer en 2007 dans la bande dessinée. J’ai déjà lu sa trilogie Toxic Planet et Le voyage des pères (tomes 1 et 2, tome 3), j’en ai profité pour rapatrier les notes de lecture sur ce blog. Sur cette BD, il est dessinateur et coloriste.

Des mêmes auteurs : Le canonnier de la Tour Eiffel, histoire complète et indépendante parue en mai 2021.

Paris, octobre 1904. La IIIe république est en danger !

L’inspecteur Jules Dormoy et son équipe trouve un noyé, Jules Granjean, un magicien qui laisse une tourterelle dans une cage et une lettre d’amour.

Au même moment, un complot pour rétablir la royauté se met en place et de nombreuses personnes sont victimes de vols à la Tour Eiffel y compris le personnel « au service des Parisiens ».

Mais qui est cette vieille dame avec son panier de violettes ?

Dormoy qui vit avec plusieurs animaux sauvages rescapés va – un peu à l’insu de son plein gré – découvrir une voleuse, Juliette, et résoudre l’affaire des fiches.

Je ne vous en dis pas plus, ce serait divulgâcher ! Cette bande dessinée n’est pas si légère que ça (elle se situe au tout début du XXe siècle avec une affaire politique que je ne connaissais pas) mais elle est fraîche, pétillante et il y flotte comme une charmante odeur de violettes.

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Moka), BD 2022, Les textes courts et dans les deux nouveaux challenges illimités Les départements français en lectures (le Loiret pour Jack Manini) et ABC illimité (à la lettre P avec le titre).

Challenge Les départements français en lectures

Le challenge Les départements français en lectures a été créé début mars 2022 par Flaubauski sur Babelio et relayé mi-octobre par Claude de Livres d’un jour, Audrey de Light and Smell, Céline de Mes chroniques de lectures et peut-être d’autres (Purple Velvet y participe aussi). Ce challenge débute le 1er mars 2022 et il est illimité ; avec l’effet rétroactif, j’ai déjà 17 départements honorés (dont certains avec même deux titres).

Les règles : 1. lire un auteur qui est né dans le département concerné, 2. lire une œuvre d’un auteur français dont l’intrigue, ou une partie de l’intrigue, se passe dans le département concerné. Toutes les lectures sont acceptées, romans, nouvelles, poésie, théâtre, non-fiction, BD… et livres audios. Pour déposer nos liens, donner à Flaubauski les informations dans cet ordre : département, titre, auteur, avis (je pense que c’est le lien vers notre billet).

Mes lectures, département par département

(101 départements, 96 en France métropolitaine dont 2 en Corse et 5 en Outremer).

01 Ain avec Felis silvestris d’Anouk Lejczyk qui naît dans l’Ain et situe son roman en forêt.

02 Aisne

03 Allier

04 Alpes de Haute Provence

05 Hautes Alpes avec Ma folle vie de dessinateur ou comment faire son autoportrait en toutes circonstances de Benjamin Chaud et Taupe & Mulot (4 tomes) d’Henri Meunier et Benjamin Chaud qui naît à Briançon.

06 Alpes Maritimes avec Le chant des baleines de Baudoin qui naît à Nice.

07 Ardèche avec Célestopol 1922 d’Emmanuel Chastellière qui naît à Aubenas mais son livre se déroule sur la Lune !

08 Ardennes

09 Ariège

10 Aube

11 Aude

12 Aveyron

13 Bouches du Rhône

14 Calvados

15 Cantal

16 Charente

17 Charente Maritime

18 Cher

19 Corrèze

2A Corse du Sud

2B Haute Corse

21 Côte d’Or

22 Côtes d’Armor

23 Creuse

24 Dordogne

25 Doubs avec Hernani de Victor Hugo, sûrement le plus célèbre des auteurs nés à Besançon.

26 Drôme avec Nézida – Le vent sur les pierres de Valérie Paturaud, je ne connais pas le lieu de naissance de l’autrice mais elle vit dans la Drôme et son roman y est situé au XIXe siècle.

27 Eure

28 Eure et Loir

29 Finistère

30 Gard

31 Haute Garonne

32 Gers

33 Gironde avec Les oiseaux de Troubs qui naît à Bordeaux mais une partie de sa très belle bande dessinée se déroule au Liban, et Le soldat désaccordé de Gilles Marchand qui naît à Bordeaux

34 Hérault

35 Ille et Vilaine

36 Indre

37 Indre et Loire avec Les secrets de la princesse de Cadignan de Honoré de Balzac qui naît à Tours

38 Isère

39 Jura

40 Landes avec SuperGroom 1 – Justicier malgré lui de Vehlmann et Yoann, l’auteur naît à Mont de Marsan

41 Loir et Cher

42 Loire

43 Haute Loire

44 Loire Atlantique avec Coink, en avant la musique de Lionel Le Néouanic qui naît à Saint-Nazaire.

45 Loiret avec La petite voleuse de la Tour Eiffel de Manini, Richez et Ratte, Jack Manini naît à Montargis

46 Lot

47 Lot et Garonne

48 Lozère

49 Maine et Loire

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50 Manche

51 Marne

52 Haute Marne

53 Mayenne

54 Meurthe et Moselle avec L’extraordinaire voyage du chat de Mossoul raconté par lui-même d’Élise Fontenaille et Sandrine Thommen, l’autrice naît à Nancy mais son histoire se déroule d’Irak en Suède via la Turquie, la Grèce et l’Allemagne

55 Meuse

56 Morbihan

57 Moselle

58 Nièvre

59 Nord avec Charamba, hôtel pour chat – Bobine s’en mêle de Marie Pavlenko et Marie Voyelle , Pavlenko naît à Lille

60 Oise avec Charlock 4 – Attaque chez les Chats-Mouraïs de Sébastien Perez et Benjamin Lacombe, Perez naît à Beauvais

61 Orne

62 Pas de Calais

63 Puy de Dôme avec Avant que le monde ne se ferme d’Alain Mascaro, l’auteur naît à Clermont-Ferrand mais son roman se déroule en Europe de l’Est, en Asie Centrale, Inde et États-Unis

