La Colère et l’Envie d’Alice Renard

La Colère et l’Envie d’Alice Renard.

Héloïse d’Ormesson, août 2023, 160 pages, 18 €, ISBN 978-2-35087-896-6.

Genres : littérature française, premier roman.

Alice Renard naît à Paris en 2002. Sa mère est styliste et son père professeur de maths. Elle « est étudiante en littérature médiévale à la Sorbonne. Révélée précoce à l’âge de six ans, la question de la neurodiversité et de l’hypersensibilité l’a toujours passionnée. La Colère et l’Envie est son premier roman. » (l’éditeur) + la Minute Lecture sur le site de l’éditeur. La Colère et l’Envie est sélectionné pour le Prix littéraire Le Monde et le Prix Fémina et reçoit le Prix Méduse 2023 et le Prix littéraire de la vocation 2023.

« mère / Mon poussin, ma toute petite, moi qui t’ai formée au rythme des secrets de mon ventre, je t’ai vue finalement grandir. En dépit de tout. De toutes ces choses incompréhensibles et qui t’étaient contraires.

père / Je n’étais pas fait pour être le père d’une telle enfant. Aujourd’hui, bientôt, d’ici peu, ce ne sera plus tout à fait une enfant. Elle a grandi. Mais moi je ne serai toujours pas fait pour être son père. » (p. 9).

Voici le début du roman : le récit de la mère (Maude) et le récit du père (Camillio). Remarquez le style et la syntaxe différents, et surtout la mère qui dit « tu » à sa fille et le père qui dit « elle » (ne pouvant s’y attacher comme un père le ferait, le devrait ?). Leurs visions et leurs ressentis sont donc totalement différents. La mère est proche de sa fille et, même si elle ne la comprend pas, elle essaie de l’aimer comme elle est et de passer du temps avec elle, elle voit parfois des sourires, de la joie, des pas de danse. Le père est distant, il ne comprend pas sa fille et préfère s’en éloigner, il voit des larmes incompréhensibles, inexplicables, il parle même « d’une forme de débilité » (p. 10).

Isor, 13 ans (au début du roman), est différente depuis sa naissance, elle est mutique mais, lorsqu’elle rencontre le voisin septuagénaire, Lucien, c’est comme si ces deux âmes esseulées se retrouvaient.

La première partie du roman alterne donc entre la mère et le père.

La deuxième partie, racontée par Lucien, est je dirais classique. « Mon Isor, tu ne peux pas savoir comme j’avais peur. Cela faisait une petite éternité que plus personne n’était entré dans ma vie – que je faisais en sorte que plus personne n’y entre. Toi, tu as tout de suite voulu que l’on se rencontre. Ma vieillesse, ma réclusion, ma tristesse, j’ai d’abord cru que tu ne les respectais pas, qu’elles n’étaient rien pour toi, que tu t’en fichais, et que tu agissais avec moi comme avec n’importe qui. Je me trompais. Tu as accepté tout de suite, sans m’en vouloir, sans les questionner, mon chagrin, mes vieux os, ma lenteur et tout le reste. » (p. 61).

La troisième partie est racontée par Isor qui signe I. Puis-je en dire plus ? Je ne pense pas…

La Colère et l’Envie est un roman court mais d’une grande intensité, d’une grande puissance, il est bouleversant et d’utilité publique. Il n’a aucun des défauts des premiers romans et l’autrice n’a que 21 ans ce qui montre une grande maturité humaine et littéraire. C’est pour plusieurs personnes que je connais et pour moi, le premier auteur du XXIe siècle que nous lisons ! Je l’ai lu d’une traite et je me suis pris une claque et un coup de cœur (moi, qui n’apprécie pas vraiment le roman choral) et je sais que je ne suis pas la seule.

C’est pour cette raison que j’ai voulu regarder le film documentaire, Dernières nouvelles du cosmos, réalisé en 2016 par Julie Bertuccelli dont un collègue a parlé. La réalisatrice filme Hélène (née en 1985) et sa maman, Véronique, au quotidien. Et quelle claque aussi ! Un univers totalement différent, un monde énorme, surprenant, cosmique ! Hélène est autiste, elle aime la musique, la nature (avec lesquelles elle est comme en connexion) et elle est poétesse sous le pseudonyme de Babouillec Sp (pour Sans paroles) même si elle arrive à prononcer quelques mots mais le travail est constant. Trois belles personnes, Julie, Véronique et Hélène, et les membres de la troupe (en particulier Pierre Meunier et Marguerite Bordat) qui ont monté le spectacle Forbidden di sporgersi avec les textes de Babouillec, spectacle présenté à Paris et à Avignon, entre autres (infos sur La Belle Meunière). Ci-dessous la bande annonce du film. Et le mot de la fin à Hélène / Babouillec avec cet « extrait de Raison et acte dans la douleur du silence, premier texte de Babouillec » (p. 9 du livret avec le DVD) : « Être ou ne pas être, là est la question. Dire merde à ceux qui croient savoir, là est la réponse. »

Pour Bingo littéraire d’Hylyirio (case n° 23, un livre sur le thème de la santé mentale, je précise que l’autisme n’est pas une maladie mais un trouble neuro-développemental), Challenge lecture 2023 (catégorie 45, un livre dont l’un des personnages est porteur de handicap) et Un genre par mois (en novembre, amour et amitié).

14 réflexions sur “La Colère et l’Envie d’Alice Renard

  1. Je ne sais pas si je me lancerai mais je trouve très forte la manière dont l’autrice laisse la parole à chacun. Le père a l’air tellement inhumain et peu aimant que ça m’a blessée rien qu’en lisant les mots que tu as partagés.

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