Challenge Contes et légendes 2024

Bidib a officialisé le challenge Contes et légendes 2024 et comme j’ai du retard dans la visite des blogs et des réseaux, je ne l’avais pas vu passer. Je participe depuis le début donc ce serait dommage de rater cette 6e édition ! Celle-ci court du 19 février 2024 au 28 février 2025.

Le logo est toujours le même mais infos et inscription chez Bidib + #challengecontesetlegendes et bidibmpm pour instagram.

Pour ce challenge, tous les contes classiques, les mythes et les légendes, les réécritures modernes, les adaptations au cinéma ou en séries (je vous conseille Grimm), les albums illustrés, les bandes dessinées et mangas…

Les rendez-vous inter-challenges sont facultatifs mais je participe à deux d’entre eux donc… Rendez-vous sur toute l’année avec Les étapes indiennes + un read-a-thon du 28 au 30 juin et avec Des livres (et des écrans) en cuisine. Un rendez-vous mensuel avec 2024 sera classique aussi en août.

Mes billets pour ce challenge

Tonkaradani d’Osamu Tezuka

Tonkaradani d’Osamu Tezuka.

Milan (le livre n’est plus au catalogue), collection Kankô, mars 2007, 206 pages, d’occasion entre 9 et 15 €, ISBN 978-2-7459-2489-6. Contes traduits du japonais par Jacques Lalloz et Patrick Honnoré.

Genres : manga, contes, classique.

Osamu Tezuka 手塚 治虫 naît le 3 novembre 1928 à Toyonaka (préfecture d’Ôsaka) est surnommé le père du manga ou le dieu du manga. Il grandit avec les films de Charlie Chaplin et de Disney et devient mangaka (dessinateur) tout en étudiant la médecine à Ôsaka. Il est aussi producteur, scénariste et réalisateur d’animés. Il fonde le studio d’animation Mushi Productions en 1961 puis Tezuka Productions en 1973. Il meurt le 9 février 1989 à Tokyo. Il existe un Musée Osamu Tezuka à Takarazuka (préfecture de Hyôgo) et un mini-musée à la gare de Kyôto (que j’ai vu). Plus d’infos sur Tezuka in English.

Tonkaradani Monogatari とんから谷物語 est un recueil de 11 contes parus entre 1953 et 1957, et édités en recueil chez Kôdansha en 1957 au Japon (et 2007 en France).

Tonkaradani, le Val-aux-mésanges – C’est le plus gros conte du recueil (90 pages). Cette merveilleuse vallée dans laquelle chantaient les mésanges n’existe plus, elle a été engloutie par un lac artificiel. Le vieux chêne est le seul à raconter son histoire mais il a mal à la tête car les écureuils se sont battus toute la nuit… Trapèze, arrivé de nulle part, a battu le roi Queue bouclée et celui-ci doit fuir avec sa compagne et leurs petits (Chiyoko, Jiro, Taro). Mais la forêt est pleine de dangers, serpent, renard, aigle et même des humains. Heureusement Jiro est recueilli par Muku, une chatte qui a perdu son chaton, Udo, un bon chienv et une fillette, Sanaé, qui malheureusement est devenue aveugle. Jiro reverra-t-il Tonkaradani et sa famille ? Si vous ne connaissez pas la culture japonaise, vous risquez de passer à côté de clins d’œil (Sanaé, tanuki…) et de jeux de mots (gozireuil…). Tezuka raconte aux enfants que la nature et les animaux sont plus importants que la science et la technologie.

Chante, Penny ! – Penny vit dans une ferme à la campagne avec Peggy et sa grand-mère. Elle rêve d’aller à New York et de chanter mais est-ce une belle vie pour elle ?

Le haut-de-forme – Sa majesté est malade mais le médecin a perdu son haut-de-forme, chapeau que convoite un couple d’oiseaux pour y abriter leurs oisillons. Dans cette histoire, Tezuka se dessine, il porte un béret mais il s’empare du haut-de-forme (p. 115).

Prince Saphir, Chink et l’œuf d’or – Une fée remet à l’angelot un œuf en or mais il est poursuivi par une sorcière et tombe sur Terre. Il est recueilli par Chink, un ancien angelot tombé lui aussi, qui demande de l’aide au Prince Saphir. Pourront-ils récupérer l’œuf en or ?

Col-blanc, le petit canard – Tezuka précise que c’est un conte russe. L’hiver va arriver et maman canard prépare ses petits à voler pour partir vers le sud. Mais lorsqu’elle voit des plumes de Col-blanc et des traces de renard, elle croit que le canidé a dévoré son caneton et elle s’envole avec les petits mais sans Col-blanc. C’est vrai que Col-blanc ne peut plus voler mais il s’est réfugié sur la mare pour que le renard ne le mange pas mais la mare gèle…

Les écailles d’or – Tezuka précise que c’est un conte turc. Un enfant vit avec sa mère dans la pauvreté. Un jour il pèche un poisson d’or qui lui promet une écaille d’or qui exaucera son vœu s’il le relâche. Mais l’enfant veut toujours plus.

La patte de maman – Des garnements poursuivent des chatons dont la maman n’a que trois pattes. Elle doit leur expliquer pourquoi. Un conte qui traite du handicap très émouvant.

Le diable s’investit au bal – La soirée de bal est féerique mais « le chef de l’armée des révolutionnaires, celui qu’on appelle ‘le renard du Danube’ se serait infiltré en ces lieux et comploterait quelque chose » (p. 151). Lily est-elle en danger ?

Les yeux de maman – Miyo est seule avec son papa car sa maman a dû partir de la maison. Mais il est très malade et ils sont trop pauvres pour acheter des remèdes alors Miyo va au bord de la rivière pour demander de l’aide à sa maman qui lui donne une boule blanche.

Mignon – Tezuka s’est inspiré de Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister écrit par Goethe. Mignon, un grand danseur, maltraité par des saltimbanques est sauvé par Wilhelm. Il se déguise en fille et remplace mademoiselle Philine incapable de chanter car elle a trop mangé.

La source de la grue – Le riche Danburi maltraite ses employés. Yohyô décide d’aller à la montagne pour gagner de l’argent. Là il soigne une grue blessée par un chasseur, le fils de Danburi mécontent… Le soir, une belle jeune femme, Otsû, se présente à la maison et propose d’aider Yohyô et sa grand-mère en utilisant la nuit le métier à tisser mais il ne doit jamais regarder ce qu’elle fait. Ce conte japonais est connu mais il est toujours aussi triste, choisir entre la richesse et l’amour… Pour moi, c’est clair, c’est l’amour mais il y a encore des fous qui choisissent la richesse !

