La fête des ombres (2 tomes) d’Atelier Sentô

La fête des ombres 1 d’Atelier Sentô.

Issekinicho, mars 2021, 80 pages, 16,90 €, ISBN 979-1-095397-12-0.

Genres : bande dessinée française, jeunesse, fantastique.

L’Atelier Sentô, « Cécile Brun et Olivier Pichard, est né de voyages au Japon, de rencontres, de dessins et de photographies ramenés du pays du Soleil Levant. Ils aiment faire découvrir un Japon inhabituel, composé de villages perdus dans les montagnes, de fêtes populaires et d’esprits oubliés. Leur précédent récit – Onibi – a été récompensé par le trophée d’argent du Japan International Manga Award. » (source éditeur). Les suivre sur leur site officiel, Facebook, Instagram, Twitter et YouTube.

Cet été, dans le village de la Vallée des ombres, Naoko tenait la main de la fillette mais celle-ci a quand même disparu dans la brume… « Je savais que c’était fini, que jamais je ne la reverrais. Mais je m’obstinais à la chercher, malgré les larmes qui troublaient ma vue. » (p. 4). À sa place, un jeune homme perdu est apparu.

Chaque mois, les habitants du village se réunissent et parlent de l’ombre qu’ils ont recueilli. Naoko est la plus jeune de ce groupe ; les autres sont principalement des personnes âgées.

Mais l’ombre – le jeune homme – que Naoko a recueilli ne se rappelle absolument de rien et dans un an, elle disparaîtra comme elle est arrivée. « Ça me va. Un an ici, c’est déjà un petit bout d’éternité. » (p. 19).

De plus, autour du village, des ombres noires apparaissent.

À travers des chapitres courts, comme autant de petites histoires qui se suivent, les auteurs racontent l’histoire de Naoko et de l’ombre dont elle s’occupe. Ce premier tome couvre l’automne et l’hiver. J’ai bien aimé le poisson sauvé (p. 34) et la fin est surprenante ; j’enchaîne avec le tome 2.

La fête des ombres 2 d’Atelier Sentô.

Issekinicho, octobre 2021, 80 pages, 16,90 €, ISBN 979-1-095397-13-7.

Katsu, l’ami d’enfance de Naoko, a enfin trouvé qui est l’ombre qu’elle a recueillie. Le jeune homme est Yukito Kondo, un artiste peintre de Tokyo, qui n’est pas mort mais dans le coma depuis sa tentative de suicide il y a huit mois et il vient de se réveiller !

Naoko se rend à Tokyo. « Tokyo… La ville de tous les possibles. Combien de fois avais-je rêvé de tout quitter pour m’y installer ? Mais aujourd’hui mon excitation se teinte d’angoisse. Et si j’avais fait une grave erreur en venant ici ? » (p. 5). Elle entre en contact avec Yukito.

Ce deuxième et dernier tome, qui couvre le printemps et l’été, est encore pus dramatique que le premier mais peu à peu, des vérités se font jour. « Et dire que le festival commence demain. Si seulement on pouvait demander une année supplémentaire… Il reste tant de questions… Mais à peine quelques heures. Tout ce qu’on peut faire, c’est profiter de cette dernière journée. » (p. 56).

La fête des ombres est un très beau diptyque qui conte le Japon traditionnel et moderne, le Japon de la campagne et de la ville, et aussi l’irruption du fantastique, du surnaturel dans le quotidien des villageois. Parce que c’est tout ça le Japon, et bien plus encore ! Vous pouvez lire une interview enrichissante des deux auteurs sur Journal du Japon. J’ai beaucoup aimé suivre les saisons et l’évolution des personnages avec un texte et des dessins peints vraiment très beaux. C’est coloré, poétique, philosophique mais… Est-ce vraiment destiné à la jeunesse ?

Je mets ces deux tomes dans La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Fanny) et les challenges BD 2023, Contes et légendes #5, Jeunesse & young adult #12, Littérature de l’imaginaire #11 et Un genre par mois (en mai, genre expressif, la narration doit être en « je » et c’est le cas pour Naoko).

 

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Epsil∞n n° 20 (février 2023)

Epsil∞n n° 20 (février 2023).

Epsil∞n, édité par Unique Héritage Média (UHM), 100 pages, février 2023, 5,90 € (augmentation de 1 € en janvier 2023).

Un numéro toujours passionnant et parfaitement illustré avec 99 scientifiques du monde entier interrogés.

Au sommaire, Club Epsil∞n (courriers des lecteurs), les rubriques Fil d’actus (plusieurs sujets abordés de façon courte), En images (la photo d’un dirigeable à l’hélium qui sera envoyé vers Vénus et les eaux du golfe de Finlande photographiées par un satellite, entre autres), Labyrinthe (Le casse-tête de l’hydrogène), Contre-pied (En fait, les maths, c’est empirique), Atlas (La végétation pourrait absorber plus de carbone), Analyse (Méditation, peut-elle vraiment soigner ?, « De quoi soigner les maux de l’esprit, stress, anxiété, dépression… et aussi la douleur, par exemple ? », p. 36), C’est dans l’air (les télescopes et le big bang, entre autres), pas de Big data ce mois-ci.

