Contre la barbarie 1925-1948 de Klaus Mann

Contre la barbarie 1925-1948 de Klaus Mann.

Phébus, collection Littérature étrangère, mars 2009, 368 pages, 23,35 €, ISBN 978-2-7529-0317-4. Articles et essais traduits de l’allemand par Corinna Gepner et Dominique Laure Miermont.

Genres : littérature allemande, essais, Histoire.

Klaus Mann de son vrai nom Klaus Heinrich Thomas Mann, naît le 18 novembre 1906 à Munich en Bavière (en Allemagne). Je remets plus ou moins ce que j’ai écrit pour Correspondance 1925-1941 de Stefan Zweig et Klaus Mann. Il est issu d’une famille juive, bourgeoise et intellectuelle, son père Thomas Mann et son oncle Heinrich Mann sont écrivains, sa sœur aînée Erika et son jeune frère Golo aussi. Son premier roman, La danse pieuse, est le premier roman allemand homosexuel. Juif, homosexuel, il est bien conscient des dangers du nazisme et quitte l’Allemagne en mars 1933, d’abord pour la Tchécoslovaquie puis pour les États-Unis (où il s’enrôle dans l’armée). Il est principalement romancier, nouvelliste, journaliste et dramaturge mais aussi poète, diariste et critique littéraire. Il voyage beaucoup avec Erika, fonde une revue littéraire à Amsterdam (en Hollande), lutte contre le nazisme et le franquisme (vous pouvez lire tout ça dans sa correspondance). L’après-guerre est difficile et nombre de ses amis se sont suicidés (dont Stefan Zweig) alors il se suicide le 21 mai 1949 dans la pension de famille où il réside à Cannes. Il laisse à la postérité une œuvre incroyable, éclectique et sensible à découvrir.

« Pourquoi ce livre ? Parce que l’essayiste et inlassable chroniqueur de son temps que fut Klaus Mann est encore très mal connu en France. On se souvient du Tournant, cette prodigieuse fresque autobiographique ; du roman Mephisto qui a fait, à l’image de son héros, une carrière brillante et mouvementée ; et il y a quelques années, de son étonnant et émouvant Journal. Dans des formes et des styles très divers, ces ouvrages révèlent un écrivain engagé corps et âme dans les problèmes de son époque. Mais il est un domaine dans lequel Klaus Mann a excellé, manifestant au fil des jours toute la vivacité de son esprit et la pertinence de ses engagements : la chronique et l’essai. Son insatiable curiosité intellectuelle et sa combativité naturelle nous en ont légué plusieurs centaines, sur tous les sujets littéraires, artistiques et politiques qui agitèrent le monde entre les deux guerres et jusqu’en 1949, année de son suicide à Cannes. » (extrait de l’introduction par Dominique Laure Miermont, p. 7).

« Autant aller à l’essentiel : cette lettre de Klaus Mann adressée à Stefan Zweig en octobre 1930, juste après le succès électoral des nazis au Reichstag, succès étourdissant, jugé par Zweig dans un article comme un signal de la jeunesse ‘contre les lenteurs de la haute politique’. Zweig trouve ‘naturelle’ cette révolte des jeunes ; ce ne serait que pour ses goûts personnels, il n’y mettrait bien sûr pas le petit doigt, mais il est d’humeur compréhensive. Les jeunes… La réponse de Klaus Mann à l’illustre auteur est cinglante : ‘Tout ce que fait la jeunesse ne nous montre pas la voie de l’avenir. Moi qui dis cela, je suis jeune moi-même. La plupart des gens de mon âge – ou des gens encore plus jeunes – ont fait, avec l’enthousiasme qui devrait être réservé au progrès, le choix de la régression. C’est une chose que nous ne pouvons sous aucun prétexte approuver. Sous aucun prétexte.’ Toute la suite de cette réponse est un prodige d’insolence respectueuse, de lucidité ardente […]. De 1930 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Klaus Mann n’aura donc cessé de secouer le cocotier, il a vu, il a senti tout de suite que l’atmosphère n’était pas bonne du tout. » et « D’une certaine manière, Klaus Mann est une incarnation bouleversante du XXe siècle dans tout ce qu’il peut avoir à la fois d’ardent et de désespéré. » (extraits de Klaus Mann, l’antitotalitaire, la préface de Michel Crépu, p. 9 puis p. 12).

Ce recueil regroupe 67 textes extraits des 5 tomes (2200 pages en tout) parus entre 1992 et 1994 en Allemagne aux éditions Rowohlt fondées à Reinbek en 1908 et dont le siège est à Hambourg depuis 2019. La majorité de ces textes est parue du vivant de l’auteur mais une autre partie non publiée est conservée aux archives de la bibliothèque de Munich, voir sur Thomas Mann International. À noter que Klaus Mann, exilé aux États-Unis, a écrit plusieurs textes en anglais dès 1940.

Je ne peux que saluer – honorer même avec cette deuxième lecture – cet homme, Allemand de naissance et Européen de cœur, auteur et intellectuel de son temps mais aussi en avance sur son temps, sincère et intègre, un humaniste aimant le beau et la liberté, qui toute sa vie s’est battu contre la barbarie, contre les totalitarismes et qui a essayé d’ouvrir les yeux de ses contemporains… parfois plus ou moins aveugles et sourds face aux dangers. Les textes sont présentés par ordre chronologique.

