L’éveil – stade 2 de Jean-Baptiste de Panafieu

L’éveil – stade 2 de Jean-Baptiste de Panafieu.

Gulf Stream, mars 2017, 232 pages, 17 €, ISBN 978-2-35488-457-4.

Genre : science-fiction.

Jean-Baptiste de Panafieu : voir L’éveil – stade 1.

La WOFF a enlevé Laura Goupil pour qu’elle crée un contre-virus et l’a emmenée à Bearsden dans le Maine, au nord-est des États-Unis, dans un laboratoire ultra-perfectionné et éloigné de tout. Les trois jeunes – Gabriel, Clément et Alya – et les trois animaux – Chou-K, Cabosse et Montaigne – (plus le chien Yéti en cachette) embarquent sur le cargo le Néréis qui se dirige vers New York pour retrouver Laura et la libérer. Dans les forêts du Maine, ce sont les ours, les loups, les castors, les ratons-laveurs et d’autres animaux sauvages qui se sont éveillés ! D’ailleurs les ours ont carrément créé une Compagnie des ours. « De leur vie passée, ils conservaient la mémoire de délicieux après-midi de sieste, de soirées passées à se gaver de myrtilles et de longues marches paisibles entre les arbres. Mais il leur revenait aussi les hurlements des tronçonneuses, le fracas effrayant des arbres s’abattant à terre, les aboiements des chiens et les coups de tonnerre des armes humaines. » (p. 20-21). Et dans le monde marin, ce sont les dauphins, orques, baleines… Tous sont aussi surpris que les animaux européens en prenant conscience d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. « Que se passe-t-il ? Où suis-je ? Où sont les autres ? Qui suis-je ? Oui, c’est ça l’important ! Qui suis-je ? […] Réfléchir. Réfléchir ? Oui, c’est ça. Il se passe que je réfléchis. Je pense au lieu de farfouiller. Je pense que j’ai changé. Je sais qui je suis. » (p. 45). Grâce aux goélands qui ont traversé l’Atlantique sur l’ordre de Charles, le chef des corneilles françaises, les animaux américains éveillés apprennent qu’ils doivent protéger Lorragoupi. La protéger ou la tuer pour qu’elle ne crée pas un vaccin qui leur fera perdre leur éveil ?

Le scientifique joue parfois (souvent ?) à Dieu mais « Les virus artificiels étaient des outils puissants, mais difficiles à maîtriser. » (p. 80). Les jeunes et « leurs » animaux sont arrivés à Foxcroft, près de Bearsden, et ont contacté avec bien du mal les ours ; Yéti et le raton-laveur Kwatty, séparés du groupe, sont prisonniers de la meute de loups. Ours et loups sont tout aussi dangereux l’un que l’autre… Plus dangereux que les humains et leur folie ? Humains et animaux pourront-ils communiquer et trouver une association qui empêchera une guerre meurtrière entre toutes les espèces ?

Ce tome 2 se déroule l’année suivante. « Cela fait un an que cette histoire a commencé et j’avais envie de marquer cette date. Je pense maintenant que rien ne sera plus comme avant. Le virus ne pourra pas être arrêté et les animaux resteront éveillés. Il faudra apprendre à vivre avec. » (p. 127-128). Action et rebondissements pour ce deuxième tome plus violent avec des animaux bien plus dangereux et difficiles à convaincre que des animaux domestiques et des oiseaux urbains ! « Ils sentaient que le monde était en train de basculer, mais n’arrivaient pas à percevoir tous les enjeux des combats en cours, qui opposaient les animaux aux humains ou qui mettaient en jeu plusieurs espèces animales, sans oublier les conflits interhumains […]. » (p. 204).

L’auteur répertorie trois sortes d’animaux. Les animaux domestiques (chiens, chats, certains oiseaux comme le perroquet Montaigne) ou proches des humains (oiseaux, chevaux…) qui veulent des droits similaires aux humains (certains demandent même un droit de vote !), les animaux d’élevage qui ne veulent plus être maltraités et tués pour être mangés, et les animaux sauvages qui se divisent en prédateurs et en proies plus difficiles à aborder. Comment vont-ils s’entendre ? Vont-ils plonger le monde dans un chaos pire que ce que peuvent faire les humains ?