Tonkaradani est un beau recueil du grand maître Tezuka qui ravira les petits et les grands, avec des histoires diversifiées dont la plupart sont avec des animaux mais j’ai remarqué quelques fautes… (que je n’ai pas pris la peine de noter).

Pour La BD de la semaine avec le thème Jeunesse (plus de BD de la semaine chez Moka), 2023 sera classique, BD 2023, Les classiques c’est fantastique avec le thème de septembre Jeunesse, Contes et légendes 2023, Jeunesse & young adult #12 et Littérature de l’imaginaire #11.

La baleine tatouée de Witi Ihimaera

La baleine tatouée de Witi Ihimaera.

Au vent des îles, 1er trimestre 2022, 180 p, 17 €, ISBN 978-2-36734-431-7. Paï, The Whale Rider (1987) est traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Mireille Vignol.

Genres : littérature néo-zélandaise, roman, légende.

Witi Ihimaera naît le 7 février 1944 à Gisborne en Nouvelle-Zélande. Il est Maori et son nom complet est Witi Tame Ihimaera-Smiler. Il étudie à l’Université Victoria de Wellington et devient diplomate (dans les années 1970) puis se lance dans l’écriture de nouvelles et de romans donc certains sont adaptés au cinéma. Seuls trois de ses titres sont traduits en français : Tangi (1973-1988), Paï (1987-2003) et Bulibasha (1994-2009).

Introduction : « Cette histoire se passe à Whāngārā, sur la côte est de la Nouvelle-Zélande, où Paikea est le tipuna, l’ancêtre. Cependant, l’histoire, les personnages et les événements décrits dans ce roman sont entièrement imaginaires et en se basent aucunement sur des gens de Whāngārā. »

« Dans les temps anciens, dans les années qui nous ont précédés, la terre et la mer éprouvèrent un sentiment de grand vide et d’ardent désir. » (p. 13). Et, un jour, des pirogues sont arrivées avec des humains alors la terre et la mer sont ravies. « Nous sommes découvertes. La nouvelle va remonter jusque chez les Anciens. La bénédiction ne tardera plus. » (p. 14). Puis une forme sombre, brisant la surface, fusant vers le ciel et plongeant dans l’eau « ébranla terre et mer. […] C’était un tohorā. Une baleine gigantesque. Un monstre marin. […] elle portait le signe sacré : un moko en forme de spirale sur son front. » (p. 15, un moko est un tatouage) et « à califourchon sur la tête de la bête » (p. 15), un homme brun foncé, tatoué, un dompteur de baleine, « tāngata, l’être humain. » (p. 16), un homme qui s’appelle Kahutia Te Rangi et qui devient l’ancêtre du village.

Court chapitre en italique. Un millier et quelques centaines d’années après. « Péninsule Valdès, en Patagonie. Te Whiti Te Ra. La crèche, le berceau des cétacés. » (p. 19). Un baleineau orphelin se lie d’amitié avec un humain.

De nos jours (plus ou moins, plutôt fin des années 1980). Lorsque naît Kahu, Koro Apirana, le grand-père, est dégoûté : « Une fille, […]. Je ne veux pas en entendre parler. Elle a rompu la lignée masculine de notre tribu. » (p. 21). La grand-mère, Nani Flowers, descendante de la légendaire Muriwai, est elle très contente. D’ailleurs, il n’est pas vraiment interdit de transmettre le pouvoir à une fille puisque dans « la coutume māori, les rênes du pouvoir sont héréditaires, [mais] le prestige, le mana se transmet de fils aîné à fils aîné. Sauf que, dans ce cas précis, le fils aîné était une fille aînée. » (p. 23). Mais ce qui met plus en colère Koro Apirana, c’est que leur petit-fils, Porourangi, décide de l’appeler Kahu en hommage au grand ancêtre.

Court chapitre en italique. À quatre cent lieues de l’île de Pâques, à Te Pitoo te Whenua, un groupe de baleines doit protéger les baleineaux d’un groupe d’humains.

Cette histoire vous dit quelque chose ? Normal, ce classique (contemporain) de la littérature néo-zélandaise a été adapté au cinéma : Paï, l’élue d’un peuple nouveau réalisé par Niki Caro en 2002.

Un nouveau challenge

Le narrateur de ce roman est Rawiri, un oncle de Kahu, il a 8 ans de plus qu’elle. Il raconte que Kahu adorait son arrière-grand-père mais lui ne l’aimait pas… Il raconte aussi les traditions, les légendes et dit que la transition du peuple māori pour le XXIe siècle doit se faire d’un coup et que ce n’est pas évident. « Notre peuple sera-t-il préparé à relever les nouveaux défis et à s’adapter aux nouvelles technologies ? Et dans quelle mesure restera-t-il māori ? » (p. 78).

Un roman légende, un roman monde, à lire absolument si vous voulez savoir comment les māoris ont traversé « Te Monoa Nui a Kiwa, le vaste océan de Kiwa. » (p. 38) d’est en ouest pour arriver sur cette île de Nouvelle-Zélande, Aotearoa, le pays du long nuage blanc (ça me fait penser à Le pays du nuage blanc de Sarah Lark lu en 2013) et comment les baleines font vivre le monde y compris celui des humains. C’est beau, c’est poétique, il y a même quelques moments humoristiques. Je vous conseille aussi Histoire d’une baleine blanche de Luis Sepúlveda si les mythes et les légendes sur les baleines vous fascinent.

Deux passages que j’ai particulièrement appréciés. Lorsque Rawiri part avec un ami en Papouasie Nouvelle Guinée (p. 73-76), c’est qu’on sait tellement peu de choses sur ce pays d’Océanie. Et « Sous l’eau, un coup de tonnerre étouffé retentit comme un portail s’ouvrant dans le lointain. La mer s’emplit soudain d’un chant bouleversant, qui contenait l’éternité. Puis la baleine fendit les flots, l’homme à califourchon sur sa tête. Quelle vision extraordinaire que ce dompteur de tohorā. » (p. 105). Et il y a des moments vraiment très émouvants.

