Le chant des Fenjicks de Luce Basseterre

Le chant des Fenjicks de Luce Basseterre.

Mnémos, septembre 2020, 336 pages, 21 €, ISBN 978-2-35408-794-4.

Genres : littérature française, science-fiction.

Luce Basseterre naît en 1957 à Toulon et vit quelques années au Québec. Elle est nouvelliste et romancière (son premier roman, Les enfants du passé, est paru en 2016 aux éditions Voy’el (parution au Livre de poche en 2022). Plus d’infos sur son site officiel et sur sa page FB.

Après avoir lu La débusqueuse de mondes de Luce Basseterre (en poche, en 2019), excellent roman, coup de cœur même, j’avais très envie de lire son premier roman Les enfants du passé (paru en 2016 mais pas facilement trouvable… et enfin paru en poche en ce début d’année, chouette !) et son nouveau roman Le chant des Fenjicks qui est en fait une préquelle à La débusqueuse de mondes. Mais, tout vient à point à qui sait attendre !

Dans un monde dirigé par les Chalecks, la reproduction est contrôlée par un cyberparasite. Un cyberparasite que Smine Furr, un félidé stérile, a réussi à shunter. C’est qu’il existe une certaine opposition dans l’Empire. Quelques mots sur les Chalecks, ce sont des créatures reptiliennes hermaphrodites, beaucoup sont caméléonïdes mais il y a aussi des Yerlings, des Fnuts, des D’jyné et d’autres batracidés (je pense comme la capitaine D’Guébachakarakt surnommée D’Guéba, une grenouille Caudata, la débusqueuse de mondes). Mais là, nous sommes sur la planète Imbtoj habitée par des Imbtus (des félidés) et inféodée à l’Empire Chaleck.

Après la visite de contrôle de Smine Furr, apparaît dans le ciel un fenjick (son nom est Koba, ça vous rappelle quelque chose ?) : ce sont des vaisseaux mais ce sont des mammifères, ils sont vivants, cependant leur transhumance est menacée car les Chalecks les attrapent… « Le mammifère cosmique se rapproche. Défiant toutes lois naturelles, il nage dans l’air comme un poisson dans l’eau. C’est beau. Incroyablement beau. Il tourne en rond. Compterait-il se poser ? J’en frissonne. » (p. 9). En fait, des Fenjicks, il n’y en a presque plus… Les Chalecks leur mettent un implant pour les contrôler et ils deviennent des cybersquales. « Une écoutille […] s’ouvre. Chacun retient son souffle. C’est une félidé qui se présente sur le seuil, elle est aussitôt acclamée. L’almadur Karim Shayak, grande prêtresse de l’opposition et de la résistance à l’envahisseur chaleck. » (p. 10).

Peu de temps après, Smine Furr est convoquée dans le bureau de Li capram Jöns pour y être interrogé sur unæ collègue puis est promu comme secrétaire (sédail) de Li capram Lô Nifl Ere au Palais des Résidents Permanents. « Te rends-tu compte que tu tiens peut-être une occasion inespérée de prouver ta théorie sur le rôle des biocoms dans la stérilité qui vous frappe ? » (p. 30). Idaho, une amie, veut l’embarquer dans la résistance… et Smine Furr est arrêté…

En parallèle, on suit Waü Nak Du, un biologiste chaleck qui étudie les fenjicks. « Dans quelle situation me suis-je mis ? Qu’est-ce qui m’a pris à l’époque de vouloir sauver ces bestiaux ? » (p. 34). Avec son cybersquale matricule PH420 KP, il escorte de Yuna Hô jusqu’aux Outremarges, trois jeunes fenjicks, Ichu, Nadu et Udu (à vrai dire dans l’espoir d’attirer des fenjicks adultes pour en faire des cybersquales). Mais lorsqu’ils sont attaqués, les trois jeunes décrochent… « Je ne comprends pas leur chant, mais je l’entends. Il m’arrive sur la même fréquence que les plaintes des jeunes que nous convoyons. » (le vaisseau, p. 108). « J’ai beau vérifier, aucune émission d’aucune sorte n’est enregistrée par aucun journal. […] Je ne comprends plus ou trop bien. Je ne suis plus sûr de rien. Le banc de squales continue de nous harceler. Ils nous entraînent, impossible de leur échapper. » (Waü Nak Du, p. 108). Le matricule PH420 KP, devenu Samtol, s’est libéré en libérant les trois jeunes et il essaie de retrouver sa mémoire effacée mais, imaginez la fureur de Waü Nak Du.

