Jours de combat de Paco Ignacio Taibo II

Jours de combat de Paco Ignacio Taibo II.

Rivages, collection Noir, mai 2000, 288 pages, 8,65 €, ISBN 978-2-7436-0626-8. Días de combate (1976) est traduit de l’espagnol (Mexique) par Marianne Millon.

Genres : littérature mexicaine, roman policier.

Paco Ignacio Taibo II naît le 11 janvier 1949 Gijón en Espagne mais sa famille (fuyant la dictature franquiste) émigre au Mexique (lorsqu’il a 9 ans). Il a les deux nationalités (espagnole et mexicaine) et il est considéré comme un écrivain mexicain. Il est journaliste, professeur universitaire d’histoire, écrivain et militant politique (socialiste). Il écrit un premier livre en 1967 mais Jours de combat (Días de combate) qui paraît en 1976 est son premier roman noir et le premier tome de la série du détective privé Héctor Belascoarán Shayne (10 tomes entre 1976 et 2005, regroupés dans Todo Belascoarán (2010). Une autre série policière avec José Daniel Fierro contient 2 tomes (1987 et 1993), plusieurs autres romans (historiques ou autres), nouvelles, biographies, bandes dessinées… Pourquoi Paco Ignacio Taibo II ? Parce que son père, Paco Ignacio Taibo I, est également écrivain mais aussi dramaturge, journaliste, gastronome et il a travaillé pour la télévision mexicaine jusqu’en 1968 (il est mort en 2008 à Mexico).

Une fois n’est pas coutume, je mets le résumé de l’éditeur. « Un beau jour, Héctor Belascoarán Shayne quitte son épouse et son emploi, loue un bureau qu’il partage avec un plombier et s’établit détective privé. Il se sent investi d’une mission : retrouver le ‘Cervo’, l’étrangleur qui assassine des femmes de conditions et d’âges variés dans les rues de Mexico. Héctor, qui se situe, selon ses propres termes, ‘dans la lignée des détectives inductifs, presque métaphysiques, à caractère impressionniste’, poursuit sa quête par des chemins détournés : il participe à un jeu télévisé sur les ‘grands étrangleurs de l’histoire du crime’, embauche une assistante diplômée en philosophie et… rencontre la fille à la queue de cheval. »

J’ai découvert quelques infos sur Héctor. Il a 31 ans. Il était ingénieur à la General Electric. Il est borgne. Son colocataire de bureau, le plombier, est Gilberto Gómez Letras. Il est Mexicain (Héctor) d’origine basque (Belascoarán, son père était un capitaine de marine basque) et irlandaise (Shayne, sa mère était une chanteuse de folk irlandaise). Il ressemble aux personnages de « Hammett pour le côté politique et de Chandler pour le côté moral, mais il fait aussi référence à Simenon pour les aspects du quotidien. » (Jean Tulard, Dictionnaire du roman policier, 1841-2005 p. 682). Il lit Les Aventuriers de Malraux (p. 15 de Jours de combat). Il a un jeune frère, Carlos Brian et une sœur Elisa.

Mais parlons un peu de ma lecture et de mon ressenti. « Il passa son arme dans sa ceinture en évitant que le viseur le gêne aux testicules puis sortit lentement dans le froid. » (p. 13). Ah ah, c’est bien un truc de mecs, ça, mais j’adore ! Je suis sûre que je vais aimer ce roman et Héctor ! Mais, j’ai une petite question : il fait froid à Mexico ? Eh bien oui, entre mi-novembre et début février, c’est apparemment la saison fraîche avec des températures entre 6 et 22°, et comme Héctor entend des chants de Noël, j’en déduis que l’histoire débute en décembre.

Un premier meurtre, une adolescente de 16 ans avec ce message « Le Cervo assassine. » (p. 21) puis cinq autres meurtres, en peu de temps… et, à chaque fois, un message différent. « Qu’est-ce qui avait poussé l’assassin ? Pourquoi s’était-il déchaîné ? » (p. 22). Héctor lit tous les journaux, découpe des articles, arpente la ville en particulier la nuit, se dispute avec ses amis qui ne comprennent pas sa démission et sa séparation, est convoqué dans un studio de télévision « pour participer au Grand Prix des soixante-quatre mille pesos » (p. 39). Héctor s’est mis en tête d’arrêter le Cervo, le tueur étrangleur, mais « Des morts sans lien, survenues à des heures différentes, dans divers secteurs de la ville, même mode opératoire, notes similaires. » (p. 43).