64 Pyrénées Atlantiques

65 Hautes Pyrénées

66 Pyrénées Orientales

67 Bas Rhin avec Un chat dans la gorge d’Émilie Chazerand, Amandine Piu et Carole Bellanger, l’autrice naît à Strasbourg

68 Haut Rhin avec Moka fête Noël et Moka part au ski d’Anne Mahler et Moka ne veut pas dormir, Moka part dans le Jura et Moka a des poux d’Anne Mahler qui naît à Colmar

69 Rhône

70 Haute Saône avec Un libraire de Mérédith Le Dez qui naît en Haute-Saône

71 Saône et Loire

72 Sarthe

73 Savoie

74 Haute Savoie

75 Paris avec Le Bureau des affaires occultes d’Éric Fouassier qui naît à Saint Maur des Fossés (région parisienne) et son roman se déroule à Paris et Au service secret de Marie Antoinette 2 – Pas de répit pour la reine de Frédéric Lenormand qui naît à Paris et l’enquête se déroule également à Paris

76 Seine Maritime

77 Seine et Marne

78 Yvelines avec Lignes de Jacques Arragon, je ne connais pas le lieu de naissance de l’auteur mais son roman se déroule à Versailles puis en milieu rural, et À l’orée du danger – Poèmes de Cyril Dion qui naît à Poissy

79 Deux Sèvres

80 Somme

81 Tarn

82 Tarn et Garonne

83 Var avec Le chant des Fenjicks de Luce Basseterre qui naît à Toulon mais son roman se passe dans l’espace

84 Vaucluse

85 Vendée

86 Vienne

87 Haute Vienne avec L’Aimante de Caroline Doudet qui naît à Limoges mais situe son roman à Paris puis en Auvergne

88 Vosges

89 Yonne

90 Territoire de Belfort

91 Essonne

92 Hauts de Seine avec Go West Young Man de Tiburce Oger qui naît à La Garenne Colombes et La vie qui commence d’Adrien Borne qui naît à Rueil-Malmaison et Europa 1 – La lune de glace de Leo, Rodolphe et Janjetov (Rodolphe naît à Bois Colombes)

93 Seine Saint Denis

94 Val de Marne avec Après le monde de Timothée Leman, l’auteur de cette très belle bande dessinée naît à Sucy en Brie

95 Val d’Oise

971 Guadeloupe

972 Martinique avec Queenie, la marraine de Harlem d’Aurélie Lévy et Elizabeth Colomba, Elizabeth Colomba est d’origine martiniquaise

973 Guyane

974 La Réunion

976 Mayotte

Au service secret de Marie Antoinette 2 – Pas de répit pour la reine de Frédéric Lenormand

Au service secret de Marie Antoinette 2 – Pas de répit pour la reine de Frédéric Lenormand.

La Martinière, octobre 2019, 336 pages, 14,90 €, ISBN 978-2-73249-188-2.

Genres : littérature française, roman policier historique.

Frédéric Lenormand naît le 5 septembre 1964 à Paris. Il grandit au milieu de la culture grâce à sa famille (père professeur, mère directrice d’un centre de documentation, grand-père collectionneur d’art japonais). Il est diplômé en langues (anglais, italien et russe) et étudie à l’Institut d’études politiques de Paris puis à la Sorbonne. À 24 ans, il écrit ses cinq premiers romans puis enchaîne avec les séries policières historiques comme Les nouvelles enquêtes du Juge Ti (27 tomes entre 2004-2021), Les mystères de Venise (5 tomes entre 2008-2012, sous le pseudonyme de Loredan), Voltaire mène l’enquête (13 tomes entre 2011-2020), Arsène Lupin (4 tomes entre 2018-2022), Au service secret de Marie Antoinette (7 tomes entre 2019-2022), entre autres, plus des romans, des essais, du théâtre et de la littérature jeunesse. J’ai rencontré Frédéric Lenormand aux Quais du polar (Lyon) le 30 mars 2013 et il m’a dédicacé une des Nouvelles enquêtes du Juge Ti (je ne sais plus quel titre, il faudrait que je le retrouve, il est sûrement encore dans un carton) ; je l’ai trouvé très sérieux mais ce fut agréable de discuter avec lui (photo ci-dessous). Plus d’infos sur sa page FB.

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Après avoir vu cette série chez Sharon, j’ai été tentée et j’ai réservé les deux premiers tomes qui étaient disponibles dans les bibliothèques, malheureusement je n’ai reçu que le tome 2, donc je lirai L’enquête du Barry, le premier tome, plus tard, tant pis…

Avril 1775, Paris. Rose Bertin est couturière, habilleuse attitrée de la reine. Léonard Autier est coiffeur et perruquier, il tient un salon avec ses deux jeunes frères, Jean-François et Pierre, il est coiffeur attitré de la reine.

Les deux ne s’entendent pas (insultes savoureuses à découvrir) mais, après avoir habillé et coiffé la maréchale de Rochambeau, ils achètent ensemble un billet de loterie pour les bonnes œuvres (la farine a augmenté, personne ne sait pourquoi, et le pain est hors de prix). À leur grande surprise, leur billet à dix sous, le n° 326, gagne « Une splendide œuvre d’art traditionnel des Amériques rapportée par nos valeureux navigateurs ! […] Elle représentait un bonhomme grimaçant, au nez crochu, coiffé d’une couronne de plumes. […] pas très haute […] très massive, compacte, et même pesante. » (p. 22-23). Bizarrement plusieurs personnes veulent leur acheter cette statuette noire, allant même jusqu’à proposer quinze livres ! Rose et Léonard s’enfuient et, lorsque Léonard fait tomber la statuette, Rose comprend : le noir n’est que de la peinture, la statuette est en or massif !