Après avoir suivi Smine Furr et Waü Nak Du, les lecteurs suivent aussi les cybersquales Koba avec Smine Furr (content d’avoir échappé à la prison) et Samtol avec Waü Nak Du (en colère d’avoir foiré sa mission et effrayé par ce qu’il va devoir dire à ses supérieurs, euh s’il les revoit un jour !). Mais tous les fenjicks ne sont pas encore délivrés et Smine Furr et Waü Nak Du sont emprisonnés… « […] dans le cas des fenjicks, comment aurions-nous pu imaginer que ces créatures puissent ressentir quelque chose ? Qu’elles puissent souffrir, vouloir rester libres ? » (p. 192).

Un pur bonheur ce roman space opera ! Il est aussi imagé et inventif que La débusqueuse de mondes. Même s’il n’y a plus l’effet de surprise, le style, la construction du roman, les personnages, les planètes, l’action et l’imagination de Luce Basseterre sont bien là ! Par contre, je ne vais pas mettre un coup de cœur à cause du point que je développe ci-dessous.

Il faut s’y habituer : pour dire il ou elle (les créatures étant hermaphrodites), l’autrice utilise le terme maintenant connu de ‘iel’ ainsi que ‘ciel’ pour celui ou celle (et les pluriels qui vont avec, ‘iels’ ou ‘ciels’). Pour dire le ou la ou les dans, par exemple je le vois ou je la vois ou je les vois, l’autrice utilise ‘li’ ce qui donne ‘je li vois’. Pour parler d’un ou une collègue (par exemple), elle utilise ‘unæ’ (terme que je n’avais vu) et ses variantes, ‘chacunæ’, ‘quelqu’unæ’… Pour mon et ma, elle utilise ‘man’. C’est un peu compliqué pour moi et ça a ralenti ma lecture…

Iels l’ont lu : Camille de La Geekosophe, CélineDanaë d’Au pays des CaveTrolls, Le Chien Critique, Les chroniques du Chroniqueur, Eleyna de La bulle d’Eleyna, FeyGirl de Les chroniques de FeyGirl, Le Galion des étoiles, Lhisbei de RSF Blog, Marie Aryia de Les mots étaient livres, Stéphanie d’Outrelivres,

Pour les challenges Club de Vendredi Lecture – RattrapageLittérature de l’imaginaire #10 et S4F3 2022.

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Semiosis de Sue Burke

Semiosis de Sue Burke.

Albin Michel Imaginaire, septembre 2019, 448 pages, 24,90 €, ISBN 978-2-22643-888-1. Semiosis (2018) est traduit de l’américain par Florence Bury.

Genres : littérature états-unienne, science-fiction.

Sue Burke naît en 1955. Elle est traductrice (de l’espagnol à l’américain) et depuis peu romancière puisque Semiosis est son premier roman. Plus d’infos sur son site officiel (sur lequel j’apprends qu’une suite est parue en 2019, Interference) et le site officiel de Semiosis-The Planet Pax. Et son nouveau roman, Immunity Index (2020) : hâte que ces deux titres arrivent en France.

Cinquante hommes et femmes d’une vingtaine d’années ont quitté la Terre. Ils ont voyagé dans l’espace, en hibernation, durant 158 ans et se sont installés sur Pax. Y a-t-il encore des humains sur Terre ? Ils ne le sauront sans doute jamais. Leur objectif était de se rapprocher de la Nature, de créer une utopie loin des guerres, de la pollution et de l’argent.

Ils vont être servis car Pax est une belle planète étonnante mais dangereuse ! Trois femmes parties cueillir des fruits, Ninia, Zee et Carrie, sont retrouvées mortes. « Elles avaient eu une mort paisible. Ce qui forcément nous surprenait. On regarda autour de nous, effrayés, silencieux. Quelque chose avait tué, sans méthode ni mobile évidents. » (p. 12). Une planète avec des dangers qu’il est impossible d’évaluer. « On ne s’attendait pas à trouver le paradis. On pensait être confrontés à des épreuves, du danger, voire à l’échec. On espérait créer une nouvelle société, en pleine harmonie avec la nature, mais dix-neuf d’entre nous avaient péri dans des accidents ou succombé à des maladies depuis notre arrivée, en comptant les trois femmes mortes la veille sans raison apparente. » (p. 14). Bon, peut-être que partir à cinquante, ce n’était pas suffisant mais c’était sûrement le maximum que leur vaisseau spatial pouvait contenir ! Ils ne sont donc plus que trente-et-un et ils vont vivre une aventure passionnante.