Pour ABC illimité (lettre W pour prénom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 19, un livre qui se passe sur une île, ici la Nouvelle-Zélande), Challenge lecture 2023 (catégorie 14, un livre dont la couverture est en noir et blanc), Contes et légendes #5 (légendes maories), Lire (sur) les minorités ethniques (les Maoris), Petit Bac 2023 (catégorie Animal pour Baleine), Tour du monde en 80 livres (Nouvelle-Zélande) et Un genre par mois (en février, drame).

Romance d’Outre-Tombe de Natsuki Sumeragi

Romance d’Outre-Tombe de Natsuki Sumeragi.

Delcourt / Akata (plus au catalogue), avril 2007, 192 pages, 7,95 €, ISBN 978-2-7560-0311-5. Ryôsanpaku to Shukeidai (Kadokawa Shôten, 1992) est traduit du japonais par Yuki Kakiichi et adapté par Laurence Gillet.

Genres : manga, seinen.

Natsuki Sumeragi 皇名月 (ou 皇なつき pour signer ses mangas) naît le 21 août 1967 à Ôsaka au Japon. Elle étudie la littérature japonaise à l’Université de Ritsumeikan à Kyôto. Elle est passionnée par la Chine et la Corée et ses dessins sont extraordinaires par rapport au contexte historique et culturel (kimonos, décors…). J’ai ses autres titres, La voix des fleurs (花情曲 ou はなのこえ, Hana no koe, 1991), Intrigues au pays du matin calme (李朝・暗行記 ou りちょうあんぎょうき, Richô Angyouki, 1993), Pékin années folles (燕京伶人抄, Peking reijin shô, 1995) et Un destin clément (恋泉 花情曲余話, Rensen Hana no koe yowa, 1998), ce qui est dommage c’est qu’ils n’existent plus chez l’éditeur… Plus d’infos sur son blog (plus mis à jour).

L’histoire du temple Shuzen – d’après L’histoire du temple Shuzen de Kidô Okamoto (1872-1939), auteur de Fantômes et samouraïs – Hanshichi mène l’enquête à Edo, entre autres. Fin du XIIe siècle, des combats sanglants éclatent entre les samouraïs. Katsura et Kaede, deux sœurs, filles du sculpteur Yashaô d’Izu, se chamaillent. Kaede a épousé l’artisan qui seconde son père mais Katsura rêve d’un mariage avec un noble. C’est à ce moment-là qu’arrive le Shogun Yori-ié Minamoto, 23 ans : il a commandé un masque en bois à Yashaô mais celui-ci tarde à arriver… « J’ai sculpté sans relâche mais jusqu’à présent les résultats n’ont pas été satisfaisants… […] Un masque demande plus que de la technique ! Il s’agit d’y mettre de l’âme ! » (p. 13). Katsura, sous le charme du noble accepte d’être à son service mais… Celui-ci est tourmenté, il a peur de la mort. Katsura et Yori-ié pourront-ils s’aimer ? « Je ne pensais pas que les personnes de haut rang souffraient autant. » (p. 44). Ce conte japonais est une belle histoire d’amour tragique, inspirée de faits (plus ou moins) réels puisque le masque est devenu le trésor du temple Shuzen.

L’ogre de Sôzudono – « Grand frère, tout le monde sait qu’un ogre habite Sôzudono, ce n’est pas une plaisanterie ! » (p. 72). Le grand-frère réprimande Munechika, quelle idée pour un jeune homme de croire ce genre d’absurdités ! Mais il est embarqué un peu à l’insu de son plein gré par Munechika et ils vont tous deux à Sôzudono… pour y trouver leur destin. Une histoire d’amour, de jalousie et de haine entre deux frères, l’aîné ayant plus de droits (et de devoirs) que son jeune frère (et, à notre époque, rien n’a changé, rien de nouveau sous le soleil comme on dit).

Romance d’Outre-Tombe – d’après La romance de Liang Shanbo et Zhu Yingtai (梁山伯与祝英台, en pinyin liáng shānbó yŭ zhù yīngtái, parfois traduit par Les amants papillons, du fait de la traduction anglaise Butterfly Lovers). Cette légende chinoise est un genre de Roméo et Juliette antique, présentée au classement de l’UNESCO dans l’objectif d’entrer à son répertoire du patrimoine oral et immatériel en 2006 (source Wikipédia). Ying-tai, 16 ans, ne va pas bien mais le médecin dit qu’elle n’a aucun problème de santé. Un ‘devin réputé’ dit à son père qu’elle devrait aller à Hang-zhou. « Si vous la laissez partir, elle échappera à un destin tragique. » (p. 100). Le père accepte – un de ses vieux amis, He Tian-you, y tient une école – mais Ying-tai doit absolument revenir au bout d’un an et personne ne doit découvrir son identité. Elle se fait alors passer pour un homme et part avec sa servante, Yin-xin, qu’elle fait passer pour sa jeune sœur qui l’accompagne. Dans une auberge, elle rencontre un beau jeune homme – qui l’intimide – et ils font route ensemble. « Qui sont ces deux-là ? – Ah, eux deux ! Ce sont Liang Shan-bo et Zhu Ying-tai. Ils sont arrivés en même temps à l’école de Maître He l’année dernière. Il paraît qu’ils se sont rencontrés pendant leur voyage et ont sympathisé, depuis ils sont inséparables comme des frères. » (p. 109). Mais l’année est passée et Maître He oblige Ying-tai à rentrer, or son père veut la marier… Une très belle histoire d’amour, romantique et… tragique bien sûr.

En fin de volume, un Livre des merveilles du monde regroupe une postface illustrée de la mangaka et des clés de compréhension sur le Japon et la Chine antiques et médiévales. Les trois histoires sont évidemment dramatiques : il y a Outre-Tombe dans le titre, ce qui veut tout dire mais elles sont agréables à lire non seulement grâce aux superbes dessins de Natsuki Sumeragi mais aussi grâce aux textes épurés, centrés sur le nécessaire pour le format court et avec une pointe de fantastique. À découvrir assurément !

Pour La BD de la semaine spéciale Bulles d’amour (plus de BD de la semaine chez Fanny) et les challenges 2023 en classiques, ABC illimité (lettre R pour titre), BD 2023, Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 2, une BD ou un manga, 4e billet), Challenge lecture 2023 (catégorie 30, une BD qui est l’adaptation d’un roman), Contes et légendes #5, Jeunesse & young adult #12, Littérature de l’imaginaire #11, Un genre par mois (en février, du rire aux larmes, amour et drame).

