L’amas ardent de Yamen Manai

L’amas ardent de Yamen Manai.

Elyzad, avril 2017, 240 pages, 19,50 €, ISBN 978-9-97358-092-4. Mais je l’ai lu en poche : J’ai lu, n° 12148, juin 2019, 224 pages, 7,10 €, ISBN 978-2-29016-508-9. Ce titre a reçu 8 prix littéraires

Genres : littérature tunisienne, roman.

Yamen Manai naît le 25 mai 1980 à Tunis (Tunisie) dans une famille cultivée (parents professeurs). Dès l’enfance, il aime la lecture et la poésie. Il étudie les nouvelles technologies de l’information à Paris et écrit en français. Ses romans – qui ont reçu plusieurs prix littéraires – sont considérés comme des contes philosophiques qui amènent les lecteurs à réfléchir (dictatures, fanatismes religieux, écologie). La marche de l’incertitude (2010), La sérénade d’Ibrahim Santos (2011) et Bel abîme (2021) plus rencontre avec l’auteur en octobre 2022.

Alors que des rois riches et puissants s’arrachent le monde (politique, économie, football), le Don, dans un petit village tunisien appelé Nawa, voit ses abeilles bien-aimées mourir… « Ce qui est arrivé n’est pas le fait d’un homme de ce village ni d’une bête des environs » (p. 22). Toute une ruche, « […] trente mille de ses abeilles. Déchiquetées pour la majorité d’entre elles. Trente mille abeilles. Ouvrières. Butineuses. Gardiennes. […] cellules profanées, […] opercules déchirés et les larves arrachées à la chaleur de leurs cocons… Le miel ? Plus une goutte, disparu, comme bu à la paille ! Et au beau milieu du saccage, la reine… Mortellement blessée […] Une colonie complète anéantie et pillée en l’espace de deux heures. Un massacre. » (p. 23).

« Quel mal étrange avait foudroyé la ruche, coupant en deux milliers de ses filles ? » (p. 24). Pour lutter contre le parasite varroa destructor, certains apiculteurs utilisent des pesticides mais le Don, non, il renforce ses ruches grâce à « l’apport de reines sauvages » (p. 45) qu’il part chercher en forêt et en montagne avec son âne, Staka. Mais ce qui est arrivé à ses abeilles, c’est autre chose et il ne sait pas quoi… « C’était la première fois de sa vie d’apiculteur qu’il était confronté à un tel phénomène. » (p. 46).

Lorsqu’il descend au village pour faire des achats, le Don ne reconnaît plus personne ! « À la vue des Nawis, il se frotta les yeux, incrédule. » (p. 58). « Mais où suis-je au juste ? se demanda-t-il. Les femmes étaient de noir nippées de la tête aux pieds, et les hommes qui avaient lâché leur barbe, étaient flanqué de longues tuniques et de coiffes serrées. […] Il courut se réfugier dans l’épicerie. Mais ce n’était pas l’apparence de l’épicière qui allait le rassurer. La bonne femme avait troqué son légendaire foulard rouge aux motifs berbères pour un voile noir satiné qui lui donnait des allures de veuve. » (p. 59). Alors, le Don se rappelle son passé d’apiculteur dans un pays qu’il a fuit, le royaume du Qafar, à cause du fanatisme et de l’hypocrisie…

« Depuis qu’il avait découvert la nouvelle dégaine de ses habitants, le Don descendait au village encore moins souvent que d’habitude. » (p. 107). Surtout, il doit s’occuper de ses nouvelles reines sauvages et veiller au confort de ses ruches. Mais, de nouveau une ruche détruite, le miel dérobé… Que se passe-t-il ? Vous l’aurez compris, c’est un frelon « aux couleurs atypiques et aux proportions gigantesques. » (p. 110).

La mondialisation et les œuvres humanitaires ont des avantages mais, entre le parasite qui arrive d’Europe et le frelon qui arrive d’Asie, c’est beaucoup pour les petites abeilles… En plus, le fanatisme religieux arrive d’Orient… Que peut faire le Don face à ces terroristes agressifs et envahisseurs ? « La nature ne pouvait accoucher d’un tel monstre du jour au lendemain. Ce frelon venait sans doute d’ailleurs. Il avait voyagé. » (p. 119). Le parallèle entre le frelon destructeur et le fanatisme importé est vraiment bien trouvé, une idée de génie !