L’enquête, « Cyberguerre, les premières leçons » (p. 20-29) analyse parfaitement les nombreuses cyberattaques – et les fake news – que subit particulièrement l’Ukraine depuis février 2022.

Le dossier, « Homo Fictionus, pourquoi notre espèce se raconte des histoires » (p. 42-55). « Tous les groupes humains ont un récit qui raconte leur propre origine. Et on peut affirmer à 90 % que plusieurs mythes étaient présents en paléolithique, avance Jean-Loïc Le Quellec, anthropologue et préhistorien des mythes » (p. 44). « La synchronisation des esprits : voici la clé du pouvoir des histoires. » (p. 48). Dans la deuxième partie du dossier, les spécialistes expliquent que « Notre cerveau est une machine à créer des fiction » (p. 52). Un dossier qui donne très envie de se plonger dans la lecture des mythes, des contes et des fictions en tous genres !

Puis diverses rubriques : Algues (L’autre forêt), Animaux (Mais pourquoi jouent-ils ?), Métaux étranges (La piste du trou noir), Cosmos (Des milliards de milliards de galaxies… un seul destin, de superbes images !) et Antibiorésistance (L’espoir qui vient de l’est, ou la phagothérapie dont je n’avais jamais entendu parler !), des articles très intéressants et innovateurs (même si je n’ai pas tout compris à la théorie SYK dans Métaux étranges).

Et à la fin, le cahier Pop’Sciences qui apporte humour et originalité tout en restant scientifique : l’augmentation des arcs-en-ciel, les éternuements des éponges de mer, une immersion sonore à l’Ircam, des hydroliennes en Normandie, entre autres.

Je le répète, Epsil∞n est un excellent magazine, toujours sérieux, abondamment illustré, abordable pour tous les lecteurs même les moins fondus de sciences (et qui apporte des rectificatifs en cas d’erreurs). Il mre reste les numéros 21 de mars et 22 d’avril à lire et il faut que j’achète le numéro 23 de mai. Vous aimez les sciences ou vous êtes curieux de découvrir les sciences de façon agréable et à petit prix ? Lisez Epsil∞n ! Vous pouvez toujours consulter les sources sur epsiloon.com/sources.

Les liens vers les précédents numéros (2021-2022) sont visibles sur le billet du numéro de décembre 2022.

Boys Run The Riot 3 de Keito Gaku

Boys Run The Riot 3 de Keito Gaku.

Akata, collection Medium, août 2022, 224 pages, 8,05 €, ISBN 978-2-38212-264-1. Boys Run the Riot Vol. 3 ボーイズ・ラン・ザ・ライオット (2020) est traduit du japonais par Blanche Delaborde.

Genres : manga, seinen.

Keito Gaku 学慶人 est un mangaka transgenre, c’est sa première série manga et aucune autre info n’est disponible sur internet. Cependant, il peut être suivi sur son Instagram et son Twitter.

Nous retrouvons non seulement Ryo, Sato et Itsuka (voir Boys Run The Riot 1) mais aussi Mizuki, Shimada, etc. Après la vidéo de Wing (voir Boys Run The Riot 2), les ventes de tee-shirts décollent mais comment Ryo va-t-il gérer que son coming-out ait été fait à l’insu de son plein gré par Wing ? « Et moi, alors ? Il y a combien de gens qui regardent… et qui savent pour moi, maintenant ? Ce secret que j’ai gardé jusqu’ici… Cette vérité que je ne pouvais pas dire… Je n’aurais jamais imaginé que tout serait dévoilé de cette manière… ».

Ryo va devoir assumer !

Mais Tsubasa/Wing n’est pas un youtubeur libre, il a un patron prêt à tout. « Pour pouvoir vivre de son talent, il faut savoir faire feu de tout bois. Qu’est-ce qu’il y a à perdre ? ».

Dans ce tome, tout s’accélère ! Vite le tome suivant !

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Noukette) et les challenges BD 2023 et Jeunesse & young adult #12.

Mon mari dort dans le congélateur (2 tomes) de Misaki Yazuki et Hyaku Takara

Mon mari dort dans le congélateur 1 de Misaki Yazuki et Hyaku Takara.

Akata, collection Large, août 2022, 192 pages, 8,05 €, ISBN 978-2-38212-267-6. Watashi no otto wa reitô ko ni nemutte iru vol. 1 私の夫は冷凍庫に眠っている (Shôgakukan, 2020) est traduit du japonais par Claire Olivier.

Genres : manga, seinen, thriller.

Misaki Yazuki 八月美咲 naît au Japon et part étudier aux États-Unis où elle pratique la danse contemporaine mais le fait d’écrire (journal intime, poésie) a toujours été très important pour elle. Plus d’infos sur son site officiel.

Hyaku Takara 高良百 est une dessinatrice japonaise. Plus d’infos sur son twitter.