Le premier jour, article paru dans 8 Uhr-Abendblatt de Berlin le 14 avril 1925, raconte le premier jour du voyage que Klaus Mann a fait à Paris au printemps 1925. Il n’a pas 20 ans et il écrit déjà des articles, en particulier littéraires, pour des journaux. « Certaines villes mettent des jours, d’autres des semaines à dévoiler leur spécificité et leur charme. Paris convainc et même subjugue en quelques heures […] émerveillé […] sortilèges de la capitale. » (p. 16). On parle ici du Paris d’il y a presque 100 ans (que, personnellement, je n’ai pas du tout ressenti comme tel au début des années 2000) et ça m’a fait penser à Ivar Lo-Johansson (Suédois) et à George Orwell (Anglais) qui, dans les années 1920, y ont vécu dans la misère, lire L’Autre Paris d’Ivar Lo-Johansson et Dans la dèche à Paris et à Londres de George Orwell mais Klaus Mann avait bien le droit de penser que Paris était « la splendeur de l’Europe » (p. 17).

Réponse à une enquête menée auprès des jeunes écrivains sur leurs tendances artistiques, article paru dans Die Kolonne en février 1930, dans lequel Klaus Mann montre que la jeunesse confond art avec actes militants et politiques. « De nos jours, tout art sans exception doit être de la ‘propagande politique’, dans l’acceptation la plus large du terme. […] c’est une méprise très en vogue, surtout à Berlin, de considérer une œuvre d’art comme légitime uniquement si elle combat […]. La valeur militante sert volontiers d’excuse à l’absence la plus flagrante de dimension artistique […]. » (p. 18) et « être conscient de sa mission militante » oui mais « renoncer à sa qualité d’artiste » non (p. 19).

Jeunesse et radicalisme, une réponse à Stefan Zweig (1931) dont j’ai déjà parlé pour Correspondance 1925-1941 de Stefan Zweig et Klaus Mann.

Est-ce l’avènement du ‘Troisième Reich’ ?, article paru dans Die Literatur en avril 1931, dans lequel Klaus Mann donne son avis sur deux essais parus aux éditions Rowohlt, Est-ce l’avènement du Troisième Reich ? de Walter Oehme et Kurt Caro et Adolf Hitler, Guillaume III de Weigand von Miltenberg. Oehme et Caro, journalistes qui quitteront l’Allemagne en 1933, demandent pourquoi un parti qui se veut socialiste se fait financer par la grande industrie donc le capitalisme, « Quelle sinistre imposture ! […] Quelle triste jeunesse ! » (p. 24) déplore Mann.

Ne rien faire…, article paru dans 8 Uhr-Abendblatt de Berlin le 19 octobre 1931, explique que le peuple allemand n’est pas paresseux mais 25 % des actifs sont au chômage à cause de la crise de 1929 et que « l’ennui est un spectre plus malfaisant que le dénuement. » (p. 26), « mise à l’écart […] amertume […] injustice sans égale » (p. 27), « Ce qui est sûr, c’est qu’à la longue, il aimera mieux faire le mal que de ne rien faire… » (p. 28).

Jumeaux de pathologie sexuelle, article paru dans Das Tagebuch le 31 décembre 1931, dans lequel Klaus Mann explique que le magazine français VU a publié un numéro spécial sur l’Allemagne et « a consacré une illustration à cette curiosité qui lui paraît typiquement berlinoise » (p. 29), la librairie de sexologie. De façon amusante, Mann montre comment le libraire allie sexualité et politique.

Munich, mars 1933, tapuscrit conservé dans le fonds Klaus Mann à Munich (cité et linké plus haut). « Le 10 mars 1933. Nous étions allés faire du ski en Suisse. » (p. 31) mais le retour à Munich est tendu… « Munich a l’air calme. Mais lorsqu’on tend l’oreille, on sent la tension, l’inquiétude de tous ces gens […], une tension qui pour beaucoup est sûrement joyeuse et confiante en l’avenir, mais pour bien d’autres désespérée. […] Munich était une oasis. Cela ne pouvait pas durer. » (p. 32). « Les conversations téléphoniques sont surveillées […]. Nombre de ceux avec qui l’ont veut prendre contact ont déjà été arrêtés […]. » (p. 33). Le 13 mars, les Mann quittent l’Allemagne.

Culture et ‘bolchevisme culturel’, avril 1933, tapuscrit conservé dans le fonds Klaus Mann à Munich. Dans ‘la nouvelle Allemagne’, il est plus facile d’être contre que pour, « contre le marxisme, contre le traité de Versailles, contre les Juifs » (p. 34). Le ‘bolchevik culturel’ n’est pas que le communiste, il est « motif à suspicion […] et mérite de mourir parce qu’il est ‘anti-allemand’, ‘réfractaire’, ‘judéo-analytique’, dépourvu de respect devant les bonnes vieilles traditions (à savoir les corporations étudiantes et les défilés militaires), pas ‘assez attaché à la terre’, pas assez ‘dynamique’ et de ce fait – de tous les reproches le plus épouvantable – ‘pacifiste’ ! [Il] s’est ligué avec la France, les Juifs et l’Union soviétique. […] à la fois marxiste et anarchiste (on met tout dans le même sac). Il reçoit tous les jours de l’argent des francs-maçons, des sionistes et de Staline. Il faut l’exterminer. » (p. 35). Bref, soit vous êtes un nazi convaincu et convainquant soit vous êtes un ennemi… Mann note ‘la nouvelle Allemagne’, les nouveaux idéaux et le nouveau jargon typique d’une société totalitaire. Rien de réjouissant donc dans cette nouvelle Allemagne avec des écoles respectées, libres et humanistes, fondées « sur les valeurs de fraternité et de démocratie » (note, p. 35) fermées, la science et les universités également menacées, et la « presse allemande n’existe plus, toute liberté d’expression, même la plus modeste, est réprimée avec un radicalisme remarquable (qui surpasse encore, s’il est possible, celui des Italiens). Les journaux des partis de gauche sont […] tous interdits. La ‘grande presse libérale’ est […] contrainte d’emboucher la trompette fasciste […] elle a succombé sans la moindre résistance à une mort peu glorieuse et bien méritée. […] Sont évidemment interdites les revues ayant conservé jusqu’au bout une attitude courageuse et un niveau élevé : Tagebuch et Weltbühne. Leurs éditeurs sont en fuite ou en prison. » (p. 37), et je passe sur plusieurs exactions et propagande (littérature, théâtre, cinéma, radios, musique, peinture, architecture…), ou comment niquer la culture et l’art, désinformer et tromper tout un peuple. « On le voit, rien n’est oublié […]. » (p. 40). Un titre à lire absolument parce qu’on n’est malheureusement pas à l’abri de ce genre d’idées nauséabondes et contre-productives…

