Laisser vivre ses émotions de Stéphanie Hahusseau

Laisser vivre ses émotions sans culpabilité ni anxiété de Stéphanie Hahusseau.

Odile Jacob, mai 2022, 208 pages, 18,90 €, ISBN 978-2-4150-0205-3.

Genres : document, psychologie.

Stéphanie Hahusseau est psychiatre, psychothérapeute et autrice. Son métier ici et ses livres ici.

Attention, info totalement perso ! C’est une personne bienveillante qui m’a conseillé de lire ce livre et je la remercie. Je ne l’ai pas lu immédiatement mais maintenant je suis prête et je dois vous expliquer pourquoi. J’ai récemment revu l’homme de ma vie et c’était merveilleux (d’où les absences répétées sur le blog et la blogosphère depuis mars) mais la vie (la nôtre, chacun séparément) est passée par là et nous avons tous les deux changé. Si au début, j’ai été très heureuse (sur un petit nuage, euphorique disent certains), j’ai vite déchanté, malheureusement… Je suis passée du grand amour à la tristesse (profonde), au désespoir et bien sûr à la colère. Je me suis sentie coupable de cette colère (envers moi et envers lui) mais ce livre était là, à m’attendre sagement sur ma table de salon, pour me déculpabiliser et me faire comprendre des choses importantes.

« Il n’y a pas de corps sans émotions, il n’y a pas d’émotions sans corps et il n’y a pas de régulation des émotions, donc de santé, sans intéroception. Cette compétence peu connue désigne une capacité essentielle pour soi et sera détaillée dans cet ouvrage. » (introduction, p. 12).

Premier chapitre – « Accepter d’être jaloux, égoïste, envieux, en colère – Ni bon ni mauvais, bien au contraire ». « Tout être humain incapable de discerner en lui la haine, la jalousie, l’envie, le ressentiment, l’amertume, la colère, la peur et autres mauvaises émotions, est une personne dangereuse pour elle-même et pour les autres. » (p. 13). Je suis soulagée de ne pas être parmi ces personnes, de ne pas être dangereuse pour moi et pour les autres ! Les personnes qui me connaissent un minimum me qualifient plutôt d’enjouée, de bienveillante et d’extravertie (je sais ça a des qualités et des défauts mais je pense m’aimer comme je suis, du moins je fais au mieux). Ce que j’en retiens : ne pas avoir honte de mes émotions quelles qu’elles soient pour ne pas multiplier l’émotion considérée comme ‘mauvaise’ par deux et la laisser devenir toxique et incontrôlable. Car « On ne peut tendre vers l’objectivité si l’on ne reconnaît pas sa subjectivité. Accepter ses émotions, ce n’est pas renoncer à exercer un quelconque contrôle sur soi, ce n’est pas être sans filtre, ce n’est pas se conduire mal en étant décomplexé. Accepter ses émotions, c’est devenir un adulte courageux et lucide, avec des directions qui lui importent, mais aussi un adulte conscient de ses failles et de ses ‘imperfections’. Accepter ses émotions, c’est prendre la responsabilité de s’en occuper quotidiennement […]. Accepter ses émotions, c’est reconnaître qu’elles nous concernent tous, qu’elles définissent notre humanité et qu’elles n’épargnent personne. […] Accepter ses émotions, c’est avoir l’immense courage de fermer les yeux et d’affronter sa souffrance. » (p. 14). Ouah, je ne vais pas recopier tout le livre mais ça, ça me parle, ça me touche et je veux le garder pour le relire parce que ma souffrance, je me la suis prise en pleine face, en plein cœur, avec en plus le fait que je sois toujours en deuil de mon chat adoré (10 mois au moment où je lis ce livre) et que je n’avais pas besoin de ça en plus…

Les chapitres sont classés de A à Z ce qui permet de piocher comme on l’entend mais je vais tout lire dans l’ordre, ça me permettra d’apprendre des choses et de comprendre encore mieux (moi et les autres). Par exemple, le deuxième chapitre est Alexithymie, un mot que l’autrice utilise dans l’introduction mais que je ne connais pas et qui signifie « Ne pas reconnaître ses émotions négatives, ce n’est pas le signe que l’on va bien mais au contraire que l’on est malade » (p. 15), ouf je ne suis pas dans ce cas-là, je reconnais bien mes émotions positives comme négatives, par contre je ne trouvais pas ‘normal’, pas ‘bien’ de laisser les émotions dites négatives se manifester (s’exprimer dit l’autrice), et, heureusement, je ne suis pas non plus ni dans leur répression ni dans leur inhibition, mais je sais que ce livre va me faire du bien et m’éveiller à quelque chose de nouveau pour moi !

