La saison des ouragans de Fernanda Melchor

La saison des ouragans de Fernanda Melchor.

Grasset, collection En lettres d’ancre, mars 2019, 288 pages, 20 €, ISBN 978-2-24681-569-3. Temporada de huracanes (2017) est traduit de l’espagnol (Mexique) par Laura Alcoba.

Genres : littérature mexicaine, roman policier.

Fernanda Melchor naît le 3 juin 1982 à Boca del Río (État de Veracruz) au Mexique. Elle étudie le journalisme à l’université de Veracruz. Elle écrit des articles et des essais comme Mi Veracruz (2008) puis des nouvelles et des romans, Aquí no es Miami (2013), Falsa liebre (2013), Temporada de huracanes (2017) et Páradais (2021) qui ont reçu des prix littéraires.

Un matin de début mai à La Matosa. Cinq gosses descendent près du canal. Mais au « bord du ravin, et tous les cinq, à quatre pattes sur l’herbe sèche, ne faisant ensemble qu’un seul corps, dans un nuage de mouches vertes, finirent par reconnaître ce qui émergeait au-dessus de l’écume jaune de l’eau : c’était le visage putréfié d’un mort entre les joncs et les sacs en plastique que le vent ramenait de la route, un masque sombre où grouillaient une myriade de couleuvres noires, et qui souriait. » (p. 12). Le cadavre, c’est celui de la Sorcière. L’autrice revient en arrière pour nous raconter, la région et ses malheurs, les habitants et leurs malheurs.

En 1978, il y a eu un glissement de terrain et un ouragan ; la montagne s’est détachée ; des humains et des animaux sont morts ; le tout « transforma en cimetière les trois quarts de la région » (p. 28). Bien sûr, les survivants accusèrent la Sorcière et sa fille mais la Sorcière a sûrement été ensevelie et sa fille, surnommée la Petite Sorcière, est devenue la Sorcière.

Puis, des hommes d’ailleurs en ont profité pour venir travailler à la reconstruction, suivis par des femmes de mauvaise vie et la petite ville de La Matosa, déjà pas bien glorieuse, a changé. Franchement, je plains ses habitants… « la seule chose qu’ils avaient en commun c’était la connerie et le pouvoir de nuisance » (p. 51), car La Matosa est peuplée de mères et grand-mères violentes, de fainéants, voleurs, alcooliques voire drogués, de putes et le sida commence à faire des victimes…

Il y a une telle violence dans ce roman : la 4e de couverture dit que « Fernanda Melchor dresse un formidable portrait du Mexique contemporain et de ses démons. […] elle dépeint la brutalité de la société […] ». Formidable ? C’est bizarre d’employer cet adjectif… J’ai l’impression que personne n’est normal, sensé… Et puis, pour les hommes, je pense en particulier à un certain beau-père, n’importe quelle fillette prépubère devient « une machine à baiser » (p. 169)… C’est que même les femmes mariées, les mères de famille se prostituent, c’est le seul moyen pour elles de gagner un peu d’argent pour nourrir les nombreux enfants qu’elles n’ont pas pu faire sauter… Parce que les hommes boivent, se droguent, baisent et dorment…

Quant à l’enquête sur l’assassinat de la Sorcière, les flics ne sont pas pressés, ils arrêtent enfin les quatre jeunes incriminés mais « L’argent, ils voulaient savoir où se trouvait l’argent, ce qu’ils avaient fait de l’argent, où ils l’avaient caché, c’était la seule chose qui intéressait ce gros dégueulasse de Rigorito et ces salauds de flics qui avaient tabassé Brando jusqu’à lui faire cracher du sang pour le jeter ensuite dans ce cachot qui sentait la pisse, la merde, la sueur aigre des pauvres ivrognes, recroquevillés comme lui contre les murs, et qui ronflaient, riaient tout bas ou fumaient tout en lançant des regards avides dans sa direction. » (p. 193-194).

J’ai repéré ce roman lors du Book Trip mexicain mais je n’avais pas eu le temps de le lire pour ce challenge. Et p…, c’est glauque, c’est plus que glauque ! « Une langue […], crue, musicale, [qui] retranscrit la brutalité avec beaucoup de talent. » dit l’éditeur… Eh bien, je ne dirais pas que c’est musical… Très cru et très brutal, oui, mais pas musical… Cependant, les personnages sont de fiction mais l’autrice s’inspire d’un « fait divers » (il y en a beaucoup des faits divers comme ça au Mexique ?). Franchement, si l’auteur avait été un homme, beaucoup auraient crié à la pornographie, à l’éloge de la prostitution (des femmes, des hommes, des ados), à la pédophilie, à l’homophobie mais si c’est une femme qui écrit, ça passe mieux ? Pas pour moi… Pourtant ça ne me dérange pas si un roman policier (noir, polar, thriller…) contient de la violence mais là c’est trop, c’est un torrent de boue qui se déverse sur les lecteurs… J’ai même eu du mal à le finir parce que c’est aussi parfois long, répétitif et ennuyeux… De plus, la couverture ne m’aurait pas du tout attirée (j’ai emprunté ce livre avec la couverture jaune de Grasset, peut-être que la jaquette, affreuse à mon avis, a été retirée par les bibliothécaires). Je ne pense pas relire cette autrice.