Lettre à Gottfried Benn, lettre personnelle de Klaus Mann à Gottfried Benn « qui connut un bref engouement pour l’idéologie nazie entre 1933-1934 » (p. 41), qui répondit par Réponse aux écrivains en exil (diffusée à la radio le 24 mai 1933 et publiée le 26 mai 1933 dans le Deutsche Allgemeine Zeitung, et lettre publiée par Gottfried Benn dans Dopelleben en 1950). Klaus Mann questionne Gottfried Benn (auteur allemand que je ne connais pas) qui n’a pas démissionné de l’Académie dont plusieurs de ses amis, dont Heinrich Mann (l’oncle de Klaus Mann) « s’est fait honteusement renvoyer » (p. 42).

Réponse à la ‘Réponse’, 31 mai 1933, tapuscrit conservé dans le fonds Klaus Mann à Munich. Il faudrait lire Gottfried Benn pour savoir ce qu’il a répondu à la lettre de Klaus Mann mais, en tout cas, Mann écrit une réponse indignée et sincère, « les propos de Benn [sont] épouvantablement symptomatiques » (p. 46). Comment Benn peut-il décrire « Hitler comme un génie » (p. 46) ? « Comme si, pendant des années, nous n’avions pas entendu à la radio, discours après discours, les menaces proférées par une horde de sauvages contre les idéaux de l’humanité. Maintenant nous y sommes, la menace a pris le pouvoir, la barbarie est totale.  » (p. 46). « Quel avilissement d’un énorme talent – je trouve cela poignant ! […] platitude […] perfidie […] cynisme […] » (p. 47).

Die Sammlung, éditorial publié en septembre 1933 dans le 1er n° de cette revue littéraire fondée par Klaus Mann et la Suissesse Annemarie Schwarzenbach, aux éditions Querido à Amsterdam, dont j’ai déjà parlé pour Correspondance 1925-1941 de Stefan Zweig et Klaus Mann. Cent cinquante écrivains (principalement européens mais aussi des Amériques) ont participé à cette revue qui sera publiée pendant deux ans. « La présente revue sera au service de la littérature, cette chose élevée qui ne concerne pas seulement un peuple mais tous les peuples de la Terre. » (p. 50). « Une revue littéraire n’est pas une revue politique […]. Il n’empêche que cette revue aura une mission politique. Son orientation doit être dénuée de toute équivoque. Ceux qui prendront la peine de suivre les différents numéros de notre revue ne doivent douter ni de notre position à nous, les éditeurs, ni de celle de nos collaborateurs. Il faut que dès le début nous disions clairement ce que nous abhorrons et ce que nous espérons être en droit d’aimer. » (p. 51).

Gottgried Benn ou l’avilissement de l’esprit, article paru en septembre 1933 dans le 1er n° de Die Sammlung (Le Rassemblement). Suite à une lettre privée de Klaus Mann à Gottfried Benn, celui-ci répondit par une lettre ouverte intitulée Aux émigrés qu’il diffusa à la radio et publia dans un journal (voir ci-dessus). En plus de l’amitié, de l’admiration et de l’estime perdues, Klaus Mann déplore ici la platitude, l’indigence intellectuelle de Benn ce qui est « encore plus pernicieux. » (p. 53), il déplore aussi une « Allemagne violentée » (p. 54) par l’absurdité, la démagogie…

Réponse aux attaques contre la revue Die Sammlung, 14 octobre 1933, tapuscrit conservé dans le fonds Klaus Mann à Munich. Sur l’influence de leur éditeur allemand, des auteurs allemands dont le père de Klaus Mann, Thomas Mann, se sont dédits de leur collaboration littéraire. Après avoir reçu une lettre de Romain Rolland surpris par ces désistements, Klaus Mann rédige cette réponse qui n’a finalement pas été publiée. « Mais il y a des situations où il est plus convenable de se taire, même s’il serait plus profitable de parler. » (p. 56-57).

88 au pilori, article paru en novembre 1933 dans Das Neue Tage-Buch. 88 écrivains allemands ont fait allégeance au régime nazi et, à part Gottfried Benn (cité plus haut) et qui était déjà célèbre avant, « aucun des signataires n’est passé à la postérité » (p. 59). « Il se sont cloués eux-mêmes au pilori » (p. 59) écrit Klaus Mann.

À l’intérieur et à l’extérieur, article paru en novembre 1933 dans Deutsche Stimmen. « Pour un homme intellectuellement honnête, il doit être terrible de vivre dans ce pays. Il lui faut obéir aux caprices de la force et de la confusion, et ce sans relâche. » (p. 61). « L’émigration n’est pas une aventure distrayante, et ce qui nous attend risque d’être plus difficile que tout ce que nous avons vécu jusqu’à présent. Je me dis pourtant que notre situation est magnifique comparée à celle des humiliés de l’intérieur. » (p. 64).

Dimitroff, 14 décembre 1933, manuscrit conservé dans le fonds Klaus Mann à Munich. Georgi Dimitroff (1882-1949) est un communiste bulgare et un des deux accusés de l’incendie du Reichstag. Sous la pression internationale, Georgi Dimitroff et Ernst Torgler furent acquittés.