Challenge Contes et légendes 2023

Ça y est, le billet est paru chez Bidib pour la 5e édition du challenge Contes et légendes 2023 (et ma 5e participation). L’objectif est toujours de lire des contes et des légendes et leurs adaptations (BD, films, séries, théâtre…) du 1er janvier au 31 décembre 2023.

Infos, nouveaux logos et inscription chez Bidib.

Un défi : lire un conte ou une légende par mois.

Un bingo avec des thèmes à relever (image ci-contre, cliquez !).

Les rendez-vous inter-challenges (avec chacun un logo spécifique) : Un mois au Japon, Les étapes indiennes, Des livres (et des écrans) en cuisine, 2023 en classiques, Halloween…

Mes lectures pour ce challenge

1. Mermaid Saga Intégrale 1 de Rumiko Takahashi (Glénat, 2021, Japon), légendes des sirènes et de l’immortalité, bingo thème des sirènes et êtres féeriques

2. Romance d’Outre-Tombe de Natsuki Sumeragi (Delcourt/Akata, 2007, Japon), légendes japonaises et chinoise, bingo thème de la mort

3. Les royaumes du nord de Philip Pullman (Folio Junior, 2017, Angleterre), contes du Nord, bingo thème anges et démons

4. La baleine tatouée de Witi Ihimaera (Au vent des îles, 2022, Nouvelle-Zélande), légendes maories

5. La tour des Anges de Philip Pullman (Folio Junior, 2017, Angleterre), légendes de sorcières, de mondes parallèles, bingo thèmes anges et démons

6. Algue et la sorcière de Pınar Selek (Éditions des lisières, 2021, Turquie), conte turc, sorcière, bingo en relation avec les plantes puisque le chêne est très important

7. Rooster Fighter – Coq de baston 2 de Shu Sakuratani (Mangetsu, 2022, Japon), légendes japonaises

8. La fête des ombres (2 tomes) d’Atelier Sentô (Issekinicho, 2021, France), légendes japonaises

9. Rooster Fighter – Coq de baston 3 de Shu Sakuratani (Mangetsu, 2022, Japon), légendes japonaises

10. Verte et les oiseaux de Pınar Selek (Éditions des Lisières, 2017, Turquie), conte turc

11. Tonkaradani d’Osamu Tezuka (Milan, 2007, au Japon entre 1953 et 1957), 8 contes japonais, un conte russe, un turc et un inspiré de l’allemand

12. Rooster Fighter – Coq de baston 4 de Shu Sakuratani (Mangetsu, 2023, Japon), légendes créatures japonaises

Mermaid Saga Intégrale 1 de Rumiko Takahashi

Mermaid Saga Intégrale 1 de Rumiko Takahashi.

Glénat, collection Seinen, octobre 2021, 400 pages, 14,95 €, ISBN 978-2-34404-792-7. 人魚シリーズ (Ningyo Shirîzu, 1985) est traduit du japonais par Nesrine Mezouane.

Genres : manga, shônen/seinen, fantastique.

Rumiko Takahashi 高橋 留美子 naît le 10 octobre 1957 à Niigata (préfecture de Niigata, Japon). Elle commence à dessiner très jeune puis, lorsqu’elle est étudiante à Tokyo, elle fréquente Gekiga Sonjuku, l’école de manga fondée par Kazuo Koike. Elle débute sa carrière avec des recueils amateurs appelés dôjinshi (1975) puis Urusei Yatsura (1978-1987). C’est une mangaka célèbre (au style reconnaissable) et elle a reçu plusieurs prix. J’ai lu ses chefs-d’œuvre, Inu-Yasha, Ranma 1/2, Urusei Yatsura que j’ai également vus en animation, ainsi que Maison Ikkoku (Juliette, je t’aime) en animation. J’ai aussi lu ses one-shots (parus chez Tonkam), La tragédie de P (1994), Le chien de mon patron (1999) et Un bouquet de fleurs rouges (2005). Quant à Mermaid Saga, j’ai vu les OAV et la série animée mais je n’avais jamais lu le manga.

Mermaid Saga est paru au Japon en 3 tomes entre 1984 et 1994, d’abord en prépublication dans Shônen Sunday Zôkan (1984-1985) puis dans Weekly Shônen Sunday (1987-1994) avant d’être édité par Shôgakukan (dès 1985) et adapté en animation (en 1991, 1993 et 2003). Le premier tome, Mermaid Forest 人魚の森 (Ningyo no mori soit la forêt des sirènes) est le seul tome traduit en français en 1998. Le tome 2, Mermaid’s Scar 人魚の傷 (Ningyo no kizu soit la cicatrice de la sirène) et le tome 3, Mermaid Gaze 夜叉の瞳 (Yasha no hitomi soit l’œil du démon) sont enfin traduits en français. Ce premier tome intégrale contient Mermaid Forest.

Yuta a mangé de la chair de sirène et il est devenu immortel (sauf s’il a la tête tranchée) alors que tous ses amis pêcheurs sont morts dans d’atroces souffrances. Il a 20 ans… depuis 500 ans mais souffre de voir tous ceux qu’il aime vieillir et mourir. Il voudrait donc redevenir mortel. « On m’a dit que pour redevenir humain, je devais rencontrer une sirène… ».

Mana a été capturée enfant par des sirènes qui l’ont obligée à manger de la chair de sirène afin, à leur tour, de se nourrir de sa chair pour redevenir jeunes et belles…. Elle a 16 ans, est aussi immortelle, et heureusement a réussi à s’enfuir grâce à Yuta qui est arrivé dans le village isolé où elle était prisonnière, c’est sûr « les sirènes ne savent pas rire ».

Des sirènes, des monstruosités, des pirates, de l’action, de l’aventure, parfait pour un shônen (manga pour garçons) mais il y a quelques scènes violentes et érotiques alors c’est plutôt un seinen (manga pour adultes). Il y a aussi d’horribles vieilles femmes et de l’humour, « Arrête de crier, ton dentier risque de tomber ! » (p. 188), mouah ah ah, elle est bien bonne !