Ils l’ont lu et l’ont plus ou moins apprécié : Amy, DarkBrume, Eve-Yeshé, Lectures hispano-américaines, Loudebergh, LoupBouquin, Mademoiselle lit, Olivia, Selma, Virginie Vertigo, d’autres ?

Pour Challenge de l’été – Tour du monde 2022 (niveau 2, Amérique avec Mexique), Les dames en noir, Polar et thriller 2022-2023, Shiny Summer Challenge 2022 (menu 1 – Été ensoleillé, sous menu 1 – Mort sur le Nil = policier et thriller, 3e billet) et Un genre par mois (en juillet, c’est policier).

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Que sur toi se lamente le Tigre d’Émilienne Malfatto

Que sur toi se lamente le Tigre d’Émilienne Malfatto.

Elyzad, septembre 2020, 80 pages, 13,90 €, ISBN 978-9-97358-122-8.

Genres : littérature française, premier roman.

Émilienne Malfatto naît en décembre 1989. Elle étudie le journalisme de l’Institut d’études politiques de Paris. Elle est journaliste, photographe et autrice (elle a souvent travaillé en Irak). Que sur toi se lamente le Tigre est son premier roman (Goncourt du premier roman 2021) et son nouveau livre est Les serpents viendront pour toi, une histoire colombienne (Les Arènes, 2021).

La jeune fille a eu un seul rapport sexuel avec Mohammed avant qu’il ne parte à Mossoul et se fasse tuer… Ils devaient se fiancer… Elle a cédé à ses avances… « Ce fut sans plaisir, une étreinte terne, précipitée » (p. 14), elle n’a « pas dit non […] pas dit oui » (p. 15), elle ne savait pas, « Je me croyais protégée » dit-elle (p. 15). La jeune fille, naïve, est enceinte. De « cinq mois, peut-être » dit le médecin à l’hôpital (p. 20)… La jeune fille sait que c’est « comme une sentence de mort » (p. 20) parce que « L’honneur est plus important que la vie. Chez nous, mieux vaut une fille morte qu’une fille mère. » (p. 21).

Voilà, tout est dit et le roman raconte la dernière journée de cette jeune fille, journée durant laquelle elle se rappelle de plusieurs événements, dont la mort de son père. Mais il y a d’autres voix dans ce roman, celles des proches et celle du fleuve.

Baneen, la sœur de la jeune fille, est mariée à Amir, elle aussi est enceinte mais elle est « épouse, […] soumise, […] correcte, celle qui respecte les règles, qui ne les discute pas. Celle qui ne peut concevoir qu’on ne les respecte pas. » (p. 22). Elle ne fera rien pour sa jeune sœur, elle lui en veut même parce qu’elle est au courant de sa grossesse, elle craint son mari…

De son côté, le fleuve – le Tigre – continue son chemin, il « traverse des champs de ruines [et] longe des maisons détruites » (p. 25). En donnant la parole au fleuve, « Un géant a piétiné les quartiers. Ici même les pierres ont souffert. Le béton a hurlé, le métal gémi. La cité des hommes est devenue une fourmilière dévastée, amas de gravats sur le point de s’écrouler dans mes flots. Les hommes en noir n’ont laissé que cendres derrière eux. Mais eux aussi eux aussi sont retournés à la poussière. » (p. 25), l’autrice fait fort parce que c’est en fait très beau et poétique. Et je repère ces mots, « souffert », « hurlé », « gémi », qui me font penser que la femme enceinte elle aussi va souffrir, hurler et gémir, comme si le fleuve et elle étaient liés.

Il y a de nombreuses références à Gilgamesh et à la mythologie antique : s’étant « emparé de la vie éternelle » (p. 25), les humains ont la mort implantée en eux.

Amir va devoir donner la mort parce qu’il est « l’homme de la famille, l’aîné, le dépositaire de l’autorité masculine – la seule qui vaille, qui ait jamais valu. [Il] règne sur les femmes. » (p. 33)… Comme s’il n’y avait déjà pas assez de morts avec la guerre, les attentats (le père de la jeune fille est mort à Bagdad dans un attentat et la famille est partie s’installer à la campagne dans le sud).