Alors qu’ils retournent chacun à leur boutique, Léonard est alpagué par des messieurs de la guilde des perruquiers-barbiers-chirurgiens de Paris (qu’est-ce que les trois métiers ont à voir entre eux ?). S’il veut conserver la mention « Maître Perruquier » sur son enseigne, il doit avoir l’approbation de la guilde et donc savoir couper un membre, recoudre une plaie, saigner un patient… « Votre ignorance est un outrage à la tradition millénaire de notre corporation ! Sans diplôme de chirurgie, point d’agrément ! » (p. 29). Gloups… Dès le lendemain, Léonard se rend au collège Saint-Côme pour suivre les cours de « Timoléon Rainssard, l’éminent spécialiste du squelette et des organes internes » (p. 31) et il va apprendre des choses bien utiles pour mener des enquêtes, « établir la cause d’un décès grâce à l’examen d’ossements, même très anciens. […] identifier les maladies, les épidémies, les maux divers […] et percer à jour, a posteriori, les manigances des assassins – notamment celles des empoisonneurs, qui sont les plus pervers. […] Voilà qui pouvait aider la police, se dit Léonard. Partant, cela pouvait manifestement aussi aider les coiffeurs aux ordres de la reine. » (p. 32).

C’est grâce à un orfèvre, collectionneur d’origine espagnole, Rubino de Bazazia, que Rose et Léonard apprennent l’histoire de la statuette en or et du fabuleux trésor perdu du pirate Henry Morgan qui reçut cinq malédictions. Comme la statuette est maudite, il refuse de l’acheter et les renvoie chez eux.

Quelques jours après, à Versailles. Ayant raconté une partie de l’histoire de Morgan à Marie-Antoinette, la reine charge Rose et Léonard de retrouver le reste du trésor ainsi elle pourra offrir du pain au peuple. On est loin du « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! », phrase que Jean-Jacques Rousseau dit être celle d’une « grande princesse » (sans la citer) dans ses Confessions (écrites en 1765 et publiées en 1782) et attribuée faussement à Marie-Antoinette. Comment les deux larrons vont-ils trouver un trésor perdu au large « de l’île de Saint-Gonâve, dans la grande baie du côté français de Saint-Domingue. » (p. 59) ? Je vous laisse le découvrir en lisant ce roman à la fois historique et divertissant, genre cozy mystery à la française. Car, de la même façon que la reine d’Angleterre ne peut quitter son palais pour enquêter, elle envoie sa secrétaire particulière, Rozie Oshodi (je parle de Sa Majesté mène l’enquête 1 – Bal tragique à Windsor de S.J. Bennett qui m’avait aussi enchantée mais il y a aussi la série Son espionne royale de Rhys Bowen ou la reine anglaise précédente envoie Georgina enquêter), ici Marie-Antoinette prisonnière du palais de Versailles et espionner par tous, a trouvé deux bons enquêteurs qui peuvent aller partout vu leurs métiers, Rose et Léonard.

C’est aussi un roman social qui se déroule entre avril et mai 1875 et qui parle de la guerre des farines, des augmentations exagérées du prix du pain, du peuple en colère qui se révolte, de Turgot qui avec son libéralisme à l’anglaise embobine le roi Louis XVI (plus préoccupé par ses serrures et ses mécanismes d’horlogerie que par le fait de gouverner mais qui aime son peuple et refuse que les soldats tirent), Turgot donc qui reste sur ses décisions au détriment des avis des autres ministres, mais la reine Marie-Antoinette œuvre en secret (avec Rose et Léonard) pour nourrir le peuple ! D’ailleurs, je pense que plusieurs lecteurs ont eu, comme moi, envie de déguster les macarons qui apparaissent sur la couverture, eh bien le roman est comme ces impertinents macarons (en période de disette), coloré et délicieux !

Quelques jeux de mots amusants avec les ossements de Blanquette de Limoux (p. 33) ou l’alcool la prunelle de Meyzieu (p. 100) et des clins d’œils aux événements qui ont secoué la France avant la pandémie (manifestations, gilets jaunes…).

Sharon qui a lu Le coiffeur frise toujours deux fois (tome 6) et L’enquête du Barry (tome 1) a bien raison, cette série est « très plaisante » et j’ai hâte de lire les autres tomes même si je dois les lire dans le désordre !

Ils l’ont lu : Bianca de Des livres, des livres, Catherine de Ballade au fil de l’eau, Froggy, Sharon (citée plus haut), d’autres ?

Pour Polar et thriller 2022-2023 et Vendredi Lecture avec le thème de septembre, polar historique (je n’ai pas compris si on devait publier le(s) billet(s) en septembre et avant le 4 octobre, date sur le logo ou uniquement le 4 octobre, tant pis…).

Les nouvelles aventures d’Arsène Lupin 1 – Les héritiers de Benoît Abtey et Pierre Deschodt

Les nouvelles aventures d’Arsène Lupin 1 – Les héritiers de Benoît Abtey et Pierre Deschodt.

XO, mars 2016, 352 pages, 19,90 €, ISBN 978-2-84563-657-6.

Genres : littérature française, roman policier historique.

Benoît Abtey naît le 18 octobre 1974 en France. Il étudie à l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) à Paris puis suit des cours de théâtre à l’école de Jean-Laurent Cochet à Romainville (en Seine Saint Denis). Son premier roman est Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi (Flammarion, 2011). Puis une série de trois bandes dessinées, Arsène Lupin, avec Pierre Deschodt (Rue de Sèvres, 2014, 2015, 2016) suivie de ce premier tome, Les héritiers. Malheureusement, il n’y a pas d’autres romans depuis 6 ans, Benoît Abtey s’étant lancé avec Jean-Baptiste Dusséaux dans une série de trois bandes dessinées, Kamarades, sur la révolution russe (Rue de Sèvres, 2015, 2016, 2017).