Il y a beaucoup d’émotion dans l’éveil de certains animaux (ruminants, ours, loups, dauphins…), de la poésie pour certains, de la sensibilité en tout cas, c’est vraiment très beau, comment ne pas se sentir proche de ces animaux même s’ils sont « dangereux » ? Comment ne pas avoir envie de communiquer avec eux ?

Le tome 3 est annoncé pour fin août ; j’espère que la bibliothèque l’aura rapidement ; ou alors je vais l’acheter si je ne peux pas attendre, je veux savoir, je veux connaître le dénouement ! Ah, mais que vois-je, la parution est repoussée à fin octobre, rhaaaaa !

En tout cas, une série (en trois tomes) à lire absolument si vous vous intéressez un tant soit peu aux animaux et à un futur fortement probable.

Pour les challenges Jeunesse & young adult (même remarque que pour le tome 1) et Littérature de l’imaginaire.

L’éveil – stade 1 de Jean-Baptiste de Panafieu

L’éveil – stade 1 de Jean-Baptiste de Panafieu.

Gulf Stream, septembre 2016, 272 pages, 17 €, ISBN 978-2-35488-441-3.

Genre : science-fiction.

Jean-Baptiste de Panafieu naît le 11 juin 1955. Il est agrégé en sciences naturelles, en génétique, biologiste, docteur en océanologie biologique, auteur et documentariste. Plus d’infos sur son site, http://www.jbdepanafieu.fr/.

Mars. Laboratoire Biokitech. Laura Goupil mène des expériences d’ingénierie neurogénétique sur des souris. Son objectif : trouver un remède à Alzheimer et à d’autres affections du cerveau humain. « Laura commençait à espérer que son virus puisse être un jour réellement utile. Mais pour les gens, par pour les souris ! » (p. 39-40). Profitant d’un coup de téléphone, la souris A27, dont la conscience s’est éveillée, s’enfuit. Tout à coup, le petit animal est dans un monde « inondé de lumière […] une pièce comme elle n’en avait jamais vue, d’une taille inimaginable. Un vaste sol vert s’étendait devant ses yeux. Le plafond bleu était immensément lointain. » (p. 11). Mais elle n’en profite pas longtemps car elle est attaquée par un chat qui lui aussi se retrouve éveillé, gisant dans l’herbe elle est mangée par une corneille, un rat et une chienne qui eux aussi se retrouvent éveillés. Ensuite, c’est l’effet boule de neige, la corneille s’accouple et pond des œufs, le rat mord un perroquet et se bat avec ses congénères, etc. Peu à peu, tous les animaux s’éveillent.

Le lecteur suit plus en détail quatre humains et trois animaux. Laura, la scientifique, vit avec son jeune frère, Gabriel, un lycéen et leur chat, Chou-K. Les meilleurs amis de Gabriel sont Clément, chez qui vit la chienne qui a mangé les restes de la souris A27, Cabosse, et Alya chez qui trouve refuge le perroquet gris du Gabon, Coco qui s’est lui-même rebaptisé Montaigne. Plus tard, viendra se rajouter un autre chien, Yéti, amoureux de Cabosse.

Le monde est petit, dit-on, mais l’épizootie va grandir pendant six mois, d’abord dans toute la France puis en Europe et dans le monde grâce aux personnes qui voyagent avec leur animal et aux nombreux moyens de transport. « Le virus s’étendait ainsi autour de la première colonie, comme un arbre qui pousse ses radicelles dans toutes les directions à la recherche d’eau et de sels minéraux. » (p. 71). Mais il ne touche que les animaux à sang chaud, mammifères, oiseaux, pas « les escargots, les vers et les insectes » (p. 77) : je pense que là, l’histoire aurait été un peu trop compliquée !

Malheureusement la plus grosse industrie alimentaire du monde, la WOFF (World Organisation for Food and Feed), américaine, vient de racheter la société française BESTALIM et le patron de la WOFF, Paul Jervson, n’est pas du tout content du virus qui éveille les animaux car cela implique une crise alimentaire et économique que son entreprise ne pourra sûrement pas affronter… Il exige donc que Laura crée un contre-vaccin et ses sbires ne sont pas commodes.