Les chapitres alternent entre ceux de la jeune fille (caractères normaux) puis ceux de ses proches (Baneen, Amir, Hassan, Ali…) et ceux du Tigre, oui le fleuve (caractères italiques). Ces chapitres sont tous très courts et le lecteur oscille entre le côté dramatique des humains et le côté poétique (voire lyrique) du fleuve même si le texte est également dramatique. Mohammed, le fiancé disparu, aussi prend la parole : « Je suis mort et ma mort en entraînera d’autres. La femme que j’ai voulue pour mon plaisir. Mon enfant qui ne naîtra pas. Ma jouissance a été leur châtiment. Dans ce pays de sable et de scorpions, les femmes payent pour les hommes. » (p. 40-41). Qui pourra faire quelque chose pour la jeune fille ? Sa sœur aînée Baneen qui a pitié d’elle mais qui lui en veut de connaître son secret ? Son petit frère Hassan qui est jeune et impuissant face aux traditions et à l’honneur de la famille ? Sa mère qui est absente car en prière à Najaf sur ta tombe de son défunt mari ? La mère est consciente qu’une prison a été bâtie autour d’elle avec « les règles imposées, […] les interdictions et les obligations, sous les voiles et les frustrations » (p. 56) et qu’elle a fait de même pour ses filles… « Si j’ai un jour rêvé, je ne m’en souviens plus. Notre monde n’est pas fait pour les rêves. » (p. 56). Ali, « l’autre frère. Le moderne, le modéré. Celui qui ne tuera pas. » (p. 68) mais qui se sent lâche parce qu’il « désapprouve en silence. » (p. 68), parce qu’il est représentatif de « la majorité inerte […] l’homme banal et désolé de l’être. […] le frère […] qui aime et qui comprend. […] qui condamne les règles mais ne les défie pas. […] complice par faiblesse. » (p. 68), « le frère ouvert, tolérant, presque libéral. Un homme bien. » (p. 69) mais impuissant.

La jeune fille, on ne connaîtra pas son prénom… parce qu’en plus d’être victime de la barbarie du mâle dominant, elle est condamnée à être effacée, oubliée… Est-ce qu’un jour l’humanité gagnera contre ces absurdités, contre ces folies ? Je publie ma note de lecture exprès ce mardi 8 mars parce que le 8 mars est la Journée internationale des femmes (et par extension la Journée du droit des femmes et la Journée contre les violences faites aux femmes). Ce 8 mars 2022, le thème (défini par ONU Femmes) est « l’égalité des sexes aujourd’hui pour un avenir durable », c’est loin d’être gagné…

Que sur toi se lamente le Tigre a reçu plusieurs prix littéraires : Goncourt du Premier Roman 2021, Prix Hors Concours des Lycéens, Prix Ulysse du livre, Prix Zonta Olympe de Gouges, Mention spéciale des lecteurs Prix Hors Concours, lauréate du Festival du Premier Roman de Chambéry 2021 et finaliste du Prix Régine Desforges mais ce n’est pas pour cette raison qu’il faut le lire… Il faut le lire parce que c’est un roman intime, émouvant, bouleversant, et que cette histoire de fiction est malheureusement l’histoire de beaucoup de jeunes filles et jeunes femmes dans cette partie du monde…

Après Bel abîme de Yamen Manai, je me prends à nouveau une grosse claque (littéraire et émotionnelle) grâce à Elyzad, extraordinaire maison d’éditions basée à Tunis.

Vous trouverez d’autres avis (enthousiastes) sur Bibliosurf. Si vous l’avez lu, déposez votre lien en commentaire ! Alex, Domi c lire, Ju lit les mots, Mes échappées livresques, Mumu, Usva, Yv, Zazymut

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 29, un livre sur un thème, une cause qui me tient à cœur, 2e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 50, un livre dont le titre comporte le nom d’un fleuve ou d’une rivière), Petit Bac 2022 (catégorie Lieu pour le fleuve Tigre) et Un genre par mois 2022 (le genre de mars est historique et je considère que ce roman est aussi historique avec ses allégories antiques de Gilgamesh, avec le fleuve qui a vécu toute l’histoire de l’Irak et avec la guerre en Irak).

La puissance des mouches de Lydie Salvayre

La puissance des mouches de Lydie Salvayre.

Seuil, collection Cadre rouge, août 1995, 176 pages, 14,70 €, ISBN 978-2-02101-525-6.

Genres : littérature française, roman.

Lydie Salvayre naît Lydie Arjona le 5 septembre 1948 à Autainville (Loir-et-Cher) dans une famille espagnole (père andalou, mère catalane, réfugiés en France). Elle étudie à Toulouse, les lettres d’abord puis la médecine et devient psychiatre mais elle écrit, publie dans des revues littéraires ainsi que ses premiers romans et gagnent des prix littéraires. Bien que je connaisse cette autrice de nom, je ne l’ai jamais lue et c’est le passionnant entretien dans Le cahier des livres n° 1 en octobre dernier qui m’a donné envie de lire un de ses romans. Parmi ceux qui étaient disponibles à la bibliothèque, j’ai choisi La puissance des mouches, son 4e roman. Elle en a publié 20 autres depuis, plus du théâtre et un scénario.

Le narrateur, 48 ans, est guide au musée de Port-Royal. Il est adepte de Pascal et développe les mêmes idées contre la vanité à l’attachement humain. Traumatisé par la mort de sa mère, il juge son père coupable de cette mort. Mais c’est lui qui est devant un juge au moment où débute ce roman. Pourquoi est-il mesquin et violent avec son épouse alors qu’il s’est juré de ne pas être comme son père ? « Je vous parle, monsieur le juge, comme vous me l’avez demandé, avec une entière liberté. » (p. 15).