D’ailleurs, ils n’ont pas été choisis au hasard. Par exemple Paula Shanley et Octavio Pastor sont botanistes. Plus de trente ans après, la deuxième génération n’est pas dans un réflexe utopiste. « Plutôt mourir que continuer à vivre ainsi. » (p. 73). En allant beaucoup plus loin que leurs parents ne sont allés, Sylvia et Julian découvrent une cité de pierres et de verre en ruines. Ou alors « Ils savaient. Ils avaient toujours su. Toute notre vie, ils nous avaient menti. » (p. 85).

Il est intéressant de voir comment cette nouvelle humanité évolue dans l’adversité et sur le long terme. Les humains restent humains qu’ils vivent sur Terre ou sur Pax. « Les parents. Ils avaient fait taire Julian. Ils m’avaient fait le plus mal possible. Je savais ce qu’ils voulaient, et je savais ce que je voulais. Tout ce qu’ils m’avaient fait subir n’y changeait rien. Si ce n’est que désormais, j’étais prête à employer tous les moyens : l’hérésie, la rébellion et enfin la guerre. » (p. 99). Mais vivre dans la peur, les mensonges et la violence n’est pas du tout conforme à l’idée de départ…

Installés dans la cité rebaptisée Arc-en-Ciel, les humains de deuxième et troisième générations vivent en harmonie avec un Bambou qui pense et essaie de communiquer avec eux grâce à une modératrice. « J’aurais péri sans ces nouveaux étrangers. Je mourrai sans eux, mais j’ai pu constater que l’intelligence rend les animaux instables. » (p. 123). Comme les habitants précédents travaillaient le verre, les Pacifistes (les habitants de Pax) les ont nommés les Verriers. Mais où sont-ils ? Sont-ils en vie quelque part sur Pax ?

Le Bambou fait preuve d’humour parfois. « C’est tout ce que je peux dire à la jeune femme tandis que Lux se lève et que l’aube approche. Elle et moi tuons le temps en discussions. L’entretien des tiges de communication me coûte, et bavarder dilapide mes réserves immédiates d’adénosine triphosphate, de sorte que je préférerais garder le silence en cette période troublée, mais l’inaction pèse aux Pacifistes, me dit la jeune femme, et elle doit rester vigilante. Cinq jours de confinement entre les murs ont rompu l’équilibre des Pacifistes, qui ont besoin d’activité. » (p. 317). Cinq jours ? Petits joueurs ! Je dois dire que j’ai lu ce roman le week-end du 18-19 avril (oui, oui, je sais, j’ai du retard dans mes notes de lectures…).

Enfin, le lecteur l’a compris, cette planète a un écosystème végétal très important, voire primordial et dominateur, et les humains ne sont que partie rapportée sur Pax. Et les Pacifistes – que l’auteur présente sur cinq générations (chacun prenant la parole dans l’ordre chronologique) – vont découvrir bien d’autres choses encore, et pas seulement dans la faune et dans la flore ! Feront-ils les mêmes erreurs que leurs ancêtres Terriens ou privilégieront-ils la paix et la communication entre tous les êtres vivants aussi différents soient-ils ?

Semiosis – qui a une très belle couverture illustrée par Manchu (un illustrateur et peintre français) – débute comme un space opera, continue comme une utopie sur une autre planète et Sue Burke livre un premier roman magistral, grandiose et éblouissant avec une certaine finesse philosophique qui donne de l’ampleur au récit et aux idées. Eh oui, vous l’avez compris, coup de cœur pour moi et dépaysement total.

Dans Mon avent littéraire 2020, pour le jour n° 10 (aujourd’hui donc), sur le thème « Le livre qui m’a mis des étoiles dans les yeux », j’ai choisi ce roman alors il fallait absolument que je publie ma note de lecture !

Et je mets Semiosis dans les challenges Animaux du monde #3 (car cette planète est évidemment peuplée d’animaux, inconnus et différents de ceux de la Terre mais espèces animales quand même) et Littérature de l’imaginaire #8.

La Fleur de Dieu de Jean-Michel Ré

La Fleur de Dieu de Jean-Michel Ré.

Albin Michel Imaginaire, mai 2019, 350 pages, 19,90 €, ISBN 978-2-226-44236-9.