Lorsque le Don se rend à la capitale pour chercher des informations sur le frelon géant et dangereux, la ville féerique a bien changé… Elle est même « méconnaissable […] triste et crasseuse » (p. 136), partout des barbelés, des poubelles, des blindés de l’armée, des inscriptions révolutionnaires ou religieuses… Et surtout « plus aucun libraire » (p. 137)… Heureusement le Don n’est pas démuni et il va découvrir qui est « vespa mandarinia, ou frelon asiatique géant […] la plus grosse espèce de frelons au monde. » (p. 154), j’en ai aperçu un au Japon et je peux vous dire que je n’en menais pas large mais il est parti dans une autre direction (ouf !). D’ailleurs, en parlant du Japon, « Seules les abeilles japonaises, les apis mellifera japonica, ont réussi à développer une technique de défense efficace, appelée l’amas ardent. » (p. 155). Alors, un voyage au Japon, ça vous plaît ? Un pays qui, comme la Tunisie, est « un savoureux mélange de tradition et de modernité. » (p. 168), je confirme. « Ces deux derniers jours, j’ai vu des costauds faire la queue derrière des gringalets pour rentrer dans des métros et des trains toujours à l’heure, j’ai vu des piétons qui s’arrêtent au feu rouge même à minuit alors qu’il n’y a pas l’ombre d’une voiture. J’ai vu des rues et des parcs étincelants de propreté. Pas un papier ni un mégot de cigarettes par terre. Dans les temples et les jardins zen, l’attention est portée jusqu’aux pétales, rassemblés en petit tas au pied de leurs fleurs. » (p. 181), je voulais noter ces phrases de Tahar parce que c’est ce que j’ai vu au Japon, et tant d’autres choses aussi, les costauds sont les lutteurs de sumô, les gringalets c’est parce que les Japonais sont petits et menus. C’est en fait un de mes passages préférés avec, plus loin, « Le Japon m’a appris sur moi-même plus que je n’ai appris sur lui » (p. 188), bon sang, qu’est-ce que c’est vrai !

L’amas ardent est un roman tragique mais aussi émouvant, tellement. En fait, j’aime bien les romans avec des abeilles, j’avais déjà beaucoup aimé Une histoire des abeilles de Maja Lunde et plus récemment Les abeilles grises d’Andreï Kourkov, si vous avez d’autres titres à me proposer. De plus, Yamen Manai a un humour bien à lui (par exemple, Mino Thor (p. 13), Abdul Ban Ania (p. 16), la bière dans le taxi collectif, les rêves de Jenna…). Et enfin, il y a a les différences et les similitudes entre les cultures tunisienne et japonaise. Tout ça fait de L’amas ardent un roman passionnant, très agréable à lire et un quatrième coup de cœur pour moi (Yamen Manai = 4 romans = 4 coups de cœur = un auteur à lire et à suivre absolument !).

Pour ABC illimité (lettre Y pour prénom), À la découverte de l’Afrique (Tunisie), Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 19, un roman de mon auteur préféré, 3e billet), Tour du monde en 80 livres (Tunisie) et Un genre par mois (en décembre c’est l’amour, l’amour du Don pour ses abeilles, ses filles comme il dit, et l’amour que se portent Jenna et Tahar).

Le chat du bibliothécaire 1 – Succès mortel de Miranda James

Le chat du bibliothécaire 1 – Succès mortel de Miranda James.

J’ai lu, novembre 2021, 320 pages, 14,90 €, ISBN 978-2-29035-842-9. Murder Past Due (2010) est traduit de l’américain par Guillaume Le Pennec.

Genres : littérature états-unienne, roman policier, cozy mystery.