Nana et Ryô se connaissent depuis 5 ans et ils sont mariés depuis 4 ans mais Ryô est violent et un soir d’été, Nana le tue puis le cache dans le congélateur professionnel dans la remise. « Je voulais le tuer depuis bien longtemps… cependant… je ne pouvais m’empêcher de continuer à l’aimer. Maintenant… je suis libre ».

Mais, le lendemain matin, Ryô est là, réclamant à manger, alors que le corps est toujours dans le congélateur ! Nana est perturbée, elle pense qu’elle est folle. Ryô serait-il ressuscité ? Aurait-elle tué quelqu’un d’autre ? Serait-ce un fantôme ? Un étranger qui aurait fait de la chirurgie pour prendre sa place ? Et pour la tuer ? « Je dois l’assassiner encore une fois, je n’ai pas le choix ».

Le ‘nouveau’ Ryô est différent mais Nana n’est pas dupe… « Je ne me ferai plus avoir par ce baratin ».

Bien sûr, c’est violent, ça fait même froid dans le dos : jusqu’où une femme peut-elle aller lorsqu’elle est battue et humiliée psychologiquement ? Comment est-il possible de passer à l’acte ‘si facilement’ ? Quelles sont les conséquences ? Ce manga raconte bien tout ça dans une ambiance angoissante avec des dessins parfaits.

Cette œuvre tragique, d’abord un roman de Misaki Yazuki publié sur Everystar en 2019, est repérée par un éditeur qui le fait décliner en manga avec des dessins de Hyaku Takara. Cette série ne contient que 2 tomes. En fin de volume, une courte postface de l’autrice et une de la dessinatrice avec un dessin inédit. J’ai hâte de lire le 2e et dernier tome et de savoir ce qu’il va se passer pour Nana, Ryô et Mataka !

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Moka) et Un mois au Japon plus ABC illimité (lettre Y pour nom), BD 2023, Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 12, mention d’un lien familial dans le titre avec mari), Challenge lecture 2023 (catégorie 30, une BD qui est l’adaptation d’un roman), Petit Bac 2023 (catégorie Objet pour Congélateur), Polar et thriller 2022-2023.

Mon mari dort dans le congélateur 2 de Misaki Yazuki et Hyaku Takara.

Akata, collection Large, octobre 2022, 192 pages, 8,05 €, ISBN 978-2-38212-268-4. Watashi no otto wa reitô ko ni nemutte iru vol. 2 私の夫は冷凍庫に眠っている (Shôgakukan, 2020) est traduit du japonais par Claire Olivier.

Je ne vais pas dévoiler ce tome 2 mais le suspense est à son comble entre Nana, Ryô et Kamata qui apparaît dans le premier tome. Alors, bonne lecture et accrochez-vous bien !

 

9 albums illustrés des éditions Chat-Minou

Je n’ai pas eu le temps de programmer un billet bande dessinée alors voici 9 albums illustrés des éditions Chat-Minou.

Genres : littérature jeunesse, albums illustrés.

CaligrAnimaux de Céline Lamour-Crochet.

Chat-Minou, novembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-106-3.

Des calligrammes animaux très jolis. Mes préférés sont le flamand, le jaguar et la poule. Un album illustré pour découvrir les lettres de l’alphabet, les animaux et l’art.

L’escargot multicolore de Violette et Bernard Sicre.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-103-2.

Frédérique est une escargot qui rêve de couleurs et lorsqu’une marguerite vient se poser sur sa coquille, elle est très contente. Mais le vent emporte la fleur. Frédérique rencontre Chrysale la chenille, Ignace la limace, puis Claude, un congénère qui lui dit qu’elle est très jolie mais elle veut toujours de la couleur. Un album illustré sur l’acceptation de soi.

Les habits étranges de Nils.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 79-10-9526-105-6.

Alors quels habits préférez-vous ? Un album pour comprendre la réalité et l’illusion.

L’imagier cache-cache des animaux d’Alexandra Gabrielli-Kuhn.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-107-0.

édition multilingue, par exemple l’album s’ouvre sur un proverbe persan écrit en français et écrit en persan (avec la prononciation). Des proverbes persan, espagnol, yiddish, arménien, gabonais (mon préféré, voir ci-dessous), grec, ashanti, anglo-saxon, égyptien, russe, japonais, chinois, avec des animaux kaléïdoscopiques. « On n’apprend pas à siffler à un perroquet qui parle. »

La coccinelle aux petites ailes de Sylvie Lavoie et Emmanuelle Moreau.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-102-5.

« Une famille de coccinelles vit sur une fleur de pavot. » Mais Crécelle, la plus jeune de la famille, a des ailes toutes petites alors elle ne peut pas s’envoler et partir à l’aventure comme ses sœurs… Un album illustré sur l’acceptation de soi et le courage.

Les filles et les garçons de France Quatromme et Élise Catros.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-100-1.

Annabelle et Anatole s’amusent à être un garçon ou une fille, déguisements, ombres chinoises. Un album pour jouer avec les genres, leurs similitudes et différences.