Ce premier tome est un très beau livre, dans un format plus grand que les mangas habituels (145 x 210 mm). Les différentes histoires peuvent être lues indépendamment (comme des nouvelles) mais il y a une certaine continuité chronologique donc mieux vaut les lire dans l’ordre même s’il y a des flashbacks aussi bien pour Yuta que pour Mana. Vous pourrez être un peu énervés par le statut de Mana (jeune fille en détresse avec un héros qui la sauve à chaque fois) mais c’est typique des années 80 (j’appelle ça le syndrome de la Princesse Peach, pour ceux qui connaissent les jeux vidéo… La Princesse Peach se laisse toujours enlever par le méchant Bowser pour que Mario vienne la sauver). Une lecture pour les fans de Rumiko Takahashi et pour ceux qui veulent découvrir la mangaka et son univers. La bibliothèque a acheté le deuxième tome donc je le lirai sûrement dans pas longtemps.

Ils l’ont lu : Aelurus, Floriane, Hervé, Tampopo, d’autres ?

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Moka) et les challenges ABC illimité (lettre R pour prénom), BD 2023, Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 14, le nom d’un animal dans le titre, mermaid est l’anglais pour sirène), Challenge lecture 2023 (catégorie 28, un livre sans happy end), Contes et légendes, Jeunesse & young adult #12, Littérature de l’imaginaire #11, Petit Bac 2023 (catégorie Animal pour Mermaid = sirène), Tour du monde en 80 livres (Japon).

Défi du 20 décembre 2022

Après une première année de l’atelier d’écriture Le défi du 20 en 2021, je continue avec les nouvelles consignes et le nouveau joli logo coloré (créé par Soène) chez Passiflore, où vous pouvez consulter toutes les infos.

En janvier c’était 1 peintre, en février 2 poètes, en mars 3 chanteurs, en avril 4 titres de livres, en mai 5 oiseaux, en juin 6 arbres, en juillet 7 légumes, en août 8 fleurs, en septembre 9 prénoms, en octobre 10 animaux, en novembre mot de 11 lettres et en décembre, c’est 12 signes du zodiaque.

Je ne veux pas vous parler des signes du zodiaque utilisé dans le monde occidental, le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau et les Poissons, car les repères astrologiques ont changé depuis la création (par les Hindous et les Hébreux) de ce zodiaque.

Alors ? Je vais vous parler du zodiaque asiatique, souvent appelé zodiaque chinois. Connaissez-vous les légendes ? Certaines disent que Bouddha invita les animaux à un banquet, d’autres que c’est l’Empereur qui les invita en envoyant son serviteur, mais peu importe : les deux figurent la divinité. L’Empereur voulait organiser une course et récompenser les douze premiers arrivés par un banquet divin et… leur passage à la postérité puisque chacun marquerait une année – dans leur ordre d’arrivée – ainsi il serait possible de compter l’âge par cycle de douze ans. Mais la course était difficile car il fallait traverser une rivière et bon nombre d’animaux ne savaient pas nager…

Il existe plusieurs histoires qui racontent les aventures des animaux car certains ont utilisé des subterfuges (pour ne pas dire triché). Par exemple, le rat est monté sur la tête du bœuf, avec son accord, pour traverser la rivière mais a sauté le premier devant l’Empereur, le bœuf se retrouvant deuxième. Ou le serpent glissant dans l’eau entre les pattes du cheval pour l’effrayer et grimper sur la rive avant lui pour la sixième place, le cheval arrivant septième. D’autres s’entraidèrent comme la chèvre, le singe et le coq qui arrivèrent ensemble sur un radeau. Vous pouvez lire de nombreux contes et récits asiatiques (chinois, coréens, japonais, vietnamiens…) qui narrent les aventures de ces douze animaux. Dans certains pays, la terminologie change, selon si cet animal y existe ou pas (voir ci-dessous).

1er. Rat (ou Souris) 鼠 (shŭ) associé au yang
2e. Bœuf / Buffle (ou Vache) 牛 (niú) associé au yin
3e. Tigre 虎 (hŭ) associé au yang
4e. Lapin (ou Lièvre ou Chat) 兔 (tù) associé au yin
5e. Dragon (ou Lézard) 龍 (lóng) associé au yang
6e. Serpent 蛇 (shé) associé au yin
7e. Cheval 馬 (mă) associé au yang
8e. Chèvre (ou Mouton) 羊 (yáng) associé au yin
9e. Singe 猴 (hóu) associé au yang
10e. Coq (ou Phénix) 鷄 (jī) associé au yin
11e. Chien 狗 (gŏu) associé au yang
12e. Cochon (ou porc, sanglier ou même éléphant) 猪 (zhū) associé au yin.

Ces 12 animaux forment donc un cycle de 12 ans qui revient à chaque fois dans l’ordre de leur arrivée mais d’autres éléments rentrent en compte comme le yin 陰 et le yang 陽 (voir ci-dessus) et surtout les 5 éléments, Métal 金 (jin), Bois 木 (mù), Eau 水 (shuĭ), Feu 火 (huŏ) et Terre 土 (tŭ) à tour de rôle ce qui donne 5 cycles de 12 ans soit un cycle de 60 ans (qui revient tous les 60 ans).

Le Nouvel an ‘chinois’ est plutôt le Nouvel an lunaire puisqu’il concerne plusieurs pays d’Asie (les pays où il existe du bouddhisme). Depuis le 1er février 2022, nous sommes dans l’année du Tigre d’Eau et ce jusqu’au 21 janvier 2023. Du 22 janvier 2023 au 9 février 2024, nous serons dans l’année du Lapin (ou Lièvre ou Chat) d’Eau mais je vous en reparlerai d’ici là.

Voilà j’espère que tout ça vous a plu et vous donnera envie de lire des histoires et des contes sur ces 12 animaux et je vous souhaite une bonne fin d’année puisque c’est le dernier atelier d’écriture de 2022. Vous pouvez consulter les billets des autres participant(e)s chez Passiflore. Et j’ai hâte de voir ce que Passiflore nous concocte pour 2023 !

Les tambours du dieu noir et L’affaire étrange du djinn du Caire de P. Djèlí Clark

Les tambours du dieu noir suivi de L’affaire étrange du djinn du Caire de P. Djèlí Clark.

L’Atalante, collection La dentelle du cygne, avril 2021, 144 pages, 12,90 €, ISBN 979-10-3600-074-4. The Black God’s Drums (2018) et A Dead Djinn in Cairo (2016) sont traduits de l’anglais par Mathilde Montier.