Pierre Deschodt naît en 1971, il est journaliste et auteur. Peintre aussi et mort ? (lire cet article), est-ce la raison pour laquelle il n’y a toujours pas de suite plus de deux ans après ?

Le jeune député des Basses-Pyrénées, Bérenger de La Motte, fait un discours énergique à la Chambre des députés contre les anarchistes – et en particulier contre Arsène Lupin – à cause de l’accident aux chantiers navals Martin-Laroche. Le lendemain, Georges Clemenceau publie un article édifiant dans L’Écho de Paris, rétablissant la vérité sur la vétusté des chantiers navals et la vilenie de Martin-Laroche coupable de la mort de quarante-trois ouvriers et de plusieurs blessés qui ne pourront plus travailler alors qu’un philanthrope anonyme a aidé les familles des victimes (on devine qui est ce bienfaiteur).

Athéna del Sarto fut la fiancée d’Arsène de La Marche qui fut accusé (à tort) de la mort de son père adoptif et tué lors de son évasion. Bérenger de La Motte a demandé Athéna en mariage mais elle ne l’aime pas, d’autant plus qu’elle a récemment compris que le baron Augustin Lapérière qui a acheté le domaine des de La Marche et accueille des orphelins (à qui elle fait école) est Arsène de La Marche (et Arsène Lupin) et elle veut s’enfuir avec lui. Malheureusement elle s’en ouvre à sa meilleure amie, Virginie, qui couche avec… Bérenger de La Motte.

Juin 1897, Gabriel de Saint-Mérande, grand spécialiste de l’Égypte ancienne, fait une conférence à la Sorbonne et Virginie y assiste. Elle sait qu’il est le mentor de Bérenger de La Motte et souhaite éviter une catastrophe entre Bérenger (son amant), Athéna (sa meilleure amie qu’elle a trahie) et Augustin Lapérière (soupçonné d’être Arsène Lupin).

4 mai 1897, l’industriel Martin-Laroche, Athéna et des centaines d’autres femmes meurent dans l’incendie du Bazar de la Charité et Bérenger de La Motte y est pour quelque chose…

Il y a une erreur de date ici, entre juin 1897 (p. 76) et mai 1897 (et ce n’est pas un flashback)… Virginie n’a pas pu demander de l’aide à Saint-Mérande en juin pour qu’il fasse avorter les événements de mai… Cependant le roman me plaît alors je vais continuer la lecture.

Dix ans après, donc en 1907, l’Angleterre et la France ont bénéficié des accords d’Algésiras au grand dam de l’Allemagne qui occupe tout de même – avec la Belgique – une partie de l’Afrique. Les conquêtes se sont faites grâce aux nouvelles dynasties bourgeoises enrichies et aux riches industriels – qui n’ont pas les mêmes valeurs que l’aristocratie et pour qui seuls le commerce et l’argent comptent… Ont été créées des compagnies et des sociétés pour leurs seuls profits (chemins de fer, minières et forestières…).

« Depuis un an et la conférence d’Algésiras, durant laquelle nous avons agi avec une particulière efficacité, la situation au Maroc n’a fait qu’empirer, répondant ainsi à nos attentes. Comme vous ne l’ignorez sans doute pas, il est parfois nécessaire d’accentuer le désordre afin d’obtenir un ordre véritable, du moins le nôtre. L’ordre de l’Ordre […]. Ce que nous souhaitions s’est donc produit dans les délais voulus […]. » (p. 117). C’est un Anglais qui parle au nom de l’Ordre de l’Araignée (je vous laisse découvrir dans le roman le combat entre la confrérie du Phénix, non pas dans Harry Potter, et la confrérie de l’Araignée, de mon côté étant plutôt du genre arachnophobe, je vote pour le Phénix qui renaît toujours de ses cendres).

Puis les auteurs envoient leurs lecteurs au Maroc (sable chaud et oasis) avant de les faire revenir en France dans un domaine viticole. Mais je vous laisse découvrir tout ça ! Vous allez croiser Ariane Mac Aleister (jeune artiste formée par Gustave Moreau), Arsène Lupin et son meilleur ami Archembault, Georges Clemenceau (journaliste puis président du Conseil), le général Lyautey, la traîtresse Madeleine Levasseur qui vendrait des secrets militaires aux Allemands et qui assure être la complice d’Arsène Lupin (disparu depuis dix ans), etc.

Complots, coups bas, fanatisme des uns et des autres, ce roman, qui mélange faits historiques et fiction, est bourré d’action et de rebondissements.

En plus de l’erreur de date dont j’ai parlé plut haut, il y a une erreur ‘amusante’ page 165. « Au moral comme au physique, l’ambassadeur d’Allemagne était tout le traire de Clemenceau. », il manque ‘con’, c’est con !

Pour les challenges Les adaptations littéraires (une adaptation moderne d’Arsène Lupin de Maurice Leblanc, plus séries télévisées et films en France, séries animées, films d’animation et plus récemment manga au Japon, théâtre…), Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 25, le titre comporte un prénom, Arsène), Challenge lecture 2022 (catégorie 31, un roman dont l’action a lieu dans une capitale européenne, 2e billet), Petit Bac 2022 (catégorie Prénom), Polar et thriller 2022-2023, Shiny Summer Challenge 2022 (menu 1 – Été ensoleillé, sous menu 1 – Mort sur le Nil = policier et thriller, 2e billet), Un genre par mois (en juillet, c’est policier, thriller, polar) et… le Challenge Arsène Lupin (je rajoute les adaptations).