Miranda James est en fait Dean James, originaire du Mississippi, ancien bibliothécaire qui utilise aussi les pseudonymes Jimmie Ruth Evans et Honor Hartman pour écrire des fictions. Deux autres tomes de Le chat du bibliothécaire sont pour l’instant traduits en français, Inventaire fatal (novembre 2021) et Théâtre macabre (avril 2022). La série, Cat in the Stacks Mystery, compte 14 tomes aux États-Unis, le 15e est annoncé pour 2023.

Athena, Mississippi. Charlie Harris, bientôt la cinquantaine, vit avec Diesel un maine coon de deux ans qu’il a récupéré chaton sur le parking de la bibliothèque municipale où il travaille. Veuf depuis trois ans, il vit dans une jolie maison héritée de sa tante Dottie et dans l’héritage, il y avait Azalea Berry la gouvernante. Pour rendre service, il prête des chambres à des étudiants mais Justin, en partant ce matin, a laissé la cuisine en pagaille, ce qui n’est pas dans ses habitudes…

Mais l’événement exceptionnel pour la petite ville d’Athena, c’est l’arrivée de Godfrey Priest, enfant du pays, devenu un riche et célèbre auteur de romans policiers (plutôt violents). Julia Peterson, son ancienne petite amie au lycée, devenue Julia Wardlaw après avoir épousé le pasteur Ezra Wardlaw, est la mère de Justin. Mais quand le passé ressurgit… avec en plus un secret…

C’est que Godfrey Priest était un sacré enfoiré et… « Le retour de ce dernier à Athena ravivait beaucoup trop de mauvais souvenirs et j’avais le désagréable pressentiment que de nouveaux événements déplaisants se produiraient tant qu’il resterait dans les parages. » (p. 69).

Mais la soirée avec Priest est annulée… Il est retrouvé le crâne fracassé dans sa chambre d’hôtel avec « le téléphone de Justin gisant juste à côté du corps. » (p. 81). L’enquête est confiée au shérif par intérim Kanesha Berry (la fille d’Azalea Berry), le shérif étant en arrêt maladie, et à l’agent Bates. Évidemment Charlie Harris, Justin et sa mère Julia sont les premiers suspects de Kanesha Berry… Mais Charlie Harris décide d’enquêter aussi de son côté, ce qui est assez facile car tout le monde apprécie Diesel, la libraire, la boulangère… « j’étais ravi et reconnaissant qu’un compagnon à quatre pattes aussi exceptionnel soit apparu dans ma vie. » (p. 184-185).

Évidemment c’est le titre et la couverture qui m’ont d’abord attirée mais j’ai passé un bon moment de lecture avec ce cozy mystery états-unien. J’ai bien aimé le chat, les personnages et les rebondissements (même si ce n’est pas extraordinaire, ça reste classique). Je lirai sûrement les tomes suivants traduits en français.

Pour le Mois américain, Petit Bac 2022 (catégorie Animal pour Chat), Polar et thriller 2022-2023.

Un gars et son chien à la fin du monde de C.A. Fletcher

Un gars et son chien à la fin du monde de C.A. Fletcher.

J’ai lu, collection Nouveaux Millénaires, août 2020, 320 pages, 21 €, ISBN 978-2-290-21628-6. A boy and His Dog at the End of the World (2019) est traduit de l’anglais (Écosse) par Pierre-Paul Durastanti.

Genres : littérature écossaise, science-fiction.

C.A. Fletcher vit en Écosse ; il a des enfants et des chiens ; il est écrivain pour la jeunesse mais Un gars et son chien à la fin du monde est un roman de science-fiction pour adultes. C’est son premier roman traduit en français mais pas son premier roman puisqu’il a déjà écrit un roman : Far Rockaway (2011) et des trilogies : Stoneheart, Ironhand, Silvertongue (tomes parus en 2006, 2007, 2010), Dragon Shield, The London Pride, City of Beasts (tomes parus en 2014, 2015, 2016) et The Oversight, The Paradox, The Remnant (2017). Plus d’infos sur son site officiel.

Après ce que les humains ont appelé la Castration, il n’y a plus eu de naissances sur la Terre ou très peu. Il y a maintenant moins de dix mille humains disséminés sur la planète.