Esprit de logique, article paru en décembre 1933 dans Der Gegen-Angriff. Le régime nazi pensait que les femmes qui fumaient étaient vulgaires et leur a donc interdit de fumer jusqu’à ce « que les fabricants de cigarettes le lui permirent. Ceux-ci furent les seuls à protester. » (p. 68). J’ai envie de dire lol mais c’est un anachronisme ! L’industrie et les finances dont plus importantes que la vulgarité ou la santé, c’est logique ! Klaus Mann parle aussi de l’hypocrisie et du cynisme envers les Juifs, il ne faudrait pas « entraîner un déficit d’impôts » (p. 69).

Oh la la, ma note de lecture est déjà super longue, 5 pages de traitement de texte (sûrement une des trois plus longues que j’ai rédigées) et je ne suis pas sûre que WordPress autorise les billets si longs… Je n’ai qu’une chose à dire : je continue évidemment la lecture du livre et je vous invite chaleureusement à lire ces 67 textes plus ou moins longs mais tous très enrichissants tant au niveau humain qu’historique et littéraire. Klaus Mann est un très grand écrivain que je suis vraiment contente d’avoir découvert pour Les feuilles allemandes, auteur découvert grâce à Eva et, si ce livre vous paraît trop dense, vous pouvez toujours vous replier vers Mise en garde présenté par Eva qui est une sélection peut-être plus abordable (en tout cas, plus courte) du talent de journaliste et d’essayiste de Klaus Mann, un homme intègre, investi, et ce dès son plus jeune âge. Il émanait certainement de lui, une aura, une puissance dont sont faits les grands hommes, les visionnaires, les héros, ceux qui se battent pour la vérité, la paix, la liberté, la beauté et l’art. C’était, je pense, toute sa vie, sa vocation et son style est magnifique, d’une grande précision et d’une grande beauté, avec un certain lyrisme mais ce qu’il faut, pas appuyé et ronflant, il fait preuve aussi d’humour (quand c’est possible), bref à lire, à découvrir et même à relire parce que ses textes restent (malheureusement) d’actualité près de 100 ans après. Il y a en milieu de volume un cahier de 8 pages avec des photos en noir et blanc ; j’aime beaucoup la première, Klaus Mann à Uttwil en 1926, photographié par Thea Sternheim (si je la retrouve sur internet, je la mets ci-contre).

Ce livre entre aussi dans les challenges 2022 en classiques, Petit Bac 2022 (catégorie Chiffre pour 1925-1948) et ABC illimité (je profite du K de Klaus pour honorer la lettre à prénom).

Correspondance 1925-1941 de Stefan Zweig et Klaus Mann

Correspondance 1925-1941 de Stefan Zweig et Klaus Mann.

Phébus, collection Littérature étrangère, mars 2014, 208 pages, 17 €, ISBN 978-2-7529-0774-5. Les lettres sont traduites de l’allemand par Corinna Gepner.

Genres : littératures autrichienne et allemande, correspondance.

Stefan Zweig naît le 28 novembre 1881 à Vienne (alors dans l’empire d’Autriche-Hongrie). Il est bon élève en particulier en allemand, en histoire et en physique ; il étudie la philosophie et l’histoire de la littérature germanique à l’université de Vienne. Journaliste, écrivain, biographe, traducteur et dramaturge reconnu, il a de nombreux amis écrivains, artistes et intellectuels (avec qui il correspond). Il voyage beaucoup en Europe (Allemagne, Belgique, France, Italie, Pologne, Suisse…) et en Amérique (Canada, États-Unis). Bien que né dans une famille juive originaire de Moravie, l’auteur (comme ses parents et son frère aîné) ne parle pas le yiddish, ne fréquente pas la synagogue et ne parle jamais de sa judéité mais, avec la montée du nazisme, il s’exile en 1934, d’abord à Londres puis au Brésil (il est inquiet et comprend le danger mais refuse cependant de prendre position et préfère rester neutre). Mais rongé par les atrocités de la guerre, il met fin à ses jours le 22 février 1942 à Pétropolis au Brésil. Il laisse à la postérité une œuvre magnifique et inspirée (je n’ai pas encore tout lu).

Klaus Mann de son vrai nom Klaus Heinrich Thomas Mann, naît le 18 novembre 1906 à Munich en Bavière (en Allemagne). Il est issu d’une famille juive, bourgeoise et intellectuelle, son père Thomas Mann et son oncle Heinrich Mann sont écrivains, sa sœur aînée Erika et son jeune frère Golo aussi. Son premier roman, La danse pieuse, est le premier roman allemand homosexuel. Juif, homosexuel, il est bien conscient des dangers du nazisme et quitte l’Allemagne en mars 1933, d’abord pour la Tchécoslovaquie puis pour les États-Unis. Il est principalement romancier, nouvelliste, journaliste et dramaturge mais aussi poète, diariste et critique littéraire. Il voyage beaucoup avec Erika, fonde une revue littéraire à Amsterdam (en Hollande), lutte contre le nazisme et le franquisme (vous pouvez lire tout ça dans les lettres). L’après-guerre est difficile et nombre de ses amis se sont suicidés (pas que Stefan Zweig) alors il se suicide le 21 mai 1949 dans la pension de famille où il réside à Cannes. Il laisse à la postérité une œuvre incroyable, éclectique et sensible à découvrir.

Ces 82 lettres échangées entre Stefan Zweig et Klaus Mann sont suivies par trois essais : Jeunesse et radicalisme, Érasme de Rotterdam, Stefan Zweig.

Début de la préface de Corinna Gepner. « Deux écrivains. L’un, le plus jeune, fils d’un prix Nobel de littérature, est encore au début de sa carrière littéraire. La critique l’éreinte, ne voit en lui qu’un dandy superficiel, habile à tirer partie de son nom et se complaisant dans la description des turpitudes morales. L’autre est au faîte de sa gloire. Artiste prolifique, insatiable découvreur de talents, il enchaîne les succès et occupe une place importante sur la scène littéraire. Le plus jeune est respectueux, admiratif, en quête d’approbation et de reconnaissance. L’aîné est encourageant, bienveillant – et fasciné par le père de son jeune laudateur, qui est à ses yeux une figure exemplaire sur le plan littéraire et intellectuel. Klaus Mann et Stefan Zweig, donc. » (p. 7).