Alors que son enquête n’avance pas et qu’il dîne avec Carlos et Elisa, son appartement est la cible de mitraillettes et la police débarque. « Monsieur Belascoarán, vous qui êtes quelqu’un d’intelligent, je ne comprends pas que vous vous soyez mis dans ce pétrin. Il faut laisser ces choses-là aux professionnels. Moi… je ne serais pas aller à votre usine pour vous apprendre votre métier d’ingénieur… […] Et puis, si j’étais ingénieur, je ne perdrais pas mon temps à faire ce métier… Ce métier ingrat. […] Vous nous mettez dans une situation gênante, ennuyeuse, vous savez ?… » (p. 122). « Qui était-ce ? Et ne venez pas me raconter qu’il s’agit de l’étrangleur. Les étrangleurs ne tirent pas à la mitraillette. Qui était-ce ? Héctor aussi les épaules. – Je vous ai posé une question. – Je ne sais pas. Moi non plus, je ne crois pas à cette histoire d’étrangleur. […] – J’ai bien envie de vous retirer votre licence, votre arme, et de vous mettre en prison pendant plusieurs mois, le temps de tirer tout ça au clair. – Vous ne pouvez pas, répondit Héctor en souriant. Je dois me présenter samedi à la finale du Grand Prix des soixante-quatre mille pesos. – D’accord, d’accord, dit le policier en souriant à son tour. » (p. 123). « Vous voulez que je vous dise, monsieur Belascoarán ? Moi aussi, j’aime bien les romans policiers. Bonne chance pour samedi. […] – Quelqu’un vous en veut, mon ami… […] – Mais ce n’est pas ce salaud d’étrangleur. Lui, il ne tue que des femmes, dit la tête du commandant de la police qui resurgit dans l’embrasure de la porte entrouverte pour disparaître immédiatement. » (p. 124), sûrement mon passage préféré parce qu’il y a un petit côté surréaliste. Avec « Il n’avait jamais été aussi seul, jamais aussi diaboliquement seul qu’en ce moment. Jamais aussi désespérément seul que maintenant. Dans la pièce sans lumière, où le froid circule allégrement, s’engouffrant par la fenêtre aux vitres cassées ; dans la nuit tendue de silences et de bruits lointains, les paumes moites, Héctor Belascoarán Shayne contemple son image désolée dans le miroir brisé doucement illuminé par le néon lointain de la rue. Pourtant, c’est de sa solitude que lui vient sa force, et il en a toujours été ainsi. » (p. 124-125).

Et quelqu’un veut vraiment la peau d’Héctor puisque le restaurant chinois dans lequel il déjeune avec Elisa explose ! « Maintenant il avait un ennemi en face de lui, pas une ombre. Un ennemi qui avait quelque chose contre lui. Un ennemi intime, personnel, que l’on pouvait haïr. Maintenant on voulait sa peau. Maintenant il pouvait se défendre. Il ne s’agissait plus de jouer avec le danger, avec les ombres chinoises, avec la sensation de la mort. » (p. 148-149).

Mais, lorsque l’étrangleur envoie son journal à Héctor, il livre des informations précieuses au détective ! Il vit dans une belle maison, son chat s’appelle Emmanuel, il a un majordome, il met 21 minutes pour aller au travail en voiture (une Dodge), travail dans lequel il a des responsabilités, il joue au squash dans un club, il se veut cultivé et raffiné… Héctor pourra-t-il utiliser ces informations ? Alors qu’un imitateur sévit lors du septième meurtre. « Vais-je partager l’enfer avec ce triste imitateur ? Est-ce une astuce policière ? » (p. 197).

L’auteur attache de l’importance aux bruits, aux odeurs, au froid, aux sensations, comme pour ancrer son histoire dans le quotidien. Le lecteur découvre une ville de México froide (c’est l’hiver), dangereuse, en 1976 mais est-ce que ça a changé depuis ? Et apprend vraiment beaucoup de choses sur le Mexique. Pourquoi n’ai-je pas lu cet auteur plus tôt ? Pourtant je le connaissais de nom, je l’avais déjà vu sur des blogs dédiés aux romans policiers et aux polars. Son style est génial et son Héctor Belascoarán Shayne aussi. J’ai un peu pensé au détective privé Heredia (qui vit avec son chat Simenon) du Chilien Ramón Díaz-Eterovic. En tout cas, je suis prête à lire les tomes suivants, et ce dans l’ordre chronologique.

Dernier billet pour le Mois Amérique latine 2022 et le Mois du polar 2022 qui va aussi dans Bingo littéraire d’Hylyirio (n° 21, un roman découvert grâce à un blogueur, 2e billet), Book Trip mexicain, Challenge lecture 2022 (catégorie 22, un livre dont les personnages principaux sont d’une même fratrie, avec Héctor, Carlos et Elisa, 2e billet) et Polar et thriller 2021-2022.

11 réflexions sur “Jours de combat de Paco Ignacio Taibo II

  1. Oh oui c’est un de mes auteurs favoris… lala j’attaque ses bios… cela reste du lourd… tout le monde lui réclame le retour de héctor… peut-être un jour… 😉

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    • En tout cas, j’ai vu passer cet auteur plusieurs fois mais c’est grâce à toi que je me suis lancée dans sa lecture, merci beaucoup 🙂 Ce premier tome m’a énormément plu et je veux lire la suite dans l’ordre chronologique 😉

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  2. A_girl_from_earth dit :

    Excellent, on a prévu de le lire en LC en avril sur le groupe et je suis ravie de voir qu’il t’a enthousiasmée ! J’adore PIT II depuis que j’ai lu La vie même il y a presque 10 ans. J’ai commencé hier sa « suite » (enfin, c’est une courte série, 2 tomes), La bicyclette de Léonard.

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