Niko dort de Kouam Tawa et Tiphaine Boilet.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-101-8.

Au zoo, Niko dort mais les visiteurs sont mécontents… « Nous ne sommes pas venus de si loin pour regarder le singe dormir !, se fâchent les touristes. » Au cirque, Niko dort aussi… « Nous n’avons pas payé si cher pour regarder le singe dormir !,s’emportent les spectateurs. » Un album pour que petits et grands comprennent que les animaux ne sont pas des objets, des jouets et qu’ils doivent vivre dans leur milieu naturel, leur paradis, sans que les humains ne les dérangent.

Nini… une mouche tout simplement d’Anne Vidal.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-108-7.

Nini est un des petits asticots issus des œufs qu’a pondu une mouche bleue. Comme les asticots sont nés sur un tas d’ordures, ils ont bien à manger mais « c’est fatiguant de ramper », de se tortiller. Un matin Nini se réveille avec trois paires de pattes et des ailes, elle va pouvoir s’envoler, « Nini a un monde à explorer. » ! Un album sur l’amitié, la liberté, l’acceptation de soi et des autres tels qu’ils sont.

Un renard dans le poulailler d’Anne Vidal.

Chat-Minou, décembre 2016, 24 pages, 10 €, ISBN 979-10-9526-104-9.

« C’est la panique au poulailler ! / Le coq a été bâillonné, / Des poules plumées, des œufs volés, / On a même mordu le fermier ! / Mollasson le chien policier / Est appelé pour enquêter. / Ça sent le renard à plein nez : / Mon flair ne m’a jamais trompé ! » Le renard Fripon sera-t-il arrêté et puni ? Mais les animaux de la ferme comprennent pourquoi Fripon agit ainsi. Un album pour découvrir l’équilibre entre les animaux ‘domestiqués’ de la ferme et les animaux sauvages qui ont besoin de se nourrir et de se protéger.

J’ai apprécié tous ces albums illustrés, tant pour leurs illustrations que pour leurs messages. Mon top 3 : 1. Un renard dans le poulailler, 2. La coccinelle aux petites ailes ex aequo avec Niko dort, 3. Nini… une mouche tout simplement.

Malheureusement, je ne sais pas si cette maison d’éditions existe toujours et je n’ai pas pu lire le dixième album illustré, La vraie vie de Clément Robert et Alice Bunel (Chat-Minou, décembre 2016, 32 pages, 14 €) mais cet album avec un chat et des oiseaux m’aurait bien plu.

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 9, livres jeunesse) et Jeunesse & young adult #12.

La terre des Doukhobors de Natela Grigalashvili

La terre des Doukhobors de Natela Grigalashvili.

Images plurielles, octobre 2021, 144 pages, 30 €, ISBN 978-2-919436-44-6.

Genres : Géorgie, beau livre, photographies.

Natela Grigalashvili naît en 1965 à Khashuri en Géorgie. Elle a une passion pour le cinéma et le néoréalisme italien. Après des études de photographie à Tbilissi, elle devient la 1ère photojournaliste de Géorgie avec des photos emplies de nostalgie et compassion (mots employés par Damien Bouticourt). Elle fonde l’agence Kontakt et elle est professeure de photographie à Tbilissi. Plus d’infos sur son site officiel.

Le texte Préserver le temps est de Damien Bouticourt (en français et en anglais).

Qui sont les Doukhobors ? Leur nom leur est donné en 1785, de doukh = esprit et bor = abréviation de borietz = lutteur. C’est une communauté rurale qui vit comme aux deux siècles derniers mais on voit l’irruption de la modernité de vieilles voitures et une antenne parabolique.

Ils portent des vêtements traditionnels colorés, surtout les femmes. Il y a de la neige, des maisons anciennes en bois, des animaux (chiens, chevaux, moutons, vaches) et je vois beaucoup de joie, de bonheur.

Ce sont des Russes installés en Géorgie après les réformes de l’église orthodoxe au XVIIe siècle : leur conception – considérée comme hérétique – est que « la divinité est dans l’âme de chacun, en chacun doit aussi être l’église pour cette divinité » (cf. Tolstoï et les Doukhobors, faits historiques réunis et traduits du russe par J.W. Bienstock, Stock, 1902).

Ils ont d’abord été déportés vers la Crimée en 1802 avant d’être exilés en Transcaucasie (Arménie, Azerbaïjan, Géorgie). Les 90 photos de ce très beau livre ont été prises dans le village de Gorelovka « proche des frontières arménienne et turque ».

Leurs besoins essentiels ? Le pain, le sel et l’eau, symboles de paix et d’hospitalité. D’ailleurs, ils partagent les biens matériels avec un mode de vie fraternel et communautaire, une agriculture collective et raisonnée et aucune cruauté envers les animaux . Leur culture est orale ; ils sont non violents et pacifistes, végétariens et ne consomment ni alcool ni tabac.

