Entre la mort et la vie d’Alexei Apoukhtine

Entre la mort et la vie d’Alexei Apoukhtine.

Alicia éditions [pas de lien], 2018, 34 pages, e-book que j’ai pu avoir gratuitement sur emaginaire.com (au lieu de 4,99 €, merci !), ISBN 978-2-35728-084-7. Между жизнью и смертью (en fait, Entre la vie et la mort) (1892) est traduit du russe par J. Wladimir Bienstock en 1903.

Genres : littérature russe, nouvelle, fantastique.

Alexis Nikolaïevitch Apoukhtine (Алексей Николаевич Апухтин) naît le 15 novembre 1840 à Bolkhov (Orel, Russie) dans une famille pauvre. Il étudie le Droit à Saint-Pétersbourg ; il travaille au Ministère de la Justice et commence à écrire (il connaît Ivan Tourgueniev et Afanassi Fet) puis il travaille au Ministère de l’Intérieur. Il est poète et nouvelliste ; plusieurs de ses poèmes sont mis en musique par Piotr Ilitch Tchaïkovski ou par Sergueï Rachmaninov. Il meurt le 17 août 1893 à Saint-Pétersbourg. D’autres œuvres (traduites en français) sont disponibles légalement sur Wikisource, la bibliothèque libre.

Saint-Pétersbourg, vingt février, huit heures du soir, le docteur dit que tout est fini. « À ces paroles, je compris que je venais de mourir. […] Mes yeux étaient clos ; mais je voyais, j’entendais tout ce qui se faisait, tout ce qui se disait autour de moi. » (p. 8).

Le narrateur de cette nouvelle est donc le mort lui-même ! Le prince Dmitri Alexandrovitch Troubchevsky.

Et le lecteur va découvrir le comportement de chacun de ceux de sa maisonnée : Zoé son épouse, Savieli son valet depuis quarante ans, André son frère, les domestiques, Sonia et Nicolas ses enfants (par ordre d’apparition), le fabricant de cercueils, le prêtre, la famille et les proches qui se sont déplacés, tous vont venir lui dire au revoir, chacun à leur façon (il y a du théâtre et de l’hypocrisie, pas chez tous mais chez certains). « À deux heures, le Tout-Pétersbourg était là. » (p. 21).

Quant au Prince, qui entend tout, voit tout et comprend tout, il revoit sa vie et a même des souvenirs très précis d’anciennes vies. Ce qui, en soi, est terrifiant ! Mais, après la messe, « tout disparut pour moi, et je cessai à la fois de voir et d’entendre. » (p. 21). Pire « même silence et même solitude. » (p. 26). Ce qui est tout aussi terrifiant !

Avec cette nouvelle, classée en science-fiction (peut-être parce que ce genre d’histoires était raconté pour la première fois) mais je l’aurais plutôt mise en fantastique, l’auteur questionne sur la vie, la mort, l’âme, une éventuelle immortalité, la conscience, le bien et le mal.

Et le Prince, qui n’est plus de ce monde, continue de penser. « Oh ! seulement vivre ! seulement pouvoir respirer l’air de la terre, prononcer une seule parole humaine, crier, crier… » (p. 29). Mais il est trop tard, n’est-ce pas ?

Bien que racontant la mort et l’après-mort, cette nouvelle est jubilatoire et vivifiante, bien écrite et bien menée (sûrement bien traduite aussi), avec un côté mystère et questionnement logique empreint de poésie : le lecteur sent bien la patte élégante du poète. Je découvre Alexei Apoukhtine – lu parce que le Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran se termine dans quelques jours… (j’ai eu connaissance du challenge mais, depuis janvier, je l’avais oublié !) – et j’en suis enchantée et je lirai d’autres titres.

Pour les challenges Cette année, je (re)lis des classiques et Maki Project pour faire connaître cet excellent auteur russe méconnu !