Un peu plus loin dans le livre, je suis interpellée par le chapitre sur la confiance en soi et l’estime de soi ; je n’ai pas souvent confiance en moi mais je me rends compte que c’est bien (je n’ai pas un égo démesuré, je ne suis pas narcissique, je ne suis pas dans la démesure explicite) et que c’est bien aussi de douter (même si ça crée de l’anxiété mais « comment ne pas être anxieux quand on se confronte aux questions existentielles ? Douter a un coût émotionnel. Mais il est aussi intéressant de savoir que les gens qui doutent présentent les plus forts indices de flexibilité psychologique – signe d’une meilleure santé psychologique. » p. 37).

Dans le chapitre Émotions, je veux noter qu’il existe « cinq émotions principales : la tristesse, la peur, la colère, la surprise et la joie. [et] huit réactions ou tendances à l’action : la panique, le jeu, l’approche, la soumission, l’agression, le rejet et la dominance. » (p. 54-55) car « une émotion pousse à réagir (et non pas à agir) » (p. 54) et « Les émotions expriment des buts, des besoins, des désirs personnels. » (p. 55), ce sont des choses qu’on sait mais qu’il ne faut pas oublier parce que « avoir des émotions, c’est normal » (p. 56).

Le chapitre sur l’histoire des émotions est très intéressant, le mot émotion n’existant pas dans l’Antiquité, c’était le mot passion qui était utilisé. La colère était bien vue pour les hommes (pouvoir, ascendance, manifestation de puissance, efficacité, virilité, capacité de jugement) mais pas pour les femmes (irascibilité, folie, illégitimité, sauvagerie), cf p. 73. Et c’est encore souvent le cas maintenant, n’est-ce pas ? J’ai bien vu la réaction de l’homme – qui aurait dû partager ma vie – lorsque je me suis mise en colère ! « Dans des situations où l’on vous laisse la charge de l’incontrôlable, forcément, on est plus affecté. » (p. 75), cette phrase peut sembler sortie de son contexte mais elle me parle, vraiment, parce que j’ai bien vu qu’il me jugeait « irrationnelle, illogique, jouet de forces obscures » (p. 76), bref folle ou en tout cas fortement dérangée, irrationnelle et donc pas du tout fréquentable.

Un autre mot utilisé dans l’introduction et que je ne connaissais pas, l’intéroception ou le fait de ne pas se sentir (non pas l’odeur), de ne pas se ressentir en fait, et on parle de notre corps, de nos organes, c’est-à-dire pas de façon superficielle, pas « avec une perception intellectualisée, mais […] sensorielle, instantanée et profonde. […] des poumons, de l’estomac, des intestins, vides ou à vider, des battements de cœur, des reins, de l’état de réplétion de la vessie, de la peau, des douleurs… » (p. 85).

Ce livre m’a fait beaucoup de bien et m’a fait comprendre beaucoup de choses (émotions, vécu, enfance, amertume et ressentiment…). « Au risque de me répéter, plus on a conscience de ses émotions négatives et plus on les reconnaît, en meilleure santé on est. » (p. 132). Et, si vous lisez ce livre, parce que vous en avez besoin (comme moi) ou simplement parce que vous êtes curieux, j’espère qu’il vous fera du bien aussi et qu’il vous fera comprendre des choses indispensables sur les émotions et la (les) façon(s) de les appréhender et de les gérer sans culpabilité ni anxiété.

Ce livre n’entre dans aucun challenge à part la catégorie 57, un livre documentaire, du Challenge lecture 2023.