Les points communs entre les deux hommes : ils sont tous les deux écrivains, de langue germanique (Zweig est Autrichien et Mann est Allemand mais ils sont tous deux Juifs), ils sont aussi tous les deux dépressifs et se suicideront (Zweig en 1942 et Mann en 1949). Les divergences entre les deux hommes : elles sont surtout politiques, « Mann est sans pitié. Très tôt conscient du danger que représente le nazisme, il en devient un adversaire déclaré. Là où Zweig témoigne une indulgence coupable à l’égard d’une jeunesse attirée par les sirènes du nationalisme, il condamne cette évolution et prend publiquement parti contre Zweig. » (préface, p. 8). Mann quitte l’Allemagne et fonde avec la Suissesse Annemarie Schwarzenbach Die Sammlung (Le Rassemblement) en 1933, une revue littéraire opposée au régime nazisme et au fascisme sans être une revue politique et Zweig se dérobera toujours à participer à cette revue. Mann est profondément déçu par le comportement de Zweig qui pense que les choses vont s’arranger et qui veut être irréprochable ; Mann crie à l’hypocrisie et à la lâcheté. Voyons ces échanges de lettres donc ; certaines ont été perdues, détruites par les nazis mais « en l’état actuel des recherches, le lecteur français dispose de l’édition la plus complète existant à ce jour – privilège que n’a pas le lecteur allemand ! » (extrait de la note éditoriale rédigée par Dominique Laure Miermont, p. 12).

Après la parution du premier roman de Klaus Mann, La danse pieuse, Stefan Zweig lui écrit pour le féliciter et l’encourager. Cette lettre est perdue (comme beaucoup d’autres) mais Mann en parle dans son autobiographie, Le tournant, et la première lettre de ce recueil est sa réponse à Zweig en décembre 1925. Les deux hommes ne se connaissent pas encore personnellement mais leur échange durera près de 16 ans.

Au début (pendant 5 ans), les échanges parlent de littérature, de théâtre, de poésie, de philosophie et parfois d’homosexualité (Mann est homosexuel et Zweig a écrit la nouvelle La confusion des sentiments en 1927) et de voyages (Mann a voyagé avec sa sœur Erika aux États-Unis, au Japon, en Corée et en Union Soviétique, puis en Suisse, en France, en Espagne et au Maroc). En avril 1930, à Tarragone en Catalogne. « Obéissant à une mode bien de notre époque, nous nous précipitons aux corridas et aux combats de coqs, mais restons secrètement fidèles à la littérature – et à l’affection sincère que nous vous portons, Klaus Mann » (p. 32). Les deux hommes s’échangent aussi leurs livres au fil des années et Zweig rêve d’une revue littéraire plutôt hebdomadaire à un prix abordable (pour que tous puissent l’acheter et la lire) que Mann concevra aux États-Unis fin 1939 (le premier numéro de Decision : A Review of Free Culture paraîtra en janvier 1941 et de grands noms de la littérature européenne et américaine y participeront).

C’est en novembre 1930 que Mann écrit son mécontentement à Zweig et parle pour la première fois de politique. « Vous avez publié dans le premier numéro de la prometteuse revue Die Zeitlupe un article court mais très dense, que j’ai lu avec le plus grand intérêt, mais sans être tout à fait d’accord avec vous. Votre indulgence pour la ‘radicalisation de la jeunesse’ – pour sa radicalisation réactionnaire – me semble aller trop loin. Une telle longanimité à l’égard de ces gens est-elle de mise ? Là, je ne peux pas vous suivre. […] » (p. 35). Mann répondra à cet article de Zweig par un article intitulé Jeunesse et radicalisme qui est un des trois essais suivants les lettres. Zweig répond à Mann en mai 1933 avec diplomatie en parlant d’humanisme, en disant qu’il ne veut pas se « lancer dans la polémique [… qu’il n’est] pas d’un tempérament agressif [… qu’il ne croit] pas à la ‘victoire’ [… qu’il préfère] notre obstination silencieuse et déterminée […] au travers de l’art [car c’est là] que réside notre plus grande force. » (p. 50) et il publiera Triomphe et tragédie d’Érasme de Rotterdam en 1934 (Mann écrira en réponse un essai Érasme de Rotterdam qui est en fin de ce volume).

À noter que Klaus Mann quitte l’Allemagne en mars 1933 et qu’il est déchu de sa nationalité en 1934. « Il est sûr que je ne rentrerai plus en Allemagne. L’avenir est très sombre et très incertain. » (extrait de la lettre de mai 1933, p. 47). Durant toutes ces années d’échanges épistolaires, Mann est parfois déçu ou en colère par les idées et le comportement de Zweig mais leur amitié et leur correspondance a duré jusqu’à la mort de Zweig.

Sûrement la lettre que je préfère. « Cher Stefan Zweig – J’éprouve un plaisir particulier à lire votre bel ouvrage Souvenirs et rencontres : merci de me l’avoir fait envoyer. Chaque soir, j’y trouve quelque chose qui m’avait marqué autrefois et qui éveille à nouveau mon intérêt […], par exemple les essais sur Renan et Sainte-Beuve, que j’ai lus avec délectation. C’est un grand plaisir. D’ailleurs, j’aime beaucoup les recueils d’essais et je regrette toujours que les éditeurs se décident si rarement à en publier. Pour nous autres, ils constituent, je crois, une lecture idéale. Partout il y a des références, des allusions, des synthèses, des indications renvoyant à des choses familières et aimées – et, en même temps, tout est montré sous un jour nouveau et reçoit des couleurs nouvelles. C’est, au sens le plus fort de ce terme, une lecture stimulante. » (extrait de la lettre de Klaus Mann à New York à Stefan Zweig, p. 136).