L’auteur montre bien tous les tenants et les aboutissants : d’un côté le monde scientifique qui joue à Dieu soi-disant pour le bien-être de l’humanité, d’un autre côté l’industrie agro-alimentaire et le cynisme de ses dirigeants qui ne pensent qu’à s’enrichir à tout prix, et puis au milieu non seulement les humains (considérés comme de simples consommateurs pas très futés, quoique certains soient différents, proches des animaux ou activistes ou indifférents) mais aussi les animaux qu’ils soient éveillés ou non mais qui tout à coup souffrent encore plus de leurs conditions (animaux maltraités, élevage intensif, mort certaine…). « Comme tout cela est effrayant ! » (p. 139).

Chaque expérience d’éveil se conclut par « Je me suis éveillé (ou éveillée) il y a trois jours. » : bien sûr, cette phrase est répétitive mais c’est pour montrer que pour chaque animal, quel qu’il soit, cet éveil est un événement extraordinaire, un monde inconnu, une nouvelle vie qui peut faire peur. Et que l’éveil se fait petit à petit, semaine après semaine, mois après mois. Mais que vont faire les animaux de cette conscience, de cette intelligence ? Chaque animal va réagir selon son vécu, son expérience (ou son inexpérience) des humains et ses aspirations premières (manger, dormir, jouer, élever les petits, communiquer ou pas, etc.). Alors, anthropomorphisme ? L’auteur est habitué aux animaux, il vit avec, il les observe, les étudie, il a même écrit plusieurs livres sur le monde animal, l’élevage, l’évolution des relations entre les humains et les animaux : je vais donc dire qu’il sait de quoi il parle, et puis il signe une fiction donc totale liberté même si tout est plausible.

J’ai beaucoup aimé le perroquet qui s’instruit de tout, documentaires animaliers, historiques… à la télévision, sur Internet, j’ai l’impression qu’il est le plus curieux, le plus intelligent et… le plus bavard ! D’ailleurs c’est lui qui dit : « Le danger ne vient pas seulement de la WOFF. Je crains aussi que les espoirs et les projets des animaux ne finissent par se révéler contradictoires. Ils sont tellement divers ! Ils n’ont pas les mêmes histoires, ni les mêmes relations avec les humains. Leurs trajectoires risquent de les mener à se dresser les uns contres les autres. Avec l’intelligence, ils ont rejoint les humains dans leurs qualités comme dans leurs défauts. » (p. 108-109).

Évidemment les relations entre les humains et les animaux changent, même pour ceux qui sont les plus difficiles à convaincre. « […] les animaux « éveillés » avaient largement gagné en intelligence et étaient capables de comprendre les humains, voire de communiquer avec eux. Les animaux discutaient aussi entre eux, un fait généralement négligé, peut-être parce qu’il était encore plus dérangeant. En effet, ces conversations strictement animales mettaient en évidence que leur vie ne se réduisait pas à leurs relations avec les humains. » (p. 132).

Vous l’avez compris, j’ai adoré ce premier tome, inventif, parfois drôle et ouvert sur les animaux ; je me sens proche des animaux et j’ai parfois l’impression que mes deux matous sont éveillés, enfin pas au point des animaux de ce roman mais un peu, ils m’écoutent, ils me comprennent, ils communiquent avec moi, à leur manière, je pense que tous ceux qui sont proches de leur chien ou de leur chat peuvent comprendre cet état d’esprit. Pour en revenir au roman, je dirais que l’auteur a pensé à tout et développe aussi bien les côtés scientifique et écologique que éthique et philosophique d’une façon assez pointue (mais quand même abordable !), surtout lorsqu’il donne la parole (et la réflexion) aux animaux, on voit qu’il connaît bien le monde animal et qu’il n’abuse pas de la fiction pour raconter n’importe quoi.

Heureusement que j’ai le tome 2 donc je peux continuer ma lecture sans attendre !

Pour les challenges Jeunesse & young adult (mais il ne fait pas réellement jeunesse, le récit est plutôt mature et complexe) et Littérature de l’imaginaire.

La lignée (Nina Volkovitch 1) de Carole Trébor

[Article archivé]

La lignée est le premier tome de la trilogie Nina Volkovitch de Carole Trébor ; il est paru aux éditions Gulf Stream en septembre 2012 (220 pages, 14,90 €, ISBN 978-2-35488-171-9), en poche en janvier 2015 (192 pages, 6,50 €, ISBN 978-2-35488-271-6.