Le narrateur voue un culte irraisonné à Pascal. « Pourquoi Blaise Pascal ? Mais parce qu’il a changé ma vie […]. Il a changé toute ma vie. Et ma mémoire, à sa lecture, a commencé à vivre. » (p. 25-26). Est-ce qu’il a des circonstances atténuantes avec le fait que son père battait son épouse et leurs enfants, lui et sa sœur ? Et sombre-t-il dans la folie en comparant systématiquement sa mère avec Pascal ? « Maman et Pascal se ressemblent jusque dans leur façon de penser. » (p. 33).

Les mouches qui sont puissantes dans le titre ont une place que le lecteur comprend à la lecture. « J’ai horreur des confidences. La plupart du temps, elles sentent mauvais et attirent les mouches. Et j’ai horreur des mouches. » (p. 62).

En tout cas, le narrateur se définit devant le juge « d’un naturel peureux et [qui] n’ose affronter l’ennemi face à face. » (p. 71) alors qu’est-ce qui l’a conduit là ?

Mon passage préféré. « Chaque jour, en lisant, je découvre le bonheur de penser. Car lire, c’est penser. Car lire, c’est délire. » (p. 118).

Bien qu’il parle d’autres personnages et qu’il s’adresse à un juge ou à l’infirmier de la prison, le narrateur est le seul personnage à intervenir, dans un monologue fait de questions, de réponses et parfois de souvenirs plus ou moins douloureux. Lydie Salvayre étant psychiatre, elle retranscrit parfaitement le passé et les idées du personnage, tout ce qui l’a conduit peu à peu à devenir l’homme exécrable qu’il est, le meurtrier qu’il est devenu, tout l’y poussait, indéniablement. C’est rythmé, il y a même un certain suspense mais, à aucun moment, la haine du narrateur n’est orientée vers le lecteur (qui pour lui n’existe pas), elle est orientée vers son père, vers sa femme, vers ses collègues au musée, vers les touristes ignares qu’il ne supporte plus, vers les chiens aussi, et sûrement contre lui-même car il s’en veut d’être comme il est mais il ne peut pas s’en empêcher…

J’ai l’impression que Lydie Salvayre a créé son personnage comme si elle était peintre, je ne l’ai pas apprécié cet homme, il est détestable, ignoble, mais qu’est-ce qu’il est bien dépeint, une sacrée création littéraire !

Avez-vous un autre roman de Lydie Salvayre à me conseiller ?

Je mets cette lecture dans Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 16, un livre de moins de 200 pages) et Petit Bac 2022 (catégorie Animal pour Mouches).

Le doigt de Dalie Farah

Le doigt de Dalie Farah.

Grasset, février 2021, 224 pages, 19 €, ISBN 978-2-24682-411-4.

Genres : littérature française, roman.

Dalie Farah naît le 22 février 1973 à Clermont-Ferrand (Auvergne) de parents algériens exilés en France. Elle étudie la littérature et la linguistique. Elle a une spécialisation sur le XVIe siècle et la démonologie. Elle est agrégée de lettres. Alors qu’elle voulait devenir journaliste, elle se tourne vers l’enseignement et elle est prof de littérature et philosophie en lycée et prépa. Ses deux romans sont Impasse Verlaine (2019) et Le doigt (2021). Plus d’infos sur Plumes d’ailes et mauvaises graines et sur sa page FB.

Un billet commun avec Martine.

Thiers, en Auvergne, un mardi matin de janvier 2018. Perdue dans ses pensées (son cours de philo sur Jankélévitch), la prof traverse hors du passage piétons, droit vers le lycée où elle enseigne et l’automobiliste klaxonne. Elle fait alors un doigt d’honneur, « l’automobiliste surgit, se plante droit debout, la dépasse d’environ trente centimètres et d’au moins trente kilos, l’homme surplombe, rage et crie […]. » (p. 12) et elle reçoit une gifle, « Il a frappé. Très fort. » (p. 13). L’homme remonte dans sa voiture, rouge, neuve, une 208, « elle a pris une grosse claque dans la gueule […] joue gauche rouge […]. » (p. 14). Infirmerie du lycée. Urgences ? Gendarmerie ? « Elle est victime d’une agression, non ? » (p. 17) et il y a des témoins.

Onze ans auparavant, en avril 2007, Django, un élève du collège Albert Camus de Clermont-Ferrand l’avait frappée du poing, jetée au sol et rouée de coups de pieds devant une quarantaine de témoins. « J’ai les nerfs. » (p. 31), avait dit Django. D’abord prof au collège, la voici au lycée où elle se donne toujours à fond, le travail y a que ça ! « Le théâtre, la littérature, l’art fabriquent des miracles à l’école […]. » (p. 58).