En 1941, les dernières lettres de Mann et de Zweig sont enjouées, ils ont tous deux quitté l’Europe : Mann pour les États-Unis et Zweig pour le Brésil puis l’Argentine où ils peuvent être édités en allemand et traduits (en anglais pour l’un et en espagnol pour l’autre), et ils ont des projets (revue littéraire, autobiographie…). C’est vraiment triste que Zweig se suicide en février 1942 et Mann en mai 1949.

En tout cas, ce recueil de correspondance est d’une grande richesse, tant humaine que littéraire et historique ; j’y ai appris pas mal de choses sur les deux écrivains (mais pas que) et je me demande bien si je ne vais pas noter tous les auteurs, titres et références pour de prochaines lectures ! Avec deux avis radicalement opposés quant à la politique et la prise de position, Mann et Zweig conservent leur amitié et leur correspondance qui interrogent le lecteur sur la place des écrivains et des intellectuels en temps de guerre (ou durant les prémices de la guerre) : quel est leur rôle, que peuvent-ils faire et écrire, leur parole et leurs textes ont-ils un poids sur les politiques et sur les peuples, etc. ? Peut-on penser que tout cela est vain ? Peut-on se mettre en retrait pour ne pas se salir ? C’est l’histoire troublante de deux écrivains, deux hommes expatriés, diamétralement opposés dans leurs idées mais courtois et respectueux l’un de l’autre qui en arrivent à la même fin, le suicide…

Suivent trois essais de Klaus Mann.

Jeunesse et radicalisme, une réponse à Stefan Zweig – Mann écrit ce texte en novembre 1930 et il est publié en 1931 dans son premier recueil d’essais, Auf der Suche nach einem Weg soit En quête d’un chemin. Voici le début, « Très cher et très honoré Stefan Zweig, Bien peu d’écrivains de votre rang ont autant d’amis que vous parmi les jeunes. Bien peu s’intéressent d’aussi près à nos aspirations et nous soutiennent aussi judicieusement de leurs conseils et de leur amitié. Si quelqu’un a le droit de s’adresser à ‘la jeunesse’, considérée comme entité, c’est sans conteste vous, cher Stefan Zweig. C’est ce que vous faites dans votre article ‘Révolte contre la lenteur’ que j’ai lu avec le plus grand intérêt. Permettez-vous de vous répondre. » (p. 163-164). Mann reconnaît l’aptitude littéraire et la légitimité de Zweig à parler à la jeunesse mais il n’est pas d’accord avec ses idées et il tient à le faire savoir tout en lui conservant son admiration littéraire et son amitié. Pour Mann, la jeunesse (dont il fait partie) a le droit d’être enthousiaste, de penser au progrès mais ces jeunes ne peuvent pas se montrer complaisants et faire « le choix de la régression. C’est une chose que nous ne pouvons sous aucun prétexte approuver. Sous aucun prétexte. » (p. 164). Mann s’est ensuite battu tout le restant de sa vie pour la littérature, l’art et la liberté contre les radicalismes, les extrémismes et les oppressions politiques (bolchevisme, nazisme, fascisme, franquisme) parce qu’il avait tout de suite compris où « ce pseudo-nationalisme pseudo-social » (p. 164) allait mener, réarmement, guerre, brutalité, perversité et aucun espoir (et il avait raison). Mann est d’accord pour « saluer toute tentative plus radicale – radicale dans un sens positif. » (p. 165) (il parle de ce qui se déroule à Genève tout en lenteur). Alors que Zweig excuse cette génération extrémiste, Mann la rejette, la répudie et il préfère l’incertitude à la catastrophe. Un texte court mais fort que Zweig a sûrement lu mais n’a pas voulu entendre…

Érasme de Rotterdam – Ce texte est un tapuscrit d’août 1934 en réponse à Triomphe et tragédie d’Érasme de Rotterdam que Zweig vient de faire publier. « Il y fait davantage la place à la tragédie qu’au triomphe. » (p. 167). À son époque, Érasme est un « grand humaniste qui illumine la terre entière [et il est même] plus puissant que les puissants de ce monde » (p. 164) malheureusement Mann pense que, malgré la beauté et la mélancolie du texte de Zweig, l’idéal de la Renaissance et de l’humanisme n’a été qu’un « bref instant d’optimisme et de confiance dans le monde [et ne représente que] une petite fraction d’érudits de culture classique, d’esprits chevronnés, qui ne veulent pas lutter en son nom. » (p. 168). Ainsi, Mann pense que Zweig est comme Érasme, « non combatif par excellence, […] grand hésitant, […] ennemi des extrêmes, qui ne voudrait opter pour rien, qui souhaiterait rester loin des partis – sans se faire mal voir d’aucuns – et qui, ‘dans tout ce qui semble inconciliable’, cherche ‘l’unité supérieure, l’unité humaine’. Mais il n’irait pas ‘se mettre en danger au nom de la vérité’ comme il l’avoue lui-même. » (p. 168). Mann n’accepte pas le parallèle entre (Martin) Luther « [qui] lui, a provoqué d’autres tempêtes » (p. 169) et Hitler « [qui] n’a rien d’autre qu’un peu de violence vulgaire » (p. 170) et pense (et c’est son choix et je le respecte) que le comportement de Zweig est grave et avilissant. Mais peut-on jeter la pierre à Zweig ? Tout le monde peut-il s’engager pour défendre ses idées et se battre intellectuellement ? Certains – même ceux qui ont de la connaissance – n’ont pas la force, pas le courage, ils se résignent et sûrement souffrent… Qu’en pensez-vous ?