Carole Trébor a étudié l’Histoire et a enseigné l’histoire de l’art. Elle est réalisatrice de films documentaires. Elle écrit du théâtre et des livres pour la jeunesse (en particulier la collection d’albums illustrés animaliers Au cirque Fanfaron présente) mais La lignée est son premier roman. D’après les infos à la fin du livre et sur son site, j’ai l’impression qu’elle vit en Ardèche. Plus d’infos sur son site officiel.

Alors, j’ai reçu ce roman et j’aimerais bien remercier qui de droit mais impossible de retrouver (dans mes centaines de mails) qui me l’a envoyé (et comme il n’y avait pas de courrier accompagnant le livre…), mais merci, merci beaucoup !

Décembre 1548. Dimitri Volkovitch est condamné à l’emprisonnement par le tsar Ivan IV car il est accusé d’hérésie ; il est déchu de ses droits et de sa dignité ; il risque d’être brûlé vif. (chroniques du monastère de Zaïmouchi).

Automne 1941. Moscou est bombardée. Nina et sa mère sont à l’abri dans le métro. Il y a aussi deux garçons qui semblent seuls (Sacha et Dima, deux frères orphelins, que Nina va retrouver plus tard). « Sais-tu, ma chérie, que derrière les choses les plus immenses se cachent parfois des choses minuscules ? » (page 15). Nina a 9 ans, mais elle a les cheveux très courts et elle est si petite qu’elle ressemble à un garçonnet. « J’ai tellement peu mangé que j’ai arrêté de grandir. » (page 17). En fait, le père de Nina a disparu, en 1937 : alors qu’il était conservateur du Musée d’Art russe ancien, il a été jugé ennemi du peuple…

Février 1948. La guerre est finie mais il y a encore des restrictions à Moscou. La mère de Nina, qui travaille au Musée d’art moderne, a défendu les peintres occidentaux, elle est donc une ennemie du peuple elle aussi et deux hommes l’emmènent de force. « Elle chuchote en me serrant dans ses bras. […] Nina, où qu’ils t’emmènent, enfuis-toi, retrouve ta grand-mère, elle t’expliquera. » (page 21). Peu de temps après, Nina est conduite à l’orphelinat d’État de Karakievo. Dans son sac, la voisine, Madame Petrova a mis sa poupée et une quinzaine de cartes postales. Nina a 15 ans mais elle en paraît 9 ou 10. À l’orphelinat, elle se fait une amie, Véra Zinovia, 16 ans, qui veut étudier et entrer au Parti. « Tant pis pour les erreurs et la cruauté de certains destins, la fin justifie les moyens. » (page 34) pense Véra. Elle en fera les frais… Nina n’a qu’une solution : s’enfuir ! « Au point où j’en suis, je suis prête à croire à tout, même au surnaturel. Les explications scientifiques, je les garde pour plus tard. » (pages 137-138).

Le livre fait très envie, il a une belle couverture et il est doré sur les tranches !

Une « petite » histoire dans la grande Histoire mais, on le sait bien, ce sont ces petites histoires qui font souvent la grande Histoire. De plus, l’Art et les peintres sont bien mis en avant, ce qui donne encore une autre dimension à ce roman historique teinté de fantastique.

Je me suis attachée à Nina, j’ai tremblé pour elle, j’ai trouvé avec plaisir la boussole et le petit couteau magique avec elle et j’ai pris grand plaisir à lire son histoire… et à fuir avec elle ! Carole Trébor sait mettre en place de façon idéale son récit et tenir en haleine avec un suspense bien dosé en plongeant ses lecteurs dans un monde très réaliste, celui de la Russie soviétique, et tout en insinuant un petit côté fantastique avec la volonté de découvrir les pouvoirs que détient Nina sans le savoir.

J’ai hâte de lire la suite et de mieux connaître ses ancêtres qui lui ont légué d’étranges pouvoirs ! Le tome 2, Le souffle, est annoncé pour janvier 2013 (lien éditeur) et le tome 3, Le combat, pour mai 2013 (lien éditeur) : ça va, ça ne fait pas trop longtemps à attendre ! À noter que ce roman est plébiscité par les adolescents car il est sélectionné pour le prix des collégiens Imaginales 2013.

Un roman pour les challenges 1 % de la rentrée littéraire 2012, L’art dans tous ses états (Art et peintres en Union Soviétique), Premier roman, Tour des genres en 365 jours (historique) et bien sûr Jeunesse & young adults #2.