Dalie Farah (qui utilise « elle » dans son roman plutôt que « je ») dénonce le laxisme ambiant, un élève violent qui vient au lycée avec un couteau et qui l’insulte (sale pute) mais… rien n’est fait, l’élève agit en toute impunité, pire certains (élèves et collègues) l’a croient coupable et non victime… « Aller au lycée devient pénible, angoissant. Elle ne dort pas. À découvert, vulnérable, elle a peur. Elle appelle le rectorat, demande de l’aide, du soutien. Mettez-vous en arrêt maladie, demandez une mutation. Tentez la planète Mars. » (p. 66-67).

Avec Le doigt, Dalie Farah continue sa réflexion sur la violence et l’origine de la violence ; est-ce que nous attirons la violence parce que la violence nous attire ? En tout cas, elle n’est pas du tout soutenue par sa hiérarchie. « J’en prends note : notre institution est décevante et ce n’est malheureusement pas une nouveauté. » (p. 96), pire elle est ensuite « jugée responsable de ce qu’elle subit » (p. 101)… et malheureusement encore « l’Institution allergique au désordre choisit toujours son propre intérêt. » (p. 138).

Et ce terrible constat : « la violence n’est pas née du néant. Elle a toujours été là. » (p. 155). Peut-on « Désirer la violence pour en finir avec la peur » (p. 166) ? Dans le roman, ce n’est pas une question, c’est moi qui (me) la pose ici.

J’ai rencontré Dalie Farah jeudi 27 janvier, j’ai participé à une émission radio avec elle, à une rencontre avec elle, je suis allée au restaurant avec elle. C’est une femme rayonnante, à la joie de vivre incroyable. Un très beau moment durant lequel j’ai entendu beaucoup de choses et j’aurais pu changer quelques éléments dans ma note de lecture puisque j’ai lu Impasse Verlaine et Le doigt avant cet échange mais j’ai préféré laisser tel que je l’avais ressenti au moment de ma lecture (vous pouvez de toute façon lire d’autres avis et d’autres infos sur Internet).

Si Le doigt n’est pas un coup de cœur comme Impasse Verlaine (qui m’a plus touchée), vous l’avez compris, ces deux romans sont à lire et à partager autour de vous.

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 28, un témoignage, une autobiographie, 2e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 44, un livre dont le titre contient seulement 2 mots, 2e billet), Petit Bac 2022 (catégorie Gros mot pour Doigt, qui n’est pas un gros mot mais qui en devient un quand on fait un doigt d’honneur et c’est ce que fait la prof dans ce roman) et Tour du monde en 80 livres (France).

Impasse Verlaine de Dalie Farah

Impasse Verlaine de Dalie Farah.

Grasset, avril 2019, 224 pages, 18 €, ISBN 978-2-24681-941-7.

Genres : littérature française, premier roman.

Dalie Farah naît le 22 février 1973 à Clermont-Ferrand (Auvergne) de parents algériens exilés en France. Elle étudie la littérature et la linguistique. Elle a une spécialisation sur le XVIe siècle et la démonologie. Elle est agrégée de lettres. Alors qu’elle voulait devenir journaliste, elle se tourne vers l’enseignement et elle est prof de littérature et philosophie en lycée et prépa. Ses deux romans sont Impasse Verlaine (2019) et Le doigt (2021). Plus d’infos sur Plumes d’ailes et mauvaises graines et sur sa page FB.

Née le 22 février 1973, au lieu du mois d’avril prévu, la narratrice (l’autrice) a failli mourir mais « On peut survivre à tout, quand on survit à sa mère. » (p. 9).

Dans les années 50, à Meskiana en Algérie, la mère de la narratrice naît, Djemaa ou Vendredi. « L’Algérie, c’est l’Éden de ma mère. » (p. 17). Tous les coups, tous les malheurs, elle les transforme en histoires pour s’inventer une autre vie, mais ce ne sont « rien que des histoires minuscules, injustes et absurdes qui finissent toutes dans un trou sous la poussière. » (p. 38).

La mère a 15 ans lorsqu’elle est mariée à un jeune veuf qui a 20 ans de plus qu’elle et qui l’emmène en France, « au Puy-de-Dôme auvergnat » (p. 48). Dans le village de Ponteix, Vendredi devient « la Fatima » (p. 50) et Fatima devient « une villageoise auvergnate comme les autres » (p. 59). Mais, après l’accident de son mari qui perd son travail, « on transporte les confitures de l’été passé, les valises, la marmaille encapuchonnée dans les cagoules de laine bicolore tricotées par la Solange et on arrive impasse Verlaine, bâtiment 31, appartement 622, à Clermont-Ferrand. » (p. 63, pile le code postal de la ville).

Dalie Farah raconte l’enfance battue, humiliée, obligée à travailler (elle aide sa mère, femme de ménage et elle devient son nègre, la mère étant analphabète)… Mais… « Ma mère veut une fille qui lit et qui écrit, donc une fille puissante. » (p. 76). Et heureusement il y a l’école. « Je cours pour aller à l’école. Je ne regarde pas en arrière, juste devant, tout droit » (p. 104), en fait vers l’avenir.

