La baleine tatouée de Witi Ihimaera

La baleine tatouée de Witi Ihimaera.

Au vent des îles, 1er trimestre 2022, 180 p, 17 €, ISBN 978-2-36734-431-7. Paï, The Whale Rider (1987) est traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Mireille Vignol.

Genres : littérature néo-zélandaise, roman, légende.

Witi Ihimaera naît le 7 février 1944 à Gisborne en Nouvelle-Zélande. Il est Maori et son nom complet est Witi Tame Ihimaera-Smiler. Il étudie à l’Université Victoria de Wellington et devient diplomate (dans les années 1970) puis se lance dans l’écriture de nouvelles et de romans donc certains sont adaptés au cinéma. Seuls trois de ses titres sont traduits en français : Tangi (1973-1988), Paï (1987-2003) et Bulibasha (1994-2009).

Introduction : « Cette histoire se passe à Whāngārā, sur la côte est de la Nouvelle-Zélande, où Paikea est le tipuna, l’ancêtre. Cependant, l’histoire, les personnages et les événements décrits dans ce roman sont entièrement imaginaires et en se basent aucunement sur des gens de Whāngārā. »

« Dans les temps anciens, dans les années qui nous ont précédés, la terre et la mer éprouvèrent un sentiment de grand vide et d’ardent désir. » (p. 13). Et, un jour, des pirogues sont arrivées avec des humains alors la terre et la mer sont ravies. « Nous sommes découvertes. La nouvelle va remonter jusque chez les Anciens. La bénédiction ne tardera plus. » (p. 14). Puis une forme sombre, brisant la surface, fusant vers le ciel et plongeant dans l’eau « ébranla terre et mer. […] C’était un tohorā. Une baleine gigantesque. Un monstre marin. […] elle portait le signe sacré : un moko en forme de spirale sur son front. » (p. 15, un moko est un tatouage) et « à califourchon sur la tête de la bête » (p. 15), un homme brun foncé, tatoué, un dompteur de baleine, « tāngata, l’être humain. » (p. 16), un homme qui s’appelle Kahutia Te Rangi et qui devient l’ancêtre du village.

Court chapitre en italique. Un millier et quelques centaines d’années après. « Péninsule Valdès, en Patagonie. Te Whiti Te Ra. La crèche, le berceau des cétacés. » (p. 19). Un baleineau orphelin se lie d’amitié avec un humain.

De nos jours (plus ou moins, plutôt fin des années 1980). Lorsque naît Kahu, Koro Apirana, le grand-père, est dégoûté : « Une fille, […]. Je ne veux pas en entendre parler. Elle a rompu la lignée masculine de notre tribu. » (p. 21). La grand-mère, Nani Flowers, descendante de la légendaire Muriwai, est elle très contente. D’ailleurs, il n’est pas vraiment interdit de transmettre le pouvoir à une fille puisque dans « la coutume māori, les rênes du pouvoir sont héréditaires, [mais] le prestige, le mana se transmet de fils aîné à fils aîné. Sauf que, dans ce cas précis, le fils aîné était une fille aînée. » (p. 23). Mais ce qui met plus en colère Koro Apirana, c’est que leur petit-fils, Porourangi, décide de l’appeler Kahu en hommage au grand ancêtre.

Court chapitre en italique. À quatre cent lieues de l’île de Pâques, à Te Pitoo te Whenua, un groupe de baleines doit protéger les baleineaux d’un groupe d’humains.

Cette histoire vous dit quelque chose ? Normal, ce classique (contemporain) de la littérature néo-zélandaise a été adapté au cinéma : Paï, l’élue d’un peuple nouveau réalisé par Niki Caro en 2002.

Un nouveau challenge

Le narrateur de ce roman est Rawiri, un oncle de Kahu, il a 8 ans de plus qu’elle. Il raconte que Kahu adorait son arrière-grand-père mais lui ne l’aimait pas… Il raconte aussi les traditions, les légendes et dit que la transition du peuple māori pour le XXIe siècle doit se faire d’un coup et que ce n’est pas évident. « Notre peuple sera-t-il préparé à relever les nouveaux défis et à s’adapter aux nouvelles technologies ? Et dans quelle mesure restera-t-il māori ? » (p. 78).

Un roman légende, un roman monde, à lire absolument si vous voulez savoir comment les māoris ont traversé « Te Monoa Nui a Kiwa, le vaste océan de Kiwa. » (p. 38) d’est en ouest pour arriver sur cette île de Nouvelle-Zélande, Aotearoa, le pays du long nuage blanc (ça me fait penser à Le pays du nuage blanc de Sarah Lark lu en 2013) et comment les baleines font vivre le monde y compris celui des humains. C’est beau, c’est poétique, il y a même quelques moments humoristiques. Je vous conseille aussi Histoire d’une baleine blanche de Luis Sepúlveda si les mythes et les légendes sur les baleines vous fascinent.

Deux passages que j’ai particulièrement appréciés. Lorsque Rawiri part avec un ami en Papouasie Nouvelle Guinée (p. 73-76), c’est qu’on sait tellement peu de choses sur ce pays d’Océanie. Et « Sous l’eau, un coup de tonnerre étouffé retentit comme un portail s’ouvrant dans le lointain. La mer s’emplit soudain d’un chant bouleversant, qui contenait l’éternité. Puis la baleine fendit les flots, l’homme à califourchon sur sa tête. Quelle vision extraordinaire que ce dompteur de tohorā. » (p. 105). Et il y a des moments vraiment très émouvants.