Griz est une exception, une « aberration ». Il vit sur une des îles Hébrides avec ses parents, son frère Berg, sa sœur Bar et ses deux chiens, Jip et Jess. « Jip est un terrier aux longues pattes, marron et noir, le poil rêche et le regard affûté. Aussi grande, Jess a le pelage lisse, les épaules plus étroites, la poitrine tachée de blanc. Ce sont des corniauds, le frère et la sœur, identiques mais différents. » (p. 13).

Un jour, un inconnu, Brand, débarque sur leur île mais le lendemain matin, il part en volant plusieurs choses dont de la nourriture et la chienne Jess. Sans réfléchir, Griz le poursuit avec son bateau, le Doux-Espoir, et avec Jip. « On peut quitter sa vie tranquille aussi vite que ça, et rien de ce qu’on croyait savoir ne sera plus comme avant. » (p. 55).

Après la perte du Doux-Espoir, Griz et Jip poursuivent à pieds (et à pattes) et découvrent ce qui reste du monde d’avant.

Et je ne vais pas beaucoup en dire plus car voici ce que demande l’auteur. « À propos des spoilers. Les autres lecteurs – sans parler de l’auteur de ces lignes – apprécieraient sans doute que les découvertes effectuées au fil du voyage de Griz dans les ruines de notre monde restent un petit secret entre nous… » (p. 8).

Je vous donne simplement deux passages que j’aime.

1. Griz aime beaucoup lire. « Les livres, ça résiste drôlement, si on les protège de l’humidité et des rats. Ils durent des siècles, sans problème. Lire, c’est une autre façon de survivre. Ça aide de savoir d’où on vient, comment on en est arrivé là. Et puis, même si je n’ai jamais rien connu d’autres que ces îles basses et désertes, un livre inconnu que j’ouvre, c’est une porte qui me permet de voyager loin dans l’espace et le temps. » (p. 14).

2. Sur l’île de Griz, il n’y a pas d’arbres. « Un arbre, c’est une merveille. » (p. 133).

Après Le livre de M de Peng Shepherd, voici un autre roman post-apocalyptique différent de ceux qui existent. Il y est noté l’importance des animaux (à travers les chiens) et des livres (voir l’extrait ci-dessus). J’y vois un clin d’œil à Demain les chiens de Clifford D. Simak (1952) et à Trois hommes dans un bateau (sans parler du chien) de Jerome K. Jerome (1889). Aventures et suspense sont au rendez-vous dans ce monde dévasté (mais plutôt de façon naturelle) et hostile. De l’émotion aussi. Un coup de cœur pour moi.

Pour les challenges Animaux du monde #3 (chiens), Challenge de l’été (note de lecture publiée plus tard mais bien lu en été, le 13 septembre), Littérature de l’imaginaire #8, Petit Bac 2020 (catégorie Animal pour chien) et Voisins Voisines 2020 (Écosse).

Ils l’ont lu (et apprécié aussi) : Bibliocosme, Dragon galactique, Sophie, Un papillon dans la lune et sûrement d’autres.

Chat-Bouboule de Nathalie Jomard

Chat-Bouboule : chroniques d’un prédateur de salon de Nathalie Jomard.

J’ai lu, collection Des bulles et des images, juin 2018, 96 pages, 6,90 €, ISBN 978-2-290-16557-7.

Genre : bande dessinée.

Nathalie Jomard naît au XXe siècle. Elle étudie la communication et les Beaux-Arts à Lyon. Elle est illustratrice. Du même auteur dans la même collection chez J’ai lu : Le petit grumeau illustré : chroniques d’une apprentie maman (juin 2018, 192 pages). Chat-Bouboule était précédemment publié chez Michel Lafon (2015). En plus de Chat-Bouboule (3 tomes), ses œuvres principales sont Le Petit Grumeau illustré (3 tomes) et les illustrations de Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus (2 tomes) et du Père Noël est une ordure. Plus d’infos sur son blog, http://grumeautique.blogspot.com/.

À Grumeauland (en fait « République bananière et autoproclamée de Grumeauland »), il y a une famille : une mère, un père, les grumeaux (une fille et un fils) et un gros chat noir, Bouboule, qui bien sûr fait des bêtises. Ah, et il y a Octave aussi, un bonsaï « très vieux, très rare et extrêmement précieux », enfin… il y avait !