Mais, lors de vacances en Algérie, au hammam, la mère est d’une brutalité inouïe devant toutes les autres femmes qui ne font qu’observer… « […] la vie est belle. Il le faut. La vie me reste belle. Il le faut. » (p. 132-133).

Après l’école primaire Diderot, elle entre au collège Montferrand puis au lycée mais je vous laisse découvrir tout ça par vous-mêmes.

Je n’en dis pas plus, il vous faut absolument lire ce roman qui n’est pas qu’une autobiographie, un témoignage, c’est encore plus fort que ça, c’est intense, c’est puissant. Par certains côtés, je me suis reconnue en cette fillette, cette adolescente, qui aime l’école, qui aime lire, et cette lecture fut beaucoup d’émotions pour moi. Et pas seulement pour moi puisqu’Impasse Verlaine a reçu une dizaine de prix littéraires largement mérités.

Malgré l’adversité, malgré la maltraitance, malgré les coups, Dalie Farah se dit que la vie est belle et c’est phénoménal parce qu’elle peut tout supporter. Elle raconte la double-culture (sa mère lui a tout de même transmis des choses sur le pays d’origine, sur la famille restée là-bas), l’école, la volonté d’apprendre, de réussir. Mais elle n’a pas trempée sa plume dans la noirceur, dans la dépression, tout est lumineux, optimiste, c’est vraiment très beau. Une résilience incroyable d’autant plus qu’elle y met de l’humour et de la poésie. J’ai rencontré Dalie Farah jeudi dernier (un billet sera publié en soirée) et je peux vous dire que c’est une femme rayonnante et drôle, un pur bonheur cette rencontre.

Cette chronique de lecture est un billet binôme avec Martine (qui a aussi rencontré Dalie Farah).

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 28, un témoignage, une autobiographie), Challenge lecture 2022 (catégorie 44, un livre dont le titre contient seulement 2 mots).

Angor de Franck Thilliez

Angor de Franck Thilliez.

Fleuve, collection Fleuve noir, octobre 2017, 624 pages, 21,90 €, ISBN 978-2-26509-869-5.

Genres : littérature française, roman policier, thriller.

Franck Thilliez naît le 15 octobre 1973 à Annecy (Haute-Savoie). Il étudie à l’ISEN Lille pour devenir ingénieur en nouvelles technologies. Puis devient romancier (romans policiers, thrillers, une vingtaine depuis 2002), nouvelliste et scénariste (téléfilms et séries policières). Angor est le 8e roman de la série Sharko & Henneblle. Plus d’infos sur son site officiel.

Camille Thibaut, 32 ans, est gendarme à la cellule d’investigation criminelle (CIC) de Villeneuve d’Ascq dans le Nord. Elle a reçu une greffe du cœur et fait des cauchemars… C’est pourquoi, depuis un an, sous l’œil attentif de son chat, Brindille, elle épluche les faits divers d’accidents mortels de France, Belgique et Suisse qui ont eu lieu les trois jours avant la greffe. « Cette femme dans mon rêve, elle s’adresse à moi. Elle veut que je lui vienne en aide. […] On dirait qu’elle a été kidnappée, retenue quelque part. Elle est terrorisée. Le plus étonnant, c’est cette clarté du rêve, ces petits détails dont je me souviens. Ça ressemble à de vrais souvenirs. Quelque chose que… je ne sais pas, que j’aurais vu, ou vécu. C’est improbable.  » (p. 13). Mais, sur le terrain, avec le lieutenant Boris Levak, elle s’effondre, crise cardiaque.

« Quatre jours plus tard, à cent-cinquante kilomètres de là » (p. 22), Jules et Armand, deux employés de l’Office national des forêts (ONF) constatent les dégâts de la tempête dans la forêt de Laigue dans l’Oise. Un énorme chêne déraciné est tombé sur d’autres arbres qui ont toutefois tenu le coup. « Va falloir le traiter en priorité. C’est dangereux. S’il s’effondre vraiment, il emporte tout avec lui. […] Il n’y avait presque plus de vent, le ciel avait retrouvé sa teinte cobalt, mais le bois continuait à craquer. La forêt était vivante, elle souffrait, gémissait, pansait ses plaies. » (p. 24). Mais lorsque Jules regarde dans le trou des racines, « une main […] lui agrippa les cheveux et tira de toutes ses forces. Englouti dans l’obscurité, Jules hurla. » (p. 26).

Au même moment, un autre Jules hurle ! Lucie Hennebelle, dix ans après ses jumelles, a mis au monde deux jumeaux, Jules et Adrien. Ils ont deux mois et le papa n’est autre que Franck Sharko. « Certes, ils ne remplaceraient jamais les jumelles de Lucie, Clara et Juliette, ni Éloïse, la fille de Franck, mais ces bébés portaient en eux tout ce que leurs parents avaient perdu. Ils grandiraient avec les yeux de ces enfants qui n’étaient plus là. Leurs trois demi-sœurs défuntes… » (p. 30). C’est pendant qu’il donne le biberon à Jules que le téléphone de Sharko sonne. Il doit aller dans la forêt où une femme a été retrouvée aveugle dans le trou du chêne.