Toutes les photos sont magnifiques, avec une ambiance incroyable. Ma préférée est celle avec les deux taureaux qui se font face dans la rue du village embrumé. Les Doukhobors, une communauté à découvrir ! Et si, cela vous intéresse, plus d’infos sur Doukhobors Museum.

Pour ABC illimité (lettre N pour prénom), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 20, de la neige sur la couverture, au loin sur les montagnes), Challenge lecture 2023 (catégorie 37, un livre dont le titre ne contient pas la lettre A), Lire sur les minorités ethniques, Mois Europe de l’Est (avec 2 jours de retard) et Tour du monde en 80 livres (Géorgie).

Boys Run The Riot 2 de Keito Gaku

Boys Run The Riot 2 de Keito Gaku.

Akata, collection Medium, mai 2022, 224 pages, 8,05 €, ISBN 978-2-38212-263-3. Boys Run the Riot Vol. 2 ボーイズ・ラン・ザ・ライオット (2020) est traduit du japonais par Blanche Delaborde.

Genres : manga, seinen.

Keito Gaku 学慶人 est un mangaka transgenre. Boys Run The Riot est sa première série manga et aucune autre info n’est disponible sur internet. Cependant, il peut être suivi sur son Instagram et son Twitter.

Quel plaisir de retrouver Ryo, Sato et Itsuka (voir Boys Run The Riot 1 de Keito Gaku). Par contre leur premier tee-shirt ne s’est pour l’instant vendu qu’en trois exemplaires… Pour créer un deuxième design et une deuxième série de tee-shirt, ils décident chacun de trouver un petit boulot.

Ryo trouve un poste dans un restaurant et fait la connaissance de Mizuki Momose (qu’on peut voir sur la couverture à ses côtés) et qui, selon Ryo, « est carrément insupportable » mais qui est étudiante en art et qui l’accepte tel qu’il est. Il y a aussi Shimada, fan de moto, et Koike, leurs collègues, euh… un peu lourds…

Un jour, Sato emmène Ryo et Itsuka chez Tsubasa, youtubeur surnommé Wing (un million d’abonnés, passage à la télévision) qui va devenir leur premier collaborateur extérieur. Et Ryo va de surprise en surprise ! « Comment tu veux que les autres te comprennent si tu te caches ? ».

D’ailleurs, choc à la fin du tome, mais deux pages pour annoncer le tome 3 et un bonus de 4 pages avec des explications sur le genre et la traduction ; hâte de lire le tome 3 !

Un plaisir cette série tant au niveau des dessins que des dialogues et de l’humour. Une série à mettre entre toutes les mains (ados, adultes) !

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Noukette) et les challenges BD 2023 et Jeunesse & young adult #12.

Une suite d’événements de Mikhaïl Chevelev

Une suite d’événements de Mikhaïl Chevelev.

Gallimard, collection Du monde entier, janvier 2021, 176 pages, 18 €, ISBN 978-2-07017-848-3. Posledovatel’ nost sobytï (2015) est traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs.

Genres : littérature russe, premier roman.

Mikhaïl Chevelev naît en 1959 en Russie (alors Union Soviétique). Il étudie à l’Institut des langues étrangères de Moscou et devient traducteur et interprète puis il devient reporter et participe (auteur et éditeur) au magazine satirique Samizdat. Il est maintenant journaliste indépendant et romancier. Après avoir lu son 2e roman, Le numéro un, je ne pouvais que me tourner vers cette Suite d’événements.

Pavel et Tania s’apprêtent à écouter les informations au journal de vingt heures. « ‘… des inconnus… L’église de l’Épiphanie de Nikolskoe, un village de la région de Moscou… les otage… il y a des enfants… n’ont pas énoncé leurs exigences… Ils veulent des pourparlers avec des intermédiaires…’ Seigneur Dieu… ça fait huit ans que rien de tel ne s’était produit… depuis Beslan… Et puis j’entends mon nom. Et un autre nom qui m’est familier. » (p. 12).

1996. Une délégation de journalistes du journal Courrier de Moscou et de l’émission télévisée Regard est envoyée en Tchétchénie pour la fin de la guerre. Tout se passe à peu près bien et des prisonniers russes peuvent même rentrer avec eux, Sergueï et deux Oleg, Vadim étant gardé un peu plus longtemps. « Dix-sept postes de contrôle plus tard et autant de bouteilles de vodka achetées dans les petits bazars installés au bord des routes pour payer notre passage, nous arrivons le soir à Makhatchkala » (p. 34).