J’ai acheté ce livre vendredi dernier pour l’envoyer à une blogueuse [je nomme Noctenbule qui a lu et bien aimé Chat-Bouboule, le lien vers sa note de lecture]. Le titre, le thème, l’humour et le genre BD poche (facile à envoyer donc) m’ont plu ; je me suis dit que ça pouvait être une jolie surprise. Bien sûr je l’ai lu avant de faire partir le paquet lundi parce que je ne veux pas envoyer un livre qui ne serait pas bien. 😉

En fait, j’avais déjà repéré Chat-Bouboule dans sa précédente édition (carrée) mais je ne l’avais pas lu, simplement feuilleté. Plein de gags sur une ou deux pages, parfois quatre. Les dessins sont agréables avec juste ce qu’il faut de détails et de couleurs. Bouboule est mignon malgré son embonpoint et marrant, un bon gros chat d’appartement. Même si les gags ne révolutionnent pas le monde des chats (tous ceux qui vivent avec un – ou plusieurs – chat(s) auront vécu bon nombre de ces historiettes), j’ai bien ri. Mon gag préféré est « Le principe d’ArchiBouboule : tout corps gras lancé en l’air s’écrase par terre » (je n’ai pas trouvé l’illustration sur internet alors je vous ai mis le bonsaï, ci-dessus).

C’est léger, malicieux, amusant. Si vous êtes déprimés (on ne sait jamais, retour de vacances, pas de vacances…), c’est une petite lecture idéale dans laquelle vous pourrez piocher un éclat de rire de temps en temps.

Pour La BD de la semaine (eh oui, moi qui suis irrégulière durant l’année, je publie pendant la période estivale…), le Challenge de l’été, Petit Bac 2018 (catégorie Animal, encore avec chat !) et Un max de BD en 2018. Je ne sais pas si le Challenge BD revient pour 2018-2019, si oui je rajouterai le lien plus tard.

Les enfants de cendres de Kristina Ohlsson

Les enfants de cendres de Kristina Ohlsson.

Michel Lafon, mars 2011, 368 pages, 19,95 €, ISBN 978-2-74991-390-2. Lu en poche : J’ai lu, juin 2012, réédition novembre 2017, 445 pages, 7,60 €, ISBN 978-2-29003-958-8. Askungar (2009) est traduit du suédois par Hélène Hervieu.

Genres : littérature suédoise, roman policier.

Kristina Ohlsson naît le 2 mars 1979 à Kristianstad en Suède. Elle travaille comme analyste pour la Police nationale suédoise et se lance dans l’écriture (romans policiers adultes et littérature jeunesse). Les enfants de cendres est son premier roman et le premier volet des enquêtes de Fredrika Bergman, son alter ego de fiction. Du même auteur : Tusenskönor = La fille au tatouage (2012) et Änglavakter = Les anges gardiens (2013).

« Tu n’aurais jamais dû voir le jour ! lui hurlait-elle au visage. Tu es l’incarnation du mal ! » (p. 12). Devenu adulte, « l’Homme » décide de « obtenir réparation » (p. 13) de tout le mal qu’il a subi et de se venger.

Suite à un concours de circonstances, une fillette de 6 ans, Lilian, se retrouve seule dans le train Göteborg-Stockholm entre Flemingsberg et Stockholm. Mais à l’arrivée, où sa mère, Sara Sebastiansson, espère la retrouver, « La petite fille endormie avait disparu. Il ne restait que ses sandales rouges. » (p. 18). La Brigade criminelle c’est-à-dire Alex Recht, policier depuis plus de 25 ans, et Peder Rydh, jeune papa de jumeaux, enquêtent avec leur nouvelle collègue, Fredrika Bergman, « criminologue spécialisée dans les crimes commis envers les femmes et les enfants » (p. 42) que ses collègues considèrent comme « une universitaire se fourvoyant dans un milieu qui n’était pas le sien » (p. 59). « Malgré le contexte difficile, j’ai bon espoir, conclut Alex en sortant de la salle. À mon avis, c’est juste une question de temps. La fillette finira par réapparaître. » (p. 54). Pour sûr, elle réapparaît… Et ce n’est pas fini…

