Animal de Sandrine Collette

Animal de Sandrine Collette.

Denoël, collection Sueurs froides, mars 2019, 288 pages, 19 €, ISBN 978-2-20714-974-4.

Genres : littérature française, roman noir, thriller.

Sandrine Collette naît en 1970 à Paris. Elle étudie la littérature, la philosophie (master) puis la science politique (doctorat) et devient professeur universitaire et consultante. Elle s’installe dans le Morvan avec des chevaux et écrit son premier roman, Des nœuds d’acier, publié en 2013 par Denoël qui relance la collection Sueurs froides (1972-1998). Viennent ensuite chez Denoël, Un vent de cendres (2014), Six fourmis blanches (2015), Il reste la poussière (2016), Les larmes noires sur la terre (2017), Juste après la vague (2018), Animal (2019) puis chez JC Lattès, Et toujours les forêts (2020), Ces orages-là (2021) et On était des loups (2022) soit un roman par an (et plusieurs prix littéraires). Plus d’infos sur sa page Facebook.

Mara, la trentaine (« elle aurait été incapable de donner son année de naissance » p. 10), est veuve et survit seule « Mais manger était devenu compliqué. » (p. 13). La nuit elle sort vérifier ses pièges pour avoir à manger mais elle doit faire très attention car les tigres de plus en plus nombreux – ils sont protégés et se reproduisent – font de même. Une nuit donc, en allant vérifier ses pièges, Mara voit un petit garçon attaché à un arbre, elle le libère et l’emmène dans sa cabane. La nuit suivante, c’est une fillette et elle fait de même. Mais elle sait qu’elle n’aurait pas dû… « Deux enfants sauvages. » (p. 15) de 4 ou 5 ans et elle sait qu’elle ne doit pas rester là avec eux qu’elle a appelé Nun et Nin. De mon côté, je ne sais pas si ce sont des enfants abandonnés par leurs parents qui avaient trop de bouches à nourrir ou si ces enfants sont des sacrifices faits aux tigres pour qu’ils ne s’approchent pas du village mais je verrai bien car cette introduction me plaît beaucoup !

Mara quitte donc la cabane avec les deux enfants mais, lorsqu’ils arrivent en ville, ils voient que c’est un bidonville aux « constructions précaires » (p. 17) et aux odeurs atroces, « la merde et l’humidité mélangées » (p. 17)… Ils s’installent dans une maison inoccupée, « C’était petit, sale et sombre. Mais dans ces neuf mètres carrés on logeait en général six à huit personnes, alors elle s’était tue. » (p. 18). Eh bien, je connais des personnes qui ont été enchantées de leur voyage au Népal mais, apparemment, elles n’ont pas vu ça… la misère, la violence… ou alors elles ne sont pas allées à Pokhara !

Vingt ans plus tard, un groupe d’Européens est dans le Kamtchatka pour une chasse à l’ours. Lior, une Française, son mari, Hadrien, un couple d’amis, comme eux sportifs et chasseurs, Annabelle et Gauvain, ainsi qu’Oscar un Suédois, Jonas et Vlad le vieux guide. C’est de Lior qu’on va parler, « […] la chasse, elle l’avait dans le sang depuis toujours » (p. 36), « quand elle chassait, elle était vivante » (p. 37). Je me dis, à ce moment de la lecture, que Lior, c’est Nin, je verrai si j’ai raison mais c’est logique et je sais que Lior ne va pas me plaire. Quant à Hadrien, « il n’aimait pas la chasse, et il n’aimait pas les chasseurs » (p. 38) et même s’il pense souvent à la folie, à la sauvagerie de son épouse, il est fasciné par Lior depuis leur rencontre cinq ans auparavant et il lui suffit que Lior l’aime pour qu’il la suive.

Je déplore fortement cette idée que se racontent les chasseurs sur leurs proies, « tous, ils ont leur chance » (p. 46), non, devant leurs fusils, les animaux n’ont aucune chance et ils se mentent à eux-mêmes, ils mentent aux autres et ils le savent très bien ! D’ailleurs, plus loin, « Ils parlent du maintien des effectifs, de l’équilibre des espèces. Vivent dans un monde de mensonges qu’ils se servent à eux-mêmes : ils sont là pour le sang et rien d’autre, pour ce geste que nulle part ils n’ont plus le droit de commettre entre eux, et dont ils rêvent tout éveillés – armer, viser, tuer. » (p. 56), voilà des mots sensés mais mon passage préféré est « et si l’ours était réellement plus intelligent qu’eux ? » (p. 76).

La chasse ne se déroulera pas comme prévu… et c’est ce qui fait tout le sel de ce roman inquiétant et violent ! J’ai aimé que les chapitres alternent entre Hadrien et l’ours, être dans la tête d’Hadrien qui poursuit Lior et être dans la tête de l’ours poursuivi par Lior. « Comment se débarrasser du petit être qui ne se laisse pas perdre. » (p. 137). Animal est un roman mi-humain mi-animal, un roman intense, dense et passionnant. Après avoir apprécié On était des loups (2022), je suis ravie de découvrir un autre roman de Sandrine Collette et je peux vous dire qu’il y aura d’autres titres !

