Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar d’Antoine Choplin

tomaskusarchoplinQuelques jours dans la vie de Tomas Kusar d’Antoine Choplin.

La fosse aux ours, janvier 2017, 220 pages, 18 €, ISBN 978-2-35707-095-0.

Genre : littérature française.

Antoine Choplin, né le 31 août 1962 à Châteauroux (Indre), est romancier et poète. Il vit en Isère et participe au Festival de l’Arpenteur qui se déroule en juillet.

Fasciné par le monde ferroviaire depuis que son grand-père l’emmenait « marcher en forêt le long des voies pour voir passer les trains » (p. 16), Tomas est devenu cheminot. C’est un dur métier avec des « journées éprouvantes. » (p. 16) : il est atteleur à la gare de Trutnov mais rêve de devenir mécanicien. Un soir de fête, il ne va pas au bal, il préfère regarder la pièce de théâtre « La fête en plein air » de la troupe de la Balustrade venue de Prague. La pluie et les beuveries des hommes gâchent la fête mais Tomas rencontre Václav Havel et pour la première fois de sa vie, il voit un spectacle et peut discuter de ses impressions. « J’aime bien comme tu dis les choses, finit par dire Václav. J’aime bien parce que tu les dis à ta manière. (p. 44). Tomas devient garde-barrière et s’installe dans la maison du vieux Ludvik décédé. Il photographie beaucoup, les saisons, les arbres, les oiseaux. « Les blessures d’écorces, voilà ce à quoi il se consacrait ces derniers temps lors de ses promenades, photographiant les plus singulières d’entre elles. Discrètes ou béantes, sculptées en relief ou en creux, traits d’élégance ou plaies difformes. Et c’est au tronc des bouleaux, clair et soyeux qu’elles lui semblaient plus que sur les autres essences, prendre toute leur force. (p. 79-80). Cinq ans après la soirée, Tomas et Václav se revoient et une belle amitié va voir le jour ; le travail, la politique, l’Art, la photographie, l’écriture, la liberté, les deux amis peuvent aborder tous les sujets et dialoguer même s’ils ne sont pas sur la même longueur d’onde. « […] bien sûr qu’il irait à Prague et serait de cette histoire, c’était tout. Même si, par moments, à l’occasion de ses marches solitaires sous le couvert des arbres, ou par l’effet de la tombée de la nuit, une inquiétude sourde le prenait […]. Cette liberté. Et la fierté palpitante de venir se joindre à cette communauté secrète assemblée au cœur de la grande ville. » (p. 120).

Dans ce roman, humain, historique, il y a une espèce de douceur et de la tendresse pour les personnages. On vit à la campagne avec Václav Havel et son épouse, on croise les dissidents Zdeněk Urbánek et Jaroslav Seifert, on entend parler de Bohumil Hrabal. En temps que chef de file de l’opposition, Václav est plusieurs fois emprisonné dont une fois pendant quatre ans et Tomas va garder le contact en lui envoyant régulièrement des lettres alors qu’il n’est pas doué pour l’écriture (du moins, c’est ce qu’il croit). Tomas et Václav, ce sont deux hommes qui auraient pu ne jamais se rencontrer, deux hommes qui se révèlent, l’un à l’autre, et au grand jour, deux hommes qui font l’histoire, la « petite » pour Tomas, la « grande » pour Václav, mais finalement les deux sont liées et même indissociables. Car ces quelques jours dans la vie de Tomas Kusar s’étendent finalement sur plus de vingt ans ! Parce que « chacun de nous, même s’il est sans pouvoir, a le pouvoir de changer le monde » et « bien sûr, si je ne fais que considérer ce que le monde est en train de faire de moi, une pièce dérisoire dans une machine gigantesque, alors évidemment, je peux immédiatement abandonner tout espoir. » (p. 187, extraits d’une conférence prononcée clandestinement par Václav pour un groupe d’étudiants). Le lecteur frémit à chaque irruption de la police, serre les dents à chaque saisie arbitraire, et se réjouit que Tomas prenne de plus en plus de photos des humains, ce qui fera un excellent témoignage de la vie en Tchécoslovaquie durant ces années-là (années 70, 80 et début 90) et du combat mené par Václav Havel et ses compagnons de route, combat qui mènera Václav à la présidence.

un-mois-un-editeurMon passage préféré est le monologue surréaliste avec le cafard (p. 128-130) et ensuite le deuxième interrogatoire avec le policier revêche. « Je sais pas si vous auriez ressenti comme moi si vous aviez été à ma place. C’est une drôle de chose, quand on y pense, cette sorte de fraternité avec un cloporte. » (p. 133-134). Gros clin d’œil à Kafka ! Et puis cet extrait, tellement émouvant : « Et il y a une chose que je voudrais te demander, continue Václav. […] J’aimerais que nous plantions un arbre. […] Un érable ? demande Tomas. Un érable, dit Václav. » (p. 206).

rentreelitt01-2017Vous l’aurez compris, Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar est un roman que j’ai beaucoup aimé, que j’ai lu d’une traite un soir, qui m’a émue, et que je vous conseille fortement si vous aimez les belles histoires bien écrites. Je mets cette lecture dans les challenges Rentrée littéraire janvier 2017 de MicMélo (+ page de récap) et Un mois, un éditeur.

3 réflexions sur “Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar d’Antoine Choplin

    • J’ai moins apprécié Radeau (la 2e partie) ; je ferai une note de lecture si j’ai le temps (la fin du mois approche). Je te conseille ce dernier roman ou l’excellent Héron de Guernica 🙂

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