J’aime bien Alex Recht, un idéaliste : « Il avait grandi avec certaines règles, et appris à les respecter […]. On ne frappait pas les femmes. On ne frappait pas les enfants. On ne mentait pas. Et on prenait soin des personnes âgées. […] Comment pouvait-on infliger ça à son prochain ? » (p. 77). Est-il représentatif de la société suédoise ? Je ne sais pas, je ne connais pas assez ! Mais, en tout cas, lorsque des affaires criminelles concernent des enfants, c’est toujours glauque… Ce roman parle des violences faites aux enfants (certains deviennent des criminels) et aux femmes, de la misogynie au travail, de la société suédoise et l’enquête menée soit dans la « Tanière du lion » soit à l’extérieur est bien menée, rythmée et passionnante. En plus, je n’ai pas eu de mal avec les noms suédois, j’ai l’impression qu’ils étaient plus simples que dans d’autres romans ! L’auteur distille des informations sur la vie des enquêteurs ce qui les rend attachants et donne envie de les suivre dans les tomes suivants.

Lu d’une traite, samedi, pour le premier weekend à 1000 de l’année, je mets ce roman dans les challenges Polar et Thriller – ainsi que dans le Mois du polar – et Voisins Voisines (Suède). C’est un premier roman mais j’ai l’impression que le Défi Premier roman de Fattorius ne revient pas cette année, dommage.

Les montagnes hallucinées de H.P. Lovecraft

Les montagnes hallucinées de H.P. Lovecraft.

J’ai lu, collection Science-fiction, octobre 1996, réédition juin 2016, 256 pages, 5 €, ISBN 978-2-29031-905-5. At the Fountains of Madness (1932) est traduit de l’américain par Simone Lamblin.

Genres : littérature américaine, science-fiction, horreur.

H.P. Lovecraft : voir sa biographie et sa bibliographie dans le billet du Printemps Lovecraft.

« Je suis obligé d’intervenir parce que les hommes de science ont refusé de suivre mes avis sans en connaître les motifs. C’est tout à fait contre mon gré que j’expose mes raisons de combattre le projet d’invasion de l’Antarctique […] » (p. 7). Voici comment débute le récit du Pr William Dyer ; il souhaite en effet, pour le bien de l’humanité, empêcher l’expédition Starkweather-Moore. « Ce continent antarctique avait été tempéré et même tropical, avec une végétation luxuriante et une vie animale dont les lichens, la faune marine, les arachnides et les manchots de la côte nord sont, comme chacun sait, les seuls survivants et nous espérions élargir cette information en diversité, précision et détail […]. » (p. 9-10). L’expédition du Pr Dyer était prévue « en un seul été antarctique » (p. 15) mais il y avait une possibilité d’hivernage pour les vingt hommes et les cinquante-cinq chiens de traîneaux d’Alaska. Le voyage s’est bien passé et l’expédition commence bien : forages, vols d’observation, mirages, spécimens collectés, fragments, « espoirs fous de révolutionner les sciences en biologie et en géologie » (p. 20). Alors que l’expédition proprement dite est prévue à l’est, le Pr Lake qui a trouvé d’étranges fragments d’ardoise souhaite partir à l’ouest. L’équipe se scinde donc en deux : Lake et son équipage vont à l’ouest et le reste l’attend. Lake découvre d’immenses sommets et une caverne avec des vertébrés fossiles (quatorze êtres mi animaux mi végétaux avec des ailes membranes, dont huit en parfait état) puis un souterrain secret. « Charrié depuis les jungles inconnues de fougères arborescentes et de champignons du mésozoïque, les forêts de cycas, de palmiers-éventails et d’angiospermes primitifs du tertiaire, ce pot-pourri osseux contenait plus de spécimens du crétacé, de l’éocène, et de diverses espèces animales que le plus éminent paléontologue n’en pourrait dénombrer ou classer en un an. Mollusques, carapaces de crustacés, poissons, batraciens, reptiles, oiseaux et premiers mammifères – grands et petits, connus et inconnus. » (p. 28). Mais le lendemain, il est impossible de joindre l’expédition du Pr Lake… Tempête ? Phénomènes électriques ? Le surlendemain, le Pr Dyer et le jeune Danforth partent en avion en mission de reconnaissance et si possible en opération de secours mais ils découvrent l’horreur ! « On eut dit une cité cyclopéenne d’une architecture inconnue de l’homme et de l’imagination humaine, aux gigantesques accumulations de maçonnerie noire comme la nuit, selon de monstrueuses perversions des lois géométriques et jusqu’aux outrances les plus grotesques d’une sinistre bizarrerie. […]. » (p. 47).