Le doigt de Dalie Farah

Le doigt de Dalie Farah.

Grasset, février 2021, 224 pages, 19 €, ISBN 978-2-24682-411-4.

Genres : littérature française, roman.

Dalie Farah naît le 22 février 1973 à Clermont-Ferrand (Auvergne) de parents algériens exilés en France. Elle étudie la littérature et la linguistique. Elle a une spécialisation sur le XVIe siècle et la démonologie. Elle est agrégée de lettres. Alors qu’elle voulait devenir journaliste, elle se tourne vers l’enseignement et elle est prof de littérature et philosophie en lycée et prépa. Ses deux romans sont Impasse Verlaine (2019) et Le doigt (2021). Plus d’infos sur Plumes d’ailes et mauvaises graines et sur sa page FB.

Un billet commun avec Martine.

Thiers, en Auvergne, un mardi matin de janvier 2018. Perdue dans ses pensées (son cours de philo sur Jankélévitch), la prof traverse hors du passage piétons, droit vers le lycée où elle enseigne et l’automobiliste klaxonne. Elle fait alors un doigt d’honneur, « l’automobiliste surgit, se plante droit debout, la dépasse d’environ trente centimètres et d’au moins trente kilos, l’homme surplombe, rage et crie […]. » (p. 12) et elle reçoit une gifle, « Il a frappé. Très fort. » (p. 13). L’homme remonte dans sa voiture, rouge, neuve, une 208, « elle a pris une grosse claque dans la gueule […] joue gauche rouge […]. » (p. 14). Infirmerie du lycée. Urgences ? Gendarmerie ? « Elle est victime d’une agression, non ? » (p. 17) et il y a des témoins.

Onze ans auparavant, en avril 2007, Django, un élève du collège Albert Camus de Clermont-Ferrand l’avait frappée du poing, jetée au sol et rouée de coups de pieds devant une quarantaine de témoins. « J’ai les nerfs. » (p. 31), avait dit Django. D’abord prof au collège, la voici au lycée où elle se donne toujours à fond, le travail y a que ça ! « Le théâtre, la littérature, l’art fabriquent des miracles à l’école […]. » (p. 58).

Dalie Farah (qui utilise « elle » dans son roman plutôt que « je ») dénonce le laxisme ambiant, un élève violent qui vient au lycée avec un couteau et qui l’insulte (sale pute) mais… rien n’est fait, l’élève agit en toute impunité, pire certains (élèves et collègues) l’a croient coupable et non victime… « Aller au lycée devient pénible, angoissant. Elle ne dort pas. À découvert, vulnérable, elle a peur. Elle appelle le rectorat, demande de l’aide, du soutien. Mettez-vous en arrêt maladie, demandez une mutation. Tentez la planète Mars. » (p. 66-67).

Avec Le doigt, Dalie Farah continue sa réflexion sur la violence et l’origine de la violence ; est-ce que nous attirons la violence parce que la violence nous attire ? En tout cas, elle n’est pas du tout soutenue par sa hiérarchie. « J’en prends note : notre institution est décevante et ce n’est malheureusement pas une nouveauté. » (p. 96), pire elle est ensuite « jugée responsable de ce qu’elle subit » (p. 101)… et malheureusement encore « l’Institution allergique au désordre choisit toujours son propre intérêt. » (p. 138).

Et ce terrible constat : « la violence n’est pas née du néant. Elle a toujours été là. » (p. 155). Peut-on « Désirer la violence pour en finir avec la peur » (p. 166) ? Dans le roman, ce n’est pas une question, c’est moi qui (me) la pose ici.

J’ai rencontré Dalie Farah jeudi 27 janvier, j’ai participé à une émission radio avec elle, à une rencontre avec elle, je suis allée au restaurant avec elle. C’est une femme rayonnante, à la joie de vivre incroyable. Un très beau moment durant lequel j’ai entendu beaucoup de choses et j’aurais pu changer quelques éléments dans ma note de lecture puisque j’ai lu Impasse Verlaine et Le doigt avant cet échange mais j’ai préféré laisser tel que je l’avais ressenti au moment de ma lecture (vous pouvez de toute façon lire d’autres avis et d’autres infos sur Internet).

Si Le doigt n’est pas un coup de cœur comme Impasse Verlaine (qui m’a plus touchée), vous l’avez compris, ces deux romans sont à lire et à partager autour de vous.

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 28, un témoignage, une autobiographie, 2e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 44, un livre dont le titre contient seulement 2 mots, 2e billet), Petit Bac 2022 (catégorie Gros mot pour Doigt, qui n’est pas un gros mot mais qui en devient un quand on fait un doigt d’honneur et c’est ce que fait la prof dans ce roman) et Tour du monde en 80 livres (France).

Impasse Verlaine de Dalie Farah

Impasse Verlaine de Dalie Farah.

Grasset, avril 2019, 224 pages, 18 €, ISBN 978-2-24681-941-7.

Genres : littérature française, premier roman.

Dalie Farah naît le 22 février 1973 à Clermont-Ferrand (Auvergne) de parents algériens exilés en France. Elle étudie la littérature et la linguistique. Elle a une spécialisation sur le XVIe siècle et la démonologie. Elle est agrégée de lettres. Alors qu’elle voulait devenir journaliste, elle se tourne vers l’enseignement et elle est prof de littérature et philosophie en lycée et prépa. Ses deux romans sont Impasse Verlaine (2019) et Le doigt (2021). Plus d’infos sur Plumes d’ailes et mauvaises graines et sur sa page FB.

Née le 22 février 1973, au lieu du mois d’avril prévu, la narratrice (l’autrice) a failli mourir mais « On peut survivre à tout, quand on survit à sa mère. » (p. 9).