Phenderson Djèlí Clark, de son vrai nom Dexter Gabriel, naît le 11 juin 1971 à New York (États-Unis) mais il grandit chez ses grands-parents à Trinité et Tobago. À l’âge de 8 ans, il retourne aux États-Unis. Il étudie l’Histoire. Il est historien, professeur chercheur (esclavage et émancipation dans le monde atlantique) et auteur (romancier et nouvelliste dans les genres fantasy et science-fiction). Plus d’infos sur son site officiel.

Voici ce que nous dit l’éditeur (site et 4e de couv). « Bienvenue dans la première publication française d’un nouveau maître de l’uchronie et du surnaturel. Bienvenue dans les mondes mirifiques criants de réalisme, foisonnants de couleurs, de sons et de parfums, de Phenderson Djèlí Clark. »

Les tambours du dieu noir est un roman indépendant.

Genres : littérature états-unienne, science-fiction (uchronie, steampunk).

La Nouvelle-Orléans, années 1880, bientôt ‘Maddi grá’. Une Nouvelle-Orléans indépendante et territoire neutre, avec des guildes, des dirigeables, des Écrivisses métalliques qui patrouillent dans les rues, des tempêtes noires, des Grands Murs construits par les Hollandais pour en protéger la ville et une guerre de Sécession presque avortée sur la fin.

Jacqueline (surnommée LaVrille) est la narratrice. « C’est pendant un de ces gros orages que je suis née, il y a à peu près treize ans, en 1871. » (p. 11). Son coin préféré ? Une alcôve sur un mur dans laquelle elle peut observer – sans être vue – les dirigeables et les gens qui en sortent « farandole de couleurs de peau, de vêtements, de langues » (p. 12). Son rêve ? « Je quitterai cette ville, je fendrai les nuages pour aller découvrir tout ce qu’y a à découvrir et voir tous les gens qu’y a à voir. » (p. 12). Ah, j’oubliais, Jacqueline est pickpocket ! « Comme de bien entendu, de mon alcôve, je peux aussi repérer les voyageurs qui surveillent pas d’assez près leurs portemonnaies, leurs valises et tout ce qui dépasse. Parce qu’à La Nouvelle-Orléans, les rêves, ça nourrit pas son homme. » (p. 12).

Mais soudain, tout ralentit et « une lune monstrueuse monte dans le ciel. Non, pas une lune, […] un crâne ! Un gigantesque crâne blanc emplit de nuit. » (p. 13). Jacqueline pense que c’est une vision que lui envoie la déesse Oya. Mais elle doit se cacher tout au fond de l’alcôve car des hommes arrivent (bizarre, personne ne vient jamais par ici), des Sudistes, et elle surprend leur conversation au sujet d’un scientifique haïtien, « […] les Tambours du dieu noir… T’êt’ bien que vous autres allez la gagner, c’te guerre, à la fin du compte. » (p. 16).

Jacqueline sait à qui elle va vendre l’information, à La Capitaine du dirigeable, le Détrousseur de Minuit, qui a connu sa mère, Rose, morte il y a trois ans. Si Jacqueline a en elle depuis toujours la déesse Oya (ce n’est pas comme une possession), idem pour La Capitaine (de son vrai nom Ann-Marie St. Augustine) avec la déesse Oshun et ces deux déesses sont sœurs donc La Capitaine et Jacqueline sont liées qu’elles le veuillent ou non. « Je comprends mieux pourquoi qu’elle a tant la bougeotte. À chaque tempête, à chaque épisode de vents violents, Oya est souveraine. Je l’entends rugir, en moi comme tout autour. Au milieu de toute cette eau, Oshun doit être pareille et, à force de lui résister la capitaine doit avoir l’impression de lutter contre un raz-de-marée. Dans ma tête, Oya rit. On peut fuir tant qu’on veut ses déesses afrikaines ancestrales, elles nous retrouvent toujours quand elles l’ont décidé. » (p. 64).

J’ai bien aimé (mais je l’ai trouvé un peu trop court, bon j’en aurais voulu plus !), il y a de l’action, de l’inventivité et les deux personnages principales sont attachantes. Je le conseille surtout à ceux qui aiment le steampunk (par certains côtés, ça m’a fait penser à la trilogie Le siècle mécanique de Chérie Priest). Il a été nommé à plusieurs prix : Nebula du meilleur roman court 2018, Hugo du meilleur roman court 2019, Locus du meilleur roman court 2019 et World Fantasy du meilleur roman court 2019.

La chose un peu difficile : lire les phrases en créole (enfin, il me semble que c’est du créole)… Un exemple, « Mwen avé bien plis que dizneuf ans quonça mwen embaqué sus un dirijabl ! Ma granmanman m’auré dékalbichée si mwen avait songé à ton laj. Touça à qui tu dévré rêvé, lé gason qui sont pètèt amoureux di toi et le mayaj. » (la capitaine à Jacqueline, p. 32). Vous voyez, c’est compréhensible quand même (bravo à la traductrice !) et je vous rassure, ce n’est pas tout le temps comme ça, c’est seulement pour quelques dialogues.

Pour Challenge lecture 2022 (catégorie 15, un livre avec une couleur dans le titre), Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie Couleur pour Noir), Shiny Summer Challenge 2022 (menu 4 – Chaud et ardent, sous menu 2 – Faire feu de tout bois = guerre, bataille, enjeu politique, on est en pleine guerre de Sécession mais… différente), Les textes courts (cette première histoire compte 90 pages) et surtout S4F3 2022 et Vapeur et feuilles de thé (steampunk).

L’affaire étrange du djinn du Caire est la première histoire de la série Ministère égyptien de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. La 2e étant Le mystère du tramway hanté (2019, L’Atalante, 2021) et la 3e Maître des djinns (2021, L’Atalante, 2022).

Genres : littérature états-unienne, fantasy, fantastique, science-fiction, roman policier.

Azbakiyya, quartier cossu du Caire, Égypte, 1912. « Fatma El-Sha’arawi, agente spéciale du ministère égyptien de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, examinait le cadavre vautré sur le gigantesque divan à travers des lunettes spectrales. Un djinn. Un Ancien, qui plus est – musculeux, deux fois plus grand qu’un homme, avec des doigts prolongés par des serres recourbées aussi longues que des couteaux. » (début du roman, p. 93).

Vous avez déjà vu un djinn, vous ? Moi, non… mais je ne possède pas de lunettes spectrales !