2015. Vadim et son groupe ont pris en otage plus de cent personnes dans l’église du village de Nikolskoe et il ne veut parler qu’à Evgueni Stepine et Pavel Volodine. Évidemment les deux journalistes sont recherchés par l’armée. Est-ce qu’ils connaissent Vadim Pétrocitch Sereguine ? Bien sûr, c’est eux qui l’ont fait libérer en 1996 mais ils ne l’ont pas revu depuis une quinzaine d’années…

En fait Vadim a trahi la Russie, il s’est converti à l’islam et il est du côté des Tchétchènes. C’est sans espoir, il n’hésitera pas à faire tout sauter et à tuer les cent adultes et les douze enfants prisonniers dans l’église. « Tu as perdu la boule, Vadim » (p. 81). Mais la revendication de Vadim et de son groupe est simple. « Nous exigeons que le président de la Fédération de Russie passe à la télévision et demande pardon pour les deux guerres : la guerre en Tchétchénie et la guerre en Ukraine. Après ça, tous les otages seront libérés. Sinon ils seront tués. – Mais tu comprends bien qu’il n’ira jamais prononcé une telle phrase à la télé ? » (p. 95). Je rappelle que la guerre en Ukraine (Crimée et Donbass) a démarré en février 2014 et, au-delà de la Crimée et du Donbass en février 2022.

J’ai bien aimé les traits d’humour et les dialogues sans détour. « Avec vous autres, c’est toujours pareil, je ne savais rien, je n’ai rien vu et d’ailleurs j’étais contre… Et résultat, le cimetière est plein… » (p. 148). Mikhaïl Chevelev est journaliste, dissident, et il a écrit dans ce premier roman ce qu’il ne pouvait pas écrire dans ses papiers (on ne dit plus article, on dit papier). La nouvelles Russie est-elle vraiment une démocratie ? La liberté d’expression existe-t-elle ou la censure est-elle toujours omniprésente ? Quid des guerres et des milliers (millions ?) de morts depuis le début du XXIe siècle ? Les deux guerres mondiales du XXe siècle et la faillite du communisme n’ont-elles pas servi de leçons ? Pourquoi toujours tant de violences, de corruptions et d’horreurs ? Qui est responsable, le pouvoir en place et ses sbires, ceux qui ont élu ce pouvoir, ceux qui ne disent rien et qui laissent faire, ceux qui s’en lavent les mains et s’enrichissent ? Et qu’est-ce qui pousse au terrorisme ?

Le roman est construit avec un compte à rebours de la prise d’otages, les rencontres entre Pavel et Vadim, et des flashbacks mettant en scène l’un ou l’autre des deux hommes ou les deux puisqu’ils se sont déjà rencontrés par le passé. Il y a une espèce d’imbrication, les deux hommes sont liés qu’ils le veulent ou non, et l’auteur montre sûrement que les Russes et leurs anciens voisins soviétiques sont également liés… même si parfois c’est de façon radicale.

Dans la postface, Ludmila Oulitskaïa, autrice russe, parle « du terrorisme individuel et du terrorisme d’État au XXIe siècle » (p. 167) et questionne les lecteurs : où se trouve la justice ? « le mal engendre le mal » (p. 168), c’est une escalade, ne sommes-nous pas tous responsables ?

Elle l’a lu : Alex de Mot-à-mots, d’autres ?

Une lecture pour le Mois Europe de l’Est que je mets aussi dans ABC illimité (lettre U pour titre), Challenge lecture 2023 (catégorie 28, un livre sans happy end, 2e billet), Polar et thriller 2022-2023 et Mois du polar (parce que c’est un roman plutôt suspense et thriller même s’il n’y a pas d’enquête policière), Tour du monde en 80 livres (Russie) et Voisins Voisines 2023 (Russie).

Les exportés de Sonia Devillers

Les exportés de Sonia Devillers.

Flammarion, août 2022, 280 pages, 19 €, ISBN 978-2-0802-8320-7.

Genres : littérature franco-roumaine, essai, Histoire.

Sonia Devillers naît le 31 janvier 1975 aux Lilas en Seine Saint Denis. Son père est l’architecte urbaniste Christian Devillers, sa mère Roumaine (exportée en France avec ses parents, sa sœur et sa grand-mère) est aussi architecte. Elle étudie les Lettres puis la philosophie à la Sorbonne et devient journaliste (au journal Le Figaro et à la radio principalement à France Inter).

Voici comment débute le récit : « Ils n’ont pas fui, on les a laissés partir. » (p. 9). Harry et Gabriela Deleanu, leurs deux filles et une grand-mère ont quitté leur pays, la Roumanie, et sont arrivés à Paris le 19 décembre 1961 (2300 km de trajet) alors que « De ce pays en pleine guerre froide, nul ne pouvait sortir. Les habitants étaient retenus prisonniers. » (p. 9). Alors comment cette famille a-t-elle pu sortir ? C’est ce que raconte l’autrice parce que les Deleanu étaient ses grands-parents maternels et qu’une de leurs filles était sa mère (14 ans en 1961) et l’autre sa tante (16 ans en 1961).

