Miss Sarajevo d’Ingrid Thobois.
Buchet-Chastel, collection Qui vive, août 2018, 224 pages, 16 €, ISBN 978-2-283-03095-0.
Genre : roman français.
Ingrid Thobois naît en 1980 à Rouen. Elle voyage beaucoup. Après avoir enseigné le français en Afghanistan, elle publie son premier roman, Le roi d’Afghanistan ne nous a pas mariés (Phébus, 2007, Prix du premier roman). Suivent des livres de photographies, des livres jeunesse et d’autres romans comme L’ange anatomique (Phébus, 2008), Sollicciano (Zulma, 2011) et Le plancher de Jeannot (Buchet-Chastel, 2015) avant Miss Sarajevo. Plus d’infos sur son site officiel, http://www.ingridthobois.com/.
Printemps 1993. Rouen. Famille Sirvins. Le père, Charles, professeur de radiologie. La mère, « mère au foyer d’ascendance aristocratique et militaire » (p. 52). Le fils, Joaquim, 19 ans. La fille, Viviane, 16 ans, morte, défenestrée, du neuvième étage… « Mais, Viviane, ce matin-là, était seule avec Joaquim dans l’appartement ! » (le père, p. 21). « Viviane, ce matin-là était seule avec Joaquim dans l’appartement… » (le médecin, p. 21). Un soupçon jamais répété mais… « À partir de ce jour, Joaquim erra seul dans le silence cathédrale de son crâne transpercé par ses premiers acouphènes. » (p. 23).
Après un prologue avec Nicéphore Niépce et sa première photographie réussie (non cramée au développement), le Point de vue du Gras (1827) et la découverte du drame de 1993, le lecteur suit Joaquim qui abandonne ses études de photographie aux Gobelins à Paris et qui part comme photographe de guerre. À deux époques : six mois après la mort de sa sœur avec son premier voyage, à Sarajevo et vingt-cinq ans après où il doit retourner à Rouen. « De la guerre, Joaquim attend un électrochoc, un saccage en bonne et due forme. » (p. 84) car « Quand on n’a jamais connu que la paix, la guerre est affaire de fiction, de lointain, objet de fantasme ou de réflexion. » (p. 117).
J’ai vraiment beaucoup aimé Miss Sarajevo, carrément un coup de cœur, car ce roman est d’une grande richesse : l’auteur traite de la famille, du manque d’amour, des non-dits, de la dureté (apparente ?) du père, de la maladie (anorexie chez la fille, Alzheimer chez la mère), du suicide, du deuil, de la solitude, de la mémoire (Joaquim note absolument tout dans des carnets), du souvenir, de la photographie, de la guerre avec ses horreurs, et avant tout de la vie qui continue car « Sous les bombes se prépare un concours de beauté. » (p. 142) ! Avec treize concurrentes et « Toutes ignorent la portée symbolique de leur acte, et le retentissement planétaire qu’il aura. » (p. 177).
Et puis, je me suis attachée à Joaquim ; en fait je me rends compte que si j’apprécie tout particulièrement les romans avec le thème du temps, j’aime aussi beaucoup les romans sur le thème de la photographie. Et je me dis qu’en fait, les deux thèmes sont liés : prendre une photographie, c’est un instantané de vie à un moment précis, c’est comme arrêter le temps, c’est pouvoir le « revivre » plus tard en regardant la photographie. Ou alors « On ne conserve jamais que des traces de nos expériences fondatrices, des clichés flous, des images en apesanteur, si fragile qu’à s’en saisir on risquerait de les pulvériser. » (p. 33). Car « Photographier, ce n’est pas raconter la vérité. C’est délimiter par un champ l’opération d’exister, et la fixer. C’est inventer un monde de gestes dépourvus de leurs conséquences : un éclair sans la foudre, une chute sans impact – la grâce d’un basculement fondu au noir. Ce choix de l’éternité au détriment du vivant […]. » (p. 47).
Dans toute cette violence, il y a une sorte de douceur. Est-ce dû à une douceur naturelle chez Joaquim ? Est-ce dû à la tendresse de la famille qu’il rencontre à Sarajevo ? Vesna, la mère, Zladko son fils et Inela sa fille qui participe au concours de Miss Sajarevo. Ingrid Thobois réussit un coup de maître avec ce beau roman intime, tout en pudeur, qui m’a émue. Je ne connaissais pas Ingrid Thobois, à tel point que j’ai pensé que Miss Sarajevo était son premier roman !, et je suis ravie d’avoir découvert cette autrice grâce aux Matchs de la rentrée littéraire 2018 (dont je vous parlais ici) et grâce à Antigone qui le proposait.