Pour ABC illimité (lettre W pour prénom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 19, un livre qui se passe sur une île, ici la Nouvelle-Zélande), Challenge lecture 2023 (catégorie 14, un livre dont la couverture est en noir et blanc), Contes et légendes #5 (légendes maories), Lire (sur) les minorités ethniques (les Maoris), Petit Bac 2023 (catégorie Animal pour Baleine), Tour du monde en 80 livres (Nouvelle-Zélande) et Un genre par mois (en février, drame).

Le Cercle du Dragon-Thé de Katie O’Neill

Le Cercle du Dragon-Thé de Katie O’Neill.

Bliss, février 2020, 72 pages, 15 €, ISBN 978-2-37578-210-1. The Tea Dragon Society (2017) est traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Célia Joseph.

Genres : bande dessinée néo-zélandaise, littérature jeunesse, fantasy.

Katie O’Neill – qui préfère qu’on l’appelle Kay – est une autrice et illustratrice néo-zélandaise. Quelques infos et bibliographie sur le site de son éditeur original, Oni Press et son site officiel. Après The Tea Dragon Society suivent The Tea Dragon Festival et The Tea Dragon Tapestry et les 3 tomes sont parus dans un beau coffret. Il y a aussi Princesse Princesse paru en mai 2020.

Greta, une gobeline, est apprentie forgeron mais elle a parfois du mal à écouter ce que sa maman lui dit sur les épées et leur fabrication… « Maman… on utilise encore des épées ? Je pensais qu’elle n’apparaissaient que dans des histoires. […] – Est-ce une manière de me dire que tu n’es pas intéressée par la ferronnerie ? » (p. 9). Mais Greta travaille assidûment pour satisfaire ses parents et elle a « noué [un] pacte avec Brick alors que [elle n’avait] que six ans. » (p. 10). Brick est une petite créature noire qui ressemble à un chat.

Un jour, en rentrant du marché, Greta découvre une étrange créature verte attaquée par deux loups noirs affamés. Elle leur donne la viande qu’elle vient d’acheter et soigne la créature. C’est un petit dragon qui appartient à Hesekiel qui « tient un magasin de thé à la sortie de la ville. » (p. 13). Elle s’appelle Jasmine et elle est une ‘dragon-thé’, elle porte des bois sur sa tête et des feuilles y poussent mais elles sont rares et il faut les cueillir progressivement pour faire un thé unique.

Hesekiel propose à Greta de revenir voir Jasmine quand elle veut et Greta rencontre Minette qui s’occupe de Camomille, un bébé dragon-thé. Mais Greta continue sa formation d’apprentie forgeron. Lorsque la fillette retourne à la maison de thé un mois après, elle rencontre Erik qui lui présente les différents dragons-thé dont il s’occupe.

Il y avait un Cercle du Dragon-Thé avant mais Hesekiel et Erik sont les deux derniers membres…

Ce Cercle du Dragon-Thé est une belle histoire de confiance et d’amitié, toute en douceur, en délicatesse, et richement illustrée (c’est presque de l’art naïf). Elle court sur les 4 saisons, printemps, été, automne, hiver, avec un épilogue. C’est tendre, c’est poétique, c’est magique. Vous l’avez sûrement deviné, l’autrice aime le thé, les petites créatures et elle veut parler du savoir-faire, des traditions, de la transmission aux jeunes générations, des choses qu’il ne faut pas oublier et qu’il faut perpétuer. Et puis, quelques mots à propos de la diversité des personnages, certains sont de couleur, certains sont LGBT, certains sont handicapés (fauteuil, amnésie) pour montrer aux jeunes (le lectorat ciblé) la tolérance et la bienveillance non seulement envers les créatures mais aussi les humains.

En fin de volume, le Cercle est réuni dans une illustration (ronde) pleine page puis une autre double page, c’est vraiment magnifique et il y a des extraits du Guide des dragons-thé au cas où on en rencontre un et où il faudrait en prendre soin (tenez-vous prêts !).

Je me note les différents dragons-thé pour ne pas les oublier et j’espère les retrouver dans les volumes suivants, Jasmin, Rooibos, Camomille, Ginseng, Earl Grey, Hibiscus, Gingembre, Peppermint. Ils mesurent entre 35 et 50 cm et pèsent entre 5 et 10 kg. Ils sont tous très mignons, surtout Hibiscus qui est tout rond (il aime beaucoup manger, lui pèse 12 kg).

Petite erreur… « Je suis heureuse que tu tu veuilles apprendre. » (p. 10, en haut à gauche).

Cette bande dessinée a reçu le Eisner Award de la meilleure bande dessinée jeunesse (9-12 ans) et le Eisner Award du meilleur webcomic en 2018 et c’est largement mérité.

Une dernière bande dessinée pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Moka) avant la pause estivale mais je continue souvent de publier en juillet et août, que je mets aussi dans les challenges BD 2022, Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 22, un livre jeunesse, 2e billet), Challenge lecture 2022 (catégorie 55, un livre qui contient un personnage LGBTQ+), Contes et légendes (dragons et autres créatures), Jeunesse young adult #11, Littérature de l’imaginaire #10, Petit Bac 2022 (catégorie Animal pour Dragon), Shiny Summer Challenge (menu 3 – Sable chaud, sous menu 1 – Château de sable = romans graphiques, bandes dessinées), Les textes courts et Le tour du monde en 80 livres (Nouvelle-Zélande).