Mais, revenons à Camille qui s’est réveillée à l’hôpital de Lille où le Dr Calmette s’occupe d’elle. « La bonne nouvelle, c’est que vous avez ressenti l’angor. Cela arrive chez deux ou trois pour cent des personnes greffées du cœur. » (p. 52). « Il s’agit d’une douleur vive dans la poitrine que le receveur, normalement, ne peut pas ressentir. Lorsqu’on prélève le cœur chez un donneur, on sectionne évidemment toutes les terminaisons nerveuses. Ces dernières ne sont jamais rétablies chez le receveur. Durant l’opération de greffe, on reconnecte les veines, les artères, pas les nerfs. Et donc, dans la plupart des cas, le greffon est insensible à toute douleur. On pourrait vous planter une aiguille dans le cœur, vous ne sentiriez rien. […] Dans de très rares cas, qu’on n’arrive pas encore à expliquer, les terminaisons nerveuses du greffon se reconnectent d’elles-mêmes avec le système nerveux de l’hôte, comme si le cœur étranger cherchait à conquérir son nouveau territoire. À s’intégrer complètement à son porteur, y compris jusque dans ses ramifications les plus complexes… » (p. 54).

Les enquêtes de Camille et de Sharko, qui ne se connaissent pas, vont se rejoindre, ainsi que l’enquête menée par Nicolas Bellanger, commissaire de police au 36 quai des Orfèvres. Et, en plus, Lucie, qui est encore en congés pour deux semaines, va elle aussi enquêter en parallèle en secret. « L’horreur. Juste là, sur l’écran de sa tablette reliée à Internet. » (p. 169). Bizarrement, là où Sharko et son équipe enquêtent, une jeune gendarme qui dit s’appeler Cathy Lambres est déjà passée… « C’est ça le Mal, tu comprends ? Il se répand dans les esprits, dans chaque individualité, comme un virus qu’on ne peut arrêter. » (p. 250-251).

J’aime les personnages que Thilliez crée et je trouve agréable de les suivre dans les différents romans (même si je ne les ai pas encore tous lus, et pas lus dans l’ordre chronologique…) ; j’aime aussi la construction de ses romans sacrément musclés et le fait que tout soit bien documenté au niveau scientifique (greffes, corps conservés) et historique (crime organisé au niveau international, Histoire espagnole et argentine). En tout cas, leurs enquêtes vont loin dans la violence, dans la brutalité, dans la folie humaine. « Le sexe, le pouvoir, l’argent. Réunis tout ça dans un seul homme, et tu en fais un prédateur redoutable. C’est peut-être à ce genre d’individus qu’on est confrontés en ce moment. » (p. 378). Les thèmes abordés dans Angor sont larges, les greffes et leurs complications, le culte fanatique des criminels, des enfants volés en Espagne (durant le franquisme) et en Argentine, le trafic d’organes avec l’Europe de l’Est. Un excellent thriller implacable ! Je ne peux pas comparer avec les autres titres parce que, pour l’instant, je n’ai lu que Gataca (je publierai ma note de lecture) mais je peux dire que c’est toujours violent, sombre, et je vais lire la suite, Pandemia, ainsi que d’autres titres.

Pour le Challenge du confinement (case Thriller) et Polar et thriller 2020-2021. Et n’oubliez pas de visiter Mon avent littéraire 2020 pour le jour n° 18.

Aucune terre n’est la sienne de Prajwal Parajuly

Aucune terre n’est la sienne de Prajwal Parajuly.

Jentayu n° 4 : Cartes et territoires. Nouvelle traduite de l’anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne.

Genres : littérature indienne, nouvelle.

Prajwal Parajuly naît le 24 octobre 1984 à Gangtok au Sikkim (Inde). Son père est Indien et sa mère Népalaise. Son premier recueil de nouvelles, The Gurkha’s Daughter (Quercus, 2012), fut nominé pour le Prix Dylan Thomas. Son premier roman, Land where I flee (2013), considéré à sa sortie comme « le roman d’Asie du Sud le plus intelligent et le plus divertissant des dix dernières années », est traduit en français par Benoîte Dauvergne et publié sous le titre Fuir et revenir aux éditions Emmanuelle Collas début mars 2020 (l’Inde devait être l’invitée de Livre Paris, annulé…). Il a également écrit pour le New York Times et pour les journaux anglais, The Guardian et New Statesman ainsi que pour la BBC.

La nouvelle est lisible en ligne sur Jentayu ; merci !