Stefan Zweig – Après le suicide de Stefan Zweig (et de son épouse, Lotte) le 22 février 1942 au Brésil, Klaus Mann écrit la nécrologie qui paraît dans le journal new yorkais Free World d’avril 1942. « Stefan Zweig est mort. Avec lui disparaît un représentant de la littérature de notre époque – ainsi qu’un grand connaisseur, un grand mécène, un authentique amoureux de la littérature. […] Il éprouvait une curiosité incroyable – il était toujours en quête d’aventures intellectuelles inédites. Avec quelle ardeur, quelle circonspection il explorait l’univers littéraire en en célébrant chaque trouvaille ! Il dépoussiérait les classiques et découvrait les jeunes talents. Il traduisait la littérature en allemand et faisait entendre l’Allemagne sur cinq continents. […] » (p. 171). Mann s’enthousiasme sur « la personne et l’œuvre de Stefan Zweig » (p. 174) et sur le charme de Vienne (qui était, il me semble, le centre du monde littéraire, artistique et intellectuel à cette époque). « Je ne veux pas combattre, dit l’humaniste, tout ce que je veux, c’est comprendre. » (p. 175). « Sa mort volontaire remet-elle en question la validité de son œuvre ? […] l’œuvre reste, elle est nôtre […]. » (p. 176). Comme vous le voyez, c’est avec finesse et tendresse que Mann rédige avec « de la tolérance » (p. 176) un texte émouvant et puissant. Malgré le manque de position de Zweig, Mann lui gardera un respect, une admiration et une affection indéfectibles (même s’il se contredit parfois dans son journal intime).

En fin de volume, le lecteur peut consulter une chronologie de Stefan Zweig et une bibliographie sélective ainsi qu’une chronologie de Klaus Mann et une bibliographie de ses ouvrages parus en France puis les sources et les index des noms de personnes et des noms de revues.

Je suis bien consciente que ma note de lecture est très longue mais Correspondance est un très beau recueil (d’ailleurs, j’ai déjà lu des romans épistolaires mais j’ai l’impression que c’est la première fois que je parle de correspondances sur ce blog) qui me conforte dans l’idée du génie littéraire, philosophique et humain de Stefan Zweig et qui me fait découvrir Klaus Mann (j’avais lu – à l’adolescence, c’est loin… – La montagne magique de Thomas Mann, son père, et je me souviens que l’histoire se déroule dans un sanatorium dans les Alpes avec plusieurs résidents mais je n’en ai qu’un vague souvenir, c’était il y a 40 ans voire 41, à relire donc). En tout cas, je relirai Klaus Mann, c’est sûr.

Ils l’ont lu : Benjamin Fayet sur PhiLitt, Michel Host sur La cause littéraire, Pierrick d’Années Trente, S. De Book & Tea, d’autres ?

Une lecture que j’ai choisie pour Les feuilles allemandes après avoir vu le billet d’Eva sur Mise en garde de Klaus Mann, et qui entre aussi dans 2022 en classiquesPetit Bac 2022 (catégorie Chiffre pour 1925-1941), Tour du monde en 80 livres (Allemagne et Autriche) et ABC illimité (je profite du Z de Zweig pour honorer la lettre à nom).

Perdus en forêt de Helle Helle

Perdus en forêt de Helle Helle.

Phébus, janvier 2020, 160 pages, 16 €, ISBN 978-2-7529-1124-7. Hvis det er (2014) est traduit du danois par Kakob Jakobsen.

Genre : littérature danoise.

Helle Helle, de son vrai nom Helle Olsen, naît le 14 décembre 1965 à Nakskov, une île au nord-est du Danemark. Elle est publiée depuis 1993 (une dizaine de romans). Vous parlez danois ? Plus d’infos sur son site, http://www.hellehelle.net/ (une page en anglais).

Dans une forêt du Jutland, un homme et une femme courent, ils ne se connaissent pas et se croisent par hasard. Mais, lorsque la nuit tombe, ils sont tous deux perdus et se recroisent. Ils vont passer la nuit ensemble et parler. « Nous continuons un moment sans rien dire. La lumière diminue drastiquement. » (p. 16).

Le thème de base est tout simple mais l’idée m’a plu et puis je n’ai jamais lu cette autrice danoise apparemment réputée. Mais… Commencé en mars, ce roman m’est tombé des mains, blabla, ennui… Je pensais le terminer en avril mais je l’ai laissé traîner ! Je reprends sa lecture dans le cadre du Marathon de l’été 2020 – semaine 1 avec la thématique « Terminer ses livres en cours ».

Je reprends donc à la page 72 et je suis un peu perdue… Ah oui, elle raconte, à l’inconnu donc, qu’elle vivait en coloc puis tout le monde est parti et elle s’est retrouvée seule… Plus tard, elle a revu Christian qui avait un fils de trois ans (Magnus, surnommé Buller) mais qui n’était pas en couple alors elle a travaillé avec lui au magasin de ses parents et ils se sont mis ensemble.

Pendant qu’elle raconte, la nuit et le froid se sont bien installés… même s’ils ont trouvé un abri. « Quand crois-tu que nous allons nous en sortir ? me demande-t-elle à un autre moment, sous les couvertures. » (p. 113). Allez, que le jour se lève et qu’ils puissent repartir, qu’on en finisse ! Mais lui est blessé au pied et elle n’a fait que vomir…

Je suis passée à côté de ce roman, mais alors totalement ! Je l’ai pourtant lu jusqu’au bout pour connaître le fin mot de l’histoire mais il n’y en a pas… Je trouve qu’il n’a ni queue ni tête, il est bavard et sans humour… D’autres ont aimé mais Aifelle, comme moi, n’a pas été convaincue alors qu’elle avait apprécié un précédent roman de Helle Helle.

Je ne pense pas relire cette autrice danoise mais je mets tout de même ce roman dans Challenge de l’été (Danemark) et Voisins Voisines 2020 (Danemark aussi).

