Le dernier quartier de lune de CHI Zijian

Le dernier quartier de lune de CHI Zijian.

Philippe Picquier, septembre 2016, 368 pages, 22 €, ISBN 978-2-8097-1194-3. Erguna he you an (2010) est traduit du chinois par Yvonne André et Stéphane Lévêque.

Genres : littérature chinoise, Histoire, ethnographie.

CHI Zijian (迟子建) naît le 27 février 1964 à Mohe (province de Heilongjiang, Chine). Elle est nouvelliste et romancière. Le dernier quartier de lune (额尔古纳河右岸 qui signifie la rive droite de l’Argoun) reçoit le prix littéraire Mao-Dun en 2008. Du même auteur : aux éditions Bleu de Chine (malheureusement disparues), La danseuse de Yangge (1997), Le bracelet de jade (2002) et La fabrique d’encens (2004) et aux éditions Philippe Picquier, Toutes les nuits du monde (世界上所有的夜晚, 2005, 2013) ; Bonsoir, la rose (晚安玫瑰, 2013, 2018) et La cime des montagnes (群山之巅, 2015, 2019).

La narratrice est une femme âgée de 90 ans ; elle est restée seule dans son tipi, le shirangju, avec Antsor, un de ses petits-fils. Les autres sont partis à Busu. On ne saura pas son nom : c’est dangereux de donner son nom avec les communistes soviétiques et chinois, il vaut mieux rester anonyme, d’ailleurs elle donne des prénoms mais aucun nom. Elle est Évenk, « la femme du dernier chef de clan du peuple évenk » (p. 14). Les Évenks sont également connus sous le nom de Yakoutes, selon qu’ils vivent sur la rive gauche du fleuve Argoun, côté soviétique, ou sur la rive droite, côté chinois.

La vieille femme va raconter toute sa vie en trois chapitres, Aube, Midi, Crépuscule et un épilogue, Dernier Quartier, qui représentent toute une vie : l’aube, c’est l’enfance et l’apprentissage ; le midi, c’est l’âge adulte, la vie de femme et de mère ; le crépuscule, c’est la vie de femme mûre, le veuvage, le deuxième mariage ; et le dernier quartier, c’est les derniers jours d’une vie. Une vie peuplée de chamanisme, de légendes évenks, d’amour et de pertes douloureuses mais qu’il faut surmonter, toujours.

Un jour, les habitants de leur village apprennent par un anda, un marchand à cheval (beaucoup sont Russes), que les Japonais ont envahi le territoire et ont créé le Mandchoukouo. Les Évenks aux yeux bleus, donc d’origine russe, feraient mieux de fuir de l’autre côté de l’Argoun !

Avez-vous déjà bien observé les rennes ? « Ils ont une tête de cheval, des bois de cerf, un corps d’âne et des sabots de bœuf. Ils tiennent de ces quatre animaux sans être vraiment aucun d’eux. Pour cette raison, les Chinois Han les appellent si bu xiang, les ‘quatre-pas-pareils’. » (p. 32).

Il y a dans ce roman de belles descriptions, comme celle du bouleau blanc. « Dans la forêt, le bouleau blanc est l’arbre qui possède la livrée la plus brillante. Il porte une robe de velours laiteux parsemée de motifs noirs. Il suffit de faire une légère incision sur une racine, d’y insérer une paille, de disposer en dessous un seau en écorce de bouleau, et la sève coule comme d’une source le long de la paille jusque dans le seau. Cette sève pure et transparente, sucrée, parfume la bouche quand on en boit une gorgée. » (p. 57-58).

J’aime bien le naturel, la sensibilité et la sincérité de cette population évenk. « Alors j’ai fini par comprendre. Ce que tu aimes, tu le perds tôt ou tard. Mais ce que tu n’aimes pas reste toujours à tes côtés. » (p. 184). « J’ai raconté trop, beaucoup trop d’histoires de mort, mais je n’y peux rien, car chaque être humain doit mourir un jour. Cependant, si nous naissons presque tous de la même façon, chacun a une mort différente. » (p. 318).

Le vieille femme n’a pas fait d’études mais elle a appris tellement de choses dans sa vie qu’elle sait que moins d’arbres égale plus de vent et moins de lichen et de mousse pour les rennes.

CHI Zijian, après avoir vécu et étudié en milieu urbain, est repartie vivre dans sa région natale au milieu des Évenks. Dans ce roman, il y a ce que je n’ai pas trouvé dans De pierre et d’os de Bérengère Cournut, la chaleur des humains et des animaux malgré le froid, la poésie, le lyrisme et la grandeur de ce peuple, des paysages et même des rennes indispensables à la vie.

Une très belle lecture pour le challenge Contes et légendes 2020 (avec le chamanisme et les légendes évenks).

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