Dans les années 50, à Meskiana en Algérie, la mère de la narratrice naît, Djemaa ou Vendredi. « L’Algérie, c’est l’Éden de ma mère. » (p. 17). Tous les coups, tous les malheurs, elle les transforme en histoires pour s’inventer une autre vie, mais ce ne sont « rien que des histoires minuscules, injustes et absurdes qui finissent toutes dans un trou sous la poussière. » (p. 38).

La mère a 15 ans lorsqu’elle est mariée à un jeune veuf qui a 20 ans de plus qu’elle et qui l’emmène en France, « au Puy-de-Dôme auvergnat » (p. 48). Dans le village de Ponteix, Vendredi devient « la Fatima » (p. 50) et Fatima devient « une villageoise auvergnate comme les autres » (p. 59). Mais, après l’accident de son mari qui perd son travail, « on transporte les confitures de l’été passé, les valises, la marmaille encapuchonnée dans les cagoules de laine bicolore tricotées par la Solange et on arrive impasse Verlaine, bâtiment 31, appartement 622, à Clermont-Ferrand. » (p. 63, pile le code postal de la ville).

Dalie Farah raconte l’enfance battue, humiliée, obligée à travailler (elle aide sa mère, femme de ménage et elle devient son nègre, la mère étant analphabète)… Mais… « Ma mère veut une fille qui lit et qui écrit, donc une fille puissante. » (p. 76). Et heureusement il y a l’école. « Je cours pour aller à l’école. Je ne regarde pas en arrière, juste devant, tout droit » (p. 104), en fait vers l’avenir.

Mais, lors de vacances en Algérie, au hammam, la mère est d’une brutalité inouïe devant toutes les autres femmes qui ne font qu’observer… « […] la vie est belle. Il le faut. La vie me reste belle. Il le faut. » (p. 132-133).

Après l’école primaire Diderot, elle entre au collège Montferrand puis au lycée mais je vous laisse découvrir tout ça par vous-mêmes.

Je n’en dis pas plus, il vous faut absolument lire ce roman qui n’est pas qu’une autobiographie, un témoignage, c’est encore plus fort que ça, c’est intense, c’est puissant. Par certains côtés, je me suis reconnue en cette fillette, cette adolescente, qui aime l’école, qui aime lire, et cette lecture fut beaucoup d’émotions pour moi. Et pas seulement pour moi puisqu’Impasse Verlaine a reçu une dizaine de prix littéraires largement mérités.

Malgré l’adversité, malgré la maltraitance, malgré les coups, Dalie Farah se dit que la vie est belle et c’est phénoménal parce qu’elle peut tout supporter. Elle raconte la double-culture (sa mère lui a tout de même transmis des choses sur le pays d’origine, sur la famille restée là-bas), l’école, la volonté d’apprendre, de réussir. Mais elle n’a pas trempée sa plume dans la noirceur, dans la dépression, tout est lumineux, optimiste, c’est vraiment très beau. Une résilience incroyable d’autant plus qu’elle y met de l’humour et de la poésie. J’ai rencontré Dalie Farah jeudi dernier (un billet sera publié en soirée) et je peux vous dire que c’est une femme rayonnante et drôle, un pur bonheur cette rencontre.

Cette chronique de lecture est un billet binôme avec Martine (qui a aussi rencontré Dalie Farah).

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 28, un témoignage, une autobiographie), Challenge lecture 2022 (catégorie 44, un livre dont le titre contient seulement 2 mots).

Un colosse de Pascal Dessaint

Un colosse de Pascal Dessaint.

Rivages, collection Littérature, mai 2021, 128 pages, 14 €, ISBN 978-2-7436-5297-5.

Genres : littérature française, roman, Histoire.

Pascal Dessaint naît le 10 juillet 1964 à Dunkerque dans le Nord (France). Issu d’une famille ouvrière, il étudie à Toulouse (DEA d’histoire contemporaine sur la révolution culturelle chinoise). Il est auteur en particulier de romans policiers mais pas seulement (également de nouvelles, de chroniques…) depuis 1992 et reçoit plusieurs prix. Il est cofondateur des éditions Le petit écart (2017). Plus d’infos sur son site officiel.

Village de Montastruc. Deuxième moitié du XIXe siècle. Un homme et un cheval labourent. L’homme, c’est Jean-Pierre Mazas, « plus de sept pieds sous la toise » (p. 11) soit 2,20 mètres, un géant ! Il vit à la métairie de Tifaut (qui dépend de Marc Teulade, le châtelain de Montastruc) avec son épouse et leurs enfants. « […] nous avons affaire à un phénomène, pas de doute. Un phénomène, c’est cela ! » (p. 18). Jean-Pierre naît le 14 février 1847 dans « la petite métairie de Castanet » (p. 22), dans « un village situé entre Albigeois et Languedoc, à la jonction du Tarn, du Lauragais et du Pays Tolosan. » (p. 21), bref dans le Sud-Ouest. Entre 1847 et 1864, « le petit Jean-Pierre » (p. 25-26) grandit puis « Le petit Jean-Pierre n’est plus petit. » (p. 26).

C’est une enquête que mène l’auteur sur les traces de Jean-Pierre Mazas. « Je pense à ce géant depuis des années, depuis qu’au musée du Vieux-Toulouse, j’ai découvert le moulage de son grand pied dans une vitrine, Jean-Pierre Mazas chaussait du 54. » (p. 31). Pourtant il n’a pas grand-chose, un certificat de naissance, un certificat de mariage, un certificat de décès sur lesquels il y a des erreurs, quelques articles de journaux qui se contredisent… Il donne cependant de précieuses informations historiques et les événements furent nombreux durant cette période de changements politiques et sociaux, et même des informations littéraires (Lamartine, Victor Hugo, Alexandre Dumas…).