Edgar Allan Poe et nouvelle traduction de ses nouvelles

Voici un article un peu particulier pour La bonne nouvelle du lundi, Cette année, je (re)lis des classiques #2, Contes et légendes (pour les contes) et Littérature de l’imaginaire #7.

Je voudrais vous parler d’Edgar Allan Poe, célèbre auteur de nouvelles, poèmes et contes, et vous présenter le premier tome des Nouvelles intégrales d’Edgar Allan Poe ; ce tome 1 correspond aux premières nouvelles écrites et publiées entre 1831 et 1839 ; elles sont moins connues du lecteur français.

Edgar Allan Poe (1900, Bettmann Archive)

Edgar Allan Poe naît le 19 janvier 1809 à Boston (Massachusetts, États-Unis) dans la famille Poe, une famille de comédiens (mère anglaise, père américain). Mais, lorsque ses parents meurent, il est recueilli par les Allan (d’origine écossaise) à Richmond (Virginie), d’où le double nom Allan Poe. Il étudie à la nouvelle Université de Virginie (fondée par Thomas Jefferson, troisième Président des États-Unis). Il fait un voyage en Angleterre et en Écosse puis s’installe à Baltimore (Maryland) et commence à écrire dans un journal. Il part ensuite pour Philadelphie (Pennsylvanie) où la majorité de ses œuvres sont publiées et enfin à New York où il devient propriétaire du Broadway Journal.

Il est tout à la fois romancier, nouvelliste, poète, critique littéraire, dramaturge et même éditeur. Il fait partie du mouvement romantique et écrit plutôt dans les genres policier, fantastique voire macabre, et parfois de la satire. Il est considéré comme l’inventeur américain du genre policier et compte dans les précurseurs de la science-fiction et du fantastique. Il est en tout cas reconnu comme un des plus grands auteurs américains du XIXe siècle.

En 1827, il publie son premier recueil, Tamerlan et autres poèmes. En 1838, paraît son premier roman, Les aventures d’Arthur Gordon Pym (The Narrative of Arthur Gordon Pym of Nantucket), mais c’est un échec… Suivent des articles de journaux, des critiques littéraires, des poèmes, des contes, des nouvelles, des autobiographies pastiches, etc. Un premier prix littéraire en octobre 1833 lui apporte la notoriété. En 1839, il publie son premer recueil d’histoires sous le titre Contes du Grotesque et de l’Arabesque. C’est surtout ses contes, ses nouvelles et ses poèmes qui sont connus et appréciés mais il laisse aussi deux romans : Les aventures d’Arthur Gordon Pym (The Narrative of Arthur Gordon Pym of Nantucket, 1837-1838) et Le journal de Julius Rodman (The Journal of Julius Rodman, 1840, inachevé malheureusement) ainsi que plusieurs essais et une pièce de théâtre : Politian (1835-1836, inachevée également).

Il meurt le 7 octobre 1849 à Baltimore et la cause de sa mort n’est pas exactement déterminée (tuberculose héritée de son père, maladie cardiaque, problème cérébral… ?). Il est enterré au cimetière presbytérien de Baltimore et, en 1913, une pierre tombale est rajoutée avec une épitaphe tirée du poème Le corbeau (The Raven, 1845) : « Quoth the Raven, « Nevermore. » » (ce qui signifie Le corbeau dit : « Jamais plus ! »).

Poe influence de nombreux auteurs américains comme William Faulkner, H.P. Lovecraft, Herman Melville, James Russell Lowell, Flannery O’Connor, Nathanael West, Walt Whitman. Il est aussi apprécié par des auteurs français comme Jules Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire (qui traduit ses nouvelles), Stéphane Mallarmé (qui traduit ses poèmes) et Jules Verne (qui lui consacre un article élogieux sur les Histoires extraordinaires). Il est aussi reconnu en Grande-Bretagne (Oscar Wilde, par exemple, s’en inspire pour son roman Le Portrait de Dorian Gray et ses contes), en Russie (Vladimir Nabokov fait plusieurs références à Poe dans son célèbre Lolita ; quant à Fiodor Dostoïevski, il encense ses histoires policières) et dans le monde hispanique (Jorge Luis Borges et Julio Cortázar, deux écrivains argentins, traduisent ses œuvres en espagnol). L’auteur japonais Edogawa Ranpo (1894-1965) s’est carrément inspiré du nom d’Edgar Allan Poe pour créer son pseudonyme littéraire (prononciation syllabique japonaise !).

Il n’y a aucune raison de ne pas lire Edgar Allan Poe ! Et vous avez peut-être déjà lu une ou des nouvelles de Poe traduites en français par Charles Baudelaire (1821-1867) et publiées dans La Pléiade (1932) ou une autre édition plus récente (Gallimard, Bouquins, Pochothèque…). Vous pouvez en tout cas lire ses œuvres en ligne, en français, sur Wikisource entre autres et sur en.Wikisource pour les versions originales. Ou alors vous emparer de la nouvelle traduction dont je vous parlais ci-dessus avec :

Edgar Allan Poe – Nouvelles intégrales, tome 1 (1831-1839), nouvelle traduction de Christian Garcin & Thierry Gillybœuf, intégrale parue chez Phébus en octobre 2018 (432 pages, 27 €, ISBN 978-2-7529-1100-1) avec les œuvres présentées de façon chronologique (idéale pour comprendre l’évolution de l’auteur !) augmentée d’une préface et de notes des traducteurs, ainsi que d’illustrations originales de Sophie Potié, jeune illustratrice et graveuse (née en 1991) que vous pouvez suivre sur tumblr.

Attendez-vous à entendre parler de ces nouvelles durant l’année pour les challenges cités plus haut : La bonne nouvelle du lundi, Cette année, je (re)lis des classiques #2, Contes et légendes et Littérature de l’imaginaire #7.