L’inspecteur Aasim Sharif de la maréchaussée locale sert d’officier de liaison avec le ministère. « Il n’avait pas mauvais fond. Il était simplement vulgaire. » (p. 93), vu son discours, tout le monde s’en sera rendu compte, et en plus il n’est pas très efficace… Bref, ce que je veux dire, c’est que, comme dans Les tambours du dieu noir avec Jacqueline et La Capitaine, l’auteur privilégie encore ici une héroïne, même si les hommes du Caire sont bien gênés devant « une Saïdi basanée sortie de sa cambrousse » (p. 94), jeune en plus (24 ans), érudite (elle a étudié à Louxor), habillée à l’occidentale (plutôt mode masculine, extravagante, costume anglais, cravate, chapeau melon noir, chaussures à bout golf, canne à pommeau d’argent et montre à gousset offerte par son père horloger) et même deux héroïnes puisque le lecteur fera la connaissance de Siti, une Nubienne, un peu plus tard.

Phenderson Djèlí Clark est un maître dans la fusion des genres ! Nous avons ici une enquête policière avec une pointe de science-fiction (créatures mécaniques et automates, steampunk donc), de la fantasy (magie et créatures d’un autre monde) et du fantastique (horreur, avec un petit côté lovecraftien). C’est que, plus de quarante ans auparavant, al-Jahiz « au moyen de pratiques mystiques et de machines, avait ouvert un passage vers le Kaf, l’outre-royaume des djinns. La raison de son geste – curiosité, malveillance ou malice – restait un mystère. Il avait disparu peu après en emportant ses incroyables inventions. » (p. 101), ouvrant la porte aux djinns, goules, sorciers, magiciennes…

« La fin des mondes est proche, intervint la femme-Jann d’une voix qui résonna comme un écho. L’heure tourne. […] Vous en avez vu beaucoup cette nuit, reprit la prêtresse. […] une paire de cornes torsadées, une faucille, une hache surmontée d’un crochet et une demi-lune entourée de lierre entortillé. » (p. 122). Une vieille prophétie djinn se réalise… « […] selon laquelle trois seront nécessaires, trois qui devront se livrer sans contrainte. » (p. 124-125). Le Bélier (le djinn) est déjà mort, le Moissonneur (l’ange) aussi, mais qui est le Bâtisseur ? Serait-ce la fin du monde ?

Avec cette histoire, l’auteur revisite le mythe de l’horloge, maîtresse du temps et de l’espace, malédiction pour les humains, « toutes les peurs, tous les cauchemars inimaginables » (p. 135). De l’action, des rebondissements, pas de fioritures, le tout dans un format court mais une totale réussite, j’ai encore mieux aimé que Les tambours du dieu noir et j’ai hâte de lire la suite, Le mystère du tramway hanté (2e tome, que j’ai) et Maître des djinns (3e tome, que malheureusement je n’ai pas mais que je vais me procurer puisqu’il est paru en février 2022).

Ils l’ont lu : Amalia, Apophis, CélineDanaë, Elwyn, Lutin d’Albédo, Ours inculte, Yuyine, d’autres ?

Pour Challenge lecture 2022 (catégorie 39, un roman fantasy), Contes et légendes (créatures surnaturelles), Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie Lieu pour Caire), Shiny Summer Challenge 2022 (menu 4 – Chaud et ardent, sous menu 2 – Faire feu de tout bois = guerre, bataille, enjeu politique, ici une guerre magique, 2e lecture), Les textes courts (cette deuxième histoire compte 54 pages), Un genre par mois (en juillet, c’est policier) et surtout S4F3 2022 et Vapeur et feuilles de thé (steampunk).

La Caverne de Marina et Sergueï Diatchenko

La Caverne de Marina et Sergueï Diatchenko.

Albin Michel, mars 2009, 416 pages, 22,20 €, ISBN 978-2-22619-085-7. печтчера (Pechtchera, 2003) est traduit du russe par Antonina Roubichou-Stretz.

Genres : littérature ukrainienne, roman, fantastique.

Marina et Sergueï Diatchenko (Марина та Сергій Дяченки) sont un couple ukrainien (Kiev) mais ils vivent en Californie. Leurs romans (science-fiction, fantastique, fantasy) paraissent en ukrainien et en russe. Ils disent que les univers qu’ils créent sont du « M-realism » (du magic realism ?). Ils sont actifs depuis 1994 et de nombreuses œuvres sont parues (romans, novellas et nouvelles).

« Avertissement. Les habitants de cette ville si semblable aux nôtres vivent dans deux dimensions. Le jour, ils mènent une vie ordinaire, mais sans cruauté ni agression ; la nuit, dans leurs rêves, ils entrent dans le monde de la Caverne, et chacun d’eux s’y transforme en animal – prédateur ou proie, fort ou faible… Peut-on laisser sortir le fauve humain de l’obscure caverne ? Et surtout le faut-il ? Le monde de la Caverne est un monde fabuleux ! Un monde sans meurtre, sans violence, sans peur, un monde où point n’est besoin de fermer sa porte à clé le soir. Mais voilà… en s’endormant, nul ne sait s’il se réveillera le lendemain. » (p. 7).

Pavla Nimroberts vit avec sa sœur aînée Stefana, mariée à Vlaï et le couple a un fils, Mitika (5 ans). Elle est assistante de monsieur Myrel, surnommé Rossard, pour les émissions culturelles à la télévision. Elle va être en retard car elle vient de se réveiller et, dans son rêve, elle était une daine qui a échappé à un stark en se délaissant de sa toison mais normalement « les starks ne ratent jamais leur proie. Toute daine ne peut voir le stark qu’une seule fois dans sa vie. » (p. 10). Bizarrement le stark poursuit la daine dans les rêves suivants, comme s’il s’acharnait sur elle, ce qui est normalement impossible. « Une daine ne doit pas échapper trois nuits de suite au même stark. C’est-à-dire que, bien sûr, elle peut lui échapper trois fois… tout comme il n’est pas exclu que des graines tombées d’un sachet sur le sol y dessinent les contours de la statue de l’Inspiration. Aucune loi physique ne s’oppose à ce phénomène. Sauf que ça n’arrive jamais ! » (p. 35). Dans la Caverne, il y a des daines qui se nourrissent de mousse et des pocks qui se nourrissent de larves (proies), des bouxons, des scrolls et des starks (prédateurs) qui se nourrissent des précédents.