Pour ABC illimité (lettre S pour prénom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 8, un livre qui se passe à la montagne), Challenge lecture 2023 (catégorie 4, un roman dont le titre est un seul mot), Petit Bac 2023 (catégorie Animal avec… Animal), Polar et thriller 2022-2023 (pas vraiment d’enquête mais un roman noir et thriller) et Un genre par mois (en février, du rire aux larmes, drame).

Publicité

Aucune terre n’est la sienne de Prajwal Parajuly

Aucune terre n’est la sienne de Prajwal Parajuly.

Jentayu n° 4 : Cartes et territoires. Nouvelle traduite de l’anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne.

Genres : littérature indienne, nouvelle.

Prajwal Parajuly naît le 24 octobre 1984 à Gangtok au Sikkim (Inde). Son père est Indien et sa mère Népalaise. Son premier recueil de nouvelles, The Gurkha’s Daughter (Quercus, 2012), fut nominé pour le Prix Dylan Thomas. Son premier roman, Land where I flee (2013), considéré à sa sortie comme « le roman d’Asie du Sud le plus intelligent et le plus divertissant des dix dernières années », est traduit en français par Benoîte Dauvergne et publié sous le titre Fuir et revenir aux éditions Emmanuelle Collas début mars 2020 (l’Inde devait être l’invitée de Livre Paris, annulé…). Il a également écrit pour le New York Times et pour les journaux anglais, The Guardian et New Statesman ainsi que pour la BBC.

La nouvelle est lisible en ligne sur Jentayu ; merci !

Depuis une douzaine d’années, Anamika Chettri vit pauvrement avec ses filles (Diki, 12 ans, et Shambhavi, 10 ans) et son père malade (« probablement la tuberculose ») dans un camp de réfugiés. Le camp de Khudunabari, j’ai cherché, est situé à Sanischare (district de Koshi au Népal). Après avoir ramassé du bois, elle est prise à partie par des étudiants népalais. « Retourne dans ton foutu pays. »… « Laissez-moi tranquille, espèces de chiens galeux. »

« Anamika se sentait chez elle au camp de réfugiés de Khudunabari. Elle n’était pas du genre à regarder dans le vague et soupirer avec nostalgie en pensant au Bhoutan. Sa théorie était simple : puisque son pays (elle appelait encore le Bhoutan ainsi, même après toutes ces années) ne voulait pas d’elle, elle n’avait aucune envie d’y retourner. » C’est que les gens ont dû passer un test de citoyenneté qu’Anamika a raté et donc elle a été renvoyée dans le pays dont elle avait « des origines » alors que son père était en règle…

Le Bhoutan n’est donc plus son pays et le Népal ne veut pas d’elle non plus… Cependant, il y aurait un espoir : l’Amérique parlerait d’accepter des réfugiés.

Mais le problème d’Anamika est plus profond que tout ça… Prajwal Parajuly parle des relations entre les hommes et les femmes, du mariage, de la brutalité, du « malheur » de n’avoir que des filles. « J’ai déjà quatre filles inutiles à nourrir et habiller parce que cette randi est maudite, et maintenant, tu veux que je fasse venir la fille d’un autre dans cette maison ? Je t’ai donné un toit au moment où tu en avais le plus besoin. Je t’ai épousée alors que tout le monde critiquait ton caractère, et c’est comme ça que tu me remercies ? »… Ravi, le deuxième mari d’Anamika, est un sacré abruti, brutal, hypocrite, profiteur, une honte ambulante…

Je trouve ça super que Prajwal Parajuly, en tant qu’homme parle du malheur des femmes et des filles, de la violence qu’elles subissent, même si elles sont instruites. Bravo, monsieur Prajwal Parajuly ! J’espère lire votre roman !

Une nouvelle pour Les étapes indiennes, Lire en thème 2020 (le titre fait plus de trois mots) et La bonne nouvelle du lundi.

Mes coups de… /1

J’aimerais bien chaque semaine publier un billet sur mes coups de… Ce sera coup de cœur, coup de gueule, coup de blues, coup de chapeau, coup de pompe, coup de théâtre ou simplement coup d’œil, histoire de marquer le coup – ou d’être dans le coup – un peu en coup de vent !

NépalSéismeCoup de chapeau

Cette semaine, je veux tirer un coup de chapeau aux sauveteurs qui ont encore retrouvé des survivants huit jours après le séisme au Népal. Le bilan est lourd : plus de 7 000 morts, plus de 14 000 blessés et des centaines (ou des milliers) de disparus… Alors chaque personne sauvée est un exploit et une victoire pour la vie. Namasté.

Coup de blues

Ben E. King, chanteur de soul et de rhythm and blues, est décédé le 30 avril, à l’âge de 76 ans, alors je me remets son tube planétaire, Stand by me, qui date de 1961.

RuthRendellCoup de cœur

C’est avec tristesse, hier, que j’ai appris la mort de Ruth Rendell, une des reines du crime, en littérature bien sûr. La romancière anglaise avait 85 ans. J’ai lu plusieurs de ses romans par le passé et j’appréciais sa précision et son humour noir tout britannique. Il existe un site officiel en français : ruthrendell.fr/.