De ce pas de Caroline Broué.
Sabine Wespieser, janvier 2016, 172 pages, 17 €, ISBN 978-2-84805-199-4.
Genre : premier roman.
Caroline Broué naît le 27 mai 1992. Elle étudie les sciences politiques (à Bordeaux) puis les lettres modernes (à Paris) et commence à travailler à France Culture en 1998. Elle est journaliste et productrice de radio. De ce pas est son premier roman.
Bon sang, encore un roman qui parle de danse… Après la déception avec En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut, je suis un peu refroidie… Et puis, je viens de lire Brillante de Stéphanie Dupays que j’ai beaucoup aimé… Alors à quelle moulinette va passer De ce pas ? Je vous rassure tout de suite : j’ai adoré ce roman ! À tel point que je ne sais pas trop par où commencer et comment en parler…
« Pensez à la descente, ne figez pas le cou, cherchez avec le bout de la pointe, ma jambe descend, ma tête monte, allongez-vous, étirez-vous. Rappelez-vous : pour danser, il faut bouger son squelette. Qu’est-ce qui fait bouger le squelette ? Les muscles. Et qu’est-ce qui active les muscles ? La pensée. Vous n’arriverez à rien en danse sans la pensée. » (p. 19).
Marjorie, danseuse étoile surdouée, a eu un accident et ne peut plus danser. Elle passe son temps entre Paris et une maison à Montaren-et-Saint-Médiers dans le Gard. Elle est mariée à Paul, un photographe voyageur, et leur fille, Elena, est née en septembre 2005. Que peut faire Marjorie ? Écouter sa meilleure amie, Coralie, sympa mais fantasque et dépressive… S’occuper de sa voisine dans le Gard, Justine, une vieille dame de 75 ans qui a vécu l’horreur enfant… Marjorie qui ne s’écoute pas elle-même, qui renie son passé, qui refuse même d’en parler. Paul qui fait de même avec ses origines ardéchoises et huguenotes et qui ne se livre jamais à ses amis, Lucien et Jérôme. « On ne change pas impunément d’identité sans que le passé vous rappelle à lui, affirma Paul. Et, en la prononçant, il sentit cette phrase résonner fortement en lui. » (p. 88).
1975. Cambodge. Marjorie est en fait Tin ; elle a changé son prénom en France. « Les souvenirs ne sont pas prophètes. Ils disent l’époque révolue, celle qui s’est pour toujours éteinte, et qu’une mélodie ou la sérénité d’un feu de cheminée ravivent un bref instant. La lueur verte du papier d’Arménie que j’ai fait brûler sur ma table de chevet a ranimé un souvenir heureux qui m’a salué du haut de son éternité. Une éternité idéale, inavouable, solidaire de mes rêves… » (p. 57). Un flashback émouvant, intense, déchirant même qui rend Tin/Marjorie tellement plus attachante encore ! Et Coralie de confirmer : « […] c’est incompatible […] Quoi Être heureux et vivre sans passé. » (p. 73).
De ce pas est un roman qui parle du couple mais aussi du souvenir, du passé, de la mémoire. « Paul et Marjorie n’arrivent plus à se parler. Les mots restent bloqués dans leur gorge. Marjorie est aussi impuissante que Paul est désarmé. Ils sont deux êtres seuls, isolés, retranchés dans leur tour. » (p. 122). Et de tant d’autres « petites » choses, la musique, la danse, la peinture, l’histoire, l’Ardèche, le protestantisme, l’Afrique du Sud et les requins (passage passionnant !). Comment ne plus fuir son passé, comment le repasser, le dépasser et le construire pour vivre avec et pas contre lui ? Voici le thème de ce roman qui est pour moi une très belle révélation, qui m’a profondément remuée (mon amour de l’Asie – plus que de la danse – y est pour quelque chose, c’est sûr), qui m’a rendue à la fois joyeuse et triste, enjouée et nostalgique, qui m’a laissée vide et sans voix une fois terminé, à tel point que – comme je le disais au début de ce billet – j’ai du mal à rédiger ma note de lecture plus d’une semaine après la lecture… Une petite merveille envoûtante tout en délicatesse et subtilité !
Sur la danse (il y a d’autres passages sur la danse mais celui-ci me fait appréhender véritablement ce qu’est la danse pour une néophyte comme moi !) : « Physique et abstraite, terrienne et aérienne, fruit d’un double mouvement, Éros et Phobos, le désir et la peur, l’appétit et la retenue, le geste qui va vers et le geste qui recule, fuit. La danse comme espace et temps. En elle, le mouvement naît, meurt, puis renaît, chute et va de l’avant, tombe et se relève. La danse comme tour et retour. Un déclin prélude au rebond. Une potentialité de vie. La danse enfin comme livre d’images pour la pensée, une métaphore du mouvement même de la pensée. Une pirouette des idées. Un rond de jambe de l’esprit. Une révoltade des émotions. » (p. 81).
Je remercie Véronique (Plume nacrée) qui m’a envoyé De ce pas et les trois géniales organisatrices des 68 premières fois 2016. Je mets ce coup de cœur dans les challenges Défi premier roman 2016 et Rentrée littéraire janvier 2016.
Je le met de ce pas dans ma WL =)
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De ce pas 😉 bien vu 🙂 J’espère que tu le liras et qu’il te plaira autant qu’à moi 🙂
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Merci pour cette nouvelle participation au Défi Premier roman! Concernant les romans liés à la danse, je te suggère « Coco Diaz ou la Porte Dorée » de Brina Svit, qui gravite autour du tango.
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Merci pour l’info, Daniel, mais en fait… je ne suis pas fan de danse 😛 Mais je note ce roman slovène car il peut tout de même m’intéresser 😉
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Une maison d’édition que j’aime bien ; on y fait souvent de belles découvertes.
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C’est vrai, j’avais découvert Michèle Lesbre 🙂
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Je note ce livre, ton commentaire me donne envie.
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Oh oui, Lo, très beau roman, il va te plaire, c’est sûr 🙂
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