Jean-Pierre se marie en novembre 1878 avec Marie-Adèle Gérémie (qui a 15 ans et demi). Le couple a deux fils, François et Jacques-Joseph (appelé simplement Joseph) et une fille, Rosalie-Victorine. Joseph dira en 1967 « Papa était un homme débonnaire et affectueux, et il a eu une vie héroïque ! » (p. 44). Jean-Pierre est paysan et métayer mais aussi lutteur.

La lutte est à la mode et Jean-Pierre participe à des combats entre 1877 (soit avant son mariage) et jusqu’en 1885. « Marie-Adèle aurait-elle été séduite par le géant à l’occasion d’une exhibition ? » (p. 57). Jean-Pierre devient le Colosse mais il continue de travailler la terre. Il est célèbre et prend le train pour Toulouse où il se bat contre le célèbre athlète parisien, Millehomme. « Et ce sera une lutte homérique ! » (p. 71).

Le lecteur découvre la Toulouse du début des années 1880 (en 1875 il y a eu une crue et la ville était ravagée), « On se régale. On va au spectacle. Toulouse bouillonne ! » (p. 67). Et Jean-Pierre ? « Jean-Pierre est devenu riche pour un paysan de l’époque, mais il reste un paysan. Jean-Pierre attire les foules. À l’occasion, on augmente le prix des places. Jean-Pierre gagne tous ses combats. » (p. 77). Mais plus âgé, blessé (son dos a lâché…), Jean-Pierre devient une attraction de foire comme s’il était un monstre… Et c’est à Paris que le célèbre médecin Édouard Brissaud lui demande de « se présenter un matin à la Salpêtrière pour un examen complet » (p. 110). Le rapport médical est publié en 1895, « Des pages et des pages d’observations minutieuses. » (p. 115).

C’est la belle couverture qui m’a d’abord attirée puis le résumé. Je n’avais jamais entendu parler de ce colosse avant ! Et j’ai beaucoup accroché à ce récit mi-fictionnel mi-historique vraiment émouvant et à l’âpre vie rurale du XIXe siècle. De plus, je n’avais jamais lu cet auteur (qui a pourtant publié près de 30 romans, plus de 20 nouvelles…) et j’ai apprécié son style et sa façon de faire des recherches sur cet inconnu qui fut célèbre, ce géant qui a dû souffrir le martyre dans ce corps trop grand… Je vous conseille fortement ce roman ! Si vous voulez consulter d’autres avis, vous les trouverez sur Bibliosurf.

Eh bien, ce titre ne rentre apparemment dans aucun challenge mais je vais tout de même tenter le Petit Bac 2021 (catégorie Être humain pour Colosse).

Lu par d’autres : Alex et + sur Bibliosurf.

Les oubliés de Prémontré de Jean-Denis Pendanx et Stéphane Piatzszek

Les oubliés de Prémontré de Jean-Denis Pendanx et Stéphane Piatzszek.

Futuropolis, mai 2018, 104 pages, 21 €, ISBN 978-2-75482-273-2.

Genres : bande dessinée française, Histoire.

Jean-Denis Pendanx, le dessinateur, naît le 27 septembre 1966 à Dax. Il étudie les arts appliqués et les arts décoratifs à l’École Estienne à Paris puis à Jolimont à Toulouse. Il vit à Bordeaux où il est auteur et illustrateur (bandes dessinées, livres jeunesse, magazines). Il travaille aussi pour l’animation.

Stéphane Piatzszek, le scénariste, naît le 5 avril 1971 dans le Doubs (cependant l’éditeur dit « en banlieue parisienne »). Il étudie le Droit et l’Histoire à la Sorbonne (Paris). Il vit à Mulhouse (Alsace) où il est journaliste et auteur de bandes dessinées. Plus d’infos sur son blog.

Des mêmes auteurs : Tsunami (2013) et Le maître des crocodiles (2016).

« Août 1914. Asile de Prémontré, près de Soissons. » (p. 3). Soissons est dans l’Aisne (Hauts de France). Les patients ont entre 4 et 95 ans. Comme ils ne sont sensibles qu’à leur propre folie, ils ne sont pas dangereux, enfin sauf si « ils s’éveillent » (p. 4). « Si tu veux bosser ici, il va falloir t’habituer à la mort, mon garçon. » (p. 6). Le jeune Clément est embauché comme gardien mais, comme il sait conduire et que beaucoup d’hommes ont été mobilisés, il est en fait chauffeur de l’ambulance de la Croix-Rouge pour l’asile. Mais qui est vraiment Clément ? Bon, je ne divulgue rien mais le lecteur sait dès la page 9 que Clément n’est pas Clément.

Les Allemands arrivent et tout le monde fuit… Sauf quelques-uns comme Letombe l’économe, Loisel un gardien, Clément et les religieuses qui s’occupent du pavillon des femmes (interdit aux hommes). Le lendemain, l’armée allemande est là mais l’économe n’a rien pour nourrir ni les aliénés ni les Allemands qui s’en vont rapidement « nach Paris ! » (p. 24) mais ils subissent une défaite à Soissons et réquisitionnent tout. « Les réquisitions sont calculées en fonction de la population de chaque commune. Prémontré, 1500 habitants. Les Français sont de grands travailleurs, vous aurez vite fait de compenser ça. » (p. 34). Sauf que « sur les 1500 habitants, 1300 sont des malades mentaux dont la plupart ne peuvent même pas attacher leurs chaussures tout seuls ! » (p. 34).

L’évacuation est refusée, il n’y a plus rien à manger, plus de charbon, il faut trouver une solution… Faire travailler les aliénés qui le peuvent, aux champs, ramassage et coupage du bois, filage de la laine pour les femmes… Et contre toute attente, un régiment d’Allemands arrivent avec parmi eux des médecins et même un aliéniste : la vie des aliénés encore en vie va en être changée !

