Petit pays de Gaël Faye

petitpaysfayePetit pays de Gaël Faye.

Grasset, août 2016, 217 pages, 18 €, ISBN 978-2-246-85733-4.

Genre : premier roman, littérature rwandaise (française).

Gaël Faye naît en 1982 au Burundi de mère rwandaise et de père français. Il arrive en France, dans les Yvelines, avec sa jeune sœur et étudie la finance dans une école de commerce tout en découvrant le rap et le hip hop. Il travaille deux ans à Londres puis revient en France pour se consacrer à la musique (j’ai écouté son album, ce n’est pas ma tasse de thé mais les textes sont beaux) et à l’écriture de Petit pays, son premier roman qui à mon avis touchera plus de monde que sa musique. Plus d’infos sur son site officiel, http://www.gaelfaye.com/.

68premièresfois2016« … pourquoi se font-ils la guerre ? – Parce qu’ils n’ont pas le même nez. » (p. 10).

Le père, Michel, un jeune Français du Jura arrivé en Afrique en 1972. La mère, Yvonne, une belle Tutsi née au Rwanda qu’elle a dû fuir en 1963 (elle avait 4 ans) pour le Burundi où elle s’est toujours sentie étrangère. La sœur cadette, Ana, 7 ans. Et le narrateur, Gabriel (mais il préfère Gaby), 10 ans au début du récit. La famille vit dans une belle maison à Bujumbura, la capitale du Burundi et rend parfois visite à Jacques au Zaïre (celui de Mobutu). « Écoute, ma chérie, a dit papa d’un ton qui se voulait apaisant. Regarde autour de toi. Ces montagnes, ces lacs, cette nature. On vit dans de belles maisons, on a des domestiques, de l’espace pour les enfants, un bon climat, les affaires ne marchent pas trop mal pour nous. Qu’est-ce que tu veux d’autre ? Tu n’auras jamais tout ce luxe en Europe. Crois-moi ! C’est très loin d’être le paradis que tu imagines. Pourquoi penses-tu que je construis ma vie ici depuis vingt ans ? Pourquoi penses-tu que Jacques préfère rester dans cette région plutôt que rentrer en Belgique ? Ici, nous sommes des privilégiés. Là-bas, nous ne serons personne. Pourquoi tu refuses de l’entendre ? » (p. 27). Finalement, les parents se séparent en 1992 mais de plus sombres événements se préparent. « […] les voisins étaient surtout des Rwandais qui avaient quitté leur pays pour échapper aux tueries, massacres, guerres, pogroms, épurations, destructions, incendies, mouches tsé-tsé, pillages, apartheid, viols, meurtres, règlements de compte et que sais-je encore. Comme Maman et sa famille, ils avaient fui ces problèmes et en avaient rencontré de nouveaux au Burundi – pauvreté, exclusion, quotas, xénophobie, rejet, boucs émissaires, dépression, mal du pays, nostalgie. Des problèmes de réfugiés. » (p. 62-63).

AfriqueLogo-DarknessTurnsmeonEn juin 1993, le Burundi connaît les premières élections démocratiques mais en octobre de la même année, le coup d’État militaire enclenche des massacres ethniques. La grand-mère, à Kigali : « Nous avons peu de chances de nous en sortir, cette fois-ci. Ils nous haïssent trop. Ils veulent en finir une bonne fois pour toute. Cela fait trente ans qu’ils parlent de nous supprimer. C’est l’heure pour eux de mettre leur projet à exécution. Il n’y a plus de pitié dans leurs cœurs. Nous sommes déjà sous terre. Nous serons les derniers Tutsi. Après nous, je vous en supplie, inventez un nouveau pays. » (p. 161).

rentreelitteraire2016Ce n’est pas facile pour un enfant de 12 ans de comprendre les enjeux politiques et économiques d’un pays, surtout lorsque ses parents l’ont toujours laissé dans l’ignorance pour qu’il ait une enfance heureuse et innocente. Mais l’horreur va s’abattre sur le peuple Tutsi qui vit au Rwanda, au Zaïre et au Burundi. Pour Gaby, l’enfance dans l’impasse où il vit et où il vole des mangues avec ses copains est terminée… Bien sûr j’ai su le massacre des Tutsis par les Hutus, mais c’était en 1993, j’étais amoureuse, j’étais en vacances, je n’y avais pas porté attention plus que ça… Et puis, ce roman, Petit pays, j’ai commencé à le lire un peu à reculons tellement j’en avais entendu parler (je me méfie des livres que tout le monde adore !) mais il m’a happée, il m’a emmenée dans ce cadre paradisiaque, la nature, les paysages, malheureusement il y a les humains, les humains avec leur folie, leur haine, leur violence… Et il m’a finalement arrachée des larmes car Petit pays est un premier roman impressionnant de maturité – plus ou moins autobiographique – qui mérite vraiment tout le bien que les lecteurs en ont dit et les prix qu’il a reçus ! (Prix du roman Fnac, en lice pour le Prix Goncourt mais finalement Goncourt des lycéens, Prix du premier roman et Prix du roman des étudiants France Culture Télérama). J’ai particulièrement apprécié la relation avec une voisine, madame Economopoulos, une vieille dame, exilée grecque, qui l’initie à la lecture en lui prêtant des livres. Dites, vous ne trouvez pas qu’il y a une petite ressemblance entre Gaël Faye et Stromae (lui, c’est mère rwandaise et père belge) ? La phrase que je veux retenir : « Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s’y sont pas noyés sont mazoutés à vie. » (p. 185).

DefiPremierRoman2016Je remercie Laetitia de m’avoir envoyé ce très beau roman dans le cadre des 68 premières fois 2016 et je le mets dans les challenges 1 % rentrée littéraire 2016, À la découverte de l’Afrique et Défi Premier roman 2016.

Dans la deuxième vidéo, j’aime beaucoup ce que disent Francois Busnel puis Alain Mabanckou.

8 réflexions sur “Petit pays de Gaël Faye

      • Je vais noter ce Monsieur Origami en espérant qu’il sorte en Poche parce qu’après Noël hein les finances sont maigres ! 😀 Moi non plus, je ne fais rien demain (par choix d’abord, je déteste le 31) et pas de dépenses hors budget non plus cette fois ! 😀 😉 Que 2017 te comble ! 🙂

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        • Oh, il va certainement sortir en poche 🙂 Ou alors tu l’empruntes à la bibliothèque ou tu te le fais offir 😉 Des amis m’ont invitée et j’ai accepté l’invitation mais je travaille et je crains d’être un peu fatiguée… Bon weekend Asphodèle, reposes-toi et prends bien le temps pour toi et ta famille 🙂

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