1928, 123 pages (je l’ai lu en numérique). Réédité à L’arbre vengeur, juin 2011, 224 pages, 6 €, ISBN 9-782916-1417-32.
Genres : littérature française, un peu science-fiction / horreur, classique.
Arnould Galopin naît le 9 février 1863 à Marbeuf (Eure). Il écrit ce court roman « À la mémoire de [son] père, le Docteur Augustin Galopin, professeur de physiologie, élève de Claude Bernard ». C’est un auteur actuellement peu connu alors qu’il était un feuilletoniste prolifique et célèbre avant-guerre. Il meurt le 9 décembre 1934 à Paris.
« Il venait brusquement d’apparaître au coin de la rue et s’avançait d’un air las, le menton sur la poitrine, le visage enfoui dans un grand cache-nez de laine noire. […] de tous côtés, s’élevèrent des exclamations confuses : – Lui… encore lui !… – Oh ! L’horreur !… – Le monstre !… Il y eut une longue rumeur, un mouvement de recul et instinctivement tous les visages se détournèrent. Pendant quelques secondes, il demeura immobile, fixant sur ceux qui l’entouraient deux yeux jaunes, humides et luisants, puis il poussa un long soupir et se remit en marche lentement… sous les huées… » (p. 4).
Depuis un mois, l’homme s’est installé à Montrouge et se promène dans le quartier faisant peur aux passants, enfants comme adultes. Mais… « L’homme était déjà loin. Sa longue silhouette voûtée s’était fondue peu à peu dans la luminosité pâle du crépuscule, et longtemps après qu’il eut disparu, la foule demeura encore groupée sur le trottoir, maudissant cet inconnu, dont la brève apparition l’avait si étrangement remuée. » (p. 5). Pourtant il sort à la tombée de la nuit et se dissimule le plus possible… Malheureusement la curiosité des passants qui le croisent s’est transformée en malaise puis en crainte. « Puis, à la longue, la crainte avait fait place à l’aversion, l’aversion au dégoût. On avait peur de cet homme et on le détestait tout à la fois parce qu’il troublait la quiétude des gens paisibles et s’obstinait à vivre de la vie de tout le monde […]. » (p. 5).
Lorsqu’il emménagea, il n’arriva qu’à la nuit tombée et les trois déménageurs ne le virent pas mais il leur laissa un bon pourboire. « Qu’était cet être douloureux ? D’où venait-il ? Pourquoi, à son approche, détournait-on brusquement les yeux ? » (p. 10). Cet homme, c’est Martial Procas, conférencier en bactériologie à la Sorbonne, et les étudiants se ruaient à ses cours ainsi que de nombreux curieux y compris des mondaines enthousiastes qui par snobisme parlaient dans leurs salons de microbes, bactéries et bacilles ! Mais, venant d’un milieu modeste, Procas ne s’intéresse à aucune de ses admiratrices et « continuait tranquillement ses recherches sur les bacilles pathogènes. » (p. 13).
Vous découvrirez comment Procras est devenu tel qu’il est. Il fait peur à tout le monde et seul, son ami, le docteur Viardot s’occupe de lui… Il pense que, grâce à la Science, Procas peut s’en sortir. « Tant que l’on a ici-bas une tâche à remplir, on ne déserte pas son poste… ce serait une lâcheté !… » (p. 28). Procas se remet donc à la tâche. « Cependant, il n’avait plus le feu sacré… Ce qui l’avait enthousiasmé autrefois le laissait presque froid aujourd’hui. » (p. 30). Imaginez ce que vit cet homme devenu ‘monstrueux’, seul, abandonné, n’ayant plus goût à rien, attendant « l’heure de la sérénité suprême » (p. 33).
Un jour, Procas recueille un chien qu’il appelle Mami, pour ‘mon ami’. « Le pauvre savant avait retrouvé un peu de tranquillité ; il recommençait à s’habituer à la vie. Tout en travaillant, il tenait de longues conversations à son chien. Il ne se sentait plus seul ; un être vivant allait et venait autour de lui, animait la maison. » (p. 48). Malheureusement pour Procas et Mami, les habitants de Montrouge sont de plus en plus excités contre ce qu’ils appellent (injustement) l’Horreur, le Satyre, l’Assassin et veulent absolument se débarrasser de lui et de son chien… « Ce sale cabot, dit le gros Nestor, je le saignerai avant peu, vous verrez ça… En attendant qu’on nous débarrasse de l’homme, je ferai toujours passer au clebs le goût du pain. » (p. 78)
Toute cette foule brutale et haineuse qui s’acharne contre Procas, c’est immonde, je ne peux même pas dire que c’est inhumain puisqu’au contraire c’est tellement humain… « À quoi tout cela devait-il aboutir ? » (p. 96). Quant à Procas, il devient malheureusement fou, fou de douleur, fou de vengeance.
En 23 chapitres qui se dévorent (le style est simple, ça déroule vite), vous allez vivre l’horreur avec Procas ! Et c’est tellement triste tout ce gâchis… mais j’ai l’impression qu’il devient le ‘père’ des savants fous, maudits, vengeurs.
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