Je comprends que c’était la guerre et que ça devait être difficile partout mais combien de lieux comme l’asile de Prémontré ont-ils été abandonnés par le gouvernement français durant les 4 ans de guerre ? Les employés qui n’ont pas fui et quelques malades ont été exemplaires et même si ça dérange je veux le dire aussi il en est de même pour certains soldats allemands en particulier ceux du corps médical (dommage qu’on ne sache pas ce qui est arrivé au jeune aliéniste allemand après qu’il ait reçu son ordre de mission pour le front russe). En tout cas, cette bande dessinée est inspirée d’une histoire vraie puisque l’asile de Prémontré, construit en 1121, accueille des malades depuis 900 ans !

Les oubliés de Prémontré est une très belle bande dessinée qui m’a plu tant au niveau des dessins (je les trouve lumineux) que des personnages (réels et fictifs) et que du récit (historique et médical). Les auteurs se sont montrés respectueux envers leurs personnages et cette période de l’histoire et ont bien maîtrisé leur sujet, bravo messieurs. Et pour moi, ce fut une lecture enrichissante et émouvante.

Il me semble avoir vu cette bande dessinée dans La BD de la semaine mais je ne me rappelle plus chez qui… Et je la mets dans les challenges BD, Challenge lecture 2021 (catégorie 36, un livre basé sur des faits réels), Des histoires et des bulles (catégorie 50, une BD qui se déroule pendant une guerre), Petit Bac 2021 (catégorie Lieu pour Prémontré).

Dessiner encore de Coco

Dessiner encore de Coco.

Les Arènes BD, mars 2021, 352 pages, 28 €, ISBN 979-10-375-0283-4.

Genres : bande dessinée française, récit graphique autobiographique.

Coco – de son vrai nom Corinne Rey – naît le 21 août 1982 à Annemasse (Haute-Savoie). Elle étudie les arts plastiques et l’expression plastique à l’École européenne supérieure de l’image de Poitiers. Elle est dessinatrice pour plusieurs journaux dont Charlie Hebdo, Les Inrockuptibles, Libération, entre autres. J’ai envie de lire son adaptation en bande dessinée avec le philosophe Raphaël Enthoven du Banquet de Platon (2019). Dessiner encore est en fait sa première bande dessinée seule aux commandes.

Je vois Coco régulièrement lorsqu’elle est invitée pour dessiner à 28 minutes sur Arte mais je ne l’avais jamais lue. Je cite la 4e de couverture : « L’attentat du 7 janvier 2015 tourne en boucle dans ma tête. Tout fout le camp en moi mais le dessin résiste… » et voici ce qu’en dit l’éditeur sur son site : « Le récit graphique bouleversant d’un voyage intérieur, pudique et authentique. », ce qui résume parfaitement cette grosse bande dessinée (sûrement une des plus épaisses que j’aie lue !) en noir et blanc et parfois en couleurs.

Parfois Coco lutte contre la vague qui la submerge, parfois elle est engloutie. « C’est incontrôlable. Ça vient à tout moment m’avaler et me replonger dans cette poignée de minutes qui a bouleversé ma vie. » (p. 17). La résistance, la combativité, Coco les maîtrise grâce au dessin. « Dessiner pour ne plus penser. Dessiner, dessiner, dessiner… » (p. 21) « Et rire, malgré tout. Ça semble encore possible… » (p. 23).

Flashback. Mai 2015. Coco raconte comment elle a été orientée vers l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing). Elle n’y croit pas trop mais elle y retourne. « Peut-être par curiosité. Ou par indulgence… » (p. 54). Puis elle essaie la psychologie post-traumatique mais « Cette journée tourne dans ma tête comme un disque rayé. J’en revois chaque instant, chaque détail. » (p. 83). La thérapie, qu’elle quelle soit, est longue et semble inutile…

Des phrases importantes

« Qu’on aime ou qu’on n’aime pas Charlie Hebdo, c’est un journal. La liberté de la presse, c’est une liberté sacrée pour les Français. La liberté de la presse, ça veut dire la liberté d’expression et même la liberté de penser. » (Claude Guéant, ministre de l’intérieur, p. 160).

Après le procès des caricatures danoises, le justice française a confirmé « qu’il n’y avait pas de délit de blasphème en France » (p. 163) et « Charlie n’avait fait que ce qu’il avait toujours fait : analyser l’actualité et en rire. » (p. 162).

« Ils [les terroristes] ont tiré sur de vrais journalistes, des gens qui avaient le courage de leurs opinions et qui usaient de leur droit à la critique sans tabou. C’est le talent qu’ils ont assassiné. » (p. 206).

Si le thème est glaçant (terrorisme, assassinat), la BD est profondément humaine et émouvante. Coco se met à nu, au propre comme au figuré (puisqu’elle se dessine sans rien, simplement le contour de son corps et ses cheveux), et elle continue à vivre (elle montre les moments avec son compagnon, sa fille, son chat, son travail) mais la « guérison » sera longue car « Il y a dans la beauté quelque chose d’insoutenable. » (p. 275).

Cette bande dessinée bouleversante est à mon avis complémentaire du film documentaire C’est dur d’être aimé par des cons de Daniel Leconte que j’ai vu en octobre 2020. Pensées pour les cinq dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski et les sept autres personnes assassinées le 7 janvier 2015. Pensées aussi pour les survivants qui restent avec leur angoisse, leur culpabilité d’être encore en vie…

Pour La BD de la semaine et les challenges BD, Challenge lecture 2021 (catégorie 36, un livre basé sur des faits réels, 2e billet, mais il va aussi dans la catégorie 14, un roman graphique), Des histoires et des bulles (catégorie 34, une BD autobiographique). Plus de BD de la semaine chez Stéphie.