Parmi mes phrases préférées : « […] on n’oublie jamais rien ; on escamote ou on fuit ; » (p. 26) ; « […] les voyages, comme les enfants, assomment ceux qui ne les ont pas faits. » (p. 40-41). « Le soir est d’une beauté incompréhensible. » (p, 134, Sarajevo détruite).
Un petit défaut : « […] une question sémantique : on parle de veufs et d’orphelins mais il n’existe aucun terme pour désigner, dans pareille situation, les parents et ce qu’il reste des fratries amputées. » (p. 24-25). J’ai déjà lu ça il y a trois ans dans Camille, mon envolée de Sophie Daull.
Une excellente lecture pour les challenges 1 % rentrée littéraire 2018 et Petit Bac 2018 (Catégorie Lieu).
Coup de cœur partagé !
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Ravie 🙂
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Et pour le bémol sur le fait de ne pas avoir de mots pour les parents ayant perdu leurs enfants, j’ai l’impression que cette phrase se retrouve dans pas mal de livres.
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Oui, ben, ça ne sert à rien de le mettre dans chaque roman 😛
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Tu as raison 😀
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😛
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J’aime tellement la langue d’Ingrid Thobois ! Une grande ! ❤
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Je ne la connaissais pas avant, c’est dingue, j’ai très envie d’en lire d’autres, tu as un titre à me proposer ?
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Un roman riche, tu as raison, mais que j’avais trouvé peu abouti.
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Par rapport à Joaquim, il n’est pas encore photographe professionnel, il ne sait pas comment fonctionne un photographe de guerre, il est parti avec une fausse carte de presse, il n’a peut-être pas les moyens de faire développer ses photos, ainsi il « prend » des photos pour s’entraîner, pour voir si cette situation lui plaît, apparemment oui puisqu’il va devenir vraiment photographe de guerre.
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Rhooo mais comme je suis contente ! 💙
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Je suis très contente d’avoir choisi ce roman, merci à toi et à Rakuten 🙂
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J’ai lu aussi cette réflexion dans un roman que je viens de terminer.
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Dans L’amour qui me reste de Michela Marzano ?
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Oui. Je pense l’avoir lu aussi dans d’autres romans, parus voici quelques années, mais les titres ne me reviennent pas à l’esprit.
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C’est un peu con que les auteurs le répètent à chaque fois…
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Oui, cela ressemble à un lieu commun après et cela n’a plus aucun intérêt. Il faudrait plutôt, pour faire avancer la réflexion, se demander ce que cela traduit que personne n’ait songé à créer un mot pour désigner cela.
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Peut-être qu’il n’y a pas de mot car c’est quelque chose… d’impensable ? Personne ne veut y penser… Le survivant est en deuil et il n’y a pas de mot…
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Non mais quelle tentatrice !
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Eh oui, c’est que ce roman vaut vraiment le coup 🙂
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Un gros coup de cœur apparemment 🙂
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Tu veux que je te l’envoies ?
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Tu me le prêtes et je te l’envoie par la suite?
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Non, tu le gardes ou tu en fais un livre voyageur 😉
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Je veux bien. Merci beaucoup 🙂
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Super, je ferai ça lundi, bon weekend 🙂
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Merci beaucoup.
Je t’ai envoyé la nouvelle de Sherlock mardi.
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Merci à toi, Noctenbule, je viens de recevoir le joli paquet en sortant du travail, ça m’a fait super plaisir, encore merci et bon weekend 🙂
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Il est enfin bien arrivé. Contente qu’il soit bien là et que cela te fasse plaisir. 🙂
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Oui, ça m’a fait une surprise, encore merci et bon weekend 🙂 Je t’envoie Miss Sarajevo lundi 😉
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Tu en parles si bien. Moi aussi j’ai beaucoup aimé ce roman. Merci pour ce lien vers la chanson dont j’ai complètement oublié l’existence.
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Elle en parle dans le roman 😉 Je te le conseille vraiment ce roman 🙂
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