Une des questions que se posent les scientifiques est : « la Terre aurait-elle déjà connu « un cycle entier ou plusieurs cycles de vie organique ? » (p. 30). Comme vous le voyez avec les extraits ci-dessus, Lovecraft s’en donne à cœur joie, l’Antarctique étant un continent encore inconnu, il laisse aller son imagination, s’inspire sûrement de ce que ces contemporains connaissent de l’Arctique, tout semble plausible, mais de toute façon, en ce début du XXe siècle, qui ira vérifier ? Et dans ces « montagnes les plus hautes du monde », ces êtres organiques qui avaient une vie à la fois marine, terrestre et aérienne seraient-ils les Anciens dont parle le Nécronomicon ? Ce serait une découverte sensationnelle ! « le clou de l’expédition », « scientifiquement, c’est la gloire » (p. 36). Ces êtres non humains composés de « pas du sang mais un liquide épais, vert foncé », « dégageant une odeur forte et repoussante » (p. 38) ont-ils servi de modèle aux petits-hommes verts de fiction ? « Les mythes primitifs des Grands Anciens , qui descendirent des étoiles pour inventer la vie sur Terre par plaisanterie ou par erreur, et les contes extravagants des être cosmiques des collines d’Ailleurs que racontait un collègue folkloriste du département anglais de Miskatonic. » (p. 40).

On peut en tout cas noter les erreurs commises par les scientifiques : explosions, stalactites abattues pour améliorer les fouilles… Malgré ces petites erreurs, il y a chez Lovecraft de grandes connaissances scientifiques et architecturales, une rigueur technique, ainsi le lecteur pense que cette expédition a vraiment eu lieu ! Il y a non seulement de nombreuses références à l’univers que Lovecraft a créé (les Anciens, le Nécronomicon, les Shoggoths, tout ce qui est mystérieux, surnaturel, décadent même) mais aussi des clins d’œil à Jules Verne (monde souterrain et ses créatures), à Edgar Allan Poe (horreur) et même à la Bible avec « le regard en arrière » (comme celui de l’épouse de Loth) : instinct ? curiosité ?

L’auteur raconte « contre son gré » mais prend un grand plaisir finalement à donner tous ces détails à ses lecteurs (avides et curieux !) tout en les mettant encore en garde (à titre individuel même, c’est plus marquant) : « Les mots qui parviendront au lecteur ne pourront jamais suggérer seulement l’horreur du spectacle. Il paralysa si totalement notre conscience que je m’étonne qu’il nous soit resté assez de bon sens […]. L’instinct seul a dû nous guider, mieux peut-être que ne l’eut fait la raison […]. De raison, nous n’en avions plus guère. » (p. 147).

Alors, une petite balade en Antarctique pour voir ces montagnes gelées, cette incroyable cité immense et ces êtres cauchemardesques ?

L’histoire Les montagnes hallucinées compte 150 pages (je vous présenterai le récit suivant, Dans l’abîme du temps, une centaine de pages, une prochaine fois) alors court roman ou longue nouvelle ? Elle fut la première fois publiée comme nouvelle dans la revue Weird Tales en 1933. Elle est considérée aux États-Unis comme une novella (plus longue qu’une nouvelle classique mais plus courte qu’un roman). Alors je mets bien cette lecture dans La bonne nouvelle du lundi, Classiques, Littérature de l’imaginaire, Printemps Lovecraft et Un genre par mois (classique ou théâtre).