Depuis une douzaine d’années, Anamika Chettri vit pauvrement avec ses filles (Diki, 12 ans, et Shambhavi, 10 ans) et son père malade (« probablement la tuberculose ») dans un camp de réfugiés. Le camp de Khudunabari, j’ai cherché, est situé à Sanischare (district de Koshi au Népal). Après avoir ramassé du bois, elle est prise à partie par des étudiants népalais. « Retourne dans ton foutu pays. »… « Laissez-moi tranquille, espèces de chiens galeux. »

« Anamika se sentait chez elle au camp de réfugiés de Khudunabari. Elle n’était pas du genre à regarder dans le vague et soupirer avec nostalgie en pensant au Bhoutan. Sa théorie était simple : puisque son pays (elle appelait encore le Bhoutan ainsi, même après toutes ces années) ne voulait pas d’elle, elle n’avait aucune envie d’y retourner. » C’est que les gens ont dû passer un test de citoyenneté qu’Anamika a raté et donc elle a été renvoyée dans le pays dont elle avait « des origines » alors que son père était en règle…

Le Bhoutan n’est donc plus son pays et le Népal ne veut pas d’elle non plus… Cependant, il y aurait un espoir : l’Amérique parlerait d’accepter des réfugiés.

Mais le problème d’Anamika est plus profond que tout ça… Prajwal Parajuly parle des relations entre les hommes et les femmes, du mariage, de la brutalité, du « malheur » de n’avoir que des filles. « J’ai déjà quatre filles inutiles à nourrir et habiller parce que cette randi est maudite, et maintenant, tu veux que je fasse venir la fille d’un autre dans cette maison ? Je t’ai donné un toit au moment où tu en avais le plus besoin. Je t’ai épousée alors que tout le monde critiquait ton caractère, et c’est comme ça que tu me remercies ? »… Ravi, le deuxième mari d’Anamika, est un sacré abruti, brutal, hypocrite, profiteur, une honte ambulante…

Je trouve ça super que Prajwal Parajuly, en tant qu’homme parle du malheur des femmes et des filles, de la violence qu’elles subissent, même si elles sont instruites. Bravo, monsieur Prajwal Parajuly ! J’espère lire votre roman !

Une nouvelle pour Les étapes indiennes, Lire en thème 2020 (le titre fait plus de trois mots) et La bonne nouvelle du lundi.

Cette nuit-là de Kim Sum

Cette nuit-là de Kim Sum.

Jentayu n° 2 : Villes et violence. Nouvelle traduite du coréen par Lim Yeong-hee et Mélanie Basnel.

Genres : littérature sud-coréenne, nouvelle.

Kim Sum 김숨 naît en 1974 à Ulsan (Corée du Sud). Elle étudie le travail social à l’université de Daejeon. Elle débute sa carrière avec deux nouvelles, À propos de la lenteur (1997) et Le temps du Moyen-Âge (1998) pour lesquelles elle reçoit des prix. Elle publie des recueils de nouvelles (Chiens combattants, Le lit, Le foie et la vésicule biliaire) et des romans (Les idiots, Le fer, Mes magnifiques criminels, L’eau, L’abandon d’un chien jaune, Deux femmes face à face) pas traduits en français.

La nouvelle est lisible en ligne sur Jentayu ; merci !

Il fait nuit. Kyeong-suk est en voiture avec son mari qui conduit et leurs deux enfants à l’arrière. Lorsqu’il s’arrête à un feu rouge, un coursier en moto vient se mettre entre leur voiture et un taxi. Quand le feu passe enfin au vert, le taxi fonce mais c’est chaud entre la moto et leur voiture. Excédé, le mari sort brutalement et se met à hurler. « Kyeong-suk considéra avec inquiétude sa voiture dans laquelle se trouvaient ses deux enfants. Celle-ci était arrêtée dangereusement sur la ligne entre la deuxième et la troisième voie. La portière côté conducteur était grande ouverte. Son mari devait être drôlement en colère, il avait même oublié d’allumer ses feux de détresse. Kyeong-suk le tira par le bras mais en vain. » Mais à force d’injures, les deux hommes en viennent aux mains ! « Seulement alors se dit-elle que tout ça était de la faute du taxi, parti précipitamment en mordant sur la ligne de la voie dès que le feu était passé au vert, et lui en voulut terriblement. Si seulement ce taxi était resté sur sa voie, ils n’auraient pas failli avoir un accrochage avec la moto du coursier, et son mari et le coursier n’en seraient donc pas là, à s’écharper au milieu de la route à cette heure si tardive. » Comment Kyeong-suk va-t-elle bien pouvoir séparer son mari et cet homme ?

Parue dans le numéro 2 de la revue Jentayu « revue littéraire d’Asie », cette nouvelle symbolise bien le thème de ce numéro : villes et violence. Comment un homme, normal, marié, père de deux enfants, présents dans la voiture, va sortir de ses gonds et se mettre en colère contre un inconnu alors qu’il n’y a pas eu d’accident et que le frisson du démarrage au feu vert entre son véhicule et la moto est dû au taxi qui est parti à toute allure en débordant sur la ligne blanche.

Dommage que les recueils de nouvelles et les romans de Kim Sum ne soient pas traduits en français…

Pour La bonne nouvelle du lundi (il faudrait que je pense plus souvent à publier le lundi concernant des nouvelles) et le Challenge coréen.

Et merci aux éditions Jentayu pour cette nouvelle !