L’autrice raconte sa grand-mère, « l’âge d’or des années 30 à Bucarest , [… sa] jeunesse étincelante […] sa famille remarquable, sa ville pimpante, Bucarest dite le ‘petit Paris des Balkans’ dans l’entre-deux-guerres. » (p. 23-24), l’antisémitisme politique et la diabolisation du juif, la montée du fascisme à la fin des années 1930, la Seconde guerre mondiale au côté de l’Allemagne, purification ethnique, retournement opportuniste… « La Roumanie fut le premier bras armé des nazis, à l’Est, et leur alliée la plus zélée. » (p. 53). Et puis, le silence de tous les côtés, les non-dits, le « si on n’en parle pas, c’est que ça n’existe pas. » (p. 64) et « Du passé faisons table rase. […] plus de nom juif, plus de juif. Et inversement. » (p. 72).

Dans ce récit, qui je le redis n’est pas un roman, mais un récit familial et historique, il y a des choses terribles et choquantes (l’arrachement, l’exil, la souffrance…) même pour ceux qui ont déjà lu des récits sur la Seconde guerre mondiale, sur la Shoah, entre autres. Des informations inédites aussi. Je ne savais pas pour Eugène Ionesco (dont j’aime le théâtre), pour Emil Cioran (dont j’ai lu par le passé quelques textes que j’ai appréciés) et pour Mircea Eliade… Après la guerre, c’est pire, communisation et soviétisation, nouvelle classe dirigeante et nouvelle élite, parti tout puissant et propagande, et aussi « La nation enterrait son passé antisémite, les juifs enterraient leurs souffrances. L’un n’allait pas sans l’autre. » (p. 85).

Après la guerre, et après la création de l’État d’Israël (qui s’était tourné vers les États-Unis et non l’Union Soviétique), Staline ne voulant pas être accusé d’antisémitisme créa le cosmopolitisme, « cosmopolites sans racine […] intellectuels juifs dits ‘apatrides’, des juifs ‘errants’, sans attaches, donc perpétuellement soupçonnés d’ ‘antipatriotisme’ ou de ‘traîtrise à la patrie’ » (p. 106), c’est bizarre, malgré tout ce que j’ai déjà lu et tous les documentaires que j’ai vus, je n’avais jamais entendu parler de ça ou alors le terme ‘cosmopolitisme’ était abordé avec un autre mot. Je n’avais également jamais entendu parler de Matatias Carp (1904-1953) ou alors j’ai oublié (son Cartea neagră, le livre noir de la destruction des Juifs de Roumanie, 1940-1944 est pourtant paru chez Denoël en 2009).

Un passage que j’aime beaucoup. « Dans le journal intime de Mihail Sebastian, on trouve ce passage magnifique : ‘Nous autres, juifs, nous sommes au fond d’un optimisme enfantin, absurde, quelquefois inconscient. (C’est peut-être ce qui nous aide à vivre.) En pleine catastrophe, nous espérons encore. Ça ira bien, répétons-nous par dérision, mais en fait nous croyons vraiment que ça ira bien. » (p. 111).

« Je ne sais pas très précisément ce que c’est qu’être juif, ce que ça me fait d’être juif. C’est une évidence, si l’on veut, mais une évidence médiocre, qui ne me rattache à rien. Ce n’est pas un signe d’appartenance, ce n’est pas lié à une croyance, à une religion, à une pratique, à un folklore, à une langue. Ce serait plutôt un silence, une question, une mise en question, un flottement, une inquiétude. Une certitude inquiète derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable : celle d’avoir été désigné comme juif, et parce que juif victime, de ne devoir la vie qu’au hasard et à l’exil. », très belle citation de Georges Perec (p. 258-259).

Cet essai se compose de 4 parties, les juifs, les communistes, les cochons, les apatrides, contenant des chapitres courts ce qui permet aux lecteurs de respirer, de reprendre leur souffle. Parce que c’est un import-export affligeant qui se joue dans les années 1950-60… et je ne vous dis pas sur la barbarie envers les chevaux (chapitre ‘Le cheval à abattre’, p. 191-196). C’est que l’autrice, journaliste, ne s’embarrasse pas pour dire la vérité crue, dérangeante et le mutisme de ses grands-parents maternels. J’ai plusieurs fois eu les larmes aux yeux et j’espère que ma note de lecture et les extraits vous donneront envie de lire cet essai instructif et déchirant qui m’a été conseillé par une lectrice lors d’un café littéraire.

Elle l’a lu : Nicole de Mots pour mots, d’autres ?

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 16, un livre qui m’a énervée ou révoltée, oui ce livre m’a révoltée par ce que des humains ayant du pouvoir peuvent faire à d’autres humains – et à des animaux aussi, les humains étant des mammifères), Challenge lecture 2023 (catégorie 25, un livre sur le thème de la seconde guerre mondiale, même si le livre va plus loin il commence avec le traitement des Juifs durant la seconde guerre mondiale), Mois Europe de l’Est (Roumanie) et Tour du monde en 80 livres (l’autrice est Française mais raconte le parcours de ses grands-parents et de sa mère, Roumains « exportés », des années 1930 aux années 1980, donc je mets ce livre pour la Roumanie).

Pelote dans la fumée 1 de Miroslav Sekulic-Struja

Pelote dans la fumée 1 – L’été / L’automne de Miroslav Sekulic-Struja.