Genres : littérature française, science-fiction, space opera.

Jean-Michel Ré naît en 1973 à Nice. Il étudie l’agriculture et l’Histoire. Il est professeur de français en Ardèche et gère « un projet de jardin pédagogique agro-forestier autour de la production de plantes aromatiques et médicinales ». La Fleur de Dieu est son premier roman.

An 10996. La Terre Primale existe toujours mais l’humanité a essaimé dans tout l’univers connu. L’Imperium, qui dirige tout, a été fondé en 2750. Les humains sont reconnus par religions gérées par le concile œcuménique (l’Ordo qui décide du dogme commun à toutes les religions) : les chrétiens, les musulmans, les scientistes, les bouddhistes, le peuple d’Israël (par ordre d’apparition dans le roman et je pense par ordre d’importance selon le nombre de membres) pour les « églises majeures » ; les shintôs et les autres croyants « souvent polythéistes et animistes » (p. 42) pour les « églises mineures ». Mais, sous l’impulsion du Seigneur de Latroce, un général de guerre (de l’Empereur Chayin Xe du nom), des humains de toutes confessions fomentent un complot contre l’Empire. Et, cerise sur le gâteau, un groupe anarchiste, Fawdha’ Anarchia, a volé la formule de la Fleur de Dieu (juste avant les Fêtes de la Floraison) et veut, non pas la vendre pour s’enrichir, mais la mettre à disposition de tous ! « Un groupe de terroristes vient de s’emparer de la Formule de la Fleur de Dieu. » (p. 47). Mais, comment tout contrôler et tout savoir alors qu’il y a des « milliards d’êtres humains sur une multitude de mondes à travers l’Empire. » (p. 53) ? L’Empire emploie des Veilleurs, des Inquisiteurs et des clones de combat équipés de bio-armure et de micro-puce… Mais il y a aussi une Diaspora, c’est que « nombre d’humains sont sortis des circuits légaux pour, de leur propre initiative, tenter des expériences de vies alternatives sur des mondes non encore répertoriés. » (p. 78).

Ce roman (qui par certains côtés m’a fait penser à Star Wars avec son Empire galactique qui veut tout gouverner, tout contrôler et à Dune avec son Épice gériatrique produite par les vers de sable de la planète Arrakis) est brillamment construit même si j’ai eu quelques difficultés avec les noms (de personnes, de lieux…) qui sont un brin compliqués ! En fait, en lisant ce roman, le lecteur perd tous ses repères ! L’an 10996, c’est loin, vraiment très loin, et les planètes sur lesquelles vivent les humains sont étranges, avec une végétation pour la plupart inconnue. Et il y a un personnage appelé L’Enfant, est-il jeune ou vieux, on ne sait pas trop mais il a des pouvoirs extraordinaires et il peut consommer la Fleur de Dieu au naturel. C’est un de mes deux personnages préférés (il est intrigant), le deuxième étant Kobayashi, un moine soufi-shintô. « Que l’avenir te soit doux, Laërtio. Je t’amène celui que nous attendions. » (L’Enfant, p. 236). Science-fiction, anticipation lointaine, space opera, aventure, sciences et technologie, politique, sociologie, économie, religions, réflexion philosophique, quelle richesse !

Mais, pour en arriver là, en 10996, les humains ont besoin d’un passé, du moins le lecteur a besoin de comprendre le passé de ces humains du futur pour comprendre leur présent ! Entre chaque chapitre est intercalé un extrait d’une œuvre historique, les plus importants – à mon avis – étant celui pages 91-92 et celui page 189. Voici les deux extraits.

1- « Le XXIe siècle aurait dû être spirituel selon les aspirations de certaines classes sociales de cette époque lointaine. Mais, loin d’une spiritualité cathartique, ce siècle a surtout été d’une religiosité exacerbée qui a plongé certains peuples dans des abîmes d’obscurantisme culturel et social ainsi que dans des théocraties totalitaires fleurissant dans ces périodes troublées. […] En ajoutant à cela les différents renversements de valeurs tant sémantiques que sociologiques ou idéologiques orchestrés par les tenants du néolibéralisme, on aboutit à la redéfinition de l’essence même de l’être humain et de son existence… Ainsi, a pu se construire de toutes pièces, sur la base des expériences passées, un État totalitaire hyperpolicé ou la surveillance de la personne est devenue omniprésente et perpétuelle, enfouie jusqu’au plus profond de notre pensée. Ainsi, également, a-t-on pu inventer, pour les masses, des loisirs et des buts artificialisés à l’extrême, aptes à faire oublier ne serait-ce qu’un instant l’oppression définitive à laquelle est voué l’être humain… Nous avons là toutes les pièces assemblées pour préparer la période sombre de l’Empire universel, période durant laquelle les droits de l’homme ont été bafoués avec un cynisme et une violence jamais observés auparavant dans l’Histoire. In Histoire critique de l’Empire universel, Sandrum Fryuio, A.D. 7974, Éd. Anarchie Vaincra » (p. 91-92).