Et puis tout s’enchaîne pour Pavla. Apeurée, elle appelle un numéro confidentiel pour expliquer ce qui lui est arrivé et, peu après, Dod Darnets, journaliste de l’émission Les questions interdites, la contacte, puis, lorsqu’elle rencontre le réalisateur Raman Kovitch pour son travail, elle sait que c’est lui le prédateur, et il comprend que c’est elle la daine, « il avait manqué son but – lui qui ne le manquait jamais ! » (p. 58). C’est impossible ? Comment cela a-t-il pu arriver ? Est-ce même déjà arrivé ? Est-ce dangereux pour Pavla ? Kovitch peut-il être dangereux pour elle dans le monde humain ? Elle trouve de l’aide auprès de Tritan Todine du Magistère de la connaissance, expert du Centre de réhabilitation psychologique. Pavla serait-elle le cobaye d’une expérience scientifique ou sociologique ?

Mais vous, préféreriez-vous un monde comme celui-ci ? Un monde humain (aseptisé) dans lequel il n’y aurait pas de violence, pas de crimes ? Mais, en contrepartie, avec un monde nocturne, la Caverne, dans lequel les prédateurs mangent les proies (qui évidemment ne se réveillent pas au matin) mais les prédateurs le font sans violence, sans animosité, parce que c’est naturel (animal, pas humain) ? Ou préféreriez-vous un autre monde ? « un monde sans Caverne… Le monde sans Caverne, c’est la Caverne en plein jour. La Caverne maintenant et toujours. » (p. 239).

Ce roman étrange et passionnant, qui dénonce les expériences scientifiques (même celles pour la bonne cause), fait la part belle à la dramaturgie et au théâtre (création, évasion, moyen de réprimer la violence en la montrant telle qu’elle est). Il est aussi inspiré de légendes comme La Première Nuit de V. Skroï (œuvre fictive). « La grandeur des légendes, c’est leur absence d’équivoque. […] Les légendes sont… belles. Effrayantes, mais belles avant tout. Dans les légendes, les cygnes se transforment en jeunes filles et les rochers en éléphants. Dans les légendes, le petit garçon trouve un éclat de soleil dans une flaque d’eau. La légende dont vous parlez a une fin tragique. Skroï l’a remplacée par un dénouement heureux. Le seul dénouement heureux de son œuvre… » (p. 133). C’est cette œuvre, adaptée seulement trois fois en trois-cents ans (la Caverne étant devenue un sujet tabou chez les humains) que Raman Kovitch veut mettre en scène mais Pavla, considérée comme malade, est hospitalisée contre son gré. « Vois-tu, Pavla… Il y a des choses dont on ne peut parler. Qu’on peut seulement faire. » (p. 373).

Rien de rédhibitoire pour la lecture de ce roman mais trois fautes… Page 19, « bruit sonore », une redondance, un bruit ne peut être que sonore même si c’est un bruit sourd, par contre on peut dire nuisance sonore ou vibration sonore. Page 82, « justment ». Page 273, « […] à la cravache Et il se manifesta bientôt. », il manque le point après cravache.

Je lirai assurément d’autres titres du couple Diatchenko (que beaucoup de monde pense russe…), si vous en avez un incontournable à me conseiller.

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 15, un roman de plus de 400 pages), Challenge lecture 2022 (catégorie 44, un livre dont le titre contient seulement 2 mots, 3e billet), Contes et légendes #4 (c’est un peu spécial mais ça parle de légendes), Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie Lieu pour Caverne) et Voisins Voisines 2022 (Ukraine).

D.Gray-Man 1 de Katsura HOSHINO

D.Gray-Man 1 de Katsura HOSHINO.

Glénat, septembre 2013, 208 pages, 6,90 €, ISBN 978-2-72349-192-1. D.Gray-Man ディー.グレイマン (2004, Shûeisha) est traduit du japonais par Karine Rupp-Stanko.

Genres : manga, shônen, fantastique.

Katsura HOSHINO 星野・桂 naît le 21 avril 1980 au nord d’Osaka, dans la préfecture de Shiga. Elle souhaite d’abord devenir animatrice en animation et s’installe à Tôkyô mais ça ne lui convient pas et elle se lance dans le manga avec deux one-shots, Continue et Zone, puis commence la série D.Gray-Man.

Europe, fin d’un XIXe siècle imaginaire. Moore Hesse, jeune policière, et son collègue entrent dans une église que les habitants jugent maudite car de nombreuses personnes y disparaissent depuis deux ans. Elle y découvre un chat, une nuée de chauve-souris et un jeune voyageur, Allen Walker, qui dit être arrivé le matin et que le chat a avalé quelque chose qui lui est cher. Mais son collègue est tué par un akuma (diable, démon, esprit maléfique) qui « Plus il commet de meurtres, plus il devient fort. » (p. 24).

Allen est en fait un exorciste, un ecclésiastique chasseur d’akuma ; s’il est en Angleterre, c’est à la demande de son maître, le père Cross Marian, et il doit se rendre au quartier général des exorcistes, la Congrégation de l’Ombre. Mais il rencontre un enfant, Jean ; son père est chercheur au Vatican et il connaît les akuma ; il veut devenir lui aussi chercheur pour créer une arme qui les détruira d’un coup. Mais son meilleur ami, Léo, qui vient de perdre sa mère, n’est plus lui-même… « La progression des akuma est en marche. La fin des temps approche ! » (le Comte millénaire, p. 127)

Quelle lecture ! Au début, je me suis dit, bon, encore un shônen avec des jeunes qui sauvent le monde mais c’est rondement bien mené et super bien dessiné ! Mais dans ce shônen dark fantasy, tout est réussi, les personnages, les décors, l’histoire, le passé d’Allen, la prophétie, l’Innocence. Et puis c’est plutôt rare qu’une femme dessine et écrive un shônen, en plus d’une telle qualité. Je vous le conseille ! Et j’aimerais beaucoup lire la suite mais que vois-je ? 27 tomes, série encore en cours ! Oh la la…

En tout cas, D.Gray-Man a été adapté en animation, en jeu vidéo, en roman et même en jeu de cartes. C’est pourquoi je vais le mettre dans le challenge Adaptations littéraires.

Et aussi dans La BD de la semaine, BD 2022, Contes et légendes 2022, Jeunesse young adult #11, Littérature de l’imaginaire #10, Un genre par mois (en avril, ce sont les BD qui sont à l’honneur) et bien sûr dans Un mois au Japon et Hanami Book Challenge #2. Plus de BD de la semaine chez Stéphie.