Actes Sud BD, décembre 2013, 128 pages, 24 €, ISBN 978-2-330-01286-1. Traduit du croate par Aleksandar Grujicic.

Genres : bande dessinée croate, Histoire.

Miroslav Sekulic-Struja naît le 30 août 1976 à Rijeka en Croatie. Il est peintre et auteur dessinateur de bandes dessinée, lauréat (3e prix) du concours jeunes talents du festival d’Angoulême avec L’homme qui acheta un sourire. Après Pelote dans la fumée (le tome 1 reçoit le Prix BD de Montreuil en 2015), sa nouvelle BD, Petar et Liza, paraît chez Actes Sud BD en février 2022 et apparaît dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2023.

Sur le site de l’éditeur : « Premier volume d’un diptyque. Ces deux premières saisons croates content la vie affreuse, sale et méchante des enfants dans un orphelinat pendant la guerre. Magnifié par le dessin de Miroslav Sekulic. » Le tome 2, L’hiver / Le printemps, paraît en février 2016 chez Actes Sud BD et une intégrale paraît en février 2023 chez Actes Sud BD (240 pages, 38 €).

L’été, sur une plage croate. Et sur cette plage, un garçon. « Le garçon s’appelle Ibro, mais comme il est toujours renfermé dans son monde compliqué et impénétrable… ceux qui le connaissent l’appellent… Pelote ! »

Pelote et Sandale sont frère et sœur et vivent dans le même orphelinat. Pelote est ami avec Bourdon qui a supporté les brimades avant de devenir baraqué et « le défenseur des faibles. Un vrai géant, un héros… ». Sandale est amie avec Clara qui est tout le temps rabrouée par « l’éducatrice, la Perce-oreille ». Quant à l’éducateur, les enfants le surnomment le Marteau « à cause des coups terribles qu’il nous assène sur la tête » mais, parfois, il défend les enfants contre des brutes épaisses.

Dans cette ville industrielle et industrieuse, le terrain de jeux, à part la cour de l’orphelinat, c’est la déchetterie voisine parce que la plage, c’est pour les touristes qui ont de l’argent à dépenser (dans cette déchetterie, on voit beaucoup d’objets jetés, même des voitures, donc tout le monde n’est pas pauvre dans cette ville). Mais parfois certains enfants travaillent pour les voisins… sans recevoir de revenu évidemment…

L’automne arrive avec ses pluies froides et un nouvel arrivant, Michel, qui devient le nouveau souffre-douleur. Et aussi, le père de Pelote et Sandale qui vient leur rendre visite. Mais que peut faire un alcoolique pauvre pour ses enfants… ? Les pauvres ne peuvent que « imaginer une meilleure vie, ne serait-ce que dans les chansons ». Quelles tristes vies… « En réalité, la ville entière pleura ces jours-là… ces mois-là… ces années-là ».

Mon passage préféré. « Et les rêves ? Les rêves entraient alors par les fenêtres aux carreaux cassés, accompagnés du clair de la lune et de l’odeur des pains de la boulangerie voisine et se mettaient à tournoyer autour de leurs têtes et le grognement dans leurs ventres ne partait qu’avec les premières sirènes des bateaux du matin. »

J’ai vu une erreur, les pages ne sont pas numérotés mais c’est lorsqu’il parle de la sœur aînée, Miranda : « Fine, voir invisible », c’est voire. Et dans l’extrait ci-dessus, c’est « leur ventre » parce que chacun n’a qu’un ventre et leur est déjà un adjectif possessif pluriel.

Mais les dessins, les détails, les regards et les couleurs, c’est énorme, à la fois brutal et poétique, je dirais même surréaliste (beaucoup de dessins sont en pleine page) ; quant au récit il est tellement empli de désespoir et d’empathie pour les personnages, des gosses plus ou moins orphelins, des adultes paumés, violents, impuissants face à la vie et à la misère, et puis en toile de fond, quelques illustrations de guerre (avions, bateaux…). L’auteur parle de violence, de sexualité, de drogue, d’homophobie… Et, de temps en, temps, un peu de joie avec un cirque ou une troupe de théâtre qui passent. Alors, art naïf ou art brut ? Et l’auteur s’est-il inspiré, du moins en partie, de son enfance en Croatie ? J’espère que non ; en tout cas, j’ai lu qu’il dessinait depuis tout jeune, dès l’âge de 4 ans si je me rappelle bien. Pelote dans la fumée (c’est parce que son père fumait comme un pompier en plus de boire, et l’éducateur de l’orphelinat aussi, entre autres) est digne des textes de Dickens, Dostoïevski, Hugo, Zola pour ne citer qu’eux. J’espère lire le tome 2, Hiver / Printemps et même d’autres titres de Miroslav Sekulic-Struja.

Pour La BD de la semaine (plus de BD de la semaine chez Moka) et les challenges ABC illimité (lettre), BD 2023, Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 2, une BD, 6e billet), Challenge lecture 2023 (catégorie 60, une BD), Mois Europe de l’Est et Tour du monde en 80 jours (Croatie).