2- « Les démocraties totalitaires qui virent donc le jour au XXIe siècle ont semé les ferments de l’Empire et de son régime absolutiste, libéral et ultrasécuritaire tel que nous le connaissons aujourd’hui. C’est à cette époque qu’ont été expérimentées ce qui allait devenir les armes de la machine implacable que constituent tous les rouages du pouvoir impérial, à savoir le génie génétique, les technologies de l’information appliquées au contrôle des personnes, la visibilité de tous les moyens de surveillance pour dissuader tout écart, une omniprésence des Veilleurs et autres organismes de contrôle des ondes cérébrales par l’intermédiaire du Rez0… Tout un arsenal qui vise à briser les volontés, broyer les libertés et finalement à détruire toute humanité. In Leçon du chaos, O.I. 9679 » (p. 189).

Vous voyez, on y est presque ! Il n’y a pas encore un unique État totalitaire mondial, un Empire (quoique au niveau commercial…) mais on y sera peut-être bientôt, ou plus tard, peu importe, l’auteur raconte un de nos futurs possibles, et le lecteur est… « rassuré » (d’une certaine façon) car il comprend comment les humains en sont arrivés où ils en sont… Mais, en même temps, le lecteur se dit qu’il faut faire machine arrière maintenant pour ne pas en arriver là car, finalement, tout a commencé au XXIe siècle !

Quant à la plante appelée Fleur de Dieu, c’est énorme : 22500 molécules, toutes cryptées différemment et ayant « plusieurs millions d’applications thérapeutiques possibles » (p. 108) ! Pourrait-elle libérer les humains de l’emprise des religions, du joug de l’Imperium ? Possible… Mais, après plus de 8000 ans de totalitarisme, la technologie est omniprésente (neurocom, vitesse supraluminique, accélérateurs de particules, etc.) et les humains sont démunis, abrutis par des images incessantes et isolés les uns des autres sur tellement de planètes… (près de vingt-mille mondes). « Ne comprenez-vous pas que nous sommes en guerre ? » (p. 156).

La Fleur de Dieu est un roman exigeant mais passionnant et fascinant, un space opera ambitieux et si vous le lisez, vous aurez sûrement, comme moi, hâte de lire la suite puisque c’est le premier tome d’une trilogie. Le tome 2, Les Portes Célestes, était annoncé pour novembre 2019 (tiens, il faut que je vois s’il est paru… oui il est paru !) et le tome 3, Cosmos Incarné, est annoncé pour février 2020 (c’est tout bientôt !).

Le petit point négatif : il y a un glossaire conséquent (p. 283-329) et je n’aime pas quitter ma lecture pour faire des allers-retours en fin de volume… Mais c’est peut-être un détail pour vous ! En tout cas je remercie vivement Albin Michel Imaginaire pour ce roman (photo ici, 3e photo).

Je n’ai pas l’habitude de faire des liens mais en voici quelques-uns : Anne-Laure (Chut… Maman lit !), Anudar, Célindanaé (Au pays des Cave Trolls), Le Chien Critique, Dionysos (Bibliocosme), Lutin (Albédo), Marc Le Chroniqueur (analyse poussée), Yogo (du Maki), Zina (Les Pipelettes en parlent).

Une lecture idéale pour le challenge Littérature de l’imaginaire #8.

Le guide SF à l’usage des lecteurs : le space opera

Le guide SF à l’usage des lecteurs, 1 : le space opera par les éditions Soleil.

Genres : bande dessinée, science-fiction.

Soleil, novembre 2019.

Un guide pour découvrir le space opera, un sous-genre de la science-fiction. Son contenu : qu’est-ce que le space opera ? Quelles sont les références cinématographiques (films, séries) et littéraires (romans) ? Et quelles sont les bandes dessinées parues chez Soleil et Delcourt à lire ?

Un livret de 6 pages, court donc, et pas exhaustif, mais qui donne quelques pistes pour découvrir le space opera. Il est consultable librement sur Calaméo.

C’est un n° 1 donc d’autres guides SF devraient suivre.

À découvrir pour lire d’autres BD de la semaine ! D’ailleurs, plus de BD de la semaine chez Noukette.

La débusqueuse de mondes de Luce Basseterre

La débusqueuse de mondes de Luce Basseterre.

Mu, avril 2017, 304 pages, 18 €, ISBN 979-10-92961-63-8.

Le livre de poche, mars 2019, 384 pages, 8,20 €, ISBN 978-2-253-82016-1.

Genres : littérature française, science-fiction.

Luce Basseterre naît en 1957 à Toulon et vit quelques années au Québec. Elle est nouvelliste et romancière (son premier roman est Les enfants du passé paru en 2016 aux éditions Voy’el). Plus d’infos sur son site officiel, https://www.lucebasseterre.fr/ et sur sa page FB. Sont annoncés cet automne, Le chant des Fenjicks (Mu, est-ce une suite à La débusqueuse de mondes ?) et La Belle, la Bête et l’Éléphant à vapeur (Voy’el) que j’ai très envie de lire !

Otton est un Humain esclave de Racha Kan, amiral du Katamengo, il est encore en vie car « les Humains, de viande bon marché, devinrent pourvoyeurs de rêve. » (p. 9) grâce à une amélioration cybernétique.

Koba est un Fenjick cyber-amélioré, un vaisseau vivant, un « grand squale cosmique » (p. 18). « L’espace est mon milieu naturel, mon domaine, mon terrain de chasse. » (p. 13).

Koba possède des rémoraées, ou SoVIA, qui servent d’éclaireurs et analysent les données. Leurs noms ? Tupix, Choupix, Pafix, Onyx et Foutix : j’adore, ça fait Astérix !

À bord de Koba, la capitaine D’Guébachakarakt – mais on dit simplement D’Guéba – une grenouille Caudata, débusqueuse de mondes depuis 38 ans.

Les chapitres alternent entre ces trois narrateurs, Otton, Koba et D’Guéba.

Koba et D’Guéba découvrent une planète bleue. « Du passé de ce système, nous ne savons rien. Il apparaît dans l’index galactique chaleck comme stérile et inhabité. D’autres sources évoquent les traces d’une civilisation disparue. » (p. 18). « C’est sinistre , une planète abandonnée. Autant une planète vierge peut être belle, autant une planète morte est pathétique. » (p. 20).

Sur cette planète, Otton est le seul survivant du crash du Katamengo ; il est recueilli à bord de Koba et rencontre D’Guéba. « Débusqueuse de mondes : je recherche des planètes exomodelables, les ensemence et assure le suivi du processus. Lorsqu’elles sont colonisables, je les revends à des gouvernements qui ont besoin d’évacuer leur population. Mes derniers clients en date sont des Humains. » (p. 38).

Bien sûr, D’Guéba veut exomodeler cette planète bleue devenue rouge à cause de la pollution et la vendre mais Otton a reconnu la Terre et veut la revendiquer puisqu’il y était avant D’Guéba ! « Je ne sais pas grand-chose de la Terre de mes ancêtres. Quelque deux millénaires se sont écoulés depuis l’Exode. » (p. 47-48).

L’espace est vaste, peuplé de différentes espèces (des reptiliens, des insectoïdes, des hybrides…) et dans chacune de ces espèces, il y a des explorateurs, des flibustiers, des débusqueurs de mondes, des chasseurs de primes, des pirates, etc. J’imagine bien l’apparence de certaines… euh… bestioles, d’autres moins mais ce roman est très imagé, très inventif, je l’ai dévoré un dimanche (de mauvais temps) et j’aimerais vraiment en avoir plus (peut-être d’autres aventures de D’Guéba, Koba et Otton paraîtront-elles un jour ?).

Une phrase qui m’interpelle : « Si nous ne pouvons rien faire d’utile, alors, nous avons le devoir de regarder afin de témoigner, par respect pour la mémoire de ceux qui perdent leur vie dans cette ignoble tuerie. » (p. 342).

Une lecture extraordinaire, merveilleusement bien construite, à dévorer en poche si vous n’avez pas pu avoir l’exemplaire broché des éditions Mu (ce qui est mon cas).

Pour le challenge Littérature de l’imaginaire #7 (je rappelle qu’